B. UNE DYNAMIQUE DE L'APPRENTISSAGE AUX EFFETS BUDGÉTAIRES NON MAÎTRISÉS

1. France compétences, un établissement en déficit chronique

La dynamique de l'apprentissage , constatée depuis 2019, se poursuit avec une hausse de 38 % du nombre de contrats d'apprentissage conclus entre 2020 et 2021. Pour 2022, le nombre de contrats conclus devrait s'établir entre 750 000 et 800 000.

Nombre de contrats d'apprentissage conclus chaque année

Source : Commission des affaires sociales (données : Dares)

Le financement de l'apprentissage , qui repose sur la prise en charge des contrats selon un niveau déterminé par les branches professionnelles, est assuré par France compétences dont les ressources sont principalement issues des contributions des employeurs à la formation professionnelle et à l'apprentissage (CUFPA). Or, depuis 2020, ces dépenses de guichet dépassent largement le produit des contributions des employeurs : en 2021, le produit de ces contributions s'élève à 8,8 milliards d'euros alors que les dépenses en faveur de l'alternance représentent 9,3 milliards d'euros. À ces dépenses s'ajoutent celles liées au compte personnel de formation estimées à 2,7 milliards d'euros pour 2021.

Pour 2022, les recettes issues des contributions employeurs devraient progresser pour atteindre 9,6 milliards d'euros alors que les dépenses d'alternance pourraient s'élever à 10 milliards d'euros et celles liées au CPF se maintenir autour de 2,7 milliards d'euros.

Face à ce déséquilibre chronique, France compétences doit régulièrement recourir à des emprunts de court terme pour faire face à ses besoins de trésorerie. L'établissement a bénéficié en outre de crédits budgétaires depuis 2021 pour soutenir ses besoins de financements : 2,75 milliards d'euros en 2021 puis 4 milliards d'euros prévus pour 2022 (LFR1 et PLFR). Ces subventions ne sont toutefois pas suffisantes pour combler les déficits de l'établissement .

2020

2021

2022 (p)

Crédits budgétaires alloués à France compétences

0

2,75 Md€

4 Md€

Déficit
de France compétences

4,6 Md€

2,9 Md€

2,6 Md€

Source : Documents budgétaires et réponses aux questionnaires du rapporteur

Alors qu'aucune dotation budgétaire pour France compétences n'était prévue en LFI pour 2022, le PLF pour 2023 demande une enveloppe de 1,68 milliard d'euros pour l'établissement . À cette dotation s'ajoute un ensemble de mesures qui permettraient de limiter les dépenses de l'opérateur , dont la réduction de moitié, à 800 millions d'euros (en AE) en 2023, de la contribution de France compétences au PIC. En outre, une diminution du niveau de prise en charge des contrats d'apprentissage a été engagée à l'occasion de la révision des coûts en 2022 : ces niveaux ont connu une première baisse moyenne de 5 % au 1 er septembre 2022 et une nouvelle diminution est prévue au printemps 2023. Selon le ministère du travail, ces mesures permettraient de générer une économie de 200 millions d'euros sur les dépenses d'apprentissage .

Concernant le CPF, des mesures de régulation de l'offre des formations éligibles ont été engagées par le contrôle des certifications professionnelles. La lutte contre la fraude au CPF, qui serait renforcée par une proposition de loi en cours de discussion, constituerait un levier supplémentaire dont les effets sont toutefois difficiles à évaluer.

En outre, l' article 49 du PLF, introduit à l'Assemblée nationale propose que la mobilisation du CPF par son titulaire pour le financement d'une action de formation fasse l'objet d'un mécanisme de régulation dont les modalités sont définies par décret. Il est souhaitable de réguler les dépenses liées au CPF , afin de recentrer le dispositif sur l'employabilité des utilisateurs et sur le développement des compétences à finalité professionnelle.

La commission a donc approuvé le principe d'une régulation mais a entendu en fixer les principes, en adoptant un amendement qui prévoit d'instaurer un plafonnement de la prise en charge par le CPF du coût de certaines formations . Les modalités de ce plafonnement, les formations concernées et les cas dans lesquels ce plafonnement pourra être supprimé seront déterminés par décret. Ces mesures traduisent les propositions formulées par la commission dans son rapport d'information de juin 2022 intitulé « France compétences face à une crise de croissance » 1 ( * ) .

La commission a approuvé le principe d'une régulation du CPF, en adoptant un amendement qui prévoit d'instaurer un plafonnement de la prise en charge par le CPF du coût de certaines formations.

