EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 10 NOVEMBRE 2021

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M. Laurent Lafon , président, rapporteur pour avis en remplacement de Mme Nathalie Delattre . - Je vous prie d'excuser l'absence momentanée de Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole », qui nous rejoindra dans un instant. En attendant son arrivée, je vais lire son intervention.

Notre rapporteure souhaite d'abord revenir sur l'action de notre commission lors de l'examen du précédent projet de loi de finances. Notre commission avait alerté sur le péril que courait l'enseignement agricole si la trajectoire budgétaire, et notamment celles des équivalents temps plein (ETP), était maintenue.

Notre mobilisation collective tant l'année dernière que cette année, par le biais du droit de tirage du groupe RDSE, n'a pas été vaine.

Tout d'abord, le budget de l'enseignement agricole est en hausse de 43,5 millions d'euros. Cela représente une augmentation de 3,5 %, soit un pourcentage d'augmentation supérieur à celui du reste du budget consacré à la mission « Enseignement scolaire ».

Comment se répartissent ces quelque 43,5 millions d'euros supplémentaires ?

La moitié, 22 millions d'euros, est consacrée à la revalorisation du salaire des personnels de l'enseignement agricole. Il s'agit de la mise en oeuvre des mesures du Grenelle de l'éducation, en raison du principe de parité entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole.

Ensuite, 14,2 millions d'euros supplémentaires sont consacrés aux aides sociales : pour la prime d'internat notamment. Comme vous le savez, l'enseignement agricole accueille un nombre importants d'internes. Par ailleurs, l'extension de la bourse au mérite aux élèves inscrits en certificat d'aptitude professionnelle (CAP) s'applique également à l'enseignement agricole. Enfin, le budget anticipe une hausse du nombre de boursiers et de leurs échelons de bourse en lien avec la crise sanitaire - et économique.

Troisième augmentation budgétaire : 2 millions d'euros supplémentaires sont inscrits en faveur de l'accueil des jeunes en situation de handicap. Depuis 2005, le nombre de jeunes en situation de handicap accueillis dans l'enseignement agricole est en progression de 15 % chaque année. Cet engagement de l'enseignement agricole en faveur de l'école inclusive doit bien évidemment être salué. Ce poste de dépenses appelle néanmoins à la vigilance. Notre rapporteure s'interroge sur la pleine adéquation des moyens, face à la hausse continue des besoins. Pour 2021, les crédits votés dans la loi de finances initiale ne sont pas suffisants pour couvrir les besoins de l'année en cours.

En outre, le calibrage des personnes ressources questionne. Dès 2017, un appui aux établissements et aux services déconcentrés a été instauré. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais aujourd'hui, ce sont seulement deux personnes à temps plein qui sont chargées d'animer un réseau national, de coordonner les actions de formation et d'appuyer les établissements et services déconcentrés. Pour mémoire, il y a plus de 800 établissements de l'enseignement agricole !

Quatrième augmentation des crédits sur laquelle la rapporteure souhaite s'attarder : l'augmentation de 1,9 million d'euros en faveur des maisons familiales et rurales, les maisons familiales et rurales (MFR). Un nouveau protocole 2021-2023 vient d'être signé entre le ministère et l'union des MFR. Il prévoit une enveloppe plafond rehaussée à 210 millions d'euros annuels.

Nous savons tous combien les MFR sont précieuses dans l'animation des territoires, ainsi que pour aller chercher les jeunes, les accompagner, leur permettre de s'épanouir et de s'intégrer professionnellement.

Lors de son audition, la direction générale de l'enseignement et à la recherche (DGER) a indiqué que cette augmentation de crédits doit inciter les MFR à augmenter leurs effectifs : une sorte de « donnant-donnant ». Elles y arriveront sans nul doute avec brio.

Deuxième motif de satisfaction - bien que cela puisse sembler curieux - la suppression de 16 ETP. Il faut pour cela nous replacer dans le schéma pluriannuel 2019-2022 qui prévoyait une suppression de 110 ETP. Par rapport aux intentions de Bercy, 94 ETP ont donc été sauvés.

Certes, nous aurions tous préféré qu'il n'y ait aucune suppression - voire même une légère augmentation. Mais, de manière très concrète, pour le ministère, cela ouvre de nouvelles perspectives, puisqu'il s'était organisé en prévision d'une suppression de 110 ETP.

