Avis n° 166 (2021-2022) de M. René-Paul SAVARY , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 18 novembre 2021

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N° 166

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi
de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

TOME IV

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE
ET COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »

Par M. René-PAUL SAVARY,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Laurence Garnier, Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 17 novembre 2021 sous la présidence de Catherine Deroche, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de René-Paul Savary, rapporteur pour avis sur le projet de loi de finances pour 2022 pour la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits afférents , malgré des réserves relatives aux règles de départ à la retraite des agents de la SNCF et de la RATP et des inquiétudes liées à la diminution programmée du solde cumulé du compte d'affectation spéciale.

I. LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » : 6,06 MILLIARDS D'EUROS DE SUBVENTIONS D'ÉQUILIBRE À 11 RÉGIMES SPÉCIAUX

A. UNE LENTE DIMINUTION EN 2022

La mission regroupe les crédits affectés aux subventions d'équilibre versées par l'État à 11 régimes spéciaux de retraite dont le ratio démographique est particulièrement dégradé.

Du fait de la diminution progressive du nombre des bénéficiaires des régimes fermés, elle serait dotée, en 2022, de 6,06 milliards d'euros, soit une baisse de 1,55 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale (LFI) pour 2021 (6,15 milliards d'euros). Il s'agit du niveau le plus bas atteint en dix ans ,

Évolution des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » depuis 2012

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Cette mission comprend trois programmes .

1. Le programme 198 (« Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres »)

Le programme 198 serait doté de 4,19 milliards d'euros en 2022, en recul de 0,2 % par rapport aux crédits votés en LFI pour 2021 (4,2 milliards d'euros), dont :

• 3,27 milliards d'euros (78 %) pour le régime de retraite du personnel de la SNCF ;

• 751 millions d'euros (18 %) pour le régime de retraite du personnel de la RATP ;

• 164 millions d'euros (4 %) pour d'autres régimes ou dispositifs (congé de fin d'activité des conducteurs routiers, pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer et des anciens agents de certains chemins de fer secondaires).

Il convient de noter que le décret du 28 juin 2007 relatif aux ressources de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRPSNCF) prévoit un alignement progressif du taux de la cotisation salariale des agents de la SNCF sur le taux applicable au secteur privé.

Évolution prévue du taux de cotisation salariale
des agents du cadre permanent de la SNCF

Année

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

Taux prévu

9,33 %

9,60 %

9,87 %

10,14 %

10,41 %

10,68 %

10,95 %

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les annexes du PLFSS pour 2022

Depuis 2020, en compensation de la perte de ressources résultant de l'arrêt du recrutement au cadre permanent à la SNCF et de l'affiliation des nouveaux salariés au régime général, la CNAV et l'Agirc-Arrco versent une compensation financière à la CPRPSNCF , dont le montant devrait croître de 10,2 à 37,4 millions d'euros entre 2020 et 2022. D'après la direction du budget, le régime de la SNCF devrait s'éteindre vers 2120 .

2. Le programme 197 (« Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins »)

Le programme 197 serait doté de 791 millions d'euros en 2022 , dédiés à la subvention versée à la branche vieillesse de l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), en recul de 2,3 % par rapport aux crédits votés en LFI pour 2021 (810 millions d'euros).

3. Le programme 195 (« Régimes de retraite des mines, de la SEITA1 ( * ) et divers »)

Le programme 195 serait doté de 1,08 milliard d'euros en 2022, en recul de 6 % par rapport aux crédits votés en LFI pour 2021 (1,15 milliard d'euros), dont :

• 947 millions d'euros (87,9 %) pour le fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines ;

• 130 millions d'euros (12 %) pour le régime de retraite de la SEITA ;

• un million d'euros (0,1 %) pour la caisse des retraites des régies ferroviaires d'outre-mer et les versements liés à la liquidation de l'ORTF.

