EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 15

Obligation générale de référencement des labels d'État dans les contrats d'assurance vie

. Le présent article prévoit une obligation de référencement, dans les contrats d'assurance vie, d'unités de compte constituées de fonds labellisés, et ce pour chaque label qui pourrait être reconnu par l'État au titre du financement de la transition écologique et énergétique ou de l'investissement socialement responsable. Cela signifie que, pour chaque label ainsi reconnu par l'État, il devra être proposé à l'épargnant souhaitant souscrire ou adhérer à un contrat d'assurance vie un fonds bénéficiant de ce label. La liste de ces labels ainsi que leurs critères et modalités de délivrance seraient précisés par décret.

Compte tenu des critiques adressées au label « ISR » et, dans une moindre mesure, au label « Greenfin », la commission a adopté un amendement COM-369 du rapporteur visant à soumettre le décret établissant la liste et les critères de ces labels à un avis de l'Autorité des marchés financiers. Elle a également adopté un amendement de correction rédactionnelle COM-370.

La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : L'OBLIGATION DE RÉFÉRENCEMENT D'UNITÉS DE COMPTE CONSTITUÉES DE FONDS LABELLISÉS DANS LES CONTRATS D'ASSURANCE VIE NE PARAÎT PLUS ADAPTÉE DANS SA VERSION ACTUELLE

1. La loi « Pacte » a prévu une obligation de référencement, dans les contrats d'assurance vie, d'unités de compte renvoyant à des fonds labellisés en matière de financement solidaire, de financement de la transition écologique et énergétique et d'investissement socialement responsable

L'article 72 de la loi « Pacte »3(*) a introduit dans le code des assurances un nouvel article L. 131-1-2. Cet article vise à encourager l'investissement dans des fonds solidaires, responsables et verts, en rendant obligatoire leur référencement et leur proposition dans les contrats d'assurance vie multi-supports.

Il imposait, jusqu'au 1er janvier 2022, le référencement d'au moins une unité de compte (UC) constituée de valeurs mobilières, d'organismes de placement collectif (OPC) ou d'actifs respectant un des trois critères suivants :

- être composée, pour une part comprise entre 5 % et 10 %, de titres émis par des entreprises solidaires d'utilité sociale (ESUS), des sociétés de capital-risque, ou par des fonds commun de placement, dont l'actif est composé à 40 % d'ESUS ;

- avoir obtenu un label reconnu par l'État satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique selon des modalités définies par décret ;

- avoir obtenu un label reconnu par l'État et satisfaisant aux critères d'investissement socialement responsable selon des modalités définies par décret.

Les labels mentionnés sont respectivement couverts par les décrets du 10 décembre 20154(*) et du 8 janvier 20165(*), qui définissent les modalités selon lesquelles les labels « Greenfin » et « ISR » satisfont aux critères prévus.

Depuis le 1er janvier 2022, il est obligatoire de référencer des UC ne respectant non pas seulement l'un des trois critères précédemment définis, mais l'ensemble de ces critères. D'alternatifs, lesdits critères sont alors devenus cumulatifs. La proportion d'unités de compte du contrat respectant ces modalités doit être communiquée aux souscripteurs avant l'adhésion ou la conclusion du contrat.

Il ne s'agit ici que d'une obligation de proposition ou d'offre : les contrats d'assurance vie doivent accueillir au sein de leur gamme d'unités de compte ces trois types de placement, mais rien n'oblige le souscripteur du contrat à investir dans ces fonds labellisés.

2. Des dispositions relativement efficaces mais qui n'érodent pas significativement les investissements non verts

Dès 2019, les supports présentant des caractéristiques de durabilité étaient déjà largement présents dans l'offre financière des produits d'assurance vie, dont néanmoins seule une minorité bénéficiait d'un label extra-financier.

La labellisation des supports s'est ensuite accélérée, en particulier s'agissant du label ISR : de nombreux assureurs ont ainsi pu se conformer sans difficulté à la loi « Pacte » en 2020. Les fonds présentant le label ISR sont à la fois plus nombreux - on en compte 1 174 en mars 2023 - et plus diversifiés que pour d'autres labels. Les fonds labellisés Greenfin et Finansol, notamment, bénéficient également des effets de cette loi mais se trouvent en nombre beaucoup plus limité (98 fonds labellisés Greenfin) et appliquent des stratégies d'investissement plus homogènes ; ils sont également moins fréquemment éligibles au référencement en tant qu'unité de compte du fait des actifs spécifiques dans lesquels ils sont investis.

S'agissant de l'offre labellisée disponible, il convient de souligner que le marché français de l'assurance vie est essentiellement composé de produits hybrides proposant un grand nombre de supports en unités de compte. L'ensemble des produits s'est ainsi aisément conformé à la loi Pacte, en offrant une proportion plus ou moins grande de supports bénéficiant de labels extra-financiers français et européens.

Au-delà des seuls contrats d'assurance vie, et sur la base du référentiel de fonds labellisés « verts » établi par la Banque de France, au troisième trimestre 2022, la valeur médiane des fonds verts dans le total des OPC détenus par les assureurs est de 24 % du total des fonds détenus par ceux-ci, avec une part s'établissant autour de 37 % chez les 10 % des assureurs ayant le plus investi dans les fonds verts, et autour de 14 % pour les 10 % des assureurs y ayant le moins investi. Ainsi, la proportion des fonds « bruns » détenus par les assureurs français demeure assez élevée, suggérant que les organismes d'assurance restent sensibles au risque de transition6(*).

Concernant plus spécifiquement l'assurance vie, d'après les éléments chiffrés communiqués par l'ACPR, l'encours des actifs labellisés ISR, Greenfin et Finansol au sein des contrats d'assurance vie en unités de compte atteint 62,3 milliards d'euros au quatrième trimestre 2022, après 67,1 milliards d'euros au fin 2021 et 33,4 milliards d'euros fin 2020. Avant l'entrée en vigueur de la loi Pacte, l'encours de ces actifs s'établissait à 21,3 milliards d'euros (quatrième trimestre 2018).

L'étude d'impact, qui se fonde sur les données de France Assureurs, estime quant à elle que les montants des encours labellisés s'élevaient à 773 milliards d'euros pour le label ISR dont 124,9 milliards d'euros en UC, et 35 milliards d'euros pour le label Greenfin, dont 3,7 milliards d'euros en UC. Selon la direction générale du Trésor, ces différences significatives de chiffrage s'expliqueraient par la base de fonds labellisés retenue, France Assureurs effectuant ses calculs à partir d'une liste plus à jour que celle utilisée par l'ACPR. 

Au-delà de cette différence, il ne peut qu'être constaté que la souscription d'UC constituées de fonds labellisés a fortement augmenté depuis 2018. Au total, l'obligation de référencement pourrait avoir eu un certain effet sur l'orientation de l'épargne des Français.

3. Une labellisation qui confère déjà certaines garanties, qui doivent être renforcées

Le label Greenfin, anciennement « TEEC » pour « transition énergétique et écologique pour le climat » et, depuis 2019, « France finance verte », peut être attribué à des fonds d'investissement lorsque ceux-ci respectent des critères relatifs notamment à leur contribution directe ou indirecte au financement de la transition énergétique et écologique et à la qualité et la transparence de leurs caractéristiques environnementales7(*). Le label est composé d'un comité, qui se prononce sur les évolutions des grandes orientations relatives au processus de labellisation et propose des modifications du référentiel de labellisation, qui définit les critères à respecter pour être labellisé8(*). Un « plan de contrôle et de surveillance cadre » définit les principes applicables aux procédures de certification des fonds d'investissement qui demandent le label. La certification est assurée par des organismes désignés à cette fin. Le référentiel de labellisation ainsi que le plan de contrôle et de surveillance cadre du label sont homologués par arrêté9(*).

Le dernier référentiel du label Greenfin

La dernière version du référentiel du label Greenfin, ou « France finance verte », date de septembre 2022.

Sont éligibles : les fonds cotés, alternatifs, d'infrastructures, obligataires, de dette privée, ainsi que les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) et les organismes de placement collectif immobilier (OPCI).

Le référentiel liste huit catégories d'activités éligibles au financement du fonds : énergie, bâtiment, gestion des déchets et contrôle de la pollution, industrie, transport propre, technologies de l'information et de la communication, agriculture et forêt, adaptation au changement climatique. Il exclut les activités relevant de l'ensemble de la chaîne de valeur des combustibles fossiles et de l'ensemble de la filière nucléaire. Il existe également des exclusions allégées, visant des sociétés réalisant plus de 30 % de leur chiffre d'affaires dans certaines activités (stockage et enfouissement sans capture des gaz à effet de serre, incinération sans récupération d'énergie renforcement de l'efficience énergétique en rapport avec les combustibles fossiles, exploitation forestière non durable et agriculture sur tourbière). Les critères d'exclusion font l'objet d'une réévaluation en cohérence avec les critères de la taxinomie européenne.

Le label ISR fonctionne de la même façon : un référentiel également appelé cahier des charges, sur lequel se prononce le comité du label ISR, est homologué par arrêté10(*) : il définit les critères d'éligibilité au label. Un plan de contrôle et de surveillance définit les principes applicables aux procédures de certification des fonds d'investissement.

La labellisation ISR et Greenfin intervient selon des conditions différentes de celles prévues par la classification dite « SFDR »11(*) (Sustainable Finance Disclosure Regulation). Celle-ci répartit les fonds d'investissement en trois catégories : ceux qui ont pour objectif l'investissement durable (article 9 du règlement)12(*), ceux qui promeuvent des caractéristiques environnementales ou sociales (article 8) et les fonds classiques (article 6). Cette classification repose sur une démarche déclarative des gestionnaires de fonds et pour lesquels le contrôle s'effectue a posteriori. La seule contrainte est de publier des informations sur la façon de gérer les fonds. Toutefois, pour les fonds « article 9 », l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) a précisé que les placements devaient être 100 % durables et ne pas nuire à l'environnement - ce qui laisse une marge d'appréciation. Depuis le 1er janvier 2023, la réglementation européenne impose ainsi aux gestionnaires d'actifs de démontrer que l'intégralité des actifs de leurs placements (en fonds article 9) ne cause aucun dommage à l'environnement ou à des objectifs sociaux, ce qui a entraîné le déclassement de 235 des 695 fonds super verts commercialisés en France au 30 juin 202213(*). Cette déclassification révèle autant les marges de progrès que les insuffisances de ce dispositif. Cela ne saurait pour autant empêcher des convergences avec le droit français, pour autant que le processus de labellisation soit maintenu, dans la mesure où il offre de meilleures garanties.

Le « greenwashing », ou éco-blanchiment, s'inscrit également dans un contexte de pratiques commerciales trompeuses. L'ACPR a, sur le sujet, entendu expliciter sa définition de l'information publicitaire, exacte et non trompeuse lors de la promotion de caractéristiques extra-financières, conformément aux dispositions des articles L. 612-1 et L. 612-29-1 du code monétaire et financier, dans une recommandation du 14 décembre 202214(*). Celle-ci demande en particulier de ne pas utiliser de dénomination commerciale ou de présentation susceptible d'induire en erreur le public sur l'approche extra-financière retenue par le contrat ou le support et la portée de l'investissement, de ne pas faire état de caractéristiques extra-financières propres au contrat lorsque l'offre de supports en unités de compte présentant de telles caractéristiques se limite au respect des dispositions de l'article L. 131-1-2 du code des assurances, de veiller à la clarté des arguments (par exemple, si la terminologie est « investissement socialement responsable », préciser s'il y a lieu que le support ne bénéficie pas du label ISR) et de ne pas laisser penser que l'ensemble du contrat intègre des caractéristiques extra-financières alors que c'est seulement le cas de certains supports.

Toutefois, dans l'hypothèse même où les fonds ne feraient jamais l'objet d'une présentation commerciale trompeuse, les labels ISR et Greenfin, dans leur version actuelle, ne sont pas exempts de critiques.

S'agissant du label ISR, un rapport de l'Inspection générale des finances en date de décembre 2020 et rendu public en janvier 202115(*) est particulièrement critique : « à moins qu'il n'évolue radicalement », écrivent les auteurs, « le label ISR s'expose à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence ». Selon ce rapport, « le label ISR doit assumer une promesse simple vis-à-vis de l'épargnant particulier, celle que son placement contribue effectivement au financement d'un modèle économique durable ». Pourtant, les critères d'éligibilité semblent faibles. Par exemple, selon le référentiel actuel du label ISR, sur les quatre critères de durabilité qu'il prévoit (environnement, social, gouvernance et respect des droits humains), il suffit d'être mieux-disant que la moyenne sur deux de ces critères pour avoir le label. Par ailleurs, selon une enquête publiée le 29 novembre 2022 dans Le Monde, près de 50 % investissent dans des énergies fossiles - soit autant que le reste du panel d'étude16(*).

Plus récemment, la Banque de France a publié un papier17(*) permettant d'établir que, si l'intensité carbone des fonds labellisés ISR était inférieure à celle des fonds non labellisés (de 21 % pour les émissions liées au processus de production, et de 14 % pour le périmètre des émissions liées à la production et la consommation d'énergie), la distribution du portefeuille par niveau d'intensité carbone des investissements était très similaire entre les fonds labellisés et les autres. Si l'on retire les 10 % des investissements les plus polluants - ils représentent un peu plus de 80 % du contenu carbone des investissements - les intensités carbones entre labellisés et non labellisés sont égales. De la même manière, les entreprises liées aux énergies fossiles sont moins présentes dans le portefeuille des fonds ISR : leur poids est inférieur de 35 % à celui des fonds non labellisés. Au total, le label évince les fonds les moins verts sans garantir d'excellence environnementale.

Distribution des fonds en fonction de l'intensité carbone moyenne
de leur portefeuille

Note : sont visés les portefeuilles en actions des fonds actions de droit français. Les fonds « labélisés » sont les fonds ayant obtenu le label ISR. 

Source : Banque de France, ISS

Concernant le label Greenfin, ses performances environnementales sont - logiquement - meilleures que celles du label ISR. Toutefois, l'enquête du Monde susmentionnée avait mis en évidence que, alors que son cahier des charges prévoit l'exclusion de « l'ensemble de la chaîne de valeur des combustibles fossiles », 30 % des fonds étudiés (5 sur 17) contenaient au moins un actif des énergies fossiles - certes pour un volume d'investissement limité à 0,5 % du fonds ou moins.

Il convient ici de souligner que, pour réussir la transition écologique et énergétique, l'investissement dans des actifs potentiellement polluants ne saurait être prohibé, car un temps d'adaptation des industries existantes est nécessaire. Toutefois, l'enjeu de la sincérité de la démarche doit être posé : un épargnant qui croit investir dans des activités durables ne doit pas être trompé sur l'emploi de son argent. C'est d'ailleurs peut-être la remise en question des labels existants qui explique la baisse des encours labellisés en assurance vie entre 2021 et 2022 (cf supra).

Cela suppose, par conséquent, une révision des labels existants, ainsi que l'éventuel ajout de nouveaux labels « intermédiaires » pour réorienter une épargne qui ne craindrait pas de financer la transition.

Dans un contexte de demande croissante de l'élargissement de l'offre de labels, le ministère de l'économie envisage ainsi de compléter l'offre de labels d'État, afin notamment de valoriser les fonds investissant dans la décarbonation des entreprises. La réflexion sera menée en concertation avec l'ensemble des acteurs au second semestre 2023, et devra permettre de définir précisément les besoins en matière de classes d'actifs couvertes et de secteurs visés, tout en veillant à une articulation intelligente avec les labels existants18(*).

Une refonte du label ISR a ainsi été lancée à partir de mars 2021, donnant lieu à des propositions sur les objectifs et les modalités d'évolution du référentiel présentées en octobre 2022.

Depuis, le comité du label ISR a soumis à consultation mi-avril 2023 une première version du référentiel révisé, après six mois de travaux menés avec la place, et remettra une version finale au ministre de l'économie à la mi-juillet. Les pistes de révision envisagées sont ambitieuses, et consistent à :

renforcer les exigences de sélectivité du label, avec notamment une augmentation du seuil de sélectivité à 30 % et la mise en place d'exigences claires sur l'engagement actionnarial ;

- améliorer la coordination avec la réglementation européenne, en demandant notamment la prise en compte des « principales incidences négatives » définies par le règlement européen SFDR, au niveau de chaque fonds labellisé ;

intégrer systématiquement une dimension climat dans le socle du label, à travers l'introduction d'exclusions sectorielles (par exemple charbon, énergies fossiles non conventionnelles) et l'exigence d'une cohérence de la stratégie des entreprises avec les accords de Paris.

La consultation s'est clôturée le 31 mai 2023. Le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté numérique devrait publier la version finalisée du label dans le courant du troisième trimestre de l'année 202319(*).

Des travaux de refonte du label Greenfin devraient par ailleurs se dérouler au second semestre 2023, et devraient aboutir à une meilleure articulation avec le cadre européen sur la finance durable mis en oeuvre depuis 2018, en particulier la taxinomie « verte ».

Enfin, selon les informations obtenues par le rapporteur, il est question de mettre en place un label axé sur la transition écologique, entre le label ISR et le label Greenfin. Celui-ci ne se limiterait pas à investir dans les activités considérées comme durables au regard de la taxinomie verte européenne, mais imposerait des contraintes de transition dans certains secteurs et définirait des secteurs prioritaires pour l'investissement. Les réflexions entourant la mise en place de ce nouveau label sont placées sous l'égide de l'Institut pour la Finance durable.

Or l'article L. 131-1-2 du code des assurances ne prévoit la présentation que d'un fonds ayant obtenu un label en matière de financement de la transition écologique et énergétique (Greenfin) et d'un fonds ayant obtenu un label en matière d'investissement socialement responsable (ISR). L'inclusion de nouveaux labels - et de nouvelles catégories de fonds labellisés devant faire l'objet d'une présentation obligatoire dans les contrats d'assurance vie - devrait ainsi passer par une modification législative.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE OBLIGATION DE RÉFÉRENCEMENT D'UNITÉS DE COMPTE CONSTITUÉES DE FONDS LABELLISÉS, POUR CHAQUE LABEL RECONNU PAR L'ÉTAT EN MATIÈRE DE TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET ÉNERGÉTIQUE ET D'INVESTISSEMENT SOCIALEMENT RESPONSABLE

La rédaction actuelle de l'article L. 131-1-2 du code des assurances suggère que, pour présenter davantage de fonds labellisés, il faudrait, à chaque nouveau label, modifier la loi. Le présent article vise, au contraire, à ouvrir le champ des fonds labellisés devant être présentés aux souscripteurs et adhérents d'un contrat d'assurance vie à chaque nouveau label intervenant dans ces domaines et reconnus par l'État.

Il s'attache ainsi à réécrire l'article L. 131-1-2 du code des assurances de sorte que, pour chaque label reconnu par l'État au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou de l'investissement socialement responsable, le contrat d'assurance vie fasse référence à au moins une unité de compte constituée de valeurs mobilières ou d'actifs ayant obtenu ce label. Il s'agit d'un élargissement de l'obligation de référencement déjà existante à tous les labels qui pourraient être reconnus par l'État dans ces domaines.

Ainsi, actuellement, si un épargnant souhaite souscrire un contrat d'assurance vie multi-supports, il se voit proposer la souscription à un fonds labellisé « ISR » et à un fonds labellisé « Greenfin ». Si l'État reconnaît un nouveau label en matière de financement de la transition écologique et énergétique, ou d'investissement responsable, l'épargnant se verra également présenter un fonds ayant obtenu ce nouveau label.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF SANS GARANTIE SUR LE CARACTÈRE RÉELLEMENT ÉCOLOGIQUE DES LABELS VISÉS

Les effets d'un tel dispositif paraissent limités, puisqu'il ne s'agit que d'une obligation de proposer des fonds labellisés. La mobilisation de financements en faveur de la transition écologique qui résulterait de son adoption, si elle fait peu de doute, sera probablement assez faible.

Si, par ailleurs, le rapporteur déplore la pauvreté des renseignements obtenus sur les nouveaux labels qui pourraient être créés par l'État, elle note la volonté de réviser les labels existants et de créer un label valorisant la transition. Il est bon, en effet, que des fonds ayant obtenu un label de ce type puissent être proposés dans les contrats d'assurance vie : le financement de la transition d'industries aujourd'hui polluantes mais qui s'engagent à réduire la part de leurs activités néfastes pour l'environnement, est au moins aussi indispensable pour la transition que celui d'activités déjà durables.

Toutefois, au regard de l'ensemble des critiques déjà adressées au label ISR et, dans une moindre mesure, au label Greenfin, la simple « reconnaissance par l'État » des labels prévus, et dont la liste serait fixée par décret, ne saurait constituer une garantie suffisante quant à la contribution au financement de la transition énergétique et écologique ou au caractère socialement responsable de l'investissement.

La commission a par conséquent adopté un amendement COM-369 du rapporteur, qui prévoit que le décret soit soumis à l'avis de l'Autorité des marchés financiers. S'étant dotée en juillet 2019 d'une commission « climat et finance durable » et s'étant vu confier la mission de veiller à la qualité de l'information fournie par les sociétés de gestion sur leur stratégie d'investissement et leur gestion des risques liés aux effets du changement climatique par l'article 77 de la loi « Pacte », cette autorité de supervision paraît la plus à même de se prononcer sur ces sujets.

Elle a enfin adopté un amendement de correction rédactionnelle COM 370.

Décision de la commission : la commission des finances propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 16

Création d'un plan d'épargne avenir climat

. Le présent article prévoit de créer un nouveau produit d'épargne exclusivement réservé aux mineurs, le plan d'épargne avenir climat (PEAC). Les versements effectués sur ce plan seraient principalement alloués au financement de l'économie productive et de la transition écologique, dans des conditions qu'il conviendra certainement de préciser.

Le rapporteur a toutefois relevé que les dispositions présentées dans le projet de loi n'étaient ni complètes ni suffisamment précises sur les modalités de fonctionnement de ce produit, qui oscillait, dans le dispositif proposé, entre un livret d'épargne règlementée et un produit d'épargne financière, orienté vers des actifs plus risqués. À la suite d'échanges avec le Gouvernement, elle a donc proposé à la commission d'adopter l'amendement COM-371 visant à réécrire entièrement le présent article.

Concrètement, les modalités de fonctionnement du PEAC s'inspireront très largement de celles du plan d'épargne retraite (PER), avec une gestion pilotée à horizon obligatoire : des actifs plus risqués, mais généralement plus rémunérateurs, seront choisis en début de « vie » du produit tandis que, au fur et à mesure que l'âge de déblocage des fonds se rapprochera, des actifs moins rémunérateurs mais plus sécurisés seront privilégiés. Une stratégie de désensibilisation au risque est donc prévue, pour un produit qui sera ouvert sous la forme soit d'un compte titres, soit d'un contrat de capitalisation.

Par son amendement COM-371, la commission a souhaité préciser la durée de blocage des fonds, à savoir jusqu'à la majorité du titulaire, ou, si le plan est ouvert à compter de son 13e anniversaire, après une durée de cinq ans.

Par ce même amendement, la commission a également supprimé l'abondement de l'État pour toute ouverture de ce produit. En effet, de par ses caractéristiques mêmes - actifs plus risqués, blocage des sommes, absence de garantie sur les versements - le PEAC s'adresse plutôt aux ménages avertis et qui ont par ailleurs une capacité d'épargne suffisamment importante pour pouvoir épargner pour eux et pour leurs enfants, en choisissant des actifs risqués. Le risque d'un effet d'aubaine est également important. En revanche, et en contrepartie de ce risque, les produits des versements effectués sur le PEAC seront défiscalisés à la liquidation du plan, ce qui bénéficiera au titulaire.