Le ministère a demandé aux directions régionales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (Draaf) et aux chefs d'établissement des propositions pour l'utilisation de ces emplois sauvés : maintiens de classes à très petits effectifs, ouverture de nouvelles classes, plus d'options proposées... Les discussions sont en cours.

Nous devrons néanmoins rester particulièrement vigilants concernant l'évolution des ETP dans les années à venir. Le prochain schéma pluriannuel d'emplois n'est pas connu à ce jour.

Le sursaut des effectifs de l'enseignement agricole constitue le troisième motif de satisfaction. On constate une augmentation de 0,8 % pour la voie scolaire.

Cette hausse est particulièrement importante pour les classes d'entrée dans les cycles infra-bac : + 14,4 % en 4ème, + 7,5 % en seconde générale ; + 2,4 % en seconde professionnelle. Au final, le solde positif de « seulement » 0,8 % s'explique par l'effet de traine des moindres recrutements de l'année dernière.

Pour mémoire, les effectifs étaient répartis à la hausse en 2019 après plus de dix ans de baisse continue.

Notre rapporteure en est convaincue : la baisse des effectifs l'année dernière était liée à la crise sanitaire. De nombreuses journées portes ouvertes ou salons de l'orientation n'ont pas pu se tenir. Or, ces moments de rencontre sont essentiels pour faire découvrir l'enseignement agricole et les métiers auxquels il prépare et qui vont bien au-delà du seul secteur agricole. Cela pose l'enjeu essentiel d'une meilleure connaissance de cet enseignement agricole.

Les chiffres de l'apprentissage ne sont pas encore connus. Mais les premières remontées du terrain laissent à penser qu'ils seront excellents. L'année dernière, ils étaient en hausse de 22 %

La rapporteure avait évoqué l'année dernière la tournée du « Camion du Vivant », qui avait dû s'arrêter après seulement deux étapes, en raison des protocoles sanitaires. Le camion est enfin reparti ! 24 étapes ont été programmées entre septembre 2021 et la fin de l'année. Onze étapes ont déjà été réalisées, avec plus de 6 200 visiteurs accueillis, dont près de 20 % d'élèves. Le camion doit également se rendre dans une trentaine de villes supplémentaires au 1er semestre 2022.

En outre, l'enseignement agricole a pu profiter d'une nouvelle campagne de communication #CestFaitPourMoi, dans le cadre du plan de relance. Elle semble avoir apporté une visibilité forte à l'enseignement agricole et répond à une partie des critiques de la précédente campagne « l'Aventure du Vivant » : celle-ci n'avait eu que peu de répercussions sur le grand public.

La campagne #CestFaitPourMoi s'appuie notamment sur une mosaïque interactive, mettant les jeunes de l'enseignement agricole à l'honneur à travers leurs témoignages. Notre rapporteure est persuadée que les élèves, apprentis, étudiants de l'enseignement agricole en sont les meilleurs ambassadeurs. Combien de fois avons-nous entendu chez ces jeunes rencontrés sur le terrain : « Je n'ai pas forcément choisi cette filière. Mais maintenant que j'y suis, je m'y plais et je ne le regrette pas ! »

Cela m'amène au dernier point de cette présentation: mieux faire connaître l'enseignement agricole, notamment au sein de l'éducation nationale, est vital pour son développement.

Jean-Michel Blanquer l'a réaffirmé devant nous la semaine dernière : il y a une volonté politique de rapprochement entre les deux ministères, qui sont censés ne pas se faire concurrence mais se compléter. Plusieurs textes ont été pris depuis 2019 témoignant de cette volonté de rapprochement et visant à lever des freins à l'orientation vers l'enseignement agricole. Au moins quatre textes en l'espace de deux ans. On peut s'en féliciter. On peut aussi voir dans ce chiffre relativement élevé dans un délai restreint une certaine réticence, ou à tout le moins, des difficultés au niveau des services déconcentrés pour mettre concrètement en oeuvre cette meilleure connaissance de l'enseignement agricole.

Le dernier document publié, à savoir la feuille de route pour l'éducation nationale et l'enseignement agricole pour 2021 et 2022, présente des nouveautés intéressantes : elle vise à renforcer les liens par des actions concrètes concernant directement les élèves : favoriser les échanges entre les établissements, prévoir la participation des établissements de l'enseignement agricole au campus des métiers ou encore faire découvrir aux élèves des exploitations agricoles de proximité.