B. L'EFFORT FINANCIER CONSENTI AU TITRE DE LA SOLIDARITÉ NATIONALE CONDUIT À RÉINTERROGER LES RÈGLES DÉROGATOIRES DE DÉPART À LA RETRAITE À LA SNCF ET À LA RATP

Trois des quatre principaux régimes relevant de la mission « régimes sociaux et de retraite » devraient voir leurs charges de pensions diminuer  en 2022 :

• de 0,4 % pour le régime du personnel de la SNCF , en raison d'une diminution de 2 % du nombre de pensionnés ;

• de 1,1 % pour le régime des marins , du fait d'un recul du nombre de pensionnés de l'ordre de - 1,6 % ;

• de 4,2 % pour le régime des mines , sous l'effet de la contraction des effectifs de pensionnés (- 4,1 %).

Caractéristiques des principaux régimes
relevant de la mission « régimes sociaux et de retraite »

Régime
de retraite

Nombre de cotisants en 2022

Nombre de pensionnés en 2022

Charges de pensions (en millions d'euros)

Subvention de l'État (en millions d'euros)

Part des charges de pensions financées par la subvention

SNCF

116 635

239 170

5 205

3 273

63 %

RATP

42 803

52 275

1 219

751

62 %

ENIM

28 500

104 759

994

791

80 %

Mines

981

207 805

1 128

947

84 %

SEITA

0

7 260

130

130

100 %

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les annexes du PLFSS pour 2022

À l'inverse, le régime du personnel de la RATP connaîtrait une légère augmentation de ses charges de pensions, à hauteur de 0,7 % . Le nombre de pensionnés du régime resterait stable (- 0,5 %).

En tout état de cause, compte tenu de la part des charges de pensions couverte par la subvention d'équilibre de l'État, le rapporteur renouvelle ses réserves relatives aux règles de départ à la retraite applicables aux agents du cadre permanent de la SNCF , dont l'âge d'ouverture des droits à la retraite est fixé, à compter de 2024, à 52 ans pour les conducteurs de trains et à 57 ans pour le personnel du service sédentaire, ainsi qu'à ceux de la RATP (à partir de 2024, 52 ans pour les agents d'exploitation, 57 ans pour les personnels de maintenance et 62 ans pour les agents de la catégorie sédentaire).

II. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » : 61,2 MILLIARDS D'EUROS DE PENSIONS SERVIES PAR L'ÉTAT

A. LES CRÉDITS DÉDIÉS AUX PENSIONS SERVIES PAR L'ÉTAT PROGRESSENT SOUS L'EFFET DU VIEILLISSEMENT DÉMOGRAPHIQUE ET DE L'INFLATION

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » du PLF pour 2022 retrace les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires gérés par l'État . En 2022, ses recettes s'élèveraient à 61,2 milliards d'euros (en hausse de 0,4 % par rapport à la LFI 2021).

Le CAS comprend trois programmes .

1. Le programme 741 (« Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité »)

Le programme 741 retrace les opérations relatives au régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État.

Il serait doté de 57,6 milliards d'euros en 2022, en augmentation de 1,48 % par rapport aux crédits ouverts en LFI 2021. Cette évolution s'explique par les nouvelles liquidations (94 500 entrées prévues en 2022 pour 80 400 sorties) et la revalorisation des pensions (+ 1,1 % au 1 er janvier 2022 pour les pensions de retraite et + 1,6 % au 1 er avril 2022 pour les pensions d'invalidité).

Les dépenses du programme sont principalement financées par des recettes de contributions employeurs . Le taux de retenue pour pension a été progressivement porté à 11,10 % en 2020 (contre 11,31 % dans le secteur privé). Le taux de contribution employeur de l'État, fixé de façon à équilibrer le programme, a nettement augmenté entre 2006 et 2014 pour faire face à l'augmentation des dépenses et atteint 74,28 % pour les fonctionnaires civils et 126,07 % pour les militaires .

L'impact budgétaire de la surmortalité liée à la crise sanitaire sur les dépenses de pensions du programme est évalué à - 36 millions d'euros en 2020 et à - 151 millions en 2021 .

2. Le programme 742 (« Ouvriers des établissements industriels de l'État »)

Le programme 742 retrace les dépenses et recettes du FSPOEIE 2 ( * ) et du RATOCEM 3 ( * ) .

Il serait doté de 1,93 milliard d'euros en 2022, en recul de 0,35 % par rapport aux crédits ouverts en LFI 2021 du fait de la diminution progressive du nombre de pensionnés.