L'entrée en vigueur de l'article est enfin reportée du 1er janvier 2024 au 1er juillet 2024 au plus tard, un horizon bien plus réaliste au regard des adaptations que demandera la mise en place de ce produit pour les distributeurs et les gestionnaires.

La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LES MINEURS, UNE CLIENTÈLE TRÈS PARTICULIÈRE BÉNÉFICIANT DE NOMBREUX PRODUITS D'ÉPARGNE ET DE GARANTIES DE GESTION SPÉCIFIQUES

A. PLUSIEURS DISPOSITIONS DE PORTÉE GÉNÉRALE DU CODE CIVIL S'IMPOSENT À LA GESTION DE L'ÉPARGNE ET DU PATRIMOINE DES MINEURS

La section 1 du chapitre II du titre IX du livre Ier du code civil comprend les dispositions applicables en matière d'administration légale, qui « appartient aux parents » (article 382 du code civil). L'article 385 du même code impose à l'administrateur légal « d'apporter dans la gestion des biens du mineur des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt du mineur ».

L'administrateur légal est donc par principe responsable de tout dommage résultant d'une faute quelconque commise dans la gestion des biens du mineur (article 386 du code civil). Ce dernier peut demander des comptes sur la gestion de son épargne dans les cinq ans qui suivent sa majorité.

Par ailleurs, pour qu'une convention soit valide, par exemple une convention liée à la commercialisation d'un produit financier, trois éléments doivent être réunis : le consentement des parties, leur capacité à contracter et un contenu licite et certain (article 1128 du code civil). Or, aux termes des articles 1145 et 1146 du code civil, les mineurs non émancipés sont incapables de contracter.

Ils ne peuvent dès lors pas ouvrir d'eux-mêmes un produit financier ou un contrat d'assurance vie : les actes d'administration nécessitent la présence d'au moins un représentant légal, tandis que les actes de disposition nécessitent l'intervention conjointe des parents. Lorsque le mineur a plus de 16 ans, certains établissements demandent néanmoins son accord pour les actes de disposition.

Les actes d'administration et les actes de disposition

Les actes d'administration sont des actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal, tandis que les actes de disposition sont des actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire.

Relèvent par exemple des actes d'administration l'ouverture d'un premier compte ou d'un livret, l'emploi ou le réemploi de sommes d'argent qui ne sont ni des capitaux, ni des excédents de revenus ou encore la demande de délivrance d'une carte bancaire de retrait. Relèvent en revanche des actes de disposition la modification du compte ou du livret ouvert au nom de la personne protégée, l'emploi ou le réemploi des capitaux, l'ouverture d'un compte de gestion de patrimoine ou encore la vente d'instruments financiers.

Source : décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil

B. SI LE LIVRET JEUNE EST SPÉCIFIQUEMENT DÉDIÉ AUX MINEURS, CES DERNIERS ONT ACCÈS À D'AUTRES PRODUITS D'ÉPARGNE, RÈGLEMENTÉE COMME FINANCIÈRE

L'épargne des mineurs représentait environ 40 milliards d'euros en 2021, dont la majorité placée sur des produits liquides et réglementés (livret A, livret jeune et plan épargne logement [PEL])20(*). Plus de la moitié des mineurs dispose ainsi d'un produit d'épargne, 40 % disposant d'un livret A, 15 % d'un livret jeune, 5 % d'un PEL et 5 % d'une assurance vie.

1. Des produits d'épargne règlementée accessibles aux mineurs

Selon la Banque de France, sont qualifiés de produits d'épargne règlementée les produits qui présentent plusieurs des caractéristiques suivantes : un rendement déterminé par l'État de manière discrétionnaire et pouvant être garanti sur une période prédéfinie, des conditions minimales de dépôt et de retrait, des dispositions fiscales spécifiques, la garantie de l'État.

a) Le livret jeune, un dispositif créé en 1996 et spécifiquement dédié aux mineurs et aux jeunes adultes

Créé par la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier21(*), le livret jeune est réservé aux personnes physiques âgées de 12 ans à 25 ans et résidant à titre habituel en France (article L. 221-24 du code monétaire et financier [CMF]). L'ouverture de ce livret ainsi que les opérations de dépôt et de retrait sont exclusivement effectuées par le titulaire, sous deux réserves :

- si le mineur est âgé de moins de 16 ans, l'autorisation du représentant légal est requise pour toute opération de retrait. Elle doit prendre la forme d'une notification à l'établissement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;

- si le mineur est âgé de 16 ans à 18 ans, l'opération de retrait est possible sauf opposition du représentant légal du mineur, dans les mêmes conditions que celles prévues pour son autorisation.

Une même personne ne peut être titulaire que d'un livret jeune, dont le plafond est fixé par décret à 1 600 euros (article D. 221-85 du CMF), hors capitalisation des intérêts. Le taux ne peut être inférieur à celui du livret A, les établissements bancaires pouvant proposer un taux supérieur. Les intérêts n'entrent pas dans le calcul du revenu net imposable de son titulaire (article 157 du code général des impôts (CGI]).

La personne demandant l'ouverture du livret jeune doit pouvoir justifier de son âge par un document officiel et, si elle est mineure, doit donner le nom et l'adresse de son représentant légal (article R. 221-77 du CMF). Il lui revient également de demander la clôture du livret au plus tard le 31 décembre de l'année de son 25e anniversaire, les établissements pouvant sinon le solder d'office et transférer les sommes figurant au crédit de ce livret sur un autre compte désigné à cet effet par le titulaire du livret jeune (article R. 221-79 du CMF).

Les encours du livret jeune s'élevaient à 5,4 milliards d'euros en 2021, après une décollecte annuelle nette de 400 millions d'euros22(*). Ils représentaient 0,1 % des placements financiers des ménages résidant en France au 31 décembre 2021.

b) Le livret A, produit d'épargne règlementée le plus distribué et disponible pour les mineurs

Le livret A est un produit d'épargne règlementée, proposé par tout établissement de crédit habilité à recevoir du public des fonds à vue et qui s'engage à cet effet par convention avec l'État (article L. 221-1 du code monétaire et financier). Une personne physique ne peut être titulaire que d'un seul livret A.

Le taux d'intérêt de ce livret d'épargne règlementée est fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie (article R. 221-4 du CMF) ; il s'élève aujourd'hui à 3 %Le plafond est fixé à 22 950 euros pour les personnes physiques (article R. 221-2 du CMF). Les intérêts n'entrent pas dans le calcul du revenu net imposable de son titulaire (article 157 du code général des impôts).

Une quote-part du total des dépôts collectés au titre du livret A est centralisée auprès de la Caisse des dépôts et consignations dans le fonds d'épargne (articles L. 221-5 et L. 221-7 du CMF), en contrepartie d'une rémunération.

Le fonds d'épargne

Confié en 1837 à la Caisse des dépôts et consignations, le fonds d'épargne remplit deux missions : 1) protéger l'épargne populaire centralisée en son sein et 2) transformer une partie de cette épargne à vue en prêts de long terme finançant le logement social et des emplois d'intérêt général.

Le fonds d'épargne délègue la commercialisation et la gestion de ses prêts à la Banque des territoires, direction de la Caisse des dépôts, et la gestion de ses placements financiers à la direction des gestions d'actifs de la Caisse.

Source : Cour des comptes, Observations définitives, «  L'épargne règlementée (2016-2021) », septembre 2022

Les sommes non centralisées doivent en priorité être utilisées par les établissements pour financer :

- les petites et les moyennes entreprises (PME) à hauteur d'au moins 80 %23(*);

- les projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique à hauteur d'au moins 10 % ;

- les entreprises de l'économie sociale et solidaire à hauteur d'au moins 5 %.

Aux termes de l'article L. 221-3 du code monétaire et financier, « les mineurs sont admis à se faire ouvrir des livrets A sans l'intervention de leur représentant légal ». Le livret ne peut pas être utilisé avant 12 ans. Ensuite, à partir de 16 ans, les mineurs peuvent ouvrir un livret A sans recueillir le consentement de leurs parents et peuvent également retirer des sommes sans intervention de leur représentant légal, sauf opposition de sa part, par la voie d'une notification à l'établissement dépositaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Les encours du livret A s'élevaient à 343,1 milliards d'euros en 2021, après une collecte annuelle nette de 16,1 milliards d'euros24(*). Ils représentaient 13,8 % des placements financiers des ménages résidant en France au 31 décembre 2021, pour 55,7 millions de livrets ouverts25(*). Selon les données de la Banque de France, les ouvertures de livret A par les mineurs et les étudiants ont représenté 34 % des ouvertures totales et les encours des personnes âgées de moins de 25 ans ont affiché la plus forte progression en 2021 (+ 9 %). Ces personnes détiennent ainsi 27 % des livrets pour 12 % des encours, contre une part de 30 % dans la population totale26(*).

Les données inscrites dans l'étude d'impact indiquent que 21,7 milliards d'euros seraient exclusivement détenus par des mineurs.

c) Les plans d'épargne logement, un produit moins utilisé par les mineurs

Les représentants légaux du mineur peuvent lui ouvrir un compte épargne logement (CEL) ou un plan d'épargne logement (PEL). Il revient au représentant légal du mineur d'assurer la gestion de ces produits jusqu'aux 18 ans de l'enfant.

Les intérêts des CEL et des PEL ouverts après 2018 sont soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 30 %, à savoir 12,8 % pour l'impôt sur le revenu et 17,2 % pour les prélèvements sociaux.

2. La possibilité pour les mineurs ou pour les jeunes adultes de souscrire ou d'être le bénéficiaire de produits financiers

Parmi les produits financiers traditionnels, les mineurs n'ont pas seulement accès aux produits d'épargne règlementée, mais également à de l'épargne financière, potentiellement plus risquée.

a) La possibilité, pour le mineur, d'être titulaire d'un plan épargne logement ou d'une assurance vie

La détention d'un contrat d'assurance vie27(*) est réservée aux personnes physiques ayant la capacité juridique de souscrire ce contrat. Un mineur ne peut donc le faire seul :

- si le mineur à moins de 12 ans, les documents doivent être signés par les deux représentants légaux ;

- si le mineur a plus de 12 ans, son consentement est requis (article L. 132-4 du code des assurances).

Le représentant légal assure par ailleurs la gestion du contrat jusqu'aux 18 ans de l'enfant. Il peut dès lors choisir la composition du contrat, entre fonds euros et unités de compte.

b) Le plan d'épargne retraite, disponible pour toute personne physique, peut être ouvert pour un mineur par son représentant légal

Aux termes de l'article L. 224-1, le plan d'épargne retraite (PER) peut être ouvert par toute personne physique, sous la forme d'un compte-titres ou d'une assurance. Concrètement, cela signifie que les représentants légaux d'un mineur peuvent ouvrir un PER à son nom et y effectuer des versements.

Le PER fonctionne selon le principe de la gestion pilotée à horizon : la gestion est déléguée au gestionnaire du plan qui alloue les fonds en fonction du profil du titulaire et de façon à réduire progressivement la prise de risque au fur et à mesure que le titulaire approche de l'âge de son départ en retraite. La gestion pilotée est l'option de gestion « par défaut » du PER. De fait, elle vise également à encourager l'investissement en titres d'entreprises, cotées ou non : la durée du placement, avec une épargne « bloquée », sauf circonstances très particulières28(*), permet d'une part de pouvoir investir sur le temps long et de diversifier davantage les actifs investis et, d'autre part, de faire prendre un peu plus de risque à l'épargnant lorsqu'il est encore loin de l'échéance de son plan. Cette prise de risque permet le plus souvent d'obtenir des rendements plus élevés, avec une « désensibilisation » au risque au fur et à mesure de la vie du produit.

À la fin du mois d'avril 2023, les encours du PER individuel s'élevaient à 52,5 milliards d'euros, dont 46 % sur des unités de compte. 4,1 millions de personnes disposaient d'un PER, sans données permettant de distinguer les titulaires majeurs (en quasi-totalité) des titulaires mineurs. Les seules informations disponibles indiquent que 15,7 milliards d'euros ont été versés par 2 700 foyers fiscaux sur des PER ouverts au bénéfice de personnes à charge en 202029(*), le plus souvent avec l'objectif de contourner le plafond de déductibilité fiscale des versements des parents.

Le PER s'accompagne en effet lui aussi d'un avantage fiscal : le titulaire imposable à l'impôt sur le revenu peut déduire de son revenu global les sommes versées sur son PER, dans la limite de 10 % de ses revenus professionnels ou de 10 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (article 163 quatervicies du CGI). Cette disposition s'apprécie à l'échelle du foyer fiscal et pour chacun de ses membres : le plafond sera alors, pour le mineur qui ne dispose pas de ressource, de 10 % le plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 4 114 euros.

c) Le plan d'épargne en actions, un produit en revanche réservé aux majeurs

Le plan d'épargne en actions (PEA)30(*) est un produit permettant aux épargnants dont le domicile fiscal est situé en France de se constituer un portefeuille en actions investies directement ou via des fonds : 5,2 millions de PEA étaient ouverts à la fin de l'année 2022, pour un encours total de près de 101 milliards d'euros (112 milliards d'euros à la fin de l'année 2021)31(*).

Sont éligibles au PEA :

les actions cotées ou, sous certaines conditions, les actions non cotées, les certificats d'investissement, les certificats de coopératives d'investissement, les certificats mutualistes, les parts de société à responsabilité limitée (SARL), les titres de capital de sociétés coopératives. Les sociétés émettrices de ces titres doivent disposer de leur siège dans l'Union européenne ou dans un État de l'Espace économique européen (EEE) (1° du I de l'article L. 221-31 du CMF) ;

les parts de placements collectifs (actions de sociétés d'investissement à capital variable, fonds communs de placement, organismes de placement collectif en valeurs mobilières) investis au moins à 75 % en actions et titres de sociétés ayant leur siège dans l'Union européenne ou dans un État de l'EEE (2° du I de l'article L. 221-31 du CMF).

L'article 90 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises32(*) (Pacte) a ouvert la possibilité à tout majeur d'ouvrir un PEA, c'est-à-dire de fait aux jeunes majeurs rattachés au foyer fiscal de leurs parents. Le plafond de ce « PEA jeunes » est fixé à 20 000 euros, contre 150 000 euros pour le PEA « classique » pour une personne seule et 300 000 euros pour un couple.

Destiné à favoriser le soutien à l'économie française et européenne, le PEA, classique ou jeunes, bénéficie de conditions fiscales avantageuses : l'article 157 du CGI dispose ainsi que les produits et les plus-values procurés par les placements effectués dans le cadre d'un PEA ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu si aucun retrait n'est intervenu sur le plan pendant cinq ans, les produits et les plus-values demeurant toutefois soumis aux prélèvements sociaux (17,2 %)33(*). Le même régime fiscal et social s'applique aux dividendes capitalisés sur le PEA, sous la condition des cinq ans de détention (article 150-0 A du CGI).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA CRÉATION D'UN PLAN D'ÉPARGNE AVENIR CLIMAT RÉSERVÉ EXCLUSIVEMENT AUX MINEURS

Le I du présent article insère, au sein du chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier (CMF), dédié aux produits d'épargne générale à régime fiscal spécifique, une section 7 ter intitulée « Plan d'épargne avenir climat ». Cette section serait composée de trois articles, réglant respectivement les modalités d'ouverture, de fonctionnement et de clôture du plan d'épargne avenir climat (PEAC).

Le II du présent article insère quant à lui une sous-section 1 bis au sein de la section 2 des chapitres II, III et IV du titre IV du livre VII du CMF afin d'appliquer les dispositions de la nouvelle section 7 ter en Nouvelle-Calédonie (1° du II), en Polynésie française (2° du II) et dans les îles Wallis et Futuna (3° du II). Pour ce faire, sont créés respectivement les articles L. 742-12-1, L. 743-12-1 et L. 744-11-1 du code monétaire et financier.

Le III du présent article précise enfin que l'ensemble de ces dispositions entre en vigueur au 1er janvier 2024.

A. UN PRODUIT DÉDIÉ AUX MINEURS ET BÉNÉFICIANT D'UN ABONDEMENT DE L'ÉTAT

1. Les conditions d'ouverture du plan d'épargne avenir climat

Aux termes du nouvel article L. 221-34-2 de la section 7 ter du code monétaire et financier, le plan d'épargne avenir climat (PEAC) est réservé aux personnes physiques âgées de moins de 18 ans et résidant en France à titre habituel. En l'état de la rédaction, l'ouverture ne requerrait pas l'intervention du représentant légal du mineur, qui ne pourra être titulaire que d'un seul plan. Toute personne pourra effectuer des versements en numéraire sur le plan, dans la limite d'un plafond global fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie.

Le PEAC pourra être proposé par un établissement de crédit ou par une entreprise d'investissement, qui se sera engagé à cet effet par convention avec l'État. Au sens de la directive dite « MIF 2 »34(*), un établissement de crédit est une entreprise dont l'activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d'autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte, tandis qu'une entreprise d'investissement désigne toute personne morale dont l'occupation ou l'activité habituelle consiste à fournir un ou plusieurs services d'investissement à des tiers ou à exercer une ou plusieurs activités d'investissement à titre professionnel.

Si le plan est ouvert l'année de naissance du titulaire, l'État verse un abondement, dont le montant sera également défini par arrêté.

L'article L. 221-34-2 renvoie enfin à un décret en Conseil d'État la détermination des modalités d'ouverture et de gestion du PEAC ainsi que les conditions dans lesquelles le titulaire du plan et son bénéficiaire légal bénéficient d'une information régulière et détaillée sur leurs droits et sur la performance du plan.

2. Les modalités de clôture du plan d'épargne avenir climat

Les modalités de clôture du PEAC sont directement liées aux bénéficiaires de ce produit, à savoir les mineurs. L'article L. 221-34-4 de la nouvelle section 7 ter du code monétaire et financier dispose ainsi qu'une fois atteint l'âge de 18 ans, les retraits partiels de sommes ou de valeurs n'entrainent pas la clôture du plan.

Avant cet âge, il est prévu que les droits constitués dans le cadre du PEAC ne puissent être partiellement ou totalement liquidés qu'en cas d'invalidité du titulaire ou de décès de l'un de ses parents. La liquidation est soumise à autorisation du représentant légal lorsque le titulaire a moins de 16 ans, tandis que s'il est âgé de 16 ans à 18 ans, il peut y procéder sauf opposition de son représentant légal.

Si le titulaire du plan décède avant ses 18 ans, le plan sera automatiquement clôturé et les sommes ou valeurs y figurant pourront être retirées par ses ayants droit.

B. UN PRODUIT D'ÉPARGNE DESTINÉ À SOUTENIR L'ÉCONOMIE PRODUCTIVE ET LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Le nouvel article L. 221-34-3 de la section 7 ter du CMF encadre la destination des versements effectués sur le plan d'épargne avenir climat. Ils devront ainsi être affectés à « l'acquisition de titres financiers contribuant au financement de l'économie productive et de la transition écologique », tout « en offrant une protection suffisante de l'épargne investie et en prenant en considération les modalités de gestion financière du plan ».

Il s'agit notamment de prendre en compte le fait que les sommes investies devront être disponibles lorsque le titulaire du plan atteindra sa majorité. À cet égard, les versements devront être affectés selon une allocation permettant de réduire progressivement les risques financiers pour le titulaire, ce qui peut être qualifié de gestion pilotée par horizon, à l'instar de ce qui est prévu pour le plan épargne retraite. Le PEAC ne prendrait dès lors pas nécessairement la forme d'un livret d'épargne règlementée au sens du livret A ou du livret jeune.

Le même article L. 221-34-3 prévoit toutefois que les versements pourront, en vue de leur placement, être en tout ou partie centralisés auprès d'un établissement public, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Selon la présentation de ce dispositif par le Gouvernement, cet établissement devait être la Caisse des dépôts et consignations.

De nouveau, les titres dans lesquels le PEAC pourra être investi, les principes d'allocation de l'épargne et les stratégies d'investissement pouvant être proposées par le PEAC seront définis par arrêté du ministre chargé de l'économie.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA PRÉSENTATION D'UN DISPOSITIF INCOMPLET, QUI NÉCESSITE D'IMPORTANTES CLARIFICATIONS SUR LE FONCTIONNEMENT MÊME DE CE PLAN D'ÉPARGNE AVENIR CLIMAT

Les objectifs poursuivis par la création du plan d'épargne avenir climat (PEAC) peuvent être partagés et même soutenus par la commission des finances : il s'agit à la fois de soutenir les priorités de financement de l'économie française et la transition écologique tout en permettant aux mineurs de se constituer un capital en vue de leur entrée dans la vie active (études, logement, etc.).

Le rapporteur relève toutefois, et elle s'en est étonnée auprès du Gouvernement, que le dispositif présenté dans le présent projet de loi n'était pas finalisé. Les modalités de fonctionnement du PEAC, telles que précédemment explicitées, ne permettent pas de comprendre clairement en quoi consistera ce produit, avec une oscillation entre un livret et un produit financier. Le Gouvernement avait annoncé, à grand renfort de communication, le lancement d'un produit « grand public », géré par la Caisse des dépôts. Les auditions et les travaux menés par le rapporteur ont montré qu'il ne s'agissait pas du tout du produit qui serait finalement proposé.

Or, contrairement à ce qui a pu lui être suggéré, clarifier les caractéristiques de ce nouveau produit d'épargne ne pouvait attendre la navette parlementaire : le Sénat doit pouvoir se prononcer en connaissance de cause sur la création du PEAC.

Après des échanges avec le Gouvernement, le rapporteur a donc proposé à la commission d'adopter l'amendement COM-371, qui réécrit entièrement le dispositif. Les principales modifications sont présentées ci-après, la commission estimant toutefois que d'autres clarifications pourraient être apportées en vue de la séance publique.

A. ALIGNER LE PLAN D'ÉPARGNE CLIMAT SUR LES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT DU PLAN D'ÉPARGNE RETRAITE

1. Une oscillation entre livret d'épargne règlementée et produit financier tranchée en faveur de ce dernier

Le Gouvernement a longtemps hésité, tant dans sa communication en amont du projet de loi que dans le dispositif même, entre créer un produit proche d'un livret règlementé, avec un rôle majeur pour la Caisse des dépôts et consignations, et créer un produit financier, répondant davantage à l'impératif de financer l'économie « productive », avec un actif un peu plus risqué.

L'amendement adopté par la commission exclut définitivement l'option du livret d'épargne centralisée au sens du livret A ou du livret jeune : le PEAC prendra la forme d'un produit d'épargne avec acquisition de titres, sous la forme d'actions ou d'obligations. Comme pour le plan d'épargne en actions, les titres éligibles devront concerner d'abord les entreprises françaises, ensuite européennes.

Il ne s'agit donc pas de proposer un nouveau produit règlementé, alors qu'il en existe déjà plusieurs accessibles aux mineurs (livret A, livret jeune et PEL), mais un produit plus en adéquation avec le profil d'investissement d'un mineur, à savoir un profil de long terme, avec la possibilité de bloquer les sommes versées sur le plan. La constitution d'une épargne pour le mineur n'est en effet généralement pas soumise à des contraintes de liquidité ou de mise à disposition immédiate, mais réservée aux études ou à l'entrée dans la vie active.

