IV. AFFAIRES MARITIMES : LA HAUSSE DE MOYENS N'ÉTEINT PAS LES PRÉOCCUPATIONS LIÉES À LA CRISE ET AU DÉFI DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

A. MALGRÉ LES MESURES DE SOUTIEN AUX AFFAIRES MARITIMES, NOTAMMENT DANS LE CADRE DU FONTENOY DU MARITIME, DES INQUIÉTUDES PERSISTENT

Le PLF pour 2022 , traduisant les engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du Fontenoy du maritime , est marqué par une hausse des crédits de 25 % (192 M€) en faveur du programme « Affaires maritimes » par rapport à la LFI 2021 (155 M€), au bénéfice des politiques maritimes territoriales, du soutien à la flotte de commerce et de la formation des gens de mer. Comme l'année dernière, le rapporteur salue la pérennisation du montant de la subvention versée à la Société nationale de sauvetage en mer à hauteur de 10,5 M€.

Ces évolutions vont dans le bon sens, mais le rapporteur souligne quatre points d'attention :

- formation des gens de mer : des actions en faveur de l' attractivité des métiers maritimes seront nécessaires afin que la hausse des moyens en faveur de l'ENSM produise ses effets ;

- s outien à l'emploi maritime : des inquiétudes persistent pour la compétitivité des compagnies de ferries gérées en délégation de service public qui ne sont pas éligibles au « net wage » bien qu'elles soient soumises à une intense concurrence étrangère, comme la Méridionale et Corsica Linéa . Il est urgent que l'État prévoie un dispositif d'aide adapté à ces compagnies ;

- SNSN : si la conclusion d'un partenariat avec l'État le 11 décembre 2020 et d'une convention triennale de subvention pour 2021-2023 constituent un progrès, il est impératif de réfléchir au modèle de financement de l'association à plus long terme ;

- fonds d'intervention maritime (FIM) : si la création de cet outil est une bonne nouvelle, il importe qu'il gagne en ampleur dans les prochaines années afin de conforter la latitude budgétaire du ministère de la mer , recréé en juillet 2020.

« [Le FIM] est de dimension modeste mais je souhaite qu'il monte en puissance dans les années à venir et je compte sur le Parlement pour continuer à le faire évoluer. »

Annick Girardin, ministre de la mer

B. LE VERDISSEMENT DU TRANSPORT MARITIME : DES MOYENS INSUFFISANTS AU REGARD D'OBJECTIFS DE PLUS EN PLUS AMBITIEUX

À l'échelle internationale et européenne , les engagements se renforcent en faveur de la réduction des émissions polluantes liées au transport maritime :

- alors qu'elle visait initialement une réduction de 50 % (par rapport à 2008) de l'intensité carbone du transport maritime d'ici 2050, l' Organisation maritime internationale (OMI) vient de fixer un objectif de neutralité carbone à cette même date, dans le cadre de la COP 26 ;

- la Commission européenne a confirmé l'intégration du transport maritime au marché du carbone (« EU-ETS ») et ce, dès 2023-2025.

Pourtant, l'État peine à doter le secteur maritime de moyens adéquats pour atteindre ces objectifs.

En ce qui concerne la flotte maritime , les crédits du Plan de relance (25 M€) ne concernent que le verdissement de la flotte de contrôle et de balisage de l'État (avec par exemple le baliseur côtier et le baliseur océanique). Si l'État est légitime à montrer l'exemple, il est impératif de doter également les acteurs des transports maritimes d'outils opérants en matière de transition écologique. Or, à l'heure actuelle, le « suramortissement vert » (article 39 decies C du code général des impôts), qui permet en théorie depuis le 1 er janvier 2020 aux armateurs de bénéficier d'une déduction fiscale sur l'acquisition de technologies de propulsion propres, n'a jamais pu être mis en oeuvre du fait de critères d'éligibilité trop restrictifs. Le rapporteur est donc très favorable à l'article 8 du PLF pour 2022 qui prévoit un assouplissement de ces critères.

