EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 23 novembre 2022, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 212 - Soutien de la politique de la défense - de la mission « Défense ».

M. Christian Cambon, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » de la mission « Défense ».

M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis de la mission « Défense » sur le programme « Soutien de la politique de la défense » . - Ce programme rassemble comme chaque année l'ensemble des crédits dédiés aux dépenses de personnel du ministère des armées, qui s'élèvent à 22,4 milliards d'euros pour l'année 2023.

Avant de laisser la parole à Marie-Arlette Carlotti pour évoquer la rémunération des militaires, je vais parler de la réserve opérationnelle qui a fait l'objet de plusieurs annonces importantes depuis cet été.

Pour rappel, la réserve opérationnelle de premier niveau (RO1) est constituée de citoyens français volontaires qui signent un engagement à servir dans la réserve d'une durée renouvelable de un à cinq ans. Une fois intégrés à leur organisme de rattachement, ces réservistes servent sous statut militaire au sein des forces armées et formations rattachées.

Je tiens à souligner que ces réservistes opérationnels jouent un rôle essentiel dans nos différentes forces. On peut notamment penser à l'implication très importante des réservistes de l'armée de terre dans le cadre de l'opération Sentinelle depuis 2015.

Cette observation peut également être déclinée dans les autres forces. Par exemple, il nous a été indiqué que lors des déploiements majeurs du groupe aéronaval (GAN) du porte-avion Charles de Gaulle , l'état-major embarqué est renforcé par 10 % à 20 % de réservistes opérationnels de la marine nationale.

Actuellement, la réserve opérationnelle des armées est constituée d'environ 40 000 réservistes conformément à un objectif fixé dans la loi de programmation militaire dès l'été 2015. Cette cible a été confirmée dans la loi de programmation actuelle pour la période 2019-2025. Ce format correspond à une remontée en puissance pour les réserves des armées qui comptaient encore moins de 28 000 personnels il y a dix ans.

Si le succès de cette remontée en puissance doit être salué, les réserves vont connaître une nouvelle transformation en profondeur dans les années à venir. En effet, lors de son discours aux armées le 13 juillet dernier, le Président de la République a annoncé un objectif de doublement du volume de la réserve opérationnelle.

Le format de 80 000 réservistes à échéance 2030 va se traduire par une révision transversale de la doctrine d'emploi des réserves à laquelle nous devrons accorder toute notre attention.

Par ailleurs, ce nouveau format impliquera de très largement renforcer le rythme de recrutement des réservistes opérationnels dans les années à venir. Selon les informations qui nous ont été communiquées, le volume de recrutement annuel devra passer de 4 700 à plus de 9 000 pour atteindre l'objectif annoncé.

La mise en oeuvre de cette trajectoire impliquera donc nécessairement un renforcement de la politique de recrutement et de fidélisation des réservistes. Sans détailler l'ensemble des leviers à utiliser pour renforcer l'attractivité de la réserve opérationnelle, j'aimerais souligner deux priorités pour accélérer le recrutement des réservistes.

En premier lieu, la réserve doit être plus lisible. En effet, l'effort de communication du ministère porte aujourd'hui prioritairement sur le recrutement des militaires d'active, ce qui est compréhensible. Il faudra à moyen terme développer une véritable stratégie de communication dédiée aux candidats à la réserve.

En second lieu, la réserve doit être plus personnalisée. La standardisation actuelle des formations à suivre par les militaires qui rejoignent la réserve peut être un frein au recrutement de certaines compétences.

Pour assurer le succès de la remontée en puissance des réserves, il faut construire des parcours personnalisés qui donnent la possibilité à chaque citoyen de s'engager dans la réserve en valorisant ses compétences. La trajectoire annoncée soulèvera d'autres difficultés matérielles, dont notamment celles liées à la problématique de l'hébergement.

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis de la mission « Défense » sur le programme « Soutien de la politique de la défense » - En guise de préambule, je tiens à signaler les difficultés que nous avons eues pour obtenir des éléments précis de la direction des ressources humaines du ministère de la défense. Si nous avons pu auditionner le directeur, nous n'avons pas reçu à ce jour les réponses écrites au questionnaire que nous lui avons soumis il y a plusieurs semaines. Je ne peux que le déplorer.

Nous nous sommes penchés sur la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) consacrée dans le rapport annexé à la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire 2019-2025.

L'année 2023 sera marquée par la mise en oeuvre définitive d'une réforme qui porte bien mal son nom. Elle se voulait d'ampleur mais restera partielle car le choix a été fait de se concentrer uniquement sur la part indemnitaire de la rémunération des militaires avec un double objectif de simplification et d'équité.

Rappelons, que cette rémunération est composée de deux parties, sur le modèle de la fonction publique : la part indiciaire ou solde de base qui dépend des grades et des échelons, et la part indemnitaire, composée d'indemnités et de primes diverses. Les primes et indemnités représentent une part importante de la rémunération des militaires : 30 % en moyenne pour les militaires du rang et 44 % pour les officiers généraux.