3. Le programme 743 (« Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »)

Le programme 743 retrace les dépenses et recettes consacrées aux pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et à d'autres allocations viagères (traitements attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire, pensions du régime concordataire des cultes d'Alsace-Moselle, avantages de pension des anciens agents de l'ORTF, notamment).

Il serait doté de 1,46 milliard d'euros en 2022, en recul de 5,37 % par rapport aux crédits ouverts en LFI 2021 en raison de la diminution progressive du nombre de bénéficiaires.

Taux de contribution des employeurs de la fonction publique d'État

Taux de contribution employeur de l'État

Taux de contribution des employeurs autres que l'État

Pensions (civils)

Pensions (militaires)

Allocation temporaire d'invalidité (civils)

Pensions (civils
et militaires)

Allocation temporaire d'invalidité (civils)

2006

49,90 %

100,00 %

0,30 %

33,00 %

0,30 %

2007

50,74 %

101,05 %

0,31 %

39,50 %

0,31 %

2008

55,71 %

103,50 %

0,31 %

50,00 %

0,31 %

2009

58,47 %

108,39 %

0,32 %

60,14 %

0,32 %

2010

62,14 %

114,14 %

0,33 %

62,14 %

0,33 %

2011

65,39 %

121,55 %

0,33 %

65,39 %

0,33 %

2012

68,59 %

126,07 %

0,33 %

68,59 %

0,33 %

2013

71,78 %

126,07 %

0,32 %

74,28 %

0,32 %

Depuis 2014

74,28 %

126,07 %

0,32 %

74,28 %

0,32 %

Source : Service des retraites de l'État

B. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » DEVIENDRAIT DÉFICITAIRE DÈS 2023 OU 2024

Les dépenses retracées par le CAS « Pensions » devraient s'élever à 61 milliards en 2022, en hausse de 1,25 % par rapport à la LFI 2021 .

En conséquence, poursuivant sa trajectoire baissière, le CAS ne devrait plus dégager qu'un faible excédent, à hauteur de 261 millions d'euros, contre 600 millions en 2021 .

Les excédents cumulés du CAS représenteraient ainsi 9,7 milliards d'euros à fin 2021 et près de 10 milliards à fin 2022 . Ce montant ne traduit pas une immobilisation de trésorerie sur un compte de l'État et ne peut pas non plus être utilisé pour financer d'autres types de dépenses, mais est reversé annuellement au budget de l'État. Il permet seulement d'assurer à chaque instant que toutes les dépenses du CAS auront été financées par des recettes préalables en lien direct avec la dépense, comme requis par la LOLF .

Les dépenses de pensions étant plus dynamiques que les recettes de cotisations, l'augmentation du solde cumulé du CAS, observée depuis 2012, devrait cesser à compter de 2023 ou 2024, date à laquelle le CAS deviendrait déficitaire.

Évolution du solde cumulé du compte d'affectation spéciale « pensions » depuis 2006

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données du service des retraites de l'État

Pour autant, le montant du solde cumulé permettra d'absorber les déficits à venir, évitant ainsi une hausse des taux de contribution dans l'immédiat.

À long terme, à défaut de mesures paramétriques, la trajectoire démographique défavorable du régime des fonctionnaires de l'État, l'inflation et les efforts de maîtrise des effectifs de la fonction publique, qui empêchent la progression du nombre d'actifs cotisants, devraient prolonger cette tendance et ramener le niveau du solde cumulé du CAS autour d'un milliard d'euros.

Il pourrait alors être envisagé soit d' augmenter de nouveau les taux de contribution , ce qui tendrait en parallèle à inciter les employeurs à privilégier le recrutement de contractuels à celui d'agents titulaires, soit de les normaliser par la mise en place d'une subvention d'équilibre du budget de l'État au CAS.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le 17 novembre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport pour avis de M. René-Paul Savary sur le projet de loi de finances pour 2022 (mission « Régimes sociaux et de retraite » et compte d'affectation spéciale « Pensions »).

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - Madame la présidente, mes chers collègues, il me revient de vous présenter les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions », que notre commission examine conjointement depuis 2018.