Entendus par le rapporteur, les représentants d' Armateurs de France ont regretté les modifications introduites à l'Assemblée nationale, estimant nécessaire de proposer un dispositif « clair et d'application immédiate » à l'article 8 du PLF. Ce point de vue est d'ailleurs partagé par la direction des affaires maritime .

Sensible à ces arguments, la commission a adopté deux amendements afin de :

- rétablir la liste de nouveaux carburants éligibles au suramortissement 12 ( * ) ;

- élever à 105 % 13 ( * ) , plutôt que 20 % actuellement, le taux applicable à l'acquisition de dispositifs de propulsion auxiliaire des navires (tels que le vélique et l'assistance électrique par batterie).

Le rapporteur aurait souhaité aller encore plus loin , en permettant aux armateurs de bénéficier de la déduction fiscale sur une période de 3 ans plutôt que sur la durée d'utilisation normale du bien (en moyenne de 15 ans), afin de rendre le dispositif plus incitatif . Par ailleurs, un prolongement du dispositif pourrait être nécessaire , par exemple jusqu'en 2026 ainsi que le proposait la proposition de loi relative à la gouvernance et la performance des ports maritimes français de Michel Vaspart 14 ( * ) , adoptée par le Sénat en décembre 2020.

La dynamique de réduction des émissions du transport maritime dans laquelle la France est engagée concerne également les ports . D'ailleurs, la Stratégie nationale portuaire (SNP) présentée par le Gouvernement en janvier 2021 après plusieurs années d'attente , prévoit l'élaboration au sein de chaque grand port maritime (GPM) d'une feuille de route pour le déploiement de carburants alternatifs et de l'électricité à quai à horizon 2025.

Dans cette optique, le plan de relance prévoit 175 M€ en faveur du verdissement des ports pour 2021-2022.

Si ces moyens supplémentaires sont une évolution positive, le rapporteur exprime de sérieuses réserves .

D'une part, ces investissements (175 M€ sur 2 ans) sont très nettement inférieurs à la trajectoire recommandée par le Sénat , qui s'élève à 5 Md€ sur 10 ans rien que pour le volet « report modal » du verdissement des ports.

D'autre part, il partage le vif regret de l' Union des ports de France quant à l'absence d'accompagnement dans le Plan de relance pour les ports n'ayant pas le statut de GPM.

Enfin, pour faire face aux impératifs de verdissement, le rapporteur estime qu'une réflexion doit urgemment s'engager sur l'évolution du modèle économique de nos ports maritimes afin de :

- s'assurer que les engagements indispensables pris par la France en faveur de la réduction des émissions du transport maritime ne se traduisent pas par une perte de compétitivité de nos ports , qui souffrent déjà d'un retard par rapport à plusieurs de leurs voisins européens ;

- permettre aux ports maritimes de développer une offre de production et de distribution d'énergies alternatives dans les prochaines années ;

- renforcer l'attractivité des ports maritimes français , notamment en vue d'attirer des entreprises innovantes en matière de transition écologique. Le rapporteur regrette que ce volet de la SNP soit pour l'heure très lacunaire . Au premier semestre 2021, le Gouvernement avait annoncé le lancement d'une mission de réflexion sur l'implantation des sites industriels à valeur ajoutée dans nos ports, des travaux qui avaient déjà été annoncés lors du CIMer 2020 mais non suivis d'effets.

Le rapporteur estime urgent d'adopter une stratégie de long terme afin d'accompagner les ports face au défi de la transition écologique et de les placer au coeur de l'innovation sur ces sujets.


* 12 http://www.senat.fr/amendements/2021-2022/162/Amdt_I-415.html.

* 13 http://www.senat.fr/amendements/2021-2022/162/Amdt_I-414.html.

* 14 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl19-723.html

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