Par ailleurs, et c'est un motif de satisfaction, un représentant de l'enseignement agricole, équivalent du Dasen, le directeur académique des services de l'éducation nationale, va être prochainement mis en place. Une circulaire conjointe entre les deux ministères - encore une - doit être très prochainement publiée. En effet, si les échanges entre Draaf et recteurs sont de manière générale fluide, l'enseignement agricole est bien souvent insuffisamment identifié par le Dasen, en raison de l'absence d'un échelon départemental.

Or le Dasen joue un rôle important dans les politiques d'éducation menées à l'échelle d'un territoire, l'orientation et l'affectation des élèves.

La réforme du lycée doit entraîner un renforcement de l'orientation. La rapporteure appelle de ses voeux une présentation systématique de l'enseignement agricole au collège.

La mission d'information du Sénat a fait plusieurs propositions très concrètes pour renforcer l'information des élèves, des familles, mais aussi des professeurs et principaux de collège qui ne connaissent pas tous les débouchés offerts par l'enseignement agricole.

Le Sénat a toujours été très attaché à l'enseignement agricole. Nous devons continuer à être vigilants pour que cette filière de formation perdure et renforce son attractivité.

En conclusion, notre rapporteure nous propose de donner un avis favorable aux crédits du programme 143, tout en faisant part aux deux ministres, dans l'hémicycle, de notre vigilance sur l'évolution des crédits et des ETP de l'enseignement agricole à moyen terme.

M. Max Brisson . - Je salue l'excellent rapport d'information de Nathalie Delattre et Jean-Marc Boyer, Enseignement agricole : l'urgence d'une transition agro-politique. Je m'exprime également au nom d'Alexandra Borchio Fontimp, qui a dû rejoindre son département.

L'année dernière, nous avions voté contre les crédits du programme 143, « Enseignement technique agricole », tellement ils nous paraissaient conduire à une véritable déstructuration d'un enseignement qui a pourtant fait ses preuves. Il apporte, en effet, aux jeunes savoir-faire et savoir-être. Je crois que, en la matière, le Sénat peut être utile. Notre « coup de gueule » de l'année dernière a largement permis l'amélioration substantielle que nous observons cette année. N'oublions pas, toutefois, le mépris du Gouvernement, l'année dernière, vis-à-vis de l'enseignement technique agricole.

On constate cette année une hausse de 43,5 millions d'euros, soit une progression de 2,94 %, une augmentation des moyens humains et financiers, une revalorisation de la prime d'internat, une extension des aides aux élèves boursiers ainsi qu'un renforcement des moyens en faveur de l'école inclusive. Je me réjouis également des 1,9 million d'euros supplémentaires dédiés aux 368 maisons familiales rurales. Saluons également la hausse du nombre d'élèves, après une forte baisse sur dix ans.

Nous nous sommes opposés à la suppression de postes, qui revient à mettre définitivement à mal l'enseignement technique agricole. Le schéma d'emploi pour 2022 est donc une excellente chose.

S'agissant de l'organisation, tout reste à faire. Le ministre de l'éducation nationale, même s'il s'en défend, a des envies d'absorption. Nous devons être vigilants à ce sujet, car le ministre continue de créer des formations concurrentes. Nous dénoncerons sans cesse ce double discours.

M. Blanquer doit également répondre à la proposition du rapport Boyer-Delattre d'un nouveau projet stratégique clair et ambitieux pour l'enseignement agricole associant l'éducation nationale, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, les régions et les branches professionnelles. Ce n'est que dans ce cadre-là que nous donnerons du souffle à cet enseignement et que nous préserverons l'enseignement technique agricole de toute absorption par le ministère de l'éducation nationale.

En espérant que le gouvernement suive les excellentes recommandations de la mission dont Jean-Marc Boyer était président et Nathalie Delattre rapporteure, nous suivons donc la rapporteure dans son avis favorable sur les crédits à ce programme.