En 2021, avant la réforme, la rémunération des militaires était caractérisée par la complexité de la composante « primes et indemnités ». On n'y comprenait rien. Il existait 174 primes différentes, un système illisible et obsolète. Par exemple, il existait toujours une prime datant de 1948 de 2 euros pour s'acheter du lait afin de compenser l'absence de lumière dans les souterrains, ou encore une indemnité de dragage pour les dragueurs de mines qui ont disparu.

Concernant la simplification, il faut souligner le succès de cette réforme. En effet, désormais le ministère des armées aura à gérer le versement de huit primes seulement, contre plus de 170 auparavant, cela en supprimant les primes obsolètes, en harmonisant les critères d'attribution, en renforçant le caractère universel, comme la prime de mobilité géographique, et en ouvrant les primes aux célibataires et à toutes les formes d'union.

Les huit nouvelles primes sont réparties en trois volets.

En premier lieu, la militarité, c'est-à-dire les sujétions liées à la condition militaire - la mobilité géographique par exemple. En deuxième lieu, les finalités afin de valoriser l'engagement militaire - par exemple la participation à l'activité opérationnelle, le commandement ou les résultats obtenus. Et enfin, en troisième lieu, les capacités en opération : on attribue une prime selon le parcours professionnel ou pour une compétence spécifique.

Dans le domaine de la simplification, la réforme semble donc atteindre son objectif.

Quant à l'équité, le système indemnitaire du ministère des armées sera-t-il plus équitable ? Y aura-t-il des perdants ? La DRH du ministère de la défense dit que non, mais il est difficile de répondre clairement à ce stade.

Aucun outil de simulation n'a été mis à la disposition des instances de concertations par la DRH lors de l'élaboration de la réforme. Ce qui a conduit le Conseil supérieur de la fonction militaire à émettre des avis défavorables et à nous faire part de ses inquiétudes.

De plus, l'absence de mécanisme de revalorisation automatique va créer, nous le constatons déjà, un tassement des salaires qui sanctionne particulièrement les officiers, car les primes représentent près de la moitié de leur rémunération. La question de la fiscalisation de certaines primes sur le revenu des militaires aura des conséquences difficiles à évaluer, tandis que le choix de se concentrer sur les primes et indemnités pourrait se révéler défavorable pour le calcul des pensions. Nous serons vigilants à ce qu'aucun militaire ne soit perdant au nom de la simplification.

Sur le plan financier, si la NPRM s'est appuyée sur une enveloppe budgétaire de 70 millions d'euros en 2022, ce montant reste très limité au regard de l'ensemble des dépenses de personnel du ministère. Il représente moins de 1 % de l'ensemble des rémunérations d'activité versées par le ministère des armées en 2022.

Enfin, sur la méthode, nous regrettons que les instances de concertation aient été associées dans une logique d'information plutôt que de co-construction.

En conclusion, la mise en place de la NPRM satisfait son objectif de simplification, mais nous restons interrogatifs en termes d'équité. Elle est surtout incomplète, car elle ne prend pas en compte la nécessaire revalorisation de la solde de base.

C'est pourquoi, dans le cadre des travaux relatifs à la prochaine loi de programmation militaire annoncée pour le début de l'année 2023, nous serons attentifs à ce qu'une réflexion plus large soit ouverte. Dans un contexte de retour de l'inflation, nous veillerons à ce que leurs rémunérations permettent d'assurer l'attractivité de la fonction militaire, première condition de l'efficacité opérationnelle de nos armées.

Nous émettons un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Je me réjouis de cette simplification que nous avions réclamée dans notre rapport, Michel Boutant et moi-même en 2010, sur l'utilisation de la réserve pour la gestion des crises. Je souhaite mettre en avant la réserve citoyenne, que l'on a tendance à oublier alors qu'elle est de plus en plus importante dans le contexte géopolitique tourmenté que nous vivons aujourd'hui.

La réserve citoyenne présente de nombreux avantages en termes de souplesse, et en termes de coût, qui est nul ; elle nous permet de renforcer la résilience et la préparation de nos citoyens. Les militaires sont un peu désarçonnés par la simplicité de cette réserve citoyenne qui, paradoxalement, leur est plus difficile à saisir qu'une réserve opérationnelle organisée, mais je crois que, en tant que parlementaires, nous devons nous pencher sur ce sujet.

M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis . - Je suis d'accord avec Joëlle Garriaud-Maylam, je crois que nous devons relancer le ministère sur la réserve citoyenne car elle existe, mais on ne l'utilise pas assez.

La commission émet un avis favorable à l'adoption du programme « Soutien de la politique de la défense » de la mission « Défense ».

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