Le PEAC prendra donc la forme soit d'un contrat de capitalisation (forme « assurantielle ») soit d'un compte-titres associé à un compte en espèces. Dans le premier cas, les assureurs et les autres acteurs intervenant dans la distribution devront se conformer aux exigences de la directive sur la distribution d'assurance (dite DDA)35(*), sous la supervision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, tandis que, dans le second cas, les intermédiaires devront respecter les exigences de la directive dite MIF 2, sous la supervision de l'Autorité des marchés financiers.

Le nombre de personnes pouvant distribuer ce produit est par conséquent élargi : en plus des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, les entreprises d'assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance pourront le distribuer.

Créer un livret d'épargne règlementée n'apparaissait par ailleurs pas comme l'option la plus adaptée. Il existe déjà deux livrets d'épargne pour les mineurs ; créer un troisième livret n'aurait pas contribué à la diversification de leur épargne et n'aurait pas nécessairement permis d'orienter les versements vers le financement de l'économie réelle et de la transition écologique. Pour les banques également, la création d'un nouveau livret d'épargne règlementée aurait pu être source de difficultés, dans le contexte de la hausse du taux du livret A et au regard de la comptabilisation de l'épargne règlementée dans leur bilan. La part des encours centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations n'apparait en effet plus à l'actif des bilans des banques mais vient minorer les dettes d'épargne collectée, au passif.

À l'instar de ce qui était prévu dans le dispositif initial, le PEAC serait toujours réservé aux personnes physiques âgées de plus de 18 ans et résidant en France à titre habituel, une personne ne pouvant être titulaire que d'un seul plan. La disposition selon laquelle cette ouverture ne requière pas l'intervention du représentant légal du mineur est toutefois retirée, ce qui permet d'assurer la conformité de ses dispositions à celles du code civil.

Le plafond d'encours, défini par arrêté, serait a priori identique à celui du livret A, soit 22 950 euros. Toute personne aura la possibilité d'effectuer des versements sur le plan, sans nécessairement qu'elle ait de liens de parenté avec le mineur.

2. Un produit qui s'inspirerait du plan d'épargne retraite

a) Une gestion pilotée à horizon

Tel que modifié par la commission, le PEAC s'inspirerait très largement des modalités de fonctionnement du plan d'épargne retraite (PER), avec notamment une gestion pilotée à horizon obligatoire. Ainsi, sauf décision contraire et expresse du titulaire - ou de son représentant légal le cas échéant - une désensibilisation progressive du risque est prévue, en fonction de l'horizon de déblocage des sommes, à savoir 18 ans ou, pour les plans ouverts après le 13e anniversaire du titulaire, cinq ans après l'ouverture.

Concrètement, des actifs plus risqués, mais généralement plus rémunérateurs, sont choisis en début de « vie » du produit tandis que, au fur et à mesure que l'âge de la retraite (PER) ou de déblocage des fonds (PEAC) se rapproche, des actifs moins rémunérateurs mais plus sécurisés sont privilégiés. L'allocation de l'épargne doit ainsi permettre, comme proposé dans le dispositif adopté par la commission, de « réduire progressivement les risques financiers pour le titulaire ».

Pouvoir bloquer les sommes et investir à long terme emportent deux effets : la possibilité d'obtenir des rendements plus élevés, avec une prise de risque également plus élevée en contrepartie, et la possibilité de désensibiliser progressivement le portefeuille au risque, en rééquilibrant l'allocation des actifs. Ainsi, si le capital du plan d'épargne avenir climat ne sera pas garanti par l'État, contrairement aux livrets d'épargne règlementée, la garantie proviendrait de l'investissement à long terme et de cette stratégie de désensibilisation, similaire à celle qui prévaut pour le PER. Les principes d'allocation de l'épargne ainsi que les stratégies d'investissement pouvant être proposées seront définis par décret en Conseil d'État.

Le blocage des fonds est intrinsèquement lié au produit proposé et doit permettre de pouvoir investir dans des infrastructures, dans la décarbonation des industries, dans des petites et moyennes entreprises non cotées ou dans les secteurs innovants. Certains fonds, par exemple dans les nouvelles technologies en matière de santé ou d'environnement, ont besoin de durées de blocage particulièrement longues pour mettre en place leur stratégie et pour dégager une plus-value.

b) Des modalités de blocage des fonds précisées

Le dispositif proposé par la commission, contrairement au dispositif initial, est plus explicite sur le blocage des sommes. Les sommes seront bloquées jusqu'aux 18 ans du titulaire, à la condition que l'ouverture du plan date de plus de cinq ans.

Le dispositif initial contenait en ce sens une ambiguïté : les mineurs pouvaient ouvrir ce plan à n'importe quel âge. Or, ce plan est basé sur des investissements dans des actifs plus risqués et suppose une durée de blocage minimale ainsi que la mise en place d'une stratégie de désensibilisation au risque. L'amendement remédie à cette difficulté : si un mineur ouvre son PEAC pour son 16e anniversaire, les sommes ne seront pas débloquées pour ses 18 ans mais à compter de son 21e anniversaire.

Il est toutefois important, et l'amendement de la commission a repris en ce sens les dispositions du texte initial, que des dérogations soient permises. Des déblocages exceptionnels pourront ainsi être autorisés en cas d'invalidité ou de décès du titulaire du plan ainsi qu'en cas de décès de l'un de ses parents.

Le dispositif de la commission conserve également le fait que le PEAC ne sera pas clôturé avant les 25 ans du titulaire. En revanche, aucun versement ne sera possible à partir de 18 ans ou de la fin de la période de blocage de cinq ans pour les plans ouverts à partir du 13e anniversaire du titulaire.

Enfin, le rapporteur insiste sur la vigilance dont il faudra faire preuve concernant les frais appliqués à ce produit. La commission a adopté en ce sens un amendement à l'article 15 visant à reprendre l'article 4 de la proposition de loi relative à la protection des épargnants de Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier, adoptée par le Sénat le 31 janvier dernier. Cet article vise à renforcer la transparence sur les frais de gestion en confiant cette mission à un observatoire des frais et de la performance de l'épargne : l'amendement adopté à l'article 15 intègre dans cette mission de surveillance le suivi de l'évolution des frais et de la performance des plans d'épargne avenir climat.

La possibilité demeure de prévoir, comme pour le PER, qu'un décret détermine le plafond des frais appliqués au titulaire du plan, que ce soit pour son ouverture, sa tenue, son transfert ou les transactions opérées.

c) Un rôle à revoir et à préciser pour la Caisse des dépôts

Du fait de la nature même du PEAC, tel que modifié par l'amendement adopté par la commission, il n'est plus prévu qu'un établissement public soit chargé du placement des encours du plan. De fait, le rôle de la Caisse des dépôts et consignations, puisqu'il s'agissait bien de l'établissement visé par le Gouvernement dans son dispositif initial, doit être redéfini.

D'après les informations transmises par le Gouvernement au rapporteur, la Caisse des dépôts pourrait contribuer à la définition de l'univers d'investissement des PEAC ou animer un comité de pilotage annuel du PEAC en définissant des thématiques prioritaires, avec la publication d'un rapport annuel pouvant par exemple rendre compte des investissements effectués.

3. Des incertitudes persistantes quant à l'allocation des fonds au financement de la transition écologique et de l'industrie verte

Le dispositif proposé par la commission reprend les dispositions du texte initial visant à ce que les versements effectués sur le PEAC soient affectés au « financement de l'économie productive et de la transition écologique ».

Pour s'assurer que les placements sur le PEAC respectent bien ces objectifs et ce fléchage, il conviendra de s'assurer de la bonne sélection des placements proposés à la souscription. À ce stade, le dispositif renvoie à un décret le soin de déterminer les titres dans lesquels les versements effectués sur le PEAC pourront être investis.

Or, l'objectif étant de flécher l'épargne des mineurs vers l'économie productive mais aussi vers la transition écologique, ces critères pourraient devoir être précisés, par exemple en renvoyant aux labels d'investissement responsable36(*), à l'instar de ce qui est proposé à l'article 15 du présent projet de loi pour les unités de compte dans les contrats d'assurance vie. Ce serait d'autant plus pertinent que les labels ISR et Greenfin sont en cours de révision : pour le label ISR, il s'agirait notamment de renforcer les exigences de sélectivité du label et d'introduire une dimension « climat » minimale, avec des exclusions sectorielles37(*).

Encours des fonds français et étrangers
labellisés en France au 31 mars 2021

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances,
d'après le
bulletin septembre-octobre 2021 de la Banque de France

Un autre point d'accroche consisterait en l'investissement dans des fonds dits « article 8 » et « article 9 » du règlement européen sur la publication d'informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR)38(*). Ce règlement impose aux acteurs financiers de publier des informations relatives à leurs pratiques en matière de durabilité mais aussi à leurs assertions concernant la classification de leurs produits. Les fonds dits « article 8 » sont supposés mettre en avant des caractéristiques environnementales ou sociales tandis que les fonds dits « article 9 » sont supposés avoir un objectif d'investissement durable, avec une prise en compte des trois dimensions de l'ESG (environnement, social, gouvernance).

Classification des fonds français au regard
du règlement SFRD au 31 décembre 2021

Source : commission des finances, d'après les données de l'Autorité des marchés financiers, «  État des lieux des classifications SFDR sur le marché des fonds français et exposition des portefeuilles aux secteurs fossiles à fin 2021 », mars 2023

Toutefois, face aux critiques sur cette classification, qui ne constitue en effet pas un label et présente des risques importants de greenwashing - les gestionnaires classant eux-mêmes leurs fonds en article 8 ou en article 9 - des travaux ont été engagés par la Commission européenne, par l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) et par les autorités de supervision nationales pour inclure des exigences minimales. L'AMF a publié ses propositions au mois de février 2023, parmi lesquelles figurent39(*) :

- l'obligation de prévoir qu'une part minimale des actifs sous-jacents des produits « article 9 » corresponde à des investissements dans des activités alignées avec la taxinomie verte européenne ;

- l'obligation pour les producteurs des fonds article 8 et article 9 d'adopter une approche ESG dans leur processus de décision d'investissement relatif aux actifs sous-jacents de ces produits ;

- l'exclusion, dans les fonds article 9, des investissements dans les activités du secteur des combustibles fossiles qui ne sont pas alignées avec la taxinomie verte. Les fonds article 8 pourraient continuer d'investir dans ces activités, sous réserve que les entreprises soient engagées dans une transition ordonnée, clairement définie ;

- l'introduction d'une part minimale d'investissements dans des actifs et des activités en transition, là-encore sous réserve d'une définition stricte.

Le rapporteur partage ces objectifs : si le règlement SFDR ne peut constituer à ce stade une base de référence pour l'allocation des versements effectués sur le PEAC, il pourrait le devenir sous réserve d'y apporter des modifications en termes d'éligibilité des actifs.

D'après les informations transmises au rapporteur, le Gouvernement se serait à tout le moins engagé à exclure les investissements dans les activités les plus polluantes. Par ailleurs, en plus de cibler les fonds labellisés, le décret pourrait inclure des cahiers des charges à respecter pour être éligibles au PEAC. Procéder par cahier des charges permettrait de ne pas attendre la mise en place d'un label pour, par exemple, investir dans des sociétés non cotées ou des activités en transition.

En effet, et c'est un point sur lequel le rapporteur a insisté en commission, les financements ne doivent pas être exclusivement réorientés vers ce qui est déjà « vert », par exemple au sens de la taxinomie européenne, mais doivent surtout venir soutenir les secteurs et les entreprises engagés dans une stratégie de transition crédible et qui ont besoin d'importants investissements pour financer leur décarbonation.

B. CONTRAIREMENT AUX ANNONCES DU GOUVERNEMENT D'UN PRODUIT « GRAND PUBLIC », LE PEAC SERA RÉSERVÉ AUX MÉNAGES AVERTIS

1. Un produit réservé aux ménages avertis et disposant d'épargne disponible

Les caractéristiques du PEAC, à savoir une gestion pilotée à horizon intégrant un certain niveau de risque, l'absence de garantie publique sur les encours et le blocage des sommes, conduisent de fait à ce que ce nouveau produit financier s'adresse plutôt à des ménages avertis. Le produit présentera en effet l'avantage d'être présenté par les conseillers bancaires, s'il est adapté au profil du ménage.

De même, les ménages concernés disposeront par définition d'une capacité à épargner à la fois pour eux et pour leurs enfants. Ceux disposant d'une plus faible capacité d'épargne privilégieront sans doute d'abord des produits dont le capital est garanti, avec un taux d'intérêt fixe, comme le livret A et le livret jeune.

Il ne s'agit donc pas d'un produit « grand public », contrairement aux annonces du Gouvernement en amont de la présentation de ce projet de loi. Le fait de proposer un produit en adéquation avec les préférences financières des plus jeunes, qui privilégient davantage les enjeux environnementaux et de transition, ne veut pas dire que cela sera suffisant pour les conduire à souscrire ce produit : la sécurité et le rendement demeurent les principaux aiguillages en matière d'épargne.

Pour autant, cela ne veut pas dire que ce produit ne devra pas être proposé aux ménages de la classe moyenne, à condition qu'ils disposent d'un conseil adéquat.

2. L'abondement de l'État apparaît dès lors peu justifié, au contraire de la défiscalisation des produits, au bénéfice du mineur

Au regard du public ciblé par le PEAC, la commission a supprimé l'abondement de l'État. Le rapport coût / bénéfice de cet abondement public apparaît très défavorable, avec un effet incitatif limité pour les publics ciblés par ce produit, mais un coût important pour l'État de l'ordre de 34 millions d'euros à 677 millions d'euros selon le montant choisi (50 euros ou 500 euros)40(*), qui serait qui plus est défini par voie règlementaire.

La mise en place d'un abondement de l'État présente par ailleurs un risque d'effet d'aubaine : certains ménages pourraient ouvrir un PEAC simplement pour bénéficier de l'abondement de l'État, sans l'alimenter ensuite, ce qui serait contreproductif au regard des objectifs affichés en matière de financement de l'économie productive et de la transition écologique.

L'une des solutions consisterait à mettre en place des obligations de versements minimaux, sur une période minimale. Or, une telle solution, d'apparence simple, soulève dans les faits deux difficultés majeures :

comment s'assurer que les conditions sont respectées ? Cette mission pourrait être confiée aux gestionnaires du plan, ce qui nécessiterait de leur part la mise en place d'un suivi fin de chacun des plans ouverts auprès d'eux. C'est différent, en termes de charge, de ce qui était par exemple prévu pour les plans d'épargne logement ouverts avant 2018 et le versement d'une prime d'État selon la durée de détention (et donc les intérêts acquis) et l'affectation de la somme ;

comment recouvrer, le cas échéant, la somme initialement versée par l'État ? En cas de non-respect des obligations de versements, se pose la question de savoir qui serait chargé de recouvrer la somme, entre les gestionnaires, dont ce n'est pas la mission, et encore moins s'agissant d'un abondement public, et l'émission d'un titre de recouvrement par l'État, une procédure relativement coûteuse. Si l'abondement versé par l'État n'est que de 50 euros, le rapport entre le coût du recouvrement et la somme recouvrée risque d'être très faible ;

comment tenir compte des situations particulières ? Il pourrait très bien être envisagé que des ménages soient incapables, sur quelques mois ou un an, de verser le minimum requis, parce qu'ils connaissent des difficultés financières par exemple ou des changements de situation (famille, emploi). Il serait impossible de prévoir par voie règlementaire l'ensemble de ces situations et les assouplissements qui pourraient être prévus dans ce cas, par exemple un allongement du délai laissé pour verser la somme minimale. Se poserait également la question de savoir à qui reviendrait d'apprécier la situation du ménage.

En revanche, et comme le prévoit l'amendement adopté par la commission, le risque associé au PEAC sera contrebalancé par une fiscalité avantageuse à la liquidation : les produits des versements effectués sur le PEAC seront entièrement défiscalisés, ce qui bénéficiera au titulaire, entrant dans la vie active ou en études.

Le Gouvernement avait fait part de son intention de mettre en place, dans le projet de loi de finances pour 2024, un régime fiscal et social similaire à celui du livret A, avec une exonération d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. L'amendement de la commission a intégré cette exonération : il convient de préciser le plus en amont possible et dans un même véhicule législatif toutes les caractéristiques de ce produit d'épargne. Il ne s'agit pas de fait d'une perte de recettes pour l'État, ce produit n'existant pas aujourd'hui, mais d'une anticipation du manque à gagner, de l'ordre de 10 à 17 millions d'euros selon le niveau de recours au plan d'épargne avenir climat et le volume des versements41(*).

3. Des interrogations sur la capacité de ce nouveau produit à réorienter l'épargne des mineurs

Dans ses prévisions sur le coût et sur le recours au PEAC, le Gouvernement s'est appuyé sur l'hypothèse que tous les mineurs disposeraient de ce produit, afin de pouvoir disposer de l'abondement de l'État (677 000 comptes ouverts chaque année). Il estime ensuite que les versements initiaux des ménages aisés varieraient selon l'abondement initial42(*), mais pas les versements annuels moyens, estimés à 295 euros pour un ménage modeste et plus de 500 euros pour un ménage aisé.

Prévision des versements annuels sur le plan d'épargne avenir climat
en fonction de l'abondement de l'État

Source : commission des finances, à partir des données de l'étude d'impact

Les prévisions du Gouvernement semblent toutefois particulièrement optimistes, pour trois raisons.

D'abord, comme cela a été précédemment expliqué par le rapporteur, le PEAC n'est pas, contrairement à ce que le Gouvernement a pu affirmer, un « produit grand public ». Il s'adresse aux ménages bénéficiant d'un certain niveau d'éducation financière et d'une épargne disponible suffisamment importante pour pouvoir épargner pour eux, pour leurs enfants et pour pouvoir s'engager dans une stratégie de diversification de leur patrimoine financier et de prise de risques.

Ensuite, et à titre de comparaison, il convient de souligner que le livret jeune n'a pas connu le succès escompté : seuls 15 % des mineurs sont titulaires d'un livret jeune alors même que ce produit a été créé spécialement pour ce public et qu'il présente un taux de rendement au moins égal à celui du livret A. Les encours ont même connu une décollecte nette en 2021
(- 400 millions d'euros). Il n'est donc pas possible d'inférer de la création d'un produit spécifiquement dédié aux mineurs une réorientation des flux d'épargne, en particulier si ce produit s'avère plus risqué.

Enfin, il serait illusoire, comme le Gouvernement peut le laisser sous-entendre dans l'étude d'impact, qu'une partie substantielle des 40 milliards d'euros d'épargne liquide des mineurs seraient alloués vers ce nouveau produit. D'une part, certains ménages ont des profils très averses au risque et, d'autre part, comme cela a été expliqué, le PEAC ne s'adresse pas à l'ensemble des ménages.

Le Gouvernement présume d'ailleurs des préférences financières des mineurs, qui seraient plus sensibles aux enjeux environnementaux et à une gestion plus durable et responsable de leurs placements. S'il est vrai que les sondages menés auprès des épargnants témoignent d'une plus grande préoccupation pour ces enjeux parmi les plus jeunes, une note de précaution doit être introduite puisqu'ils ne portent pas sur des mineurs mais concernent généralement les moins de 24 ans ou 35 ans.

4. Des dispositions bienvenues en matière d'éducation financière

Il n'en demeure pas moins que le PEAC pourra contribuer à l'éducation financière des titulaires, tant du point de vue du fonctionnement de ce produit financier que des enjeux de gestion.

À ce titre, et sur un sujet connexe, dans le cadre d'une enquête sur les offres bancaires dédiées aux mineurs, l'ACPR a relevé que l'un des axes d'amélioration en la matière avait trait à l'information et à l'implication du mineur43(*). Figure notamment parmi les bonnes pratiques identifiées par l'autorité de supervision la remise d'une fiche d'information détaillée sur le fonctionnement du compte.

Le rapporteur soutient à cet égard la mise à disposition d'une information régulière et détaillée pour les titulaires du plan, plaidant depuis de nombreuses années pour que la France s'inspire de ses voisins pour renforcer l'éducation financière de la population, à commencer par les plus jeunes, les futurs épargnants et investisseurs. En l'espèce, les informations porteraient a minima sur la performance du plan pour chaque actif du plan et sur le niveau des frais, l'objectif étant de s'assurer que ces informations soient rédigées de manière suffisamment pédagogique pour être accessibles aux mineurs, à partir d'un certain âge. Cette information pourrait également inclure l'impact environnemental du portefeuille.

Ces obligations en termes d'éducation financière pourront utilement trouver à s'articuler avec ce que propose la Commission européenne dans le cadre de la Retail investment strategy44(*) et la proposition d'insérer un nouvel article dans la directive MIF 2 pour imposer aux États membres de promouvoir des mesures encourageant l'éducation financière en matière d'investissement responsable.

*

Enfin, l'amendement de la commission aménage la date d'entrée en vigueur du dispositif, en la repoussant du 1er janvier 2024 à une date qui ne pourra être plus tardive que le 1er juillet 2024. D'une part, les incertitudes qui ont pesé sur les modalités de fonctionnement du plan d'épargne avenir climat ne sont pas de nature à permettre aux distributeurs de pouvoir proposer ce produit dès le 1er janvier 2024. D'autre part, la commercialisation d'un nouveau produit suppose des développements informatiques et de formation pour les distributeurs et les gestionnaires.

Décision de la commission : la commission des finances propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 17

Contribution accrue de l'assurance vie et du plan d'épargne retraite au financement d'actifs réels et renforcement de la protection des épargnants

. Le présent article vise à encourager l'orientation de l'épargne placée en assurance vie et sur des plans épargne retraite (PER) vers les PME et les ETI. Il prévoit que le gestionnaire de contrats d'assurance vie et de PER propose à l'épargnant qui souhaite détenir un de ces produits une gestion pilotée comprenant une part minimale d'investissement dans les entreprises non cotées ou certaines PME cotées. Pour renforcer la portée de cette obligation de proposition, l'article vise également à assouplir certaines règles relatives à l'investissement des sommes du PER et de l'assurance vie. En contrepartie de ce qui peut constituer une prise de risque accrue pour l'épargnant, il introduit un devoir de conseil tout au long du contrat. Ces dispositions, qui s'appliqueraient aux contrats conclus avec les mutuelles, n'entreraient en vigueur qu'un an après la publication de la loi et uniquement pour les contrats conclus à compter de cette entrée en vigueur.

Soucieuse de renforcer la portée opérationnelle du texte, la commission a adopté deux amendements identiques COM-373 du rapporteur et COM-93 de Mme Paoli-Gagin visant à garantir que, au sein la part minimale d'investissement proposée en gestion pilotée, le quota des unités de compte investies en actifs non cotés ne peut être inférieur à un seuil fixé par ledit arrêté.

Dans la lignée de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants adoptée par le Sénat le 31 janvier 2023, elle a également voté un amendement COM-372 du rapporteur visant, tout d'abord, à définir le mandat d'arbitrage en assurance vie, lequel ne fait pas l'objet d'un encadrement juridique spécifique ce qui donne lieu à un ensemble de pratiques hétérogènes parfois préjudiciables à l'épargnant, ensuite, à renforcer la transparence sur les frais de gestion en assurance vie et, enfin, à consolider le devoir de conseil en prévoyant que l'épargnant soit averti, au moment de la souscription ou de l'adhésion, de l'existence d'un devoir de conseil au cours du contrat. Le gestionnaire devra également, pour proposer un contrat correspondant aux besoins et exigences exprimés par l'épargnant, tenir compte de ses préférences en matière de durabilité.