Mme Annick Billon . - Je remercie également la rapporteure pour ses travaux très enrichissants. Les crédits sont effectivement en augmentation importante. Ils s'inscrivent toutefois dans un contexte de plusieurs années de diète : je rappelle que quelque 300 postes ont été supprimés durant les quatre dernières années. Nous passons de 209 postes supprimés entre 2019 et 2021 à seulement 16 pour 2022. Le signal envoyé par le Sénat a donc été entendu.

L'enseignement agricole est la voie de l'excellence, tant en matière de résultats scolaires que d'insertion professionnelle ou d'épanouissement des élèves et de construction du futur citoyen. C'est un outil essentiel pour relever les défis auxquels l'agriculture est confrontée, notamment le renouvellement des générations d'agriculteurs. Nous voterons donc ces crédits mais serons vigilants sur plusieurs points.

Le premier est le lien entre la réforme du bac et la suppression d'emplois. La logique comptable a, ici, pris le pas sur la logique pédagogique.

Deuxièmement, il s'agit de la prise en charge supportée par les établissements des exploitations agricoles, qui ne rentrent toujours pas dans les discussions budgétaires. C'est faire fi de la particularité technique de l'enseignement technique agricole.

Troisièmement, s'agissant des équipements nécessaires à une agriculture qui se prépare pour l'agriculture de demain, une meilleure synergie doit être trouvée entre ministères et collectivités, notamment vis-à-vis des investissements informatiques nécessaires.

Quatrièmement, concernant les aides exceptionnelles de la période passée, quelque 6,9 millions d'euros ont été versés pour 55 établissements publics et 3,3 millions pour 72 établissements privés.

Cinquièmement, je rappelle que, en dix ans, les effectifs en formation initiale scolaire ont baissé de 11 %, même si les premières données de 2021 témoignent d'une nouvelle croissance des effectifs.

Sixièmement, la situation financière des établissements doit également constituer un point de vigilance. La crise de la covid-19 a déstabilisé les établissements en percutant les modèles de financement en partie fondés sur une couverture des charges par les recettes générées par les MFR.

Septièmement, la suppression de nombreux emplois depuis 2019 entraîne le blocage des ouvertures de classes et oblige à revoir les seuils de dédoublement de classes. Une évaluation semble pertinente à mener sur ce sujet.

Huitièmement, s'agissant de la concurrence entre les établissements, notamment avec l'éducation nationale, il est urgent de fournir à l'enseignement technique agricole des conditions dans la voie générale pour assoir ses effectifs.

Enfin, nous étions très attachés à ce que l'enseignement technique agricole reste dans le giron du ministère de l'agriculture. Néanmoins, certaines conditions d'exercice ainsi que le statut des enseignants de l'enseignement technique agricole en amènent certains à concevoir des doutes sur leur rattachement au ministère de l'agriculture.

Mme Céline Brulin . - L'enseignement technique agricole se trouvait effectivement dans un cercle vicieux et mortifère, tant en ce qui concerne la trajectoire d'emploi engagée qu'en termes de reconnaissance des personnels. En effet, les personnels des établissements techniques agricoles sont encore moins bien payés que leurs collègues de l'éducation nationale. À cet égard, la revalorisation soulignée dans le rapport concerne-t-elle également les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) ? Tout cela concourt à un manque criant d'attractivité, en sus de l'impossibilité d'ouvrir de nouvelles formations.

Je crois que le rejet des crédits de ce programme, l'an passé, a sonné le tocsin. Même si ce budget n'est pas entièrement satisfaisant, nous avons réussi à interrompre ce cercle infernal.

Nous nous abstiendrons donc, mais je salue le travail de la mission d'information pilotée par Nathalie Delattre. Il faut, maintenant, un projet stratégique pour l'enseignement technique agricole. Il me semble nécessaire que la puissance publique réinvestisse ce domaine.

Mme Marie-Pierre Monier . - L'enseignement agricole est aujourd'hui à la croisée des chemins dans un nouveau contexte agroécologique et de renouvellement des générations d'agriculteurs. Ces enjeux sont majeurs pour notre pays et notre agriculture.

La mission d'information a permis de pointer l'ensemble des inquiétudes, notamment matérielles, auxquelles est confronté l'enseignement technique agricole. Il me semble que les suppressions effectuées entre 2017 et 2021 correspondraient à l'équivalent de 10 000 postes supprimés dans l'éducation nationale. C'est dramatique !