Cet avis budgétaire contribue à éclairer le Sénat sur l'objectif de dépenses de la branche vieillesse, que nous avons adopté vendredi dernier lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et qui s'élève à 256,6 milliards d'euros. En effet, ce montant couvre les dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base, y compris celles des régimes concernés par les deux missions budgétaires que je m'apprête à vous présenter.

En premier lieu, la mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe les crédits affectés aux subventions d'équilibre versées par l'État à onze régimes spéciaux de retraite en raison de leur ratio démographique particulièrement dégradé. Notez que la subvention dont bénéficient d'autres régimes spéciaux, notamment ceux des industries électriques et gazières, de l'Opéra de Paris et de la Comédie-Française, est retracée dans d'autres missions du budget général... Cela n'est pas de nature à aider à la clarté du débat !

Les crédits de la mission reculeraient de 1,55 % en 2022 pour atteindre 6,06 milliards d'euros, soit le niveau le plus bas atteint depuis dix ans. Leur lente régression s'explique essentiellement par la diminution progressive du nombre de bénéficiaires des régimes fermés percevant une subvention de l'État.

En effet, les charges de pensions de la plupart des régimes concernés diminueraient en 2022, à hauteur de - 0,4 % pour le régime du personnel de la SNCF, de - 1,1 % pour le régime des marins et de - 4,2 % pour le régime des mines. Celles du régime du personnel de la RATP augmenteraient quant à elles de 0,7 %, du fait de la stabilité de ses effectifs de pensionnés.

En ce qui concerne plus particulièrement le régime de la SNCF, qui représente à lui seul 54 % des crédits de la mission, rappelons que la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire a prévu la fin du recrutement au cadre permanent à compter du 1 er janvier 2020. Les nouveaux salariés de la SNCF sont donc affiliés au régime général, mais les personnels recrutés avant le 1 er janvier 2020, ainsi que les retraités actuels, dépendent toujours du régime spécial.

La caisse de retraite de la SNCF doit donc financer les pensions de ses affiliés, tandis que le nombre de cotisants ne cessera plus de diminuer dès lors qu'aucune nouvelle affiliation n'est possible depuis 2020. À l'inverse, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et l'Agirc-Arrco perçoivent les cotisations versées par les salariés recrutés par la SNCF à compter de 2020, sans pour autant avoir à verser de pensions avant que ces derniers ne liquident leurs droits.

Afin de neutraliser en partie ces effets, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 a institué un mécanisme de transferts financiers entre la CNAV et l'Agirc-Arrco, d'une part, et la caisse de retraite de la SNCF, d'autre part. Les montants de ces transferts sont évalués annuellement en fonction de l'évolution des ressources et des charges respectives de chacun des régimes résultant de la fin du recrutement au cadre permanent. D'un montant de 10,2 millions d'euros en 2020, ces transferts devraient s'élever à 23,4 millions en 2021 et à 37,4 millions en 2022. L'État, quant à lui, prend en charge le besoin de financement restant, qui correspond au différentiel de taux de cotisations entre le régime général et le régime spécial, soit environ 40 % de la perte de cotisations pour la caisse de retraite de la SNCF.

En tout état de cause, j'attire votre attention sur le fait que la subvention d'équilibre versée par l'État représente entre 62 et 84 % des charges de pension des régimes concernés, voire 100 % dans le cas du régime de la Seita.

Après que nous avons demandé un effort supplémentaire à nos concitoyens en votant des mesures de redressement des comptes de la branche vieillesse, ce constat doit nourrir notre réflexion collective au sujet des règles de départ à la retraite applicables aux agents du cadre permanent de la SNCF, ainsi qu'à ceux de la RATP. Ceux-ci peuvent en effet liquider leurs droits dès 52 ans pour les conducteurs de train de la SNCF et les agents d'exploitation de la RATP et 57 ans pour le personnel du service sédentaire de la SNCF et les personnels de maintenance de la RATP.

J'en viens au compte d'affectation spéciale « Pensions ». À la différence d'une mission, un CAS retrace non seulement des dépenses, mais également des recettes, et doit être en permanence à l'équilibre. C'est la raison pour laquelle ses excédents annuels sont cumulés sur le plan comptable, bien que les sommes correspondantes soient reversées au budget de l'État. Ainsi, il est garanti à chaque instant que toutes les dépenses du CAS auront été financées par des recettes préalables en lien direct avec la dépense.