La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE ÉPARGNE PLACÉE EN ASSURANCE VIE ET EN PLANS ÉPARGNE RETRAITE CONTRIBUANT PEU AU FINANCEMENT D'ACTIFS NON COTÉS

A. L'ASSURANCE VIE ET LES PLANS ÉPARGNE RETRAITE : UN VOLUME D'ÉPARGNE IMPORTANT ET RELATIVEMENT SÉCURISÉ AUX MODES DE GESTION VARIÉS

1. L'assurance vie : des modes de gestion divers pour les contrats exprimés en unités de compte qui peuvent être investis en actifs plus risqués

L'assurance vie représente, avec un encours de 1 893 milliards d'euros fin avril 202345(*), un tiers du patrimoine financier des Français. Fin 2022, 75 % de l'encours de l'assurance vie était investi en fonds « en euros » - le capital est dans ce cas garanti par l'assureur et les intérêts sont acquis une fois versés - et 25 % en unités de comptes46(*), qui sont des supports d'investissement - le risque de perte est alors supporté par l'épargnant.

Étant donné le risque particulier associé aux contrats comportant des garanties en unités de compte, celles-ci doivent être constituées de valeurs mobilières ou d'actifs offrant une protection suffisante de l'épargne investie et figurant sur une liste dressée par décret en Conseil d'État47(*). Cette liste, fixée à l'article R. 131-1 du code des assurances, s'élargit fréquemment : six décrets ont été adoptés en dix ans pour la compléter. On compte parmi ces actifs les obligations, parts ou actions émises par les organismes de titrisation et les organismes de financement spécialisé48(*).

Toutefois, conformément à l'article L. 131-1-1 du code des assurances, il est possible de constituer les unités de compte avec des actifs plus risqués : l'article 72 de la loi « Pacte »49(*), en introduisant cet article, avait élargi la gamme des supports éligibles à l'assurance vie, en permettant aux particuliers d'investir dans des fonds professionnels - plus précisément, des parts de fonds d'investissement alternatifs (FIA) ouverts à des investisseurs professionnels. Concrètement, il s'agit des fonds professionnels à vocation générale, des fonds professionnels de capital investissement et, sous certaines conditions, des fonds professionnels spécialisés50(*). Dans un objectif de protection, l'accès à ces actifs plus risqués suppose le respect de conditions liées à la situation financière ainsi qu'aux connaissances ou à l'expérience en matière financière du contractant.

Plusieurs modalités de gestion existent, mais celles-ci ne sont pas, en elles-mêmes, encadrées par la loi :

la gestion libre : c'est la gestion par défaut, où l'épargnant gère seul son contrat. Elle ne donne pas lieu à une charge en frais, mais peut s'avérer plus risquée si l'épargnant ne dispose pas d'expérience financière ;

la gestion sous mandat, où l'épargnant confie la gestion de son capital à un professionnel : le mandat d'arbitrage consiste en effet, pour un assuré, à confier à un tiers la responsabilité d'effectuer des arbitrages en son nom entre différentes unités de compte sur un contrat d'assurance vie. Actuellement, l'activité de mandataire en assurance vie n'est définie par aucun texte législatif spécifique. Elle n'est encadrée que par les dispositions générales du code civil (articles 1984 et suivants du code civil) ;

la gestion pilotée, ou automatisée, avec différentes options d'arbitrage automatique. Il s'agit, la plupart du temps, d'une gestion profilée : elle repose sur des profils d'investissement (généralement : prudent, équilibré, dynamique) en fonction desquels les actifs plus ou moins risqués et rémunérateurs seront automatiquement sélectionnés dans un univers de supports préétabli.

Par ailleurs, la gestion pilotée peut être « à horizon », avec une répartition des unités de compte entre actifs investis qui donne lieu à une désensibilisation progressive du risque (cf infra). Ce mode de gestion est moins courant en assurance vie, parce que l'horizon de détention - à la différence du PER - est mal connu et que les sommes peuvent être retirées à tout moment.

En 2021, 16 % de l'encours de l'assurance vie faisait l'objet d'une gestion pilotée ; c'était le cas de 50 % de l'encours d'assurance vie investi en unités de compte. 23 % de cet encours faisait l'objet d'une gestion libre51(*).

Pour déterminer, entre autres, le mode de gestion adapté à l'épargnant, celui-ci a droit à un conseil avisé avant la souscription ou l'adhésion au contrat d'assurance vie. Les dispositions de l'article L. 522-5 du code des assurances, relatives au devoir de conseil, prévoient ainsi que le distributeur ou l'assureur propose un contrat cohérent avec les besoins et exigences exprimés par l'épargnant, lesquels sont consignés par écrit avec les raisons justifiant le caractère approprié du contrat proposé. À cette fin, le gestionnaire s'enquiert auprès de l'épargnant de sa situation financière et de ses objectifs d'investissement, ainsi que de ses connaissances et son expérience en matière financière. Si celles-ci le permettent, son épargne pourra donc être investie dans des unités de compte mentionnées à l'article L. 131-1-1 du code des assurances. Des informations relatives à la performance et aux frais du contrat sont également communiquées à l'épargnant.

2. Les plans épargne retraite (PER) : une gestion pilotée à horizon par défaut

Créés par la loi « Pacte »52(*), les plans épargne retraite (PER), dont l'encours dépassait 80 milliards d'euros fin 2022 pour 7 millions de titulaires53(*), sont répartis entre les PER « compte-titre » et les PER « assurantiels ». Ils font l'objet d'une gestion pilotée par horizon par défaut, conformément à l'article L. 224-3 du code monétaire et financier.

Cet article prévoit ainsi que, sauf décision contraire et expresse du titulaire, les versements effectués sur le PER sont affectés selon une allocation de l'épargne permettant de réduire progressivement les risques financiers à proximité de la retraite, en fonction du profil d'investissement du titulaire. La qualification des profils d'investissement tient compte du niveau d'exposition aux risques financiers et de l'espérance de rendement dans des conditions précisées par arrêté.

Un arrêté du 7 août 201954(*) vient ainsi préciser la nature des différents profils d'investissement - prudent, équilibré et dynamique - et associe une grille de gestion à chaque type de profil. L'objectif poursuivi est de sécuriser progressivement l'épargne dans le temps, en fonction de l'âge de l'épargnant et de la durée qui le sépare de la retraite, en sélectionnant dans un premier temps des actifs plus risqués mais potentiellement plus rémunérateurs, puis en choisissant des actifs moins rémunérateurs mais plus sécurisés. Elle suppose donc que la part d'actifs risqués dans l'encours du plan diminue à l'approche de la liquidation, tandis que la part d'actifs à faible risque augmente progressivement. La part d'actifs à faible risque est plus élevée chez les profils prudents, tandis que la part d'actifs risqués est plus importante chez les profils dynamiques. Le risque est défini par rapport à un indicateur synthétique de risque mentionné par un règlement européen de 201755(*).

B. UN INVESTISSEMENT FAIBLE DES ENCOURS D'ASSURANCE VIE ET DE PER DANS LES ACTIFS NON COTÉS

En dépit de la possibilité de sélectionner des unités de compte composées de fonds d'investissement alternatifs ouverts à des investisseurs professionnels prévue à l'article L. 131-1-1 du code des assurances, l'étude d'impact fait le constat d'une part insuffisante de l'assurance vie investie dans le capital-investissement56(*), qui désigne l'investissement dans les sociétés non cotées en bourse. La part de capital-investissement dans les actifs des assureurs-vie serait ainsi marginale, avec 1,3 % des investissements au premier trimestre 2022 pour 20 milliards d'euros de fonds investis.

Il est en effet plus délicat pour un contrat d'assurance vie de proposer des investissements dans le non coté. Celui-ci doit être liquide - le versement des sommes doit intervenir dans les deux mois à compter de la demande de rachat57(*) - et adapté à un public plutôt âgé, avec donc un horizon de gestion assez court et moins adapté à l'investissement dans des actifs risqués.

Taux de détention des actifs de patrimoine par les ménages selon l'âge en 2021

Champ : France hors Mayotte, ménages vivant en logement ordinaire.

Source : Insee, enquête Histoire de vie et Patrimoine

De même, seulement 2,5 % de l'encours du PER serait investi dans des titres de PME ou d'ETI au 31 décembre 2021. Pourtant, dans le cas du PER, l'horizon de détention pourrait justifier un investissement plus volontariste en direction du non coté.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : ENCOURAGER L'ORIENTATION DE L'ÉPARGNE PLACÉE EN ASSURANCE VIE ET SUR DES PER VERS LE NON COTÉ EN INTRODUISANT UN DEVOIR DE CONSEIL AU LONG DU CONTRAT

A. LA PROPOSITION, POUR LES CONTRATS D'ASSURANCE VIE ET LES PER, D'UNE GESTION PILOTÉE COMPRENANT UNE PART MINIMALE D'INVESTISSEMENT DANS LES ENTREPRISES NON COTÉES ET CERTAINES PME

Le du I vise à créer un nouvel article L. 132-5-4 dans le code des assurances, qui s'inspire en partie des dispositions de l'article L. 224-3 du code monétaire et financier définissant la gestion pilotée associée au PER pour les appliquer aux contrats d'assurance vie. Toutefois, si pour le PER la gestion pilotée est l'option par défaut, elle serait ici simplement proposée : les contrats d'assurance vie devront proposer aux adhérents une stratégie d'investissement selon des profils d'allocation de l'épargne - c'est-à-dire des profils prudent à dynamique. Si cette stratégie pourra toujours être refusée, l'étude d'impact souligne bien que l'ensemble de ces dispositions visent à assurer un « fléchage plus directif des investissements ».

La formulation de l'article L. 224-3 du code monétaire et financier est reprise pour prévoir que les qualifications et caractéristiques des profils d'allocation sont déterminées par arrêté, en tenant compte non seulement du niveau d'exposition aux risques financiers et de l'espérance de rendement, mais aussi de l'horizon de détention. Pour le PER, cette précision n'est pas nécessaire car l'épargne est bloquée jusqu'à la retraite. Il s'agirait donc d'une gestion pilotée s'apparentant à une gestion pilotée « par horizon », bien que l'horizon soit adapté à chaque souscripteur ou adhérent.

Surtout, la grande nouveauté proposée par cet article est que les allocations proposées dans le cadre de cette gestion pilotée peuvent comprendre, selon le profil de risque de l'épargnant, une part minimale d'unités de compte constituées de catégories d'organismes de placement collectif investis en actifs non cotés ou en titres éligibles au PEA-PME, lesquels incluent des actifs non cotés mais aussi des titres de PME dont la capitalisation boursière est inférieure à un milliard d'euros58(*).

Cela ouvre la possibilité d'associer aux grilles de gestion déterminées par arrêté une part de non coté. On peut envisager que l'arrêté prévoie que les profils dynamiques aient une part plus importante de non coté que les profils prudents, eu égard aux risques qui s'attachent à la souscription d'actifs non cotés.

Le du II, qui modifie l'article L. 224-3 du code monétaire et financier, prévoit aussi que les allocations du PER peuvent comprendre une part minimale d'actifs non cotés ou de titres investis dans les PME-ETI et éligibles au PEA-PME.

B. UN ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES RELATIVES À L'INVESTISSEMENT DES SOMMES DU PER ET DE L'ASSURANCE VIE

Pour renforcer la portée de ces dispositions, le du II crée un nouvel article L. 224-3-1 dans le code monétaire et financier, qui étend les dispositions de l'article L. 131-1-1 du code des assurances - possibilité de souscrire à des unités de compte constituées de parts de FIA relevant d'investisseurs professionnels - au PER, que les sommes soient versées sur un PER assurantiel ou sur un PER compte titre. Dans ce dernier cas, il s'agirait donc d'une possibilité de souscrire à des titres financiers, et non à des unités de compte comme prévu à l'article L. 131-1-1 du code des assurances.

Il est précisé que les conditions relatives à la situation financière ainsi qu'aux connaissances ou à l'expérience financières du souscripteur, ne s'appliquent ni lorsque les sommes sont investies dans un fonds européen d'investissement de long terme (« ELTIF »), ni lorsqu'a été fait le choix d'une gestion pilotée par horizon.

Il s'agit donc d'un élargissement des actifs éligibles au PER, pour permettre un investissement davantage orienté vers le capital-investissement.

Le b du du I prévoit que, pour les fonds ELTIF, les conditions d'expérience financière, etc. mentionnées à l'article L. 131-1-1 ne s'appliquent pas. En effet, les fonds ELTIF peuvent être commercialisés auprès d'investisseurs de détail et répondent déjà à des conditions particulières de protection des épargnants (voir commentaire de l'article 18).

En contrepartie, le a du du I transfère les organismes de financement spécialisé de la liste des unités de compte référencées sans conditions vers la liste d'actifs, prévue par l'article L. 131-1-1, proposés en vertu de conditions d'expérience et de situation financière ainsi que de patrimoine financier.

C. L'INTRODUCTION D'UN DEVOIR DE CONSEIL TOUT AU LONG DU CONTRAT

Le du I modifie l'article L. 522-5 du code des assurances et introduit un devoir de conseil en cours de contrat. Celui-ci s'applique à trois situations :

- en cas de changement dans la situation personnelle et financière ou dans ses objectifs d'investissement : le gestionnaire s'assure du caractère toujours approprié du contrat proposé à l'épargnant, ou adéquat avec ses exigences et besoins et si tel n'est pas le cas, il en informe l'épargnant ;

si le contrat n'a fait l'objet d'aucune opération ou seulement d'opérations programmées pendant un certain temps, le gestionnaire actualise les informations recueillies : le gestionnaire s'assure ici aussi du caractère toujours approprié du contrat proposé à l'épargnant, ou adéquat avec ses exigences et besoins et si tel n'est pas le cas, il en informe l'épargnant. Si celui-ci refuse ou ne répond pas, le gestionnaire n'est pas tenu de procéder à l'actualisation ;

- en cas d'opération susceptible d'affecter le contrat de façon significative, le gestionnaire doit conseiller une opération cohérente avec les exigences et besoins de l'épargnant. Cette dernière disposition reprend ici l'article 7 bis de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, adoptée par le Sénat le 31 janvier 2023.

D. L'APPLICATION AUX MUTUELLES

Le III modifie le code de la mutualité en créant un nouvel article L. 223-2-1 qui prévoit que l'article L. 132-5-4 s'applique aux opérations d'assurance vie des mutuelles et unions.

Ce nouvel article prévoit aussi que les articles L. 131-1, qui autorise la souscription d'unités de compte constituées de titres FIA de fonds professionnels sous certaines conditions, et L. 131-1-2, qui impose la présentation de fonds labellisés59(*), s'appliquent aussi à ces opérations.

E. UNE ENTRÉE EN VIGUEUR DIFFÉRÉE

Le IV prévoit une entrée en vigueur douze mois après la publication de la loi, et prévoit que les nouvelles dispositions des articles L. 132-5-4 du code des assurances et L. 224-3 du code monétaire et financier s'appliquent aux nouveaux contrats et nouvelles adhésions à des contrats d'assurance de groupe déjà conclus à partir de l'entrée en vigueur de l'article.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : EN CONTREPARTIE AU DÉVELOPPEMENT DU « NON COTÉ », UNE PROTECTION DE L'ÉPARGNANT À RENFORCER SIGNIFICATIVEMENT

A. ENCOURAGER AVEC MESURE LE FLÉCHAGE D'UNE PARTIE DE L'ÉPARGNE VERS LE NON COTÉ

Le rapporteur souscrit à l'idée d'orienter davantage d'épargne vers les actifs non cotés. Toutefois, la disposition doit être opérationnelle. Or, la part minimale d'investissement dans des unités de compte prévue à cette fin serait composée de titres cotés ou d'actifs non cotés. Le risque est alors que les gestionnaires s'orientent exclusivement sur les titres cotés, par définition plus liquides et moins risqués. Ceux-ci peuvent en effet être le fait d'entreprises dont la capitalisation boursière est inférieure à un milliard d'euros. Pour éviter cela, il aurait été envisageable de prévoir que cette part minimale soit composée exclusivement d'actifs non cotés. Il paraît toutefois nécessaire de conserver une certaine liberté de gestion pour l'assureur, pour lui permettre de proposer un produit qui soit davantage en phase avec les attentes de son client, un degré suffisant de protection de l'épargnant, et le maintien d'un financement en faveur des PME cotées, dont les besoins sont aussi réels.

La commission a ainsi adopté deux amendements identiques COM-373 du rapporteur et COM-93 de Vanina Paoli-Gagin, visant à garantir que, tant pour les contrats d'assurance vie que pour les PER, la part minimale soit composée d'actifs non cotés dans une proportion ne pouvant pas être inférieure à un seuil fixé par arrêté.

Le rapporteur a, dans ce cadre, bien identifié les lourds enjeux de liquidité associés à cette disposition : les assureurs ont en effet l'obligation, en cas de rachat d'assurance vie, de rendre le capital en deux mois, alors même que la plupart des fonds investissant dans des actifs non cotés n'établissent de valeur liquidative que trimestriellement au mieux. L'épargnant pourrait être amené, dans ce contexte, à subir une décote ou une forme de pénalisation, puisque, en cas de rachat, le gestionnaire pourrait ne pas pouvoir immédiatement liquider les fonds et proposer à la place une sorte de « contrevaleur ». Le rapporteur envisage donc de déposer pour son examen en séance un amendement visant à limiter les effets négatifs induits par ce problème pour l'épargnant.

B. RENFORCER ENCORE DAVANTAGE L'ENCADREMENT DES PRATIQUES DANS L'ASSURANCE VIE, LA TRANSPARENCE DES FRAIS ET LE DEVOIR DE CONSEIL

Compte tenu des risques supplémentaires pouvant être encourus par les épargnants du fait de l'adoption de l'article, le rapporteur a souhaité, corrélativement, renforcer leur protection.

L'article 17 encourage la gestion pilotée dans l'assurance vie. Or, comme l'a rappelé l'ACPR au rapporteur, ces modalités de gestion donnent lieu à un mandat de la part de l'assuré. L'activité de mandataire en assurance vie n'est pourtant définie par aucun texte législatif spécifique60(*). Elle peut donc, a priori, être exercée librement par toute personne sans exigence de statut particulier, que les acteurs soient régulés ou non, ni protection spécifique au bénéfice du mandant. Le rapport d'information sur la protection des épargnants de Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier61(*) avait d'ailleurs identifié une forte hétérogénéité des pratiques en la matière, parfois au détriment de l'épargnant. Celui-ci peut, par exemple, subir des frais de gestion importants du fait de rétrocessions de commissions.

Par ailleurs, le même rapport avait identifié que les contrats sous gestion pilotée étaient chargés en frais, et que la gestion pilotée n'était pas exempte de risques. Le plan d'épargne avenir climat prévu à l'article 16 n'est pas à l'abri de ces critiques puisqu'il fonctionne également selon une gestion pilotée.

Enfin, la proposition de gestion pilotée en assurance vie pourrait aboutir, dans les modalités prévues par le présent article, à une forme de standardisation, mal adaptée à l'évolution de la situation des épargnants, en dépit d'un renforcement du devoir de conseil, déjà proposé par l'article 17 mais seulement en cours de contrat, et non pas avant souscription ou adhésion.

La commission a, par conséquent, adopté un amendement COM-372 du rapporteur visant à :

encadrer le mandat d'arbitrage en assurance vie, en reprenant les dispositions de l'article 2 de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, adoptée par le Sénat le 31 janvier 2023, qui créent une section 1 bis au sein du chapitre II du titre III du livre Ier du code des assurances, composée de quatre nouveaux articles : un article L. 132-27-73 qui propose une définition de l'arbitrage en assurance vie et du mandat d'arbitrage et désigne les personnes pouvant exercer l'activité de mandataire, un article L. 132-27-4 qui détermine le contenu et la forme de la convention de mandat d'arbitrage, un article L. 132-27-5 qui détermine les règles d'information et de conduite auxquelles sont soumis les mandataires et enfin un article L. 132-27-6 qui impose au mandataires de souscrire un contrat d'assurance les couvrant contre les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle62(*). Pour tenir compte des autres dispositions contenues dans l'article 17, celles qui sont issues de l'article 2 de la proposition de loi susmentionnée sont adaptées : lorsqu'un contrat fait l'objet d'une convention de mandat d'arbitrage, il précise que le mandataire peut effectuer des investissements risqués - mentionnés à l'article L. 131-1-1 du code des assurances - même si le mandant, ou cocontractant, ne dispose pas des connaissances financières adéquates. L'amendement précise aussi que la stratégie d'investissement en gestion pilotée en assurance vie, prévue au présent article 17, est mise en oeuvre en vertu d'une convention de mandat d'arbitrage ;

faire la transparence sur les frais de gestion, via leur publication claire et lisible en ligne pour les produits d'assurance vie et la création d'un observatoire sur les frais et la performance des produits d'épargne confié au comité consultatif du secteur financier (CCSF). Il reprend en cela l'article 4 de la proposition de loi susmentionnée, en intégrant dans les compétences de l'observatoire le suivi des plans d'épargne avenir climat prévus à l'article 16 du présent projet de loi ;

renforcer le devoir de conseil dont bénéficient les assurés. D'une part, ceux-ci devront être informés, avant souscription ou adhésion au contrat d'assurance, qu'ils bénéficieront d'un devoir de conseil tout au long du contrat. D'autre part, le gestionnaire devra, pour conseiller un contrat cohérent avec les exigences et besoins de l'épargnant, s'enquérir auprès de lui de ses préférences en matière de durabilité.

Décision de la commission : la commission des finances propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 17 bis (nouveau)

Contribution d'une part minimale de capital-risque au financement de l'économie productive et de la transition écologique 

. Le présent article, introduit par l'amendement COM-97 de Mme Vanina Paoli-Gagin, prévoit qu'une part minimale de l'actif des sociétés de capital-risque contribue au financement de l'économie productive et de la transition écologique.

Si le dispositif pourrait être précisé, notamment pour les activités relevant de la transition écologique, il présente l'avantage d'être suffisamment flexible pour les sociétés de capital-risque, puisque la part minimale serait définie par voie règlementaire. Il permet également, alors que plusieurs dispositions du projet de loi sont consacrées aux fonds de capital-investissement, de cibler un véhicule plus spécifiquement dédié au soutien apporté aux jeunes entreprises.

La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LE CAPITAL-RISQUE, UNE FORME DE CAPITAL-INVESTISSEMENT VISANT À SOUTENIR LA CRÉATION D'ENTREPRISES

Le capital-investissement63(*) désigne les investissements permettant d'apporter des capitaux propres aux entreprises non cotées en bourse, en entrant dans leur capital. Les investissements peuvent également concerner des entreprises dont la capitalisation boursière n'excède pas un seuil donné, 150 millions d'euros par exemple pour les fonds communs de placement à risque (article L. 214-28 du code monétaire et financier).

Plusieurs types de capital-investissement peuvent être distingués, selon l'étape de la « vie » de l'entreprise concernée64(*) :

- le capital-risque désigne le financement de la création d'une entreprise ou des premiers développements d'une entreprise de moins de cinq ans ;

- le capital-développement vise à soutenir et à accélérer la croissance de l'entreprise ;

- le capital-transition consiste à financer l'acquisition d'une entreprise avec effet de levier. L'acquisition est faite par le biais d'un emprunt, via la constitution d'une holding pour la reprise ;

- le capital-retournement vise à financer l'acquisition d'une entreprise en difficulté pour lui fournir les ressources nécessaires à la mise en oeuvre d'un plan de redressement.

