II. LES RÉCENTES ÉVOLUTIONS LÉGISLATIVES, QUI VISENT À RÉPONDRE À L'URGENCE, DOIVENT S'ACCOMPAGNER DE MESURES STRUCTURELLES POUR ENDIGUER LES CONSOMMATIONS DE SUBSTANCES ADDICTIVES

A. EN 2021, LE LÉGISLATEUR A CHERCHÉ À RÉPONDRE À DES PROBLÉMATIQUES BRÛLANTES EN MATIÈRE D'ADDICTIONS

La loi n° 2021-695 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote a été promulguée le 1 er juin 2021. D'initiative sénatoriale, ce texte vise à répondre au mésusage du protoxyde d'azote , véritable enjeu de santé publique depuis quelques années. Le mésusage de ce gaz peut provoquer des brûlures, des états de panique et des affections neurologiques graves, voire irréversibles. Or certaines études font du protoxyde d'azote la deuxième substance la plus consommée chez les jeunes après le cannabis. La nouvelle loi pénalise l'incitation d'un mineur à faire un usage détourné d'un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs ; elle interdit la vente et la cession aux mineurs du protoxyde d'azote et impose une mention indiquant la dangerosité de ce gaz lors de sa commercialisation.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 poursuit quant à lui l'expérimentation des salles de consommation à moindre risque (SCMR ) prévue par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. Cette décision intervient après la publication de l'expertise de l'Inserm en mai 2021. Le rapport de l'Inserm fait un bilan positif de l'expérimentation des salles de consommation à moindre risque, quatre ans et demi après l'ouverture de la première salle en octobre 2016 à Paris. Un consensus se dégage quant à l'efficacité des salles de consommation du point de vue de la santé publique ; les salles de consommation supervisée permettent de réduire les pratiques à risques de transmission du VIH et du VHC, ainsi que les abcès et les overdoses . Autre amélioration sanitaire, les demandes de sevrage augmentent de 20 % chez les utilisateurs des salles. L'expertise montre aussi que le point de vue des riverains est très souvent caricaturé dans les médias, réduit à une contestation virulente qui ne correspond pas à la réalité. Le nombre d'injections dans l'espace public et les traces d'injection qui en découlent diminuent grâce à l'ouverture de telles structures, notamment grâce à la mise en place de maraudes. À Paris, le nombre moyen de seringues trouvées après l'ouverture de la salle de consommation est par exemple égal à 32 % du nombre moyen de seringues trouvées pour la période précédant cette ouverture. En outre, l'Inserm ne relève pas d'augmentation des actes de délinquance ni de baisse des prix des biens immobiliers à proximité des deux SCMR françaises.

L'article 43 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 prévoit l'extension de l'expérimentation pour trois ans, soit jusqu'en octobre 2025, sous une nouvelle dénomination : « Halte soins addictions » (HSA). On peut s'étonner que ce dispositif qui a fait ses preuves ne soit pas pérennisé. L'élargissement de l'expérimentation porte aussi sur les modalités d'organisation des salles de consommation, puisque le projet de loi prévoit que « l'expérimentation porte sur des espaces situés dans les locaux du centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) ou dans des locaux distincts ». Il importe néanmoins de maintenir des structures hors des Caarud : à Strasbourg, par exemple, la moitié des usagers de la SCMR n'avaient jamais consulté ni dans un Caarud ni dans un centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa). Le projet de loi prévoit aussi que les « haltes soins addictions » puissent « prendre la forme de structures mobiles ».

Qu'elles soient dénommées salles de consommation à moindre risque ou « Haltes soins addictions », les structures permettant l'usage supervisé de substances illicites ont prouvé leur efficacité dans la politique de réduction des risques et des dommages. Elles ne sont néanmoins qu'un outil parmi d'autres.

Le ministre des solidarités et de la santé prévoit la création de deux HSA par an pendant la poursuite de l'expérimentation. Ce nombre semble d'ores et déjà insuffisant eu égard aux besoins de la population française. Pour mémoire, la Suisse et l'Espagne disposent chacune d'une quinzaine de salles, quand les Pays-Bas et l'Allemagne en ont ouvert une trentaine. Pour 12 millions d'habitants, l'agglomération de Paris ne dispose que d'une salle, ce qui explique bien des crispations.

Emplacement et nombre de salles de consommation de drogues en Europe

Source : OEDT, salles de consommation de drogues, un aperçu de l'offre et des réalités, 2018

L'accueil dans des structures de consommation supervisée ne saurait constituer l'unique réponse des pouvoirs publics face à la consommation de drogues par des publics particulièrement précarisés. Elle n'est qu'un instrument de la politique de réduction des risques et des dommages. Sans un hébergement et un accompagnement social, les HSA ne parviendront pas à aider durablement les usagers, particulièrement les usagers de crack. La plupart d'entre eux émettent d'ailleurs le souhait de se mettre à distance des produits par l'accès à un hébergement éloigné des scènes de consommation. Des maraudes psychiatriques devraient en outre urgemment être mises en oeuvre, car les difficultés psychiatriques de certains consommateurs entravent leur accès aux soins et au sevrage.

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