Malgré ces mesures de régulation et les subventions prévues pour soutenir France compétences, l'établissement risque d'afficher une nouvelle fois un déficit significatif en 2023 . En retenant l'hypothèse de 800 000 contrats d'apprentissage conclus l'an prochain et d'une dépense pour le CPF de 2,6 milliards d'euros, le déficit prévisionnel de France compétences pour 2023 pourrait être de l'ordre de 4 milliards d'euros, appelant ainsi à de nouveaux recours à l'emprunt et à des soutiens complémentaires du budget de l'État.

Une telle situation n'est pas satisfaisante pour le financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle . Il est nécessaire que le Gouvernement engage une évolution structurelle du financement de France compétences. Elle doit s'accompagner d'une évaluation de la juste contribution des employeurs, du rôle budgétaire de l'État, compte tenu de la place que prend l'apprentissage dans la formation initiale, des objectifs assignés à la formation professionnelle via l'utilisation du CPF et des outils pour mieux piloter les dépenses. En conséquence, afin de matérialiser la nécessité de renforcer les outils de régulation des dépenses et de réduire la contribution de France compétences au PIC , compte tenu de sa situation financière, la commission a souhaité diminuer la subvention allouée à France compétences de 300 millions d'euros .

La commission a diminué de 300 millions d'euros la subvention allouée à France compétences, sa situation financière appelant à réguler rapidement les dépenses de l'apprentissage et du CPF.

2. Une budgétisation incertaine de l'aide aux employeurs d'apprentis dont les modalités vont être redéfinies

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a remplacé un ensemble d'aides aux entreprises en faveur de l'apprentissage par une « aide unique » pour les employeurs d'apprentis . Applicable au 1 er janvier 2019, cette aide est attribuée pendant les trois premières années d'exécution du contrat aux entreprises de moins de 250 salariés et pour la préparation d'un diplôme de niveau inférieur ou égal au baccalauréat. Dans le contexte de la crise sanitaire, une aide exceptionnelle a été instituée à compter du 1 er juillet 2020 : elle soutient les employeurs lors de la première année du contrat, quelle que soit la taille de l'entreprise et pour des diplômes de niveau inférieur ou égal à bac+5. Alors qu'elle devait prendre fin en 2021, le Gouvernement a décidé de prolonger l'application de cette aide exceptionnelle pour les contrats d'apprentissage conclus jusqu'au 31 décembre 2022. En conséquence, l'aide unique n'intervient plus qu'à partir de la deuxième année du contrat pour les employeurs éligibles.

En 2021, les dépenses de l'État au titre de ces deux aides se sont élevées à 4,5 milliards d'euros . Compte tenu de la dynamique de l'apprentissage, une enveloppe de 5,6 milliards d'euros (AE) a été ouverte pour l'année 2022, dont une partie par la mission « plan de relance », et sa consommation devrait dépasser le niveau atteint en 2021.

Pour 2023, 2,3 milliards d'euros en AE et 3,5 milliards d'euros en CP sont demandés pour le financement des aides aux employeurs d'apprentis . Ces moyens devraient permettre de poursuivre le versement des aides dues au titre des contrats conclus en 2022 et de soutenir les futurs contrats d'apprentissage par le biais d'aides dont les paramètres sont encore à définir.

En effet, le Gouvernement prévoit d'engager des concertations avec les partenaires sociaux destinées à définir de nouveaux paramètres pour le soutien aux employeurs d'apprentis en 2023 . Les niveaux de formation visés et la taille des entreprises éligibles pourraient être revus afin de limiter de potentiels effets d'aubaine sans freiner la dynamique en faveur de l'apprentissage. Les paramètres qui seront retenus n'étant pas connus à ce stade, il paraît difficile d'évaluer la pertinence de l'enveloppe de crédits demandée pour 2023 . Sa diminution par rapport à 2022 laisse entendre que le champ des nouvelles aides pourrait être plus restreint que celui de l'aide exceptionnelle, ce qui les rapprocherait de ce qui était initialement envisagé en 2018. Le Parlement devra donc assurer un suivi attentif de la budgétisation de ce dispositif lorsque ses paramètres seront connus.


* 1 Rapport d'information de Mmes Frédérique Puissat, Corinne Féret et M. Martin Lévrier, fait au nom de la commission des affaires sociales, n° 741 (2021-2022), 29 juin 2022.

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