Le capital-risque permet donc d'apporter des financements aux entreprises qui n'ont pas encore accès aux marchés financiers et pour lesquelles l'endettement ne serait pas une option viable. Il vise le plus souvent de jeunes entreprises innovantes, qui démarrent leur activité et qui ont un fort potentiel de croissance.

Le capital-risque en 2022

Source : commission des finances, d'après les données de France Invest,
« 
Activité des acteurs français du capital investissement », mars 2023

Les sociétés de capital-risque sont explicitement visées à l'article 1er de la loi du 11 juillet 1985 portant diverses mesures d'ordre économique et financier65(*). Les articles 1er et 1-1 de ladite loi prévoient que ces sociétés sont exonérées d'impôt sur les sociétés sur les produits et les plus-values nets provenant de leur portefeuille si elles emploient plus de 50 % de leur situation nette comptable en titres associatifs, en actions, en obligations convertibles ou en titres participatifs de sociétés :

- ayant leur siège dans un État de l'Union européenne ou dans un État ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ;

- dont les actions ne sont pas admises à la négociation sur un marché règlementé (sociétés non cotées) ou dont les actions sont admises à la négociation, si leur capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d'euros ;

- qui exercent une activité mentionnée à l'article 34 du code général des impôts (CGI), à savoir une activité commerciale, industrielle ou artisanale ;

- qui sont soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun.

Les sociétés de capital-risque disposent d'un délai de trois ans à compter de leur premier exercice pour atteindre ce quota.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : FLÉCHER UNE PARTIE DE L'ACTIF DES SOCIÉTÉS DE CAPITAL-RISQUE VERS LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET L'ÉCONOMIE PRODUCTIVE

La commission a adopté l'amendement  COM-97 de Mme Vanina Paoli-Gagin, qui prévoit qu'une part minimale de l'actif des sociétés de capital-risque soit consacrée au financement de l'économie productive et de la transition écologique, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

Alors que plusieurs dispositions du projet de loi sont consacrées au développement du capital-investissement, par le biais des fonds de capital-investissement et du renforcement de leur présentation dans les produits d'épargne « traditionnels » (assurance vie, plans d'épargne retraite, plans d'épargne en actions), aucune disposition ne concerne spécifiquement les sociétés de capital-risque. Elles jouent pourtant un rôle majeur dans le soutien aux jeunes entreprises, y compris dans les domaines de l'énergie ou de l'environnement.

Le dispositif proposé présente par ailleurs l'avantage d'être suffisamment flexible pour les sociétés de capital-risque : la définition au niveau règlementaire de la part minimale consacrée au financement de l'économie productive et de la transition écologique permettra au Gouvernement de procéder à des ajustements pour tenir compte des retours d'expérience des sociétés.

À l'instar de ce qu'elle a défendu sur l'article 1666(*), le rapporteur estime que la rédaction du dispositif mériterait toutefois d'être précisée, notamment pour encadrer la latitude dont disposerait le Gouvernement pour cibler les activités participant à la transition écologique. Il est également possible de s'interroger sur la pertinence de retenir un fléchage minimal vers « l'économie productive », alors que l'objet même des sociétés de capital-risque est de soutenir les jeunes entreprises.

Décision de la commission : la commission des finances propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article.

ARTICLE 18

Soutien au développement des fonds européens d'investissement
de long terme (ELTIF 2.0) et du non coté

. Le présent article se compose de deux dispositifs.

Le premier vise à encourager les fonds communs de placement à risque (FCPR) et les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) à demander d'être qualifiés d'ELTIF, c'est-à-dire de fonds européens d'investissement de long terme. Ces fonds, définis par le règlement 2015/760 du 29 avril 2015, modifié par le règlement 2023/606 du 15 mars 2023, répondent à deux objectifs, à savoir mobiliser des financements à long terme en faveur de la croissance durable et de la compétitivité et mobiliser une épargne paneuropéenne. Les ELTIF se caractérisent en effet par l'octroi d'un « passeport européen » leur permettant d'être commercialisés auprès des investisseurs de détail (non-professionnels) de l'ensemble des pays européens. Pour inciter les FCPR et les OPCI à obtenir ce label, une clause dérogatoire de deux ans est prévue pour que ceux ayant cette qualification bénéficient des règles de gestion plus souples applicables aux fonds professionnels spécialisés.

Le second dispositif vise à renforcer la place du non coté et des ELTIF dans le plan d'épargne en actions (PEA). L'amendement COM-376 adopté par la commission à l'initiative du rapporteur vise à sécuriser cette éligibilité et à l'étendre au PEA-PME. Il reprend également l'article 5 bis de la proposition de loi de Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier en laissant aux fonds de capital-investissement éligibles au PEA un délai supplémentaire de deux ans pour se conformer à leurs obligations en matière de composition de leur actif.

Néanmoins, et même si la commission en soutient le fond et les objectifs, elle considère, à l'instar des articles 17 et 19 du présent projet de loi, que les dispositions du présent article présentent un lien indirect avec le financement de la transition écologique, et encore plus avec le financement de l'industrie verte. En plus de répondre à des enjeux de compétitivité des places financières pour le développement des ELTIF, le présent article vise avant tout à alléger les contraintes de financement des PME et des ETI, dans l'hypothèse qu'elles mobilisent ensuite ces financements pour décarboner leurs activités, ce qui suppose en effet des investissements massifs. Il convient toutefois de noter que rien n'empêche que ces capitaux soient utilisés pour d'autres activités.

La commission a également adopté deux amendements de précision rédactionnelle ( COM-374 et COM-375) et propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LE DÉVELOPPEMENT, EN FRANCE ET EN EUROPE, DE PRODUITS VISANT À SOUTENIR LES ENTREPRISES ET À FAVORISER L'INVESTISSEMENT À LONG TERME

A. L'ASSOUPLISSEMENT DU CADRE RÉGISSANT LES FONDS EUROPÉENS D'INVESTISSEMENT À LONG TERME, PRODUITS PANEUROPÉENS DESTINÉS AUX INVESTISSEURS DE DÉTAIL

1. Un assouplissement du cadre européen régissant les fonds européens d'investissement à long terme en réponse à leur faible développement67(*)

Créés par le règlement 2015/760 du 29 avril 201568(*), les fonds européens d'investissement à long terme (ELTIF) répondent à deux objectifs :

mobiliser des financements à long terme en faveur de la croissance durable et de la compétitivité. Ainsi que le relève le règlement, « les financements manquent parfois pour des projets tels que les infrastructures de transport, la production ou la distribution d'énergie durable, les infrastructures sociales, le déploiement de nouveaux systèmes et technologies permettant de réduire la consommation de ressources ou d'énergie, ou le développement de petites et moyennes entreprises (PME) » ;

mobiliser une épargne paneuropéenne et offrir une source de rendement aux investisseurs de détail.

Juridiquement, les ELTIF sont des fonds d'investissement alternatifs (FIA) qui ont obtenu le label ELTIF et qui peuvent à ce titre obtenir d'être commercialisés à des investisseurs de détail, c'est-à-dire à des investisseurs non professionnels, en dehors du pays de domiciliation du fonds. Cette labellisation permet donc de disposer d'un passeport européen : pour les FIA « classiques », la commercialisation en Europe est seulement possible auprès d'investisseurs professionnels.

Les ELTIF n'ont toutefois connu qu'un succès limité depuis 2015 avec seulement 77 FIA labellisés ELTIF au mois de décembre 2022 et un volume total du marché de 11,8 milliards d'euros69(*). Un règlement70(*) modifiant le règlement précité du 29 avril 2015 a donc été adopté le 15 mars 2023 afin d'assouplir les règles de composition des actifs, de commercialisation et de gestion de la liquidité de ces véhicules d'investissement de long terme. Le principal objectif est de renforcer l'attractivité de ce label et de pouvoir lever, par le biais de ces fonds, plusieurs dizaines de milliards d'euros d'ici 2027.

2. Les fonds communs de placement à risque et les organismes de placement collectif en immobilier sont deux catégories particulières de fonds d'investissement alternatifs71(*)

Si les FIA sont également encadrés au niveau européen par la directive AIFM72(*), les États membres ont conservé une marge d'appréciation pour les réglementer au niveau national. Au sein des dispositions du code monétaire et financier, quatre sous-sections de la section 2 « FIA » du chapitre IV du titre Ier du livre II sont consacrées à ces règles, respectivement pour les FIA ouverts aux investisseurs non professionnels (« investisseurs de détail »), et notamment les fonds communs de placement à risque, les fonds d'investissement de proximité et les fonds communs de placement dans l'innovation, les FIA ouverts à des investisseurs professionnels, les fonds d'épargne salariale et les organismes de titrisation ou de financement.

Estimation des encours de capital-investissement gérés
pour les clients privés par nature de véhicule en 2021

* Fonds nourriciers : fonds investissant la quasi-totalité de son actif dans un autre fonds.

Source : France Invest, Rendre le capital-investissement accessible, septembre 2022

Les FIA constituent un véhicule d'investissement privilégié pour le non coté et les gestionnaires qui le souhaitent peuvent demander à ce que leur FIA soit qualifié d'ELTIF, à condition de respecter les critères applicables à ces fonds en matière d'actifs éligibles, c'est-à-dire d'investissements de long terme73(*).

Parmi l'ensemble des FIA, les fonds communs de placement à risque (FCPR) et les organismes de placement collectif en immobilier (OPCI) se distinguent en ce qu'ils constituent deux types de FIA destinés aux investisseurs particuliers et pouvant être « ouverts », c'est-à-dire ouverts aux souscriptions et aux rachats pendant plusieurs années et éventuellement sur demande des investisseurs. Pour les FCPR, il s'agit plus particulièrement des FCPR dits evergreen.

Les OPCI ouverts et les FCPR evergreen se distinguent ainsi des véhicules de capital investissement qui optent plus généralement pour une période donnée et unique de souscription ainsi qu'un blocage des rachats pouvant aller jusqu'à 10 ans.

a) Les fonds communs de placement à risque, véhicules privilégiés pour le non coté en France

La composition des fonds communs de placement à risque (FCPR), type de FIA ouvert à une clientèle non professionnelle, est définie à l'article L. 214-28 du code monétaire et financier.

Un FCPR doit ainsi être constitué à au moins 50 % de titres associatifs, de titres participatifs ou de titres de capital de sociétés, ou donnant accès au capital de sociétés, qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers. Il s'agit donc de titres dans des sociétés non cotées. L'actif peut également comprendre, dans la limite de 20 % de l'actif du fonds, des titres de sociétés dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d'euros.

Le règlement du fonds doit par ailleurs fixer un délai avant l'expiration duquel les porteurs de part ne peuvent pas demander leur rachat, ce délai ne pouvant excéder 10 ans. Il peut également prévoir une ou plusieurs périodes de souscription à durée déterminée.

À noter qu'aux termes de l'article 163 quinquies B du code général des impôts (CGI), les personnes physiques qui conservent pendant au moins cinq ans à compter de leur souscription les parts de FCPR ou de fonds professionnels de capital-investissement bénéficient d'une exonération d'impôt sur le revenu sur les produits des parts détenues dans le fonds ainsi que sur les gains de cession de ces parts. Le bénéfice de cette exonération fiscale est subordonnée au respect de plusieurs conditions tenant tant à la composition de l'actif des FCPR qu'au réinvestissement des fonds, qui doivent demeurer indisponibles pendant au moins cinq ans.

Les FCPR sont donc le véhicule privilégié du capital investissement en France. Parmi les FCPR, trois catégories sont à distinguer :

- les FCPR « de droit commun » ;

- les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), investis à hauteur de 60 % minimum en titres de sociétés innovantes non cotées en bourse ;

- les fonds d'investissement de proximité (FIP), investis à hauteur de 60 % minimum en titres de PME non cotées en bourse.

b) Les organismes de placement collectif immobilier, un produit de long terme

Les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) peuvent prendre la forme soit d'une société de placement à prépondérance immobilière à capital variable, soit d'un fonds de placement immobilier (article L. 214-33 du code monétaire et financier). Leur constitution, transformation, fusion, scission et liquidation sont soumises à l'agrément de l'Autorité des marchés financiers (AMF), le dossier devant notamment définir la politique d'investissement que souhaite mener l'OPCI.

L'article L. 214-34 du CMF fixe les grands principes de cette politique d'investissement : les OPCI ont pour objet l'investissement dans des immeubles destinés à la location (achat, rénovation, réhabilitation) et, accessoirement, la gestion d'instruments financiers et de dépôts.

L'article L. 214-36 du même code, relatif à la composition de l'actif des OPCI, précise que cet actif est constitué :

d'immeubles construits ou acquis, en vue de la location ;

- de meubles meublants, biens d'équipements ou biens meubles affectés à ces immeubles ;

de parts de sociétés de personnes non cotées et dont l'actif est principalement constitué des immeubles acquis ou construits en vue de la location et des biens meubles y afférents.

Les actifs immobiliers doivent représenter au moins 60 % de l'actif de l'OPCI et les liquidités, dépôts et instruments financiers liquides au moins 5 % (article L. 214-37 du CMF).

Les règles ayant trait aux conditions d'émission, de souscription, de cession et de rachat de parts ou d'actions émises par des OPCI sont définies dans le règlement général de l'AMF, l'OPCI ayant par ailleurs des obligations propres, s'agissant par exemple de la souscription d'un contrat d'assurance de responsabilité civile sur les immeubles dont il est propriétaire (article L. 214-49 du CMF) ou de la certification de ses comptes par un commissaire aux comptes (article L. 214-54 du CMF).

L'article 208 du CGI prévoit, sous certaines conditions, que les sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable sont exonérées d'impôt sur les sociétés. Quant aux porteurs de parts, l'article 239 nonies du même code prévoit qu'ils sont soumis au prélèvement forfaitaire unique sur les revenus et les gains distribués par le fonds. Pour mémoire, le taux du PFU s'élève à 30 % - 12,8 % au titre de l'impôt sur le revenu et 17,2 % pour les prélèvements sociaux - avec la possibilité pour le contribuable, sur option expresse, de choisir la réintégration des produits dans son barème d'impôt sur le revenu.

c) Les fonds professionnels spécialisés, une catégorie de fonds soumis à des règles plus souples que les FCPR et les OPCI

Les fonds professionnels spécialisés (FPS) sont une autre catégorie de FIA, dont la commercialisation doit faire l'objet d'une demande auprès de l'AMF. Au 31 décembre 2021, les encours sur ces fonds s'élevaient à 219,8 milliards d'euros, soit 11,2 % du total des encours des produits français gérés par des sociétés de gestion de portefeuille74(*).

Aux termes de l'article L. 214-154 du code monétaire et financier, ils peuvent prendre la forme d'une société d'investissement à capital variable, d'un fonds commun de placement ou d'une société en commandite simple, auquel cas le fonds prend le nom de société de libre partenariat.

Les FPS peuvent investir dans des biens, mais également consentir des prêts aux entreprises, lorsqu'ils ont reçu l'autorisation d'utiliser la dénomination « ELTIF » au sens du règlement européen du 29 avril 2015. Ils peuvent également consentir des prêts aux entreprises non financières et des avances en compte courant aux sociétés dans lesquelles ils détiennent une participation. Les FPS, mais aussi les organismes de financement spécialisé (OFS) sont ainsi considérés, au regard de leurs modalités de fonctionnement et d'encadrement, comme les deux véhicules les plus souples et propices à l'adoption du label ELTIF.

La souscription et l'acquisition des parts des FPS sont réservées aux clients professionnels, mais également aux investisseurs dirigeants, salariés ou personnes physiques agissant pour le compte de la société de gestion du fonds. Les FPS doivent, dans des conditions définies par le règlement général de l'AMF, fournir des informations spécifiques aux souscripteurs sur les règles d'investissement particulières dans ces fonds ainsi que sur la périodicité minimale et les modalités d'établissement de la valeur liquidative du fonds. Le règlement ou les statuts du FPS doivent par exemple fixer la valeur liquidative en deçà de laquelle il est procédé à sa dissolution ainsi que fixer les règles d'investissement et d'engagement.

Valeur liquidative75(*)

La valeur liquidative correspond au prix d'une part d'un fonds commun de placement ou d'une action d'une société d'investissement à capital variable. La fréquence de sa publication dépend de chaque produit, elle peut être quotidienne comme trimestrielle, voire annuelle.

Il ressort de la responsabilité de chaque société de gestion de définir les modalités de souscription, de rachat et de périodicité de calcul de la valeur liquidative, ces éléments devant être cohérents avec la liquidité globale du fonds et le type de porteurs auprès desquels il est commercialisé.

Source : Autorité des marchés financiers, «  Délai de calcul des valeurs liquidatives des fonds de fonds alternatifs et fonds professionnels à vocation générale », modifié le 16 février 2023

B. UNE PLACE LIMITÉE DU NON COTÉ DANS L'ÉPARGNE FINANCIÈRE DES MÉNAGES

Le non coté occupe une place encore limitée dans l'épargne financière des ménages76(*) et donc dans les produits financiers qui la composent.

Encours de l'épargne des ménages
au quatrième trimestre 2022, par produit

* Livret A, livret jeune, livret de développement durable et solidaire, plans épargne logement, etc.

** Comptes à terme et livrets ordinaires.

Source : commission des finances, d'après les données de la Banque de France

1. Une éligibilité strictement encadrée des titres non cotés et des ELTIF au plan d'épargne en actions

Le plan d'épargne en actions (PEA) est un produit permettant aux épargnants dont le domicile fiscal est situé en France de se constituer un portefeuille en actions investies directement ou via des fonds : 5,1 millions de PEA étaient ouverts à la fin de l'année 2021, pour un encours total de près de 112 milliards d'euros77(*).

Sont éligibles au PEA :

les actions cotées ou, sous certaines conditions les actions non cotées, les certificats d'investissement, les certificats coopératives d'investissement, les certificats mutualistes, les parts de société à responsabilité limitée (SARL), les titres de capital de sociétés coopératives. Les sociétés émettrices de ces titres doivent disposer de leur siège dans l'Union européenne ou dans un État de l'Espace économique européen (EEE) (1° du I de l'article L. 221-31 du CMF) ;

les parts de placements collectifs (actions de sociétés d'investissement à capital variable, fonds communs de placement, organismes de placement collectif en valeurs mobilières) investis au moins à 75 % en actions et titres de sociétés ayant leur siège dans l'Union européenne ou dans un État de l'EEE (2° du I de l'article L. 221-31 du CMF). Les ELTIF peuvent donc juridiquement être éligibles au PEA, s'ils respectent les règles en termes de quota de composition de leur actif et de délai pour l'atteindre. Cependant, leur souscription dans un PEA est soumise aux mêmes contraintes que celles applicables aux ELTIF dans le cadre du règlement européen, à savoir notamment un ticket d'entrée de 10 000 euros.

Destiné à favoriser le soutien à l'économie française et européenne, le PEA bénéficie de conditions fiscales avantageuses : l'article 157 du CGI dispose ainsi que les produits et les plus-values procurés par les placements effectués dans le cadre d'un PEA ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu si aucun retrait n'est intervenu sur le plan pendant cinq ans, les produits et les plus-values demeurant toutefois soumis aux prélèvements sociaux (17,2 %)78(*). Le même régime fiscal et social s'applique aux dividendes capitalisés sur le PEA, sous la condition des cinq ans de détention (article 150-0 A du CGI).

2. Les titres de non coté sont principalement acquis par le biais de fonds de capital-investissement

Les fonds de capital-investissement constituent le principal véhicule d'investissement dans le non coté. Ils consistent en la prise de participations dans des sociétés non cotées en bourse.

Les différentes étapes d'intervention du capital-investissement

Plusieurs types de capital-investissement peuvent être distingués, suivant la « vie » de l'entreprise concernée :

- le capital-risque désigne le financement de la création d'une entreprise ou des premiers développements d'une entreprise de moins de cinq ans ;

- le capital-développement vise à soutenir et à accélérer la croissance de l'entreprise ;

- le capital-transition consiste au financement de l'acquisition d'une entreprise avec effet de levier. L'acquisition est faite par le biais d'un emprunt, via la constitution d'une holding pour la reprise ;

- le capital-retournement vise à financer l'acquisition d'une entreprise en difficulté pour lui fournir les ressources nécessaires à la mise en oeuvre d'un plan de redressement.

Source : Autorité des marchés financiers, Investir via un fonds de capital-investissement, 23 février 2023

L'acquisition de titres non cotés présente par définition une moindre liquidité que l'acquisition de titres cotés, qui s'échangent quotidiennement sur un marché règlementé, avec la fixation d'une valeur. La plupart des fonds de capital-investissement sont des fonds fermés : les investisseurs s'engagent sur un montant à souscrire, appelable immédiatement ou progressivement.

L'achat de parts de fonds de capital-investissement s'accompagne dès lors d'une durée de blocage des fonds, c'est-à-dire d'une période au cours de laquelle le souscripteur ne pourra pas obtenir le rachat de ses parts. De plus, une fois cette période échue, le rachat des parts n'est possible qu'une fois le fonds dissout, ce qui a lieu après une phase de revente des actions des sociétés, phase qui peut prendre plusieurs mois, voire années.

Cette particularité explique, avec la moindre liquidité de ces titres et l'incertitude quant au développement des entreprises financées, que le non coté est considéré comme plus risqué que l'achat d'actions cotées ou l'achat d'obligations. En contrepartie de ces trois risques de liquidité, de perte en capital et de valorisation des titres, le capital-investissement présente en moyenne des rendements plus élevés.

Performances annuelles moyennes de différentes formes
d'investissement entre 2007 et 2021

* En incluant les 250 sociétés cotées les plus importantes.

Source : France Invest, Rendre le capital-investissement accessible, septembre 2022

En 2022, d'après les données publiées par France Invest79(*), les acteurs professionnels du capital-investissement et des infrastructures ont mobilisé 36 milliards d'euros dans plus de 2 850 entreprises et projets d'infrastructures tandis que ce seraient plus de 41,5 milliards d'euros qui auraient été mobilisés auprès d'investisseurs institutionnels et privés, un niveau stable par rapport à l'année 2021 (- 1 %).

Les levées réalisées à l'international représentent 40 % du total levé au titre du capital-investissement, mais 80 % du total levé sur les projets d'infrastructures. Les investissements sur ce marché sont par ailleurs plus dynamiques, avec une forte augmentation de 30 % entre 2021 et 2022, pour atteindre 11,6 milliards d'euros, dont plus d'un tiers consacré aux énergies renouvelables (3,9 milliards d'euros, mais 60 % des projets). Les montants levés ont toutefois diminué sur ce secteur entre 2021 et 2022 (- 7 %), pour s'établir à 16 milliards d'euros.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN DISPOSITIF EN DEUX PARTIES POUR ENCOURAGER À L'OBTENTION DE LA QUALIFICATION « ELTIF » ET AU DÉVELOPPEMENT DU NON COTÉ DANS LES PLANS D'ÉPARGNE EN ACTIONS

Le présent article se compose de deux parties, visant d'une part à encourager les fonds communs de placement à risque (FCPR) et les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) à se labelliser « ELTIF » et, d'autre part, à renforcer la place du non coté dans les plans d'épargne en actions (PEA).