En 2022, les recettes du CAS devraient augmenter de 0,4 % par rapport à 2021, pour s'établir à 61,2 milliards d'euros. 94 % de cette somme sont dédiés au versement des pensions civiles et militaires de retraite et aux allocations temporaires d'invalidité servies par l'État. Les crédits afférents afficheraient une hausse de 1,5 % du fait des nouvelles liquidations, ainsi que des revalorisations, prévues à + 1,1 % au 1 er janvier 2022 pour les pensions de retraite et à + 1,6 % au 1 er avril 2022 pour les pensions d'invalidité.

Les dépenses correspondantes sont principalement financées par des recettes de contributions employeurs. En effet, bien que le taux de retenue pour pension, c'est-à-dire de cotisation « salariale », ait été porté à 11,10 % en 2020, le taux de contribution employeur de l'État est fixé de façon à équilibrer les dépenses et a fortement augmenté entre 2006 et 2014, atteignant 74,28 % pour les fonctionnaires civils et 126,07 % pour les militaires.

Au total, poursuivant sa trajectoire baissière, le CAS ne devrait plus dégager qu'un excédent de 261 millions d'euros en 2022, contre 600 millions en 2021. Le solde cumulé - sur le plan comptable - atteindrait 10 milliards d'euros en 2022, soit le niveau le plus haut jamais constaté.

Toutefois, les dépenses de pensions étant plus dynamiques que les recettes de cotisations, le CAS devrait devenir déficitaire à compter de 2023 ou 2024. En effet, le régime des fonctionnaires de l'État pâtit d'une trajectoire démographique de plus en plus défavorable, tandis que l'inflation accroît les charges de pension et que les efforts de maîtrise des effectifs de la fonction publique empêchent la progression du nombre d'actifs cotisants. Le montant du solde cumulé devrait permettre d'absorber les déficits prévisionnels, ce qui permettra d'éviter une hausse des taux de contribution dans l'immédiat.

Néanmoins, le service des retraites de l'État estime que, à long terme, cette tendance devrait se prolonger et que le solde cumulé du CAS devrait s'amenuiser progressivement pour atteindre 1 milliard d'euros. À défaut de recourir à des mesures paramétriques permettant de redresser la situation, il devra alors sans doute être envisagé d'augmenter de nouveau les taux de contribution. Le service des retraites de l'État estime toutefois que cette hypothèse n'est pas souhaitable, car elle inciterait les employeurs publics à privilégier le recrutement de contractuels à celui de fonctionnaires. Une alternative consisterait alors à normaliser les taux de contribution et à prévoir le versement par l'État d'une subvention d'équilibre au régime.

Voilà, en quelques mots, mes chers collègues, les observations que je peux formuler au sujet de la mission et du CAS. Compte tenu de la nécessité d'assurer le versement des pensions et du caractère de constatation de la quasi-totalité des crédits demandés, je vous propose, comme les années précédentes, d'émettre un avis favorable à leur adoption, sous les réserves que j'ai soulevées et qui tiennent notamment à la nécessaire contribution de tous les Français sans exception au redressement des comptes de la branche vieillesse et à la préservation du système de retraite par répartition, auquel nous sommes toutes et tous attachés.

M. Olivier Henno . - On a vu lors du vote sur le PLFSS combien le covid avait impacté les régimes de retraite. A-t-il eu un impact sur les recettes de la mission et du CAS ? Si oui, cet impact a-t-il été mesuré ? La mortalité a augmenté et nous avons même perdu en espérance de vie, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.

Mme Monique Lubin . - Sans chercher à rouvrir le débat, je rappelle que, pour les conducteurs de la RATP, qui travaillent sous terre en permanence, dans des conditions assez difficiles et avec des salaires qui sont loin d'être mirobolants, le régime de retraite était de nature à les motiver à exercer ce métier. Il est problématique de redéfinir un contrat après qu'il a été signé.