C'est vrai qu'il y a un léger mieux. La mission et le rapport ont certainement servi à amoindrir les suppressions de postes, néanmoins, c'est loin d'être suffisant parce qu'on ne revient pas sur tous ces postes perdus depuis plusieurs années.

Nous avions porté, l'an dernier, un amendement visant au rétablissement des emplois supprimés dans l'enseignement agricole public comme privé, pour un total de 12,5 millions d'euros. Nous en sommes bien loin, aujourd'hui. Le budget actuel ne répondra pas aux besoins de l'enseignement agricole.

Ayons également à l'esprit que la réforme des seuils de dédoublement, mise en oeuvre en 2019 pour répondre à cette évolution défavorable du schéma d'emplois, a d'ores et déjà conduit à une forte dégradation des conditions d'enseignement et d'apprentissage.

Cet enseignement agricole est pourtant une singularité pédagogique qui permet d'aider des élèves parfois en errance et de mailler notre territoire, en particulier rural. Par exemple, les travaux pratiques, indispensables à l'enseignement agricole, n'ont parfois pas lieu. Je ne pense pas que les moyens présentés pourront y remédier.

Les conséquences de la réforme du bac général doivent également être prises en considération. Cette réforme a mis en difficulté l'enseignement agricole qui, au vu des financements dont il dispose, se trouve dans l'incapacité d'offrir des options facultatives et des enseignements optionnels aussi diversifiés que dans l'enseignement général. Cela nuit à son attractivité.

Subsiste, enfin, l'épineuse question des postes d'assistants d'éducation. On peut saluer une hausse des lignes budgétaires correspondantes, lesquelles demeurent insuffisantes pour couvrir la pleine rémunération de ces personnels. Le différentiel qui subsiste pour ces postes avec le ministère de l'éducation nationale est une problématique récurrente. Nous constatons à regret que ce dernier s'est encore aggravé.

C'est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se prononce contre l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement technique agricole.

Mme Monique de Marco . - Ce budget pourrait sembler satisfaisant, car il apporte des moyens complémentaires. Mais, même si le Gouvernement présente un budget en augmentation, ce dernier nous apparaît être un trompe-l'oeil par rapport aux enjeux.

S'agissant des postes, qui sont le nerf de la guerre pour les établissements, le Gouvernement a seulement infléchi la trajectoire de suppression en passant de 110 suppressions à 16, lesquelles viennent s'ajouter au passif des suppressions des années précédentes.

Les problèmes persistent donc et remettent en cause le fonctionnement normal des établissements. Le manque de personnel ne leur permet pas, par exemple, de disposer d'un nombre suffisant d'assistants d'éducation, d'avoir des dédoublements de classe pour les travaux dirigés et travaux pratiques - ils s'effectuent pourtant avec des matériels assez dangereux dans les laboratoires ou avec des animaux et des machines agricoles - et d'avoir une diversité minimale d'enseignements optionnels.

Notons également un budget sur la santé des étudiants inférieur à celui proposé pour le reste du secteur de l'éducation supérieure.

Je me permets de rappeler le rapport sénatorial sur l'enseignement agricole, voté à l'unanimité en septembre 2021, qui fait état d'une revalorisation qui ne rattrape pas encore celle octroyée à l'éducation nationale et d'un ministre de l'agriculture qui perd tous ses arbitrages à Bercy. Reconnaissons tout de même que figurait dans ce rapport la nécessité d'avoir des moyens supplémentaires. À titre conservatoire, il appelait à l'annulation des suppressions d'emplois au PLF pour 2022.

Pour rappel, l'an passé, de nombreux amendements issus de tous les bords politiques visaient à renforcer les moyens de l'enseignement agricole dans le PLF et le PLFR. Nous pouvons qu'espérer que cela le cas également cette année.

Plus globalement, au-delà des aspects techniques, il faut rappeler que nous avons besoin de former des agriculteurs avec un enseignement agricole public fort pour assurer le renouvellement des générations. Il y a 250 000 exploitants qui arriveront à l'âge de la retraite en 2026 - c'est-à-dire un agriculteur sur deux -, tout en assurant la transition agroécologique.

Pour nous, les moyens supplémentaires doivent aller vers le développement de formations à l'orientation biologique et au système de circuit court. Par conséquent, nous voterons contre ces crédits.