A. INCITER LES FCPR ET LES OPCI À ÊTRE LABELLISÉS « ELTIF », EN LEUR PERMETTANT D'OPTER POUR LE RÉGIME APPLICABLE AUX FONDS PROFESSIONNELS SPÉCIALISÉS

Afin d'inciter les gestionnaires de fonds communs de placement à risque et d'organismes de placement collectif en immobilier à se labelliser « ELTIF », le présent article leur donne la possibilité, sous conditions et par le biais d'une procédure dérogatoire et temporaire, de demander à se voir appliquer les règles relatives aux fonds professionnels spécialisés. Pour autant, l'enveloppe juridique du fonds ne serait pas modifiée (FCPR ou OPCI), seules les règles applicables le seraient.

L'option pourra être exercée dans un délai de deux ans à compter du 10 janvier 2024, à savoir la date d'entrée en vigueur du règlement modifiant le règlement du 29 avril 2015 sur les ELTIF (III et V du présent article). Les investisseurs des fonds exerçant cette option pourront quant à eux demander la liquidation de leurs parts, dans les conditions définies par le règlement général de l'AMF (III du présent article).

1. Les conditions applicables aux fonds communs de placement à risque

Le I du présent article vise à permettre aux FCPR de pouvoir demander, par le biais d'une procédure temporaire et dérogatoire, à être régis par les dispositions applicables aux fonds professionnels spécialisés, et non plus par celles applicables aux FCPR. Pour ce faire, les FCPR concernés devront respecter quatre conditions cumulatives :

- avoir été agréés au sens du règlement 2015/760 du 29 avril 2015 relatif aux ELTIF (cf. supra) et pouvoir être commercialisés auprès d'investisseurs de détail, c'est-à-dire auprès d'investisseurs non professionnels ;

- avoir été constitués avant le 1er janvier 2024 ;

- avoir pour objet principal l'investissement dans des instruments de dette, des capitaux propres ou des quasi-capitaux propres d'entreprises éligibles au sens de l'article 11 du règlement ELTIF. Il s'agit des entreprises non financières80(*) et non cotés, ou dont la capitalisation boursière n'excède pas 500 millions d'euros81(*). Ces entreprises doivent être établies dans un État membre ou dans un État tiers, pour autant que ce dernier ne soit pas une juridiction à haut risque et non coopérative identifiée par le groupe d'action financière internationale et qu'il assure un échange efficace d'informations en matière fiscale ;

- avoir notifié à l'Autorité des marchés financiers (AMF) leur choix d'être régis par les dispositions applicables aux fonds professionnels spécialisés et en avoir informé individuellement les investisseurs, selon les modalités prévues par le règlement général de l'AMF.

En recourant aux règles applicables aux fonds professionnels spécialisés, les FCPR pourront bénéficier de règles plus souples sur la composition de leurs actifs ou sur leurs opérations sur instruments financiers. Une partie de ces règles est définie au niveau règlementaire.

Les porteurs des parts des FCPR ayant choisi de recourir à cette clause temporaire pour obtenir la qualification « ELTIF » conserveront le bénéfice de l'exonération fiscale prévue à l'article 163 quinquies B du code général des impôts (CGI), sous réserve que les conditions d'application de cette exonération d'impôt sur le revenu applicable aux parts de FCPR ou de fonds professionnels de capital investissement soient respectées (cf. supra). En l'occurrence, les règles encadrant la composition de l'actif des FCPR devront toujours être respectées (article L. 214-28 du CMF).

2. Les conditions applicables aux organismes de placement collectif immobilier

À l'instar de ce qui est prévu pour les FCPR, le II du présent article vise à permettre aux OPCI de pouvoir demander, par le biais d'une procédure temporaire et dérogatoire, à être régis par les dispositions applicables aux fonds professionnels spécialisés, et non plus par celles applicables aux OPCI. Pour ce faire, les OPCI concernés, qui peuvent prendre la forme soit de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable soit de fonds de placement immobilier, devront respecter quatre conditions cumulatives :

- avoir été agréés au sens du règlement 2015/760 du 29 avril 2015 relatif aux ELTIF (cf. supra) et pouvoir être commercialisés auprès d'investisseurs de détail ;

- avoir été constitués avant le 1er janvier 2024 ;

- avoir leur actif composé majoritairement d'actifs immobiliers ;

- avoir notifié à l'Autorité des marchés financiers (AMF) leur choix d'être régis par les dispositions applicables aux fonds professionnels spécialisés et en avoir informé individuellement les investisseurs, selon les modalités prévues par le règlement général de l'AMF.

À l'instar des FCPR, et en recourant aux règles applicables aux fonds professionnels spécialisés, les OPCI pourront bénéficier de règles de gestion plus souples, une partie de ces règles étant définie au niveau règlementaire.

Si une société de placement à prépondérance immobilière à capital variable recourt à cette clause temporaire pour être qualifiée d'ELTIF, elle bénéficiera de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue au 3 nonies de l'article 208 du CGI, sous réserve de respecter les règles en matière de distribution du résultat et des plus-values de cession d'actifs, fixées à l'article L. 214-69 du code monétaire et financier.

Pour les porteurs de part de fonds de placement immobilier ayant eu recours à cette clause temporaire, les dispositions de l'article 239 nonies du CGI continueront de s'appliquer. Les revenus seront donc considérés comme des revenus de capitaux mobiliers, soumis au prélèvement forfaitaire unique, sous réserve de respecter les conditions fixées à l'article L. 214-81 du code monétaire et financier pour la distribution du résultat du fonds et des plus-values de cession d'actifs.

B. RENFORCER LA PLACE DU NON COTÉ ET DES ELTIF DANS LES PLANS D'ÉPARGNE EN ACTIONS

Le IV du présent article modifie l'article L. 221-31 du code monétaire et financier afin d'élargir les titres éligibles au plan d'épargne en actions (PEA) et de renforcer la place du capital investissement et du non coté.

Ainsi, ne seront plus seulement éligibles au PEA les actions des sociétés d'investissement à capital variable (Sicav) mais les titres financiers émis par les Sicav, les sociétés de libre partenariat et les sociétés de financement spécialisé (1° du IV du présent article). De même, ne seront plus seulement éligibles au PEA les parts de fonds communs de placement mais les titres financiers émis par des fonds communs de placement ou des fonds de financement spécialisé (2° du IV du présent article). Ces fonds sont des FIA et constituent des véhicules considérés comme propices à demander la labellisation ELTIF, certains l'ayant déjà obtenue. Cette disposition revient donc à ouvrir l'accès aux ELTIF structurés via un FPS et une SLP au PEA, les ELTIF structurés autrement y étant déjà éligibles.

Le critère de la composition de l'actif de ces fonds et sociétés demeure puisqu'ils devront toujours employer plus de 75 % de leurs actifs en actions, certificats d'investissement de sociétés, certificats coopératifs d'investissement, certificats mutualistes, certificats paritaires ou parts de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés dotées d'un statut équivalent ou de sociétés coopératives.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES DISPOSITIONS BIENVENUES POUR ENCOURAGER LE DÉVELOPPEMENT DES ELTIF ET DU NON COTÉ, MAIS DONT LE LIEN AVEC LE FINANCEMENT DE L'INDUSTRIE VERTE APPARAÎT AU MIEUX INDIRECT

A. UN LIEN INDIRECT AVEC LE FINANCEMENT DE L'INDUSTRIE VERTE ET DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

À l'instar des articles 17 et 19 du présent projet de loi, le rapporteur considère que les dispositions prévues au présent article présentent un lien indirect avec le financement de la transition écologique, et encore plus avec le financement de l'industrie verte.

L'objectif du présent article, et notamment du développement des ELTIF et de l'élargissement des titres éligibles au PEA, est avant tout d'alléger les contraintes de financement des PME et des ETI, dans l'hypothèse qu'elles mobilisent ensuite ces financements pour décarboner leurs activités, ce qui suppose en effet des investissements massifs. Il en va de même pour le financement des infrastructures, dont certaines sont liées à la transition et à la production d'énergies renouvelables, ainsi que l'investissement dans l'immobilier, avec la location d'immeubles neufs ou rénovés.

De fait, le lien avec l'industrie verte et le financement de la transition écologique apparaît au mieux indirect : le développement des ELTIF devrait permettre aux entreprises et aux infrastructures européennes de bénéficier de capitaux de long terme, capitaux que les sociétés utiliseraient ensuite pour décarboner leurs activités et financer leur transition. Rien n'empêche toutefois que ces capitaux soient utilisés pour d'autres activités. Comme expliqué plus précisément dans le commentaire de l'article 19 du présent projet de loi, par exemple les ELTIF ne comprennent pas de critères de durabilité, la proposition du Parlement européen de créer une sous-catégorie d'ELTIF « verts » ayant été écartée lors de la discussion de la révision du règlement européen.

Le sous-jacent de cette disposition, compréhensible et commun à celui des articles 17 et 19, consiste donc à dire que le financement de la transition écologique ne peut pas se faire via des actifs entièrement liquides et des investissements de court-terme. Il suppose du long terme et du non coté.

En France, les fonds de capital-investissement ont ainsi consacré 36 % de leurs investissements au secteur industriel, énergétique, des télécommunications et de la construction en 2022, tandis que près de 3,4 milliards d'euros ont été consacrés aux cleantechs82(*). Ce terme désigne les technologies et les services industriels « propres », qui optimisent les ressources naturelles, réduisent les déchets ou leur toxicité et qui améliorent la performance des technologies de production83(*).

Répartition sectorielle des investissements des fonds
de capital-investissement en 2021 et en 2022

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances, d'après les données de France Invest, «  Activité des acteurs français du capital-investissement », mars 2023

Les fonds d'infrastructures ont quant à eux porté 11,6 milliards d'euros d'investissements en France en 2022, plus d'un tiers (4,3 milliards d'euros) ayant été consacré aux énergies renouvelables et à l'environnement84(*).

Répartition sectorielle des investissements des fonds
d'infrastructure en 2021 et en 2022

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances, d'après les données de France Invest, «  Activité des acteurs français du capital-investissement », mars 2023

B. UN DÉVELOPPEMENT DES ELTIF ET DU NON COTÉ QUI DOIT TOUTEFOIS ÊTRE ENCOURAGÉ

En dépit de ces réserves, il n'en demeure pas moins que le développement des ELTIF et du non coté ainsi que leur mise à disposition dans des produits d'épargne « traditionnels » doivent être encouragés, pour favoriser le financement de l'économie. Les dispositions des articles 17 et 18 s'inscrivent à cet égard dans la lignée des recommandations du Comité économique et social européen (CESE).

Dans son avis sur la révision du règlement relatif aux fonds européens d'investissement à long terme85(*), celui-ci avait en effet appelé à faciliter l'éligibilité des ELTIF aux comptes d'épargne, aux contrats d'assurance vie en unités de compte, aux régimes d'épargne des salariés et aux mécanismes de retraite. C'est d'autant plus opportun que les modifications apportées au règlement européen sur les ELTIF suppriment le ticket d'entrée de 10 000 euros jusqu'ici applicable à une grande partie des investisseurs particuliers ainsi que l'obligation de ne pas détenir plus de 10 % de leur patrimoine financier dans ces fonds.

En droit français, l'inclusion des fonds de capital-investissement structurés sous la forme de sociétés de libre partenariat ou d'organismes de financement spécialisé dans le PEA, en plus des Sicav et des FCP, met de plus fin à une incohérence dans le traitement fiscal de ces deux types de fonds et donc à une distorsion au profit des fonds jusqu'ici éligibles au PEA.

Par ailleurs, si ces produits présentent davantage de risque - moindre liquidité, blocage des fonds - les rendements sont en moyenne supérieurs à ceux des actifs plus liquides.

1. Favoriser la labellisation des « ELTIF » et leur disponibilité dans le PEA, un enjeu de compétitivité

Si les enjeux de compétitivité et de concurrence liés au développement des ELTIF sont principalement abordés à l'article 19 du présent projet de loi, les dispositions du présent article y répondent également.

Les deux dispositifs sont en effet complémentaires avec, d'une part, une habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter notre droit aux dispositions du règlement européen sur les « ELTIF 2.0 » et moderniser la gamme de fonds français en conséquence (article 19) et, d'autre part, des clauses temporaires d'assouplissement pour inciter des FIA existants et destinés à des investisseurs de détail à se labelliser « ELTIF 2.0 » (article 18).

Le fonctionnement et la composition de l'actif des fonds communs de placement à risque (FCPR) et des organismes de placement collectif immobilier (OCPI) les rapprochent des ELTIF, sans toutefois proposer un cadre aussi souple ni prévoir la possibilité de disposer d'un passeport européen de commercialisation auprès des investisseurs européens particuliers. Certains acteurs craignent dès lors que ces fonds soient délaissés au profit de véhicules plus flexibles et de nouveaux ELTIF, au détriment des porteurs. Comme l'a rappelé l'Autorité des marchés financiers en audition, une telle situation leur serait en effet préjudiciable puisque si les fonds ne sont plus distribués, ils perdront en encours et la diversification de leurs actifs, liquides comme illiquides, s'en trouverait fortement amoindrie.

Pour prévenir ce risque, la mise en place d'une clause temporaire d'assouplissement vise à inciter les FCPR et les OPCI à se labelliser ELTIF pour bénéficier du passeport de commercialisation et du cadre applicable aux fonds professionnels spécialisés, sans toutefois les obliger à prendre la forme juridique d'un FPS. Une telle transformation ne pourrait en effet pas être neutre fiscalement, le traitement fiscal des FCPR, des OPCI et des FPS étant différent. La disposition proposée, avec une modification du cadre applicable sans modification de la nature du fond, permet donc de préserver la neutralité fiscale pour les porteurs de part.

Même s'ils recourent à la clause temporaire, les FCPR et les OPCI ne pourront néanmoins pas changer radicalement de stratégie puisqu'ils devront continuer à respecter leurs obligations en matière d'investissement, que ce soit dans des PME et des ETI ou dans des actifs immobiliers. Plus encore, s'ils optent pour préserver leur neutralité fiscale, les FCPR devront respecter les mêmes règles en matière de composition de leurs actifs et d'éligibilité des actifs (article L. 214-28 du code monétaire et financier), tandis que les OPCI devront respecter les obligations de distribution du résultat, des plus-values de cession et des dividendes. Tous deux bénéficieront cependant de la levée de contraintes fixées au niveau règlementaire et concernant par exemple les ratios de diversification, la valorisation, les souscriptions et les rachats86(*).

17 FCPR « evergreen » (ouverts au rachat) seraient potentiellement concernés par cette clause temporaire d'assouplissement, pour des encours de 1,9 milliard d'euros à la fin de l'année 2022, et 24 OPCI, pour des encours de 20 milliards d'euros87(*). Les objectifs du Gouvernement sont, de nouveau, particulièrement ambitieux puisqu'il souhaiterait que l'ensemble de ces véhicules fassent usage de la clause dérogatoire pour obtenir d'être qualifiés d'ELTIF.

2. Sécuriser l'éligibilité du capital investissement et des ELTIF au PEA et au PEA-PME

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement  COM-376, qui opère trois modifications.

Tout d'abord, l'amendement apporte des clarifications techniques afin de sécuriser l'éligibilité des fonds de capital-investissement, professionnels comme non professionnels, et des ELTIF au PEA.

Ensuite, la commission a étendu ces clarifications pour sécuriser l'éligibilité de ces fonds au PEA-PME. Prévu à l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier, le PEA-PME est réservé à l'acquisition d'actions, de parts, d'obligations convertibles ou remboursables en actions et de titres participatifs émis par :

- des entreprises non cotées, employant moins de 5 000 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 1,5 milliard d'euros ou son bilan 2 milliards d'euros ;

- des entreprises cotées respectant les conditions précédemment énoncées et dont la capitalisation boursière est inférieure à un milliard d'euros.

Le plafond du PEA-PME est de 225 000 euros88(*) et les produits bénéficient de la même exonération d'impôt sur le revenu que celle prévue pour le PEA « classique » si le plan a plus de cinq ans.

Enfin, l'amendement adopté par la commission vise à tenir compte de la nature spécifique des fonds de capital-investissement, en s'appuyant à cet égard sur les travaux de Jean-François Husson et d'Albéric de Montgolfier dans le cadre de leur proposition de loi relative à la protection des épargnants.

Pour rappel (cf. supra), les fonds de capital-investissement sont éligibles au PEA sous réserve de disposer dans un délai de deux ans d'un actif constitué à 75 % d'actions et titres de sociétés ayant leur siège dans un État de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. Or, il est rare que les fonds communs de placement à risque (FCPR) respectent immédiatement la condition relative à la nature des titres, restreignant de fait le périmètre des FCPR éligibles au PEA. L'investissement des FCPR se constitue en effet à travers une gamme diversifiée d'instruments financiers, dont la composition a été précédemment énumérée.

Reprenant l'article 5 bis de la proposition de loi précitée, l'amendement  COM-376 vise donc, par dérogation, à laisser un délai supplémentaire aux fonds communs de placement à risque, aux sociétés de libre partenariat, aux sociétés de financement spécialisé et de fonds de financement spécialisé pour se conformer à cette obligation. Ils auront jusqu'au troisième exercice du fonds, soit la quatrième année, pour s'y conformer.

Cette disposition n'affecte que les fonds éligibles au PEA puisque, pour le PEA-PME, cette condition de constitution de l'actif à 75 % de titres éligibles ne s'applique pas. Il convient d'ailleurs de conserver cette dérogation, au risque sinon de créer une incertitude juridique pour les investisseurs disposant de parts de fonds qui risqueraient de ne plus être éligibles à la souscription par le biais du PEA-PME.

*

La commission a également adopté deux amendements de précision rédactionnelle COM-374 et COM-375.

Décision de la commission : la commission des finances propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 19

Habilitation à légiférer par ordonnance pour soutenir le développement des fonds européens d'investissement à long terme (ELTIF 2.0)

. Le présent article porte une demande d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre les mesures relevant du domaine de la loi et visant, d'une part, à adapter le droit français aux révisions apportées au règlement européen sur les fonds européens d'investissement à long terme (ELTIF) et, d'autre part, à moderniser et à rationaliser la gamme des fonds français.

La commission souligne que le présent article ne présente qu'un lien indirect avec le financement de l'industrie verte et de la transition écologique. Certes, les ELTIF ont pour objectif de financer des infrastructures et d'apporter de nouvelles sources de financement aux entreprises, qui pourront ensuite les utiliser pour financer leur décarbonation, ce qui suppose en effet des investissements massifs. Toutefois, règlementairement, ces capitaux pourront tout aussi bien être utilisés pour d'autres activités.

Les mesures qui seront prises par voie d'ordonnance répondent donc avant tout à un enjeu de concurrence, pour préserver l'attractivité de la place financière de Paris, par rapport au Luxembourg notamment. Il importe en effet que la France demeure attractive pour la domiciliation des ELTIF, afin que ces derniers drainent l'épargne des investisseurs particuliers européens, pour financer des projets en France et en Europe.

À l'initiative du rapporteur, la commission a toutefois adopté l'amendement  COM-377 afin de réduire de douze à six mois le délai d'habilitation du Gouvernement pour prendre cette ordonnance. Le Gouvernement ne peut pas à la fois prétexter l'urgence d'adapter notre droit à la mise en place des ELTIF 2.0 et demander une ordonnance qui pourrait n'être potentiellement publiée qu'à l'été voire à l'automne 2024.

La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LA VOLONTÉ, AU NIVEAU NATIONAL COMME EUROPÉEN, DE DÉVELOPPER DES VÉHICULES POUR LE FINANCEMENT DES ENTREPRISES

A. EN FRANCE, UNE GAMME DE FONDS D'INVESTISSEMENT ALTERNATIFS TRÈS ÉTENDUE ET PLACÉE SOUS L'ÉGIDE DU DROIT EUROPÉEN

1. Le cadre européen définit deux grands types d'organismes de placement collectif

Les organismes de placement collectif (OPC) désignent les sociétés financières dont la fonction consiste à placer les capitaux collectés auprès du public sur les marchés financiers. Deux types d'OPC peuvent être distingués :

- les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), qui relèvent de la directive consolidée sur les OPCVM (dite « directive UCITS 4 »89(*)). Aux termes de l'article premier de la directive, l'objet exclusif des OPCVM est le placement collectif en valeurs mobilières ou dans d'autres actifs financiers liquides ;

- les fonds d'investissement alternatifs (FIA), qui relèvent de la directive sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (dit « directive AIFM »90(*)). Les FIA regroupent l'ensemble des fonds ne relevant pas de la qualification d'OPCVM au sens de la directive UCITS 4 (article L. 214-24 du code monétaire et financier).

Au 31 décembre 2021, sur les 708 sociétés de gestion en France, 93 % étaient soumises à au moins l'une des deux directives UCITS ou AIFM, dont 108 uniquement au titre d'OPCVM, 372 d'AIFM et 175 sous les deux régimes91(*). Les actifs bruts gérés par les sociétés de gestion de portefeuille française représentaient quant à eux 3 300 milliards d'euros, dont 2 300 milliards d'euros pour les OPC de droit français et 1 000 milliards d'euros pour les fonds de droit étranger gérés en France.

Juridiquement, un OPC peut prendre deux formes :

- un fonds commun de placement (FCP), soit une copropriété d'instruments financiers qui émet des parts. L'investisseur n'est pas un actionnaire et n'a pas de droit de vote ;

- une société d'investissement à capital variable (SICAV), soit une société anonyme ou société par actions simplifiée à capital variable qui émet des actions au fur et à mesure des demandes de souscription. L'investisseur est alors un actionnaire.

Il est ensuite possible de classer les fonds en fonction des valeurs mobilières dont ils sont majoritairement constitués, selon leur « nature » :

- les fonds monétaires sont investis en titres de créances à court terme : bons du Trésor émis par les États, billets de trésorerie émis par les entreprises ou encore certificats de dépôt émis par les banques ;

- les fonds actions peuvent être exposés aux actions françaises, européennes ou internationales ;

- les fonds obligataires sont investis en obligations, soit des titres de dette de moyen et long terme émis par les États ou par les entreprises ;

- les fonds mixtes sont investis dans des produits financiers de différente nature, à la discrétion du gestionnaire et sans nécessairement de plancher ou de plafond pour la détention d'une catégorie ;

- les fonds « autres ». La Banque de France classe dans cette catégorie l'ensemble des fonds d'épargne salariale, les fonds immobiliers, les fonds de capital investissement et, plus marginalement, les fonds à formule92(*) et les hedge funds93(*).

2. Les FIA recouvrent un nombre très important de structures

a) Les FIA, des véhicules pouvant bénéficier d'un passeport européen pour être commercialisés auprès d'investisseurs professionnels

La directive AIFM comprend plusieurs exigences à l'égard des gestionnaires de FIA, notamment en termes de liquidité, de fonds propres, de gouvernance, de reporting auprès des autorités de supervision ou encore d'évaluation des actifs :

- si un gestionnaire gère, par l'intermédiaire d'un FIA ou de plusieurs fonds, plus de 100 millions d'euros en cas de recours à l'effet de levier94(*) ou plus de 500 millions d'euros en son absence avec un blocage des rachats pour une période de cinq ans suivant l'investissement initial, il est intégralement soumis aux dispositions de la directive ;

- si un gestionnaire se situe en-dessous de ces seuils, il n'est pas soumis à l'ensemble des obligations de la directive, mais peut néanmoins décider de s'y soumettre, pour bénéficier d'un passeport européen pour la commercialisation du fonds auprès d'investisseurs professionnels.