Pour les fonctionnaires, c'est la quadrature du cercle... Si l'on continue d'en baisser le nombre, il est évident que se posera la question du financement de leurs retraites, donc de l'augmentation éventuelle du taux de cotisation. Reculer l'âge de départ ne réglera pas le problème : il y aura de toute manière un problème d'équilibre.

J'ai participé lundi matin à un colloque du Conseil d'orientation des retraites (COR) sur le thème « le COR est-il trop optimiste ? » Je vous invite à en lire les actes lorsqu'ils paraîtront, car ce colloque était particulièrement intéressant. Quatre économistes, parmi les meilleurs du pays, se sont exprimés - deux que l'on qualifie d'« optimistes » et deux de « pessimistes ». Tous avouent avec une grande modestie qu'ils ne sont pas capables de prévoir ce qui se passera dans dix, vingt ou trente ans.

Mme Catherine Procaccia . - L'indemnité temporaire de retraite (ITR), régime de surretraite pour les fonctionnaires de l'État passant leur retraite dans les Outre-mer, qui s'éteindra en 2028, est-il toujours traité dans un programme à part ?

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - L'impact du covid a été mesuré. Il n'est pas énorme. Au régime général, on relève 35 000 décès supplémentaires par rapport à la tendance. Dans le cas du régime des fonctionnaires de l'État, la surmortalité liée au covid a conduit à une moindre dépense de l'ordre de 36 millions d'euros pour l'année 2020 et de 150 millions d'euros pour l'année 2021, le régime dans son ensemble représentant plus de 6 milliards d'euros.

Par ailleurs, la crise n'a pas eu d'impact économique sur les fonctionnaires, qui ont continué à toucher leur traitement. Il n'y a donc pas eu de moindres rentrées de cotisations.

Madame Lubin, vous avez tout à fait raison à propos de la RATP : les conditions particulières du régime de retraite font partie du contrat. Dès lors, évoquer une suppression des régimes spéciaux, c'est remettre en cause les engagements collectifs de carrière qui ont été négociés. Il est normal que la remise en cause de cette base de la discussion suscite un certain nombre de réactions. Il faut, en contrepartie, tenir d'autres engagements. Ce n'est pas simple.

S'agissant du COR, il est vrai qu'il est très compliqué de faire des prévisions à quinze, vingt, voire cinquante ans : l'équilibre ou le déséquilibre dépendent des taux de croissance, de la productivité, mais également du taux de chômage et de la natalité. Toujours est-il que, compte tenu, notamment, de l'augmentation importante de l'espérance de vie et de la dégradation du ratio démographique, tout laisse à penser que, quel que soit le scénario, on n'arrivera pas à l'équilibre, à moins d'une diminution des pensions par rapport au revenu moyen.

Si l'on ne fait rien, il y aura inévitablement un appauvrissement progressif des retraités. Il faudra inéluctablement choisir entre travailler plus longtemps pour créer plus de richesses et accepter une diminution du niveau de vie des retraités. Nous n'échapperons pas à ce choix de société.

Madame Procaccia, il n'y a pas de mention particulière de l'indemnité temporaire de retraite outre-mer dans les documents budgétaires relatifs au CAS « Pensions » sur l'indemnité temporaire de retraite outre-mer. Je n'ai jamais vu de chapitre spécial qui lui soit dédié depuis que j'examine cette mission. Tout est globalisé, au sein des programmes 741 et 743. Cela dit, je vais mener l'enquête... Je peux, en revanche, vous donner quelques renseignements sur quelques vieux régimes spéciaux en cours d'extinction - les chemins de fer d'Afrique du Nord et du Niger-Méditerranée, les transports urbains tunisiens et marocains, les chemins de fer franco-éthiopiens -, mais cela ne répondra pas à votre question.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

___________

• Service des retraites de l'État

Guillaume Talon , directeur du service des retraites de l'État

Vincent Bonnefoy , adjoint au chef du bureau financier et des statistiques

• Direction du budget

Richard Bordignon , chef du bureau des retraites et des régimes spéciaux

Alexandre Deschamp , adjoint au chef du bureau des retraites et des régimes spéciaux

Alexis Piton , adjoint au chef du bureau des retraites et des régimes spéciaux


* 1 Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes.

* 2 Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels d'État.

* 3 Fonds rente accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires.

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