Mme Nathalie Delattre , rapporteure pour avis des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » . - Je pense, comme l'ont dit Max Brisson et Céline Brulin, que l'action que nous avons menée l'an passé en votant contre les crédits proposés par le PLF a permis le sursaut de cette année.

De la même manière, le travail de notre mission d'information a été tellement remarqué que le Premier ministre vient de nommer deux députés en mission sur l'enseignement agricole. Faire et refaire, c'est toujours travailler, mais cela ne pourra que nous conforter dans une vision partagée. Nous pourrons d'ailleurs exprimer tout cela aux deux ministres, puisque nous avons un engagement du ministre de l'agriculture d'être au banc en même temps que le ministre de l'éducation nationale, lors de l'examen des crédits en séance.

Max Brisson évoquait les difficultés des établissements. Nous avons effectivement enregistré 6,12 millions d'euros pour les établissements en difficulté dans le projet de loi de finances rectificative que le Sénat examinera dans quelques semaines. Il faut que les conditions d'attribution soient plus claires que ce qui avait été prévu l'année d'avant, les règles semblant avoir changé en cours de route. Cela a permis aux établissements publics en difficulté de s'en sortir beaucoup mieux dans la répartition de l'enveloppe que les établissements privés. En revanche, aucune enveloppe de ce type n'est prévue dans le PLF 2022.

Les suppressions de 16 ETP - 9 pour le public et 7 pour le privé - résultent effectivement d'un arbitrage favorable, suite à ce que nous avons pu dénoncer, tant dans le PLF que dans la mission d'information. Le ministère de l'agriculture n'avait pas vraiment eu vent de ce que le syndicat majoritaire des enseignants a pu exprimer devant nous, à savoir rejoindre le ministère de l'éducation nationale. Ce plan avait été échafaudé par Bercy - précisément par la 7 e sous-direction de Bercy, bien connue de notre commission. Il nous faut réaffirmer fortement notre position à ce sujet. Le rapport de la mission d'information a donc permis au ministre de l'agriculture de renforcer ses arbitrages vis-à-vis de Bercy.

S'agissant de la concurrence avec l'éducation nationale, nous avons, dans le rapport, beaucoup souligné nos craintes à ce sujet. Comme moi, vous avez entendu, lors de son audition, le ministre Blanquer nous dire qu'il fallait lui signaler en direct tous les doublons et que sa volonté était de bien respecter les missions de chacun.

Comme Annick Billon, l'avis favorable n'empêche pas de rester vigilant sur de nombreux sujets.

Nous n'avons pas eu de réponse quand nous avons abordé, avec la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), le schéma d'emplois 2023. Nous avons indiqué, tant au ministre qu'à la DGER, que nous espérions que cette inflexion budgétaire soit durable.

S'agissant des exploitations agricoles qui ne rentreraient toujours pas dans les discussions budgétaires, elles figurent bien dans les budgets des établissements mais ne sont pas encore identifiées de façon propre et ne font pas l'objet d'une valorisation, notamment dans le coût unitaire par élève. Je le regrette. Des crédits sont affectés à la restructuration du système d'information, assez obsolète, qui ne pourra pas encore valoriser ces exploitations en 2022. L'amélioration des systèmes d'information est espérée pour 2023.

La réforme du bac a effectivement été synonyme de suppressions d'emplois. Les 22 millions d'euros d'attributions supplémentaires sont un rattrapage qui se fait suite aux engagements du Grenelle de l'éducation. Je note que peu de spécialités sont proposées au bac dans ces établissements. Il faudrait des effectifs supplémentaires pour assurer la pluralité des options au bac.

S'agissant des effectifs, nous avons l'espoir d'une hausse puisqu'il y a un accroissement des effectifs des élèves dans l'enseignement agricole, à hauteur de 0,8 % d'élèves supplémentaires. Cela est dû au franc succès de la campagne de communication pour les établissements agricoles.

C'est peut-être ce qui pénalise les MFR, puisque les aides à l'apprentissage sont très intéressantes pour les employeurs, en vidant les effectifs des sessions de formation initiale.

En ce qui concerne la revalorisation financière des AESH, nous n'avons pas de réponse de la DGER.

Enfin, le budget santé étudiant relève du programme 142, et non du programme 143, même s'il s'agit de corréler les deux.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement technique agricole au sein de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2022.

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