La directive AIFM prévoit deux types de passeport : l'un pour la gestion de FIA, l'autre pour leur commercialisation auprès de clients professionnels. En France, tout gestionnaire de FIA doit transmettre préalablement à la commercialisation des parts du fonds une notification à l'Autorité des marchés financiers (AMF).

b) De nombreuses formes de FIA en France

Les FIA au sens de la règlementation européenne recouvrent, en France, les véhicules d'investissement collectifs listés dans le code monétaire et financier - fonds d'investissement à vocation générale (FIVG), fonds de fonds alternatifs (FFA), fonds de capital-investissement, fonds d'épargne salariale, organismes de placement collectif en immobilier (OPCI), sociétés civiles de placement immobilier (SPCI), sociétés d'épargne forestière (SEF), groupements forestiers d'investissement (GFI), sociétés d'investissement à capital fixe (SICAF), fonds professionnels à vocation générale (FPVG), fonds professionnels spécialisés (FPS), sociétés de libre partenariat (SLP), fonds professionnels de capital investissement (FPCI), organismes professionnels de placement collectif immobilier (OPPCI), organismes de financement (organismes de titrisation ou de financement spécialisé) - ainsi que les véhicules qui ne sont pas nommément désignés par le code, ce sont les « autres FIA ».

Répartition des encours des produits français gérés par les sociétés de gestion de portefeuille françaises et de l'Union européenne au 31 décembre 2021

(en milliards d'euros)

Source : Autorité des marchés financiers, «  Chiffres clés 2021 de la gestion d'actifs », février 2023

Cette diversité de fonds s'explique notamment par le fait que la directive AIFM n'a pas imposé d'harmonisation des véhicules, les législateurs européens reconnaissant qu'il « serait disproportionné de règlementer la structure ou la composition des portefeuilles des FIA gérés par des gestionnaires au niveau de l'Union, et il serait difficile de parvenir à une harmonisation aussi large du fait de la grande diversité des FIA gérés par des gestionnaires »95(*).

Quatre sous-sections sont à distinguer au sein de la section 2 « FIA » du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire financier : les FIA ouverts à des investisseurs non professionnels (dits « investisseurs de détail »), les FIA ouverts à des investisseurs professionnels, les fonds d'épargne salariale et les organismes de titrisation ou de financement.

Les fonds de capital-investissement prennent nécessairement la forme de FIA. Ils sont généralement « fermés », c'est-à-dire qu'ils n'autorisent la souscription de parts que sur une période donnée et que les sommes sont ensuite bloquées pour une durée pouvant aller jusqu'à 10 ans. Certains peuvent toutefois être ouverts, comme certains organismes de placement collectif en immobilier (OPCI) ou fonds communs de placement à risque (FCPR) « evergreen ».

B. L'ASSOUPLISSEMENT DU CADRE RÉGISSANT LES FONDS EUROPÉENS D'INVESTISSEMENT À LONG TERME, PRODUITS PANEUROPÉENS DESTINÉS AUX INVESTISSEURS DE DÉTAIL

1. Les fonds européens d'investissement à long terme, des véhicules paneuropéens pour financer la transition et les PME

a) Une volonté d'encourager le développement de véhicules d'investissement de long terme

Créés par le règlement 2015/760 du 29 avril 201596(*), les fonds européens d'investissement à long terme (ELTIF) répondent à deux objectifs :

mobiliser des financements à long terme en faveur de la croissance durable et de la compétitivité. Comme le relève le règlement, « les financements manquent parfois pour des projets tels que les infrastructures de transport, la production ou la distribution d'énergie durable, les infrastructures sociales, le déploiement de nouveaux systèmes et technologies permettant de réduire la consommation de ressources ou d'énergie, ou le développement de petites et moyennes entreprises (PME) » ;

mobiliser une épargne paneuropéenne et offrir une source de rendement aux investisseurs de détail. L'absence d'harmonisation des règles relatives aux véhicules d'investissement de long terme constituait en effet un obstacle à la commercialisation transfrontalière de ces véhicules et conduisait à des divergences en matière de protection des investisseurs.

Les ELTIF visent donc à apporter des financements de longue durée aux projets d'infrastructure, à des sociétés non cotées ou à des PME cotées qui émettent des instruments de capitaux propres ou de dette pour lesquels les acheteurs ne sont pas aisément identifiables. Pour les PME cotées, la capitalisation boursière doit être inférieure à 500 millions d'euros. Le règlement européen a permis d'instaurer des règles uniformes concernant l'activité des ELTIF, que ce soit en termes de composition du portefeuille ou d'instruments d'investissement.

Sont considérés comme des investissements de long terme et donc comme des actifs éligibles au sens de l'article 10 du règlement :

- les participations (instruments de capitaux propres ou de quasi-capitaux propres), les instruments de dette des entreprises de portefeuille éligibles et les prêts qui leur sont accordés ;

- les participations dans les fonds dont les actifs sont majoritairement composés d'investissements dans des entreprises non cotées97(*), et à condition que ces fonds n'aient pas eux-mêmes investi plus de 10 % de leur capital dans des ELTIF ;

- les actifs physiques détenus directement, à condition qu'ils produisent des flux de trésorerie (ex. infrastructures liées à l'énergie, aux transports, aux communications, éducatives, industrielles ou sanitaires). Leur valeur doit être supérieure à 10 millions d'euros et ils doivent produire des avantages économiques et sociaux.

Les entreprises éligibles sont définies à l'article 11 du règlement. Elles doivent répondre aux critères cumulatifs suivants :

- ne pas être une entreprise financière, à l'exception des entreprises financières qui investissent exclusivement dans des entreprises éligibles ou dans les actifs physiques tels que précédemment définis ;

- ne pas être cotée, ou avoir une capitalisation boursière inférieure à 500 millions d'euros ;

- être établie dans un État membre ou dans un pays tiers, à condition que ce pays tiers ne soit pas une juridiction à haut risque et non coopérative identifiée en ce sens par le groupe d'action financière (GAFI)98(*) et ait signé, avec l'État membre d'origine du gestionnaire de l'ELTIF et avec tous les États membres dans lesquels il est destiné à être commercialisé, un accord visant à garantir qu'il respecte ses obligations au regard de l'échange d'informations en matière fiscale99(*).

L'article 13 du règlement impose en parallèle des règles de diversification des actifs. Un ELTIF ne peut pas investir plus de 10 % de son capital en instruments émis par une seule entreprise éligible, en parts ou actions d'un seul fond éligible ou en un seul actif physique. Il prévoit également que 70 % du capital du fond est constitué d'actifs éligibles.

Toutefois, par dérogation, et pour permettre aux gestionnaires de conserver une certaine flexibilité, les ELTIF peuvent être constitués d'actifs autres que des investissements de long terme à hauteur de 30 % et peuvent être autorisés à emprunter des liquidités jusqu'à 30 % de la valeur du capital du fond (articles 13 et 16 du règlement européen).

b) Un véhicule paneuropéen, ouvert à des investisseurs non professionnels et soumis de ce fait à des règles spécifiques

Les ELTIF prennent concrètement la forme de fonds d'investissement alternatifs (FIA), régis à ce titre par la directive AIFM (cf. supra). Par conséquent, seul un FIA au sens de la directive et géré par un gestionnaire de FIA agréé conformément à la directive est éligible pour être qualifié d'ELTIF.

Dès lors, les ELTIF sont à la fois régis par les règles propres aux FIA, complétées par les règles spécifiques à la gestion d'un ELTIF et à sa commercialisation transfrontalière auprès d'investisseurs de détail. En effet, contrairement aux OPCVM qui peuvent être commercialisés auprès des investisseurs professionnels et non professionnels dans l'ensemble des États membres de l'Union, un FIA doit obtenir un passeport pour être commercialisé auprès d'investisseurs professionnels hors de son État de labellisation et être labellisé ELTIF pour pouvoir en plus être commercialisé auprès d'investisseurs non professionnels. Pour bénéficier de ces deux passeports européens, c'est la procédure prévue par la directive AIFM pour les FIA qui s'applique. Ces règles sont reprises aux articles L. 214-24-1 et L. 214-24-2 du code monétaire et financier.

Les actifs éligibles aux ELTIF sont en grande partie illiquides et nécessitent un engagement à durée déterminée, avec un blocage des sommes apportées par les investisseurs de détail. Les ELTIF de première génération sont en effet des fonds fermés et cette caractéristique justifie la mise en oeuvre de règles d'accès spécifiques pour protéger les investisseurs particuliers non-professionnels.

Aux termes de l'article 28 du règlement, les gestionnaires doivent ainsi disposer de toutes les informations nécessaires sur les connaissances, l'expérience, la situation financière, l'appétence au risque, les objectifs et l'horizon temporel d'investissement de l'investisseur de détail. De plus, si le patrimoine financier (dépôts bancaires et instruments financiers) de l'investisseur est inférieur à 500 000 euros, ce dernier ne peut pas investir plus de 10 % de son patrimoine dans des ELTIF et le « ticket d'entrée » est fixé à 10 000 euros (article 30). FIA comme ELTIF sont en France soumis à la supervision de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Enfin, lorsque la durée de vie de l'ELTIF proposé aux investisseurs de détail dépasse 10 ans, une information écrite doit explicitement les prévenir que le produit pourrait ne pas être adapté aux personnes incapables de maintenir un tel engagement illiquide.

2. En réponse au développement limité des ELTIF, un nouveau règlement a été adopté pour favoriser les investissements de long terme en Europe

a) Les ELTIF « première génération » se sont avérés décevants

Au mois de décembre 2022, seuls 77 fonds avaient été labellisés ELTIF, pour un volume total du marché de 11,8 milliards d'euros100(*). Les fonds étaient domiciliés dans seulement quatre États membres, la France, le Luxembourg, l'Italie et l'Espagne.

Les deux objectifs visés par le règlement ELTIF, à savoir financer les investissements de long terme et contribuer à la création d'un marché intérieur intégré pour la levée de capitaux n'ont pas été atteints. La gestion collective non cotée ne bénéficie donc pas encore d'un marché intégré pour la clientèle non professionnelle.

La révision du règlement ELTIF faisait ainsi partie des mesures présentées par la Commission européenne dans le cadre du plan d'action 2020 de renforcement de l'Union des marchés des capitaux. Une première proposition a été publiée par la Commission européenne au mois de novembre 2021, dans laquelle la Commission soulignait que le développement des ELTIF était cohérent avec le pacte vert pour l'Europe et la stratégie en faveur de la finance durable101(*). La Commission a présenté le même jour une proposition de modification de la directive AIFM, notamment pour harmoniser les règles relatives aux outils de gestion de liquidité ainsi qu'à la protection des investisseurs102(*).

b) La modification du règlement européen et la mise en place des « ELTIF 2.0 »

Le règlement européen modifiant le règlement 2015/760 et conduisant à la mise en place des « ELTIF 2.0 » a été adopté le 15 mars 2023103(*), pour une entrée en application prévue le 10 janvier 2024.

Parmi les principales modifications apportées, et qui sont autant d'assouplissements destinés à favoriser la labellisation « ELTIF », figurent :

l'abaissement du ratio minimal d'actifs éligibles de 70 % à 55 %. Il a en effet été considéré qu'un ratio aussi élevé que 70 % pouvait s'avérer difficile à atteindre et coûteux pour les gestionnaires d'ELTIF, que ce soit pour gérer la liquidité du fond, honorer les demandes de remboursement ou conduire les stratégies de valorisation des actifs éligibles ;

- le rehaussement du ratio de diversification de 10 % à 20 % par actif, le but étant de réduire le nombre d'investissements distincts à obligatoirement opérer pour obtenir la qualification ELTIF ;

- la suppression de l'exigence selon laquelle les actifs physiques doivent avoir une valeur d'au moins 10 millions d'euros ;

- l'extension de la définition des investissements de long terme et donc des actifs éligibles aux ELTIF. Seront désormais inclues : les parts de FIA ou d'OPCVM ayant eux-mêmes investi dans des actifs éligibles, les obligations émises par les entreprises éligibles conformément au futur règlement européen sur les obligations vertes européennes, les titrisations, sous certaines conditions liées à la nature des actifs sous-jacents ;

- l'ajout, dans les entreprises éligibles, des entreprises financières de moins de cinq ans, afin d'inclure la fintech104(*) ;

- le relèvement du seul de capitalisation boursière maximale pour les sociétés cotées de 500 millions à 1,5 milliard d'euros ;

la suppression du ticket d'entrée de 10 000 euros pour les investisseurs de détail dont le patrimoine financier est inférieur à 500 000 euros ainsi que du plafond de 10 % du patrimoine investi dans des ELTIF. Cette mesure faisait partie des propositions de l'AMF105(*), qui avait en contrepartie insisté sur le devoir de conseil et le questionnaire d'adéquation préalable à toute commercialisation d'un ELTIF aux investisseurs non professionnels ;

- la simplification des règles de commercialisation pour éviter les « doublons », par rapport aux règlementations européennes déjà applicables en la matière. Le test d'adéquation est celui prévu par la directive dite MIF 2106(*), il n'y a pas de test supplémentaire ;

- la création d'un mécanisme de remboursement supplémentaire sous la forme d'une fenêtre de liquidité, qui permettrait aux investisseurs de sortir d'un ELTIF plus tôt que prévu, sous certaines conditions et sans que cela ne revienne à garantir aux investisseurs des liquidités sur demande.

Au regard des spécificités des ELTIF en matière de liquidité, et tout en maintenant le caractère fermé de ces fonds, l'AMF avait également défendu la mise en place de mécanismes de liquidité périodique, avec des fréquences de rachat au maximum trimestrielles107(*). Il s'agit d'un changement majeur - la caractéristique première des ELTIF étant d'être des fonds fermés - et donc d'un enjeu de concurrence de premier ordre pour les places financières et les gestionnaires de fonds.

Les changements apportés en la matière par ELTIF 2.0 sont de deux ordres. D'une part, un mécanisme optionnel d'appariement, sur le marché secondaire, est mis à disposition : les demandes de sortie de certains investisseurs devront coïncider avec les demandes d'entrée de nouveaux investisseurs. Un décalage pourrait néanmoins se traduire par une décote pour les vendeurs. D'autre part, les gérants pourront prévoir des mécanismes de rachat, pour permettre une sortie anticipée des fonds ELTIF. L'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) doit toutefois en préciser le cadre, y compris sur les outils de gestion de la liquidité. La consultation de l'ESMA est toujours en cours.

Sur cette thématique, il convient de rappeler, pour ce qui concerne la France, que l'AMF a engagé à la fin de l'année 2022 une revue des exigences applicables à l'industrie de gestion en matière de liquidité, un sujet qui fait partie de ses priorités de supervision pour l'année 2023108(*). Il s'agit en effet d'un enjeu majeur, tant pour les gestionnaires des fonds que pour les investisseurs.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE HABILITATION À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE POUR MODERNISER LA GAMME DES FONDS FRANÇAIS ET FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DES FONDS EUROPÉENS D'INVESTISSEMENT À LONG TERME

Le présent article porte une demande du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et visant à :

- adapter les dispositions relatives aux placements collectifs et à leurs gestionnaires pour 1) renforcer leur capacité à proposer à gérer des fonds d'investissement alternatifs (FIA) ayant été labellisés « ELTIF » en application du règlement 2015/760 du 29 avril 2015 (cf. supra) et 2) assurer la complémentarité entre ces FIA et les catégories des FIA ouverts aux investisseurs non-professionnels ;

- étendre à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna les dispositions précédentes et prévoir, le cas échéant, les adaptations nécessaires pour Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'ordonnance devrait être prise dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi et le projet de loi de ratification déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DISPOSITION QUI RÉPOND À UN ENJEU DE COMPÉTITIVITÉ DE LA PLACE DE PARIS, MAIS QUI NE PRÉSENTE QU'UN LIEN INDIRECT AVEC LE FINANCEMENT DE L'INDUSTRIE VERTE

A. LE FINANCEMENT DE L'INDUSTRIE VERTE ET DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE, UN ENJEU DE SECOND RANG

1. Si les ELTIF visent à favoriser les investissements de long terme et les PME, le financement de la transition n'est qu'un objet parmi d'autres, même s'il a été renforcé

À l'instar des articles 17 et 18 du présent projet de loi, le rapporteur considère que les dispositions prévues au présent article présentent un lien indirect avec le financement de la transition écologique, et encore plus avec le financement de l'industrie verte. De fait, l'objectif affiché par le Gouvernement de mobiliser cinq milliards d'euros d'épargne privée supplémentaire par an pour le financement de la décarbonation et de la transition écologique grâce aux dispositions du titre III du présent projet de loi apparaît très ambitieux, et sans doute surestimé, par rapport aux mesures proposées.

Si le développement des ELTIF devrait permettre aux entreprises et aux infrastructures européennes de bénéficier de capitaux de long terme, capitaux que les sociétés utiliseraient ensuite pour décarboner leurs activités et financer leur transition, rien n'empêche toutefois que ces capitaux soient utilisés pour d'autres activités.

Ainsi, comme il est rappelé dans le règlement ELTIF 2.0, « l'éligibilité des actifs physiques ne devrait pas dépendre de leur nature ou de leurs objectifs, de questions environnementales, sociales ou de gouvernance, ni de la divulgation d'information en matière de durabilité »109(*), ce qui ne veut pas dire que les fonds ELTIF ne sont pas soumis aux obligations du règlement sur la publication d'informations en matière de durabilité (SFDR)110(*). Au mois de décembre 2022, 48 % des ELTIF relevaient des articles 8 et 9 du règlement SFDR.

Le règlement SFDR

L'un des objectifs du règlement SFDR est d'imposer aux acteurs financiers de publier des informations relatives à leurs pratiques en matière de durabilité mais aussi à leurs allégations concernant la classification de leurs produits. Ce sont en effet les établissements qui classent eux-mêmes leurs fonds en « article 8 » ou en « article 9 » de SFDR. Les fonds dits « article 8 » sont supposés mettre en avant des caractéristiques environnementales ou sociales tandis que les fonds dits « article 9 » sont supposés avoir un objectif d'investissement durable, avec une prise en compte des trois dimensions de l'ESG (environnement, social, gouvernance).

Toutefois, plusieurs acteurs, dont certains grands gestionnaires de fonds ont critiqué le flou du règlement SFDR sur la classification des fonds et sur les exigences à respecter et ont rétrogradé plusieurs de leurs fonds « article 9 » vers des fonds « article 8 ». La Commission européenne a par conséquent commencé à travailler sur de nouvelles mesures relatives à l'intégration des facteurs de durabilité. En parallèle de ces travaux, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a lancé au mois de mai 2022 une consultation sur l'intégration dans son règlement général de critères d'exigence minimale en matière de durabilité111(*).

Source : Autorité des marchés financiers, Règlement sur la publication d'informations en matière de durabilité dans les services financiers : l'AMF propose une révision ciblée visant à l'insertion de critères minimaux environnementaux, 13 février 2023

Il convient néanmoins de noter que, pour encourager les flux de capitaux privés vers des investissements plus durables, les ELTIF pourront désormais investir dans des obligations vertes, à condition qu'elles soient conformes au cadre européen sur les obligations vertes et qu'elles satisfassent aux critères d'éligibilité des fonds ELTIF.

De plus, et s'ils en respectent les conditions, les ELTIF peuvent également demander à être labellisés dans les différents pays européens où ils seront commercialisés. Par exemple, si un ELTIF est commercialisé en France, il pourra demander à obtenir le label ISR (investissement socialement responsable) ou Greenfin112(*).

Par ailleurs, les estimations reprises par le Gouvernement dans l'étude d'impact quant aux effets de la révision du règlement ELTIF et la mise en place des « ELTIF 2.0 » apparaissent particulièrement volontaristes. Le Gouvernement s'appuie en effet sur les travaux menés par l'Alternative Investment Management Association, qui estime que les encours des ELTIF pourraient être multipliés par plus de neuf en trois ans pour atteindre 100 milliards d'euros dès 2027. Pour mémoire, la Commission européenne n'avait, elle, pas produit d'estimation sur les effets du règlement ELTIF 2.0 lorsqu'elle avait présenté sa proposition de révision.

De fait, les fonds levés par le biais des ELTIF devraient en très grande majorité financer des entreprises européennes - même si aucune clause exclusive d'investissement en Europe n'est prévue - et donc de fait des PME et des ETI françaises, qui constituent une part importante du tissu industriel européen. L'effet sera d'autant plus important si de nombreux ELTIF font le choix de se labelliser en France : le présent article répond en effet prioritairement à un enjeu de concurrence entre les places financières pour l'accueil de ces véhicules aux encours de long terme potentiellement très élevés. Or, disposer d'investissements de long terme est primordial pour diversifier les sources de financement des entreprises non cotées et financer des projets d'infrastructures.

2. L'enjeu premier, défendre la place financière de Paris face à ses concurrents européens

a) La France, en concurrence avec le Luxembourg pour devenir le premier pays de domiciliation des ELTIF

La France, le Luxembourg et, dans une moindre mesure, l'Italie et l'Espagne sont les seuls pays à accueillir des ELTIF. Selon le registre des ELTIF tenu par l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), au 4 avril 2023, 53 ELTIF étaient domiciliés au Luxembourg, 21 en France, 13 en Italie et 2 en Espagne113(*).

Les données de l'Autorité européenne des marchés financiers soulignent également la prévalence des acteurs français114(*), suivis des acteurs italiens115(*). La filiale française du premier gestionnaire d'actifs mondial, l'américain Blackrock, dispose de quatre ELTIF, un centré sur les infrastructures, trois sur le capital investissement.

Surtout, la France est le premier marché en termes de répartition des placements : les ELTIF représentaient 3,8 milliards d'euros en France en 2022, soit plus d'un quart du volume total du marché (11,8 milliards d'euros)116(*). Elle se situe devant l'Italie, à 2,6 milliards d'euros, qui se distingue toutefois comme étant le premier marché pour les ELTIF sur le segment des investisseurs de détail (35,9 % des souscriptions, contre 16 % pour la France).

Les ELTIF de première génération en Europe au 31 décembre 2022117(*)

Source : commission des finances, d'après l'étude d'impact du présent projet de loi

b) La nécessité d'adopter au plus vite les règles mises en place pour les ELTIF 2.0 afin d'attirer les gestionnaires de fonds

Au regard des enjeux posés par la révision du règlement européen sur les ELTIF, de son entrée en application relativement proche, le 10 janvier 2024, et, surtout, des estimations des encours potentiels d'ici 2027, à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d'euros, plusieurs pays européens se sont positionnés pour adapter au plus vite leurs règles nationales aux assouplissements mis en place pour les ELTIF 2.0. L'objectif est bien d'être attractif pour les gestionnaires de fonds et d'être en mesure de capter la plus grande partie de l'épargne des investisseurs de détail européens.

Le Luxembourg a ainsi publié dès la fin du mois de mars 2023 un projet de loi118(*) visant à modifier le cadre légal applicable à la gestion d'actifs et de fonds afin de développer de nouvelles solutions pour faciliter l'accès des investisseurs de détail à des classes d'actifs alternatifs (FIA). Le projet comprend notamment des dispositions visant à renforcer l'attractivité de certains fonds, en assouplissant leurs modalités de fonctionnement, ainsi qu'à renforcer leur liquidité ; ces deux éléments visent directement les révisions apportées au règlement européen sur les ELTIF. Les FIA domiciliés au Luxembourg disposeraient également d'un délai supplémentaire pour atteindre un volume minimum d'investissement et les ELTIF seraient exonérés de la taxe d'abonnement119(*).

Les enjeux autour des mécanismes de liquidité sont primordiaux : alors que l'AMF avait proposé que la mise en oeuvre de ces règles soit supervisée par l'Autorité européenne des marchés financiers, le règlement conserve une supervision par les autorités nationales. Le risque est donc que les gestionnaires choisissent de domicilier leurs fonds dans des pays où ces règles et celles relatives plus généralement à la protection des épargnants sont appliquées avec moins de diligence qu'en France. Le contenu de l'ordonnance sur les outils de gestion de liquidité sera donc essentiel, alors que les règles applicables aux ELTIF en la matière ont été largement révisées par le règlement européen « ELTIF 2.0 ».

L'ESMA a également lancé une consultation sur les outils de gestion de la liquidité qui pourraient être mis en place : la capacité des ELTIF à être ouverts aux rachats, alors qu'ils comportent par définition une part importante d'actifs illiquides, supposera la mise en place de règles quantitatives précises pour que les investisseurs considèrent comme crédible leur capacité à obtenir un remboursement de leur part dans un délai raisonnable. En France, les FCPR et les OPCI doivent par exemple disposer en permanence d'une poche d'actifs liquides.

Une harmonisation européenne est donc nécessaire pour éviter une concurrence sur ces règles, qui influerait ensuite sur les choix de domiciliation des fonds. Le principal objectif est en effet d'éviter que les fonds souhaitant se labelliser ELTIF choisissent d'être principalement domiciliés au Luxembourg et bénéficient de l'épargne des résidents français pour des fonds luxembourgeois, alors même que ces fonds n'investiraient pas nécessairement dans des projets d'infrastructures ou des sociétés non cotées situées au moins pour partie en France. À titre de comparaison, en 2022, les fonds français de capital-investissement ont investi à hauteur de 67 % en France et les fonds immobiliers à hauteur de 88 %120(*).

3. Une mesure qui s'inscrit également dans le plan d'action de la Commission européenne pour renforcer l'Union des marchés des capitaux

Outre un enjeu de concurrence, il s'agit également, en favorisant le développement des ELTIF, de contribuer au renforcement de l'Union des marchés des capitaux (UMC). Cet objectif est régulièrement évoqué par les États membres, par les institutions européennes et par les acteurs financiers comme un impératif pour disposer de nouveaux financements favorables à la double transition environnementale et numérique ainsi qu'à la croissance économique. Plusieurs plans d'action sont régulièrement présentés par la Commission européenne pour renforcer l'UMC, dont le dernier, toujours en cours, a été publié en 2020. Il comprend notamment la révision du règlement ELTIF.

Dans sa communication au Comité économique et social européen (CESE) sur le plan d'action 2020, la Commission soulignait la nécessité de disposer d'un marché des capitaux intégré pour mobiliser 350 milliards d'euros d'investissements supplémentaires chaque année et atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030121(*). Les mesures en faveur du marché des capitaux ne constituent cependant qu'un angle parmi d'autres pour atteindre cette cible, avec la volonté toutefois de davantage mobiliser l'épargne européenne. Si cette dernière est la plus importante au monde, elle demeure à la fois très liquide et très orientée vers des produits de court terme, ce qui ne permet pas de financer l'économie réelle ou des investissements à long terme.

Les objectifs visés par la révision du règlement ELTIF sont particulièrement ambitieux puisque, en plus des encours potentiellement mobilisés, la Commission européenne, mais aussi le Gouvernement, estiment qu'elle pourrait contribuer à la création d'un marché intégré de la gestion collective d'actifs non cotés en Europe, pour une clientèle non professionnelle, au profit de la diversification des sources de financement des entreprises, des projets de long terme ainsi que des revenus des investisseurs. ELTIF 2.0 est de fait considéré par la Commission européenne comme pouvant créer un véritable marché unique des FIA.

B. UNE HABILITATION À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE DONT LE CONTENU DEMEURE LARGE ET LE DÉLAI TROP IMPORTANT

La demande d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance peut se justifier au regard du calendrier : le règlement révisant le règlement ELTIF n'a été publié au Journal officiel de l'Union européenne qu'au mois de mars 2023 et les consultations avec les parties prenantes sont encore en cours. Toutefois, ce contexte ne peut justifier un champ d'habilitation relativement imprécis ni une durée d'habilitation de 12 mois. En effet, d'après les informations obtenues par le rapporteur, une partie des évolutions à apporter au cadre français régissant les FIA est déjà définie.

1. La mise à disposition de nouvelles informations pour préciser le champ de l'habilitation

Tel que rédigé, le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement pour légiférer par ordonnance peut apparaître large et relativement imprécis. Le rapporteur a donc interrogé le Gouvernement ainsi que les personnes auditionnées sur la portée de cette habilitation et sur les mesures qui pourraient être adoptées pour favoriser le développement des ELTIF 2.0 en France ainsi que moderniser la gamme des fonds français.

L'ordonnance comprendrait tout d'abord des mesures de nature à renforcer la compétitivité de la gamme des fonds français. Si les fonds professionnels spécialisés (FPS) et les organismes de financement spécialisés (OPS) apparaissent comme les véhicules les plus souples pour pouvoir être labellisés ELTIF, ils se heurtent encore à plusieurs contraintes concernant l'émission de titres de créance (FPS), de parts traçantes122(*) (OPS) et les règles relatives à la constitution de sociétés de libre partenariat.

D'après les informations contenues dans l'étude d'impact ainsi que celles obtenues par le rapporteur, la modernisation des fonds professionnels, qui seraient le principal support des ELTIF 2.0, consistera en :

- l'adaptation du périmètre des biens dans lesquels les FPS et les OPS pourront investir, pour s'aligner sur la définition large des actifs physiques dans le règlement ELTIF (cf. supra) ;

- la possibilité pour les OFS d'émettre des parts, actions ou titres de créance supportant un risque de crédit différent ainsi que pour les SLP d'émettre des titres de créances ;

- la constitution de sociétés de libre partenariat sans personnalité morale. Cette disposition répondrait directement aux structures mises en place dans d'autres pays européens et viserait donc à créer un véhicule français capable de les concurrencer.

L'ordonnance devrait également conduire à ajouter les parts d'ELTIF dans les actifs éligibles des fonds communs de placement d'entreprise, dans le cadre de l'épargne salariale. Le rapporteur s'étonne que cette disposition ne figure pas plutôt dans le projet de loi transposant l'accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur en entreprise, actuellement examiné par l'Assemblée nationale et qui constituerait un véhicule législatif plus approprié.

Se pose ensuite la question de la rationalisation de la gamme des fonds français : les FIA labellisés ELTIF 2.0 ont pour but de devenir le premier véhicule d'investissement pour le non coté en France et en Europe, et leur articulation avec les fonds nationaux de capital-investissement (FCPR, OPCI, SCPI) devra donc être précisée, pour s'assurer de la complémentarité de ces produits. Ces fonds non professionnels pourraient dès lors apparaître soit comme un autre support des ELTIF, soit comme redondants avec les ELTIF, qui par définition sont commercialisés auprès d'investisseurs de détail. Plusieurs mesures seraient à l'étude :

- dans les FCPR, aligner le seuil maximal de capitalisation boursière des entreprises cotées éligibles sur celui prévu dans ELTIF, à savoir 1,5 milliard d'euros, contre 150 millions d'euros aujourd'hui ;

- pour les OPCI, modifier les règles relatives à la composition de l'actif (quota, délai) et relever le plafond d'endettement sur les actifs immobiliers non cotés, pour s'aligner avec celui prévu dans ELTIF, à savoir 50 %, contre 40 % en droit national actuellement ;

- aligner la définition du fonds nourricier sur celle prévue dans ELTIF : un fonds nourricier n'aurait plus besoin d'investir 100 % de son actif dans un fonds maître mais seulement 85 %.

La suppression de certains fonds ne serait donc pas envisagée à court terme. Pour mémoire, lors de la transposition de la directive UCITS 4, l'Autorité des marchés financiers avait proposé de rationaliser la gamme des fonds français, en en réduisant le nombre afin d'accroître leur lisibilité pour les investisseurs français comme étrangers. Il n'existe plus aujourd'hui de fonds communs d'intervention sur les marchés à terme, qui représentaient alors moins de 500 millions d'euros d'actifs sous gestion, pour 20 produits.

Enfin, le Conseil d'État indique, dans son avis sur le présent projet de loi, qu'il a invité le Gouvernement à modifier le champ de l'habilitation pour inclure la modification potentielle d'autres codes, et notamment du code général des impôts. Si aucune précision n'est donnée sur ce point dans l'étude d'impact du présent article, les modifications apportées aux fonds précédemment citées pourraient se traduire par des dispositions de transition visant à assurer une neutralité fiscale pour les porteurs de parts de fonds concernés par les mesures de modernisation et de rationalisation de la gamme des fonds français, voire par une révision de leur régime fiscal.

2. Une durée d'habilitation qui ne permettra pas à la France de répondre aux enjeux de concurrence

La commission a adopté, à l'initiative du rapporteur, l'amendement  COM-377 visant à ramener le délai d'habilitation demandé par le Gouvernement de douze mois à six mois.

En effet, au regard de la date d'entrée en vigueur des dispositions du règlement européen (10 janvier 2024), de l'enjeu de concurrence et des travaux déjà en cours pour traduire en droit national les assouplissements prévus par le règlement « ELTIF 2.0 », le délai d'habilitation de douze mois apparaît trop long. La commission a donc proposé de le ramener à six mois, en tenant compte du fait que le présent projet de loi pourrait ne pas être adopté avant le début de l'automne.

Le Gouvernement justifie pour partie le délai d'habilitation de 12 mois par la nécessité de pouvoir disposer d'un retour d'expérience des premiers mois de mise en application des dispositions du règlement ELTIF 2.0. C'est toutefois contradictoire avec la volonté affichée d'aller vite sur ce sujet et de placer la France en position concurrentielle vis-à-vis de ses homologues européens, et notamment du Luxembourg. Surtout, un délai de 12 mois pourrait éventuellement conduire à une ordonnance publiée à l'automne 2024, ce qui apparaît particulièrement lointain, y compris pour tenir compte des remontées de terrain des acteurs.

Le Gouvernement ne peut donc pas à la fois demander une habilitation dans le premier véhicule législatif disponible présentant un lien indirect avec l'objet de l'habilitation et demander un délai d'habilitation aussi long. Si des ajustements sont à apporter par la suite, par rapport aux dispositions de l'ordonnance, le Gouvernement pourra également passer par la loi.

Enfin, les informations obtenues par le rapporteur montrent que les travaux ont déjà été engagés, sachant que le Gouvernement avait un temps envisagé d'inscrire cette demande d'habilitation à légiférer par ordonnance dans le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture (« DDADUE »). Le calendrier n'était toutefois pas compatible avec celui de l'adoption de la proposition de révision du règlement, actée le 15 mars 2023. La loi DDADUE a en effet été promulguée le 10 mars 2023123(*).

Décision de la commission : la commission des finances propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.


* 3 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 4 Décret n° 2015-1615 du 10 décembre 2015 relatif au label « Transition énergétique et écologique pour le climat ».

* 5 Décret n° 2016-10 du 8 janvier 2016 relatif au label « investissement socialement responsable ».

* 6 D'après les réponses de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution au questionnaire du rapporteur.

* 7 Article D. 128-2 du code de l'environnement.

* 8 Articles D. 128-3 et D. 128-8 du code de l'environnement.

* 9 Arrêté du 10 mars 2016 portant homologation du référentiel et du plan de contrôle et de surveillance cadre du label « Transition énergétique et écologique pour le climat », dans sa version issue de l'arrêté du 7 juin 2019.

* 10 Arrêté du 8 janvier 2016 définissant le référentiel et le plan de contrôle et de surveillance du label « investissement socialement responsable », dans sa version issue de l'arrêté du 8 juillet 2020.

* 11 Règlement (UE) 2019/2088 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d'informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers.

* 12 On parle encore de fonds « superverts ».

* 13 « Les fonds d'investissement « verts » à l'heure du grand ménage », Le Monde, 24 février 2023.

* 14 Recommandation 2022-R-02 du 14 décembre 2022 sur la promotion de caractéristiques extra-financières dans les communications à caractère publicitaire en assurance vie.

* 15 Bilan et perspectives du label « Investissement socialement responsable » (ISR), décembre 2020, Inspection générale des Finances (Jean-Philippe de Saint-Martin et Sébastien Piednoir).

* 16 « Finance « verte » ou « greenwashing » ? Nos conseils pour faire le tri dans les promesses des banques », Le Monde, 29 novembre 2022.

* 17 « Les fonds labélisés sont-ils plus verts ?», par Pierre Bui Quang et David Nefzi, Bloc-notes Éco, billet n°311, 23 mars 2023.

* 18 Réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur.

* 19 Réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur.

* 20 D'après l'étude d'impact du présent article.

* 21 Loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

* 22 Banque de France, «  L'épargne règlementée, rapport annuel 2021 », 19 juillet 2022.

* 23 Les ratios suivants valent pour le total des sommes non centralisées au titre du livret A et du livret de développement durable et solidaire. Ils sont définis par l'arrêté du 4 décembre 2008 relatif aux règles d'emploi des fonds collectés au titre du livret A et du livret de développement durable et solidaire et non centralisés par la Caisse des dépôts et consignations, ainsi qu'aux informations permettant le suivi de ces emplois.

* 24 Banque de France, «  L'épargne règlementée, rapport annuel 2021 », 19 juillet 2022.

* 25 54,9 millions de livrets étaient détenus par des personnes physiques et 0,8 million par des personnes morales.

* 26 Banque de France, «  L'épargne règlementée, rapport annuel 2021 », 19 juillet 2022.

* 27 Davantage de détails sont donnés sur les caractéristiques de ce produit dans le commentaire de l'article 15 du présent projet de loi.

* 28 Plusieurs cas de déblocage du capital de manière anticipée sont prévus, en cas notamment d'invalidité, de décès de l'époux, d'expiration des droits du titulaire aux allocations chômage, de surendettement, de cessation d'activité non salariée à la suite d'un jugement de liquidation judiciaire ainsi que d'acquisition de la résidence principale.

* 29 D'après l'étude d'impact du présent article.

* 30 Pour davantage de détails sur les modalités de fonctionnement du plan d'épargne en actions, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 18 du présent projet de loi.

* 31 Banque de France, Statistiques sur le plan d'épargne en actions et les PEA-PME, 13 juin 2023.

* 32 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 33 À noter, l'exonération d'impôt sur le revenu au titre des produits et des plus-values procurés par des placements en titres non cotés n'est que partielle : elle est limitée à 10 % du montant de ces placements (5° bis de l'article 157 du CGI).

* 34 Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/Union européenne.

* 35 Directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d'assurances.

* 36 Investissements en faveur de la transition ou socialement responsables.

* 37 Pour davantage de détails, le lecteur est invité à se reporter à l'article 15 du présent projet de loi.

* 38 Règlement (UE) 2019/2088 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d'informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers.

* 39 Selon les réponses de l'Autorité des marchés financiers (AMF) au questionnaire du rapporteur ainsi que communiqué de presse de l'AMF, «  Règlement sur la publication d'informations en matière de durabilité dans les services financiers : l'AMF propose une révision ciblée visant à l'insertion de critères minimaux environnementaux », 13 février 2023.

* 40 Selon les estimations présentées dans l'étude d'impact du présent article.

* 41 D'après les données inscrites dans l'étude d'impact du présent article. Le Gouvernement prend pour hypothèse un rendement annuel moyen d'un placement diversifié en actions sur une période de 15 à 20 ans de 5 %, en s'appuyant sur les données de l'Autorité des marchés financiers.

* 42 Dans ses estimations, le Gouvernement partait du principe que seuls les ménages aisés verseraient un abondement initial volontaire en plus de l'abondement public. Cette hypothèse n'est plus valide dans le dispositif proposé par la commission, qui supprime l'abondement public.

* 43 Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, «  Les enseignements de l'enquête par questionnaire sur les offres bancaires dédiées aux mineurs », 14 février 2023.

* 44 Article 88a, proposal for a directive of the European parliament and of the council amending Directives (EU) 2009/65/EC, 2009/138/EC, 2011/61/EU, 2014/65/EU and (EU) 2016/97 as regards the Union retail investor protection rules, 24 mai 2023.

* 45 France Assureurs, « L'assurance vie continue de se développer en avril avec une collecte nette atteignant 1,3 milliard d'euros », 1er juin 2023.

* 46 Étude d'impact du projet de loi, selon des données de France Assureurs.

* 47 Article L. 131-1 du code des assurances.

* 48 1° de l'article R. 131-1 du code des assurances, renvoyant à l'article R. 332-2 du même code, qui lui-même renvoie à la sous-section 5 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier, relatif aux organismes de financement, qui comprennent, selon l'article L. 214-166-1 dudit code les organismes de titrisation et les organismes de financement spécialisé.

* 49 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 50 Article R. 131-1-1 du code des assurances. Les fonds professionnels spécialisés sont réservés aux investisseurs susceptibles d'investir au minimum 100 000 euros (article 423-27 du règlement général de l'AMF).

* 51 Livre blanc de France Assureurs pour l'élection présidentielle 2022, « Renforcer l'assurance vie au service de l'économie et de la croissance durable ».

* 52 Article 71 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises.

* 53 En comptabilisant le PER d'entreprise.

* 54 Arrêté du 7 août 2019 portant application de la réforme de l'épargne retraite.

* 55 Article 3 du règlement délégué (UE) 2017/653 de la Commission du 8 mars 2017 complétant le règlement (UE) n°1286/2014 du Parlement européen et du Conseil sur les documents d'informations clés relatifs aux produits d'investissement packagés de détail et fondés sur l'assurance (PRIIP) par des normes techniques de réglementation concernant la présentation, le contenu, le réexamen et la révision des documents d'informations clés et les conditions à remplir pour répondre à l'obligation de fournir ces documents.

* 56 On parle, en anglais, de « private equity ».

* 57 Article L. 132-21 du code des assurances.

* 58 Pour davantage de détails, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 18 du présent projet de loi.

* 59 Voir commentaire de l'article 15.

* 60 Autre que les articles 1984 et suivants du code civil, qui définissent les dispositions générales relatives aux mandats.

* 61 Rapport d'information n° 20 (2021-2022) de MM. Jean-François HUSSON et Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 octobre 2021.

* 62 Pour plus de détails, voir l'article 2 de la proposition de loi n°273 (2022-2023) tendant à renforcer la protection des épargnants, et son commentaire dans le rapport n° 272 (2022-2023) de MM. Jean-François HUSSON et Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 janvier 2023.

* 63 Pour davantage de détails, le lecteur est invité à se reporter aux commentaires des articles 17 et 18 du présent projet de loi.

* 64 Autorité des marchés financiers, Investir via un fonds de capital-investissement, 23 février 2023.

* 65 Loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses mesures d'ordre économique et financier.

* 66 Se reporter au commentaire de l'article 16 du présent projet de loi.

* 67 Pour davantage de détails sur les fonds européens d'investissement à long terme, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 19 du présent projet de loi.

* 68 Règlement (UE) 2015/760 du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d'investissement à long terme.

* 69 D'après les données de l'étude d'impact du présent article.

* 70 Règlement (UE) 2023/606 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 modifiant le règlement (UE) 2015/760 en ce qui concerne les exigences relatives aux politiques d'investissement et aux conditions de fonctionnement des fonds européens d'investissement à long terme et la définition des actifs éligibles à l'investissement, les obligations en matière de composition et de diversification du portefeuille et l'emprunt de liquidités et d'autres dispositions des statuts des fonds.

* 71 Pour davantage de détails sur la diversité et les règles applicables aux fonds d'investissement alternatifs, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 19 du présent projet de loi.

* 72 Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010.

* 73 Les actifs éligibles aux fonds européens d'investissement à long terme sont listés au commentaire de l'article 19 du présent projet de loi.

* 74 Autorité des marchés financiers, «  Chiffres clés 2021 de la gestion d'actifs », février 2023.

* 75 Pour davantage de détails, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 17 du présent projet de loi.

* 76 Ibid.

* 77 Banque de France, Statistiques sur le plan d'épargne en actions et les PEA-PME, 27 juillet 2022.

* 78 À noter, l'exonération d'impôt sur le revenu au titre des produits et des plus-values procurés par des placements en titres non cotés n'est que partielle : elle est limitée à 10 % du montant de ces placements (5° bis de l'article 157 du CGI).

* 79 France Invest, «  Activité des acteurs français du capital-investissement », mars 2023.

* 80 À l'exception des entreprises financières qui investissent exclusivement dans des entreprises de portefeuille éligibles.

* 81 Seuil porté à 1,5 milliard d'euros dans le cadre de la révision du règlement 2015/760 du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d'investissement à long terme.

* 82 D'après les données transmises au rapporteur par le Gouvernement.

* 83 D'après les définitions de Bpifrance et de France Invest.

* 84 D'après les données transmises au rapporteur par le Gouvernement.

* 85 Comité économique et social européen , Avis sur la révision du règlement relatif aux fonds européens d'investissement à long terme (ELTIF), mars 2022.

* 86 Selon les informations transmises par la direction générale du Trésor en réponse au questionnaire du rapporteur.

* 87 Selon les données transmises par l'Autorité des marchés financiers en réponse au questionnaire du rapporteur.

* 88 Si une même personne est titulaire d'un PEA et d'un PEA-PME, la somme totale versée sur ces deux plans ne peut excéder 225 000 euros.

* 89 Directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières.

* 90 Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010.

* 91 Autorité des marchés financiers, «  État des lieux des classifications SFDR sur le marché des fonds français et exposition des portefeuilles aux secteurs fossiles fin 2021 », mars 2023.

* 92 Fonds dont le contrat garantit la réalisation d'un objectif financier prédéfini.

* 93 S'il n'existe aucune définition uniforme, les hedge funds présentent des caractéristiques communément admises, telles que l'absence de diversification des actifs, l'utilisation potentiellement illimitée de produits dérivés et de techniques financières complexes, le recours intensif aux effets de levier ainsi qu'une certaine illiquidité.

* 94 L'effet de levier est défini au VI de l'article L. 214-24-20 du code monétaire et financier comme « toute méthode par laquelle l'exposition [au risque] du FIA est accrue, que ce soit par l'emprunt de liquidités ou d'instruments financiers, par des positions dérivées ou par tout autre moyen ».

* 95 Paragraphe 11 de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010.

* 96 Règlement (UE) 2015/760 du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d'investissement à long terme.

* 97 Il s'agit des fonds européens de capital investissement (EuVECA) et des fonds européens pour l'entreprenariat social (EuSEF).

* 98 Le groupe d'action financière est l'organisme mondial de surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

* 99 Condition remplacée, dans le règlement dit « ELTIF 2.0 », par l'absence d'inscription du pays sur la liste « noire » de l'Union européenne des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales.

* 100 D'après les données de l'étude d'impact du présent article.

* 101 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2015/760 en ce qui concerne la définition des actifs et des investissements éligibles, les exigences de composition et de diversification du portefeuille, l'emprunt de liquidités et d'autres dispositions des statuts des fonds, et en ce qui concerne les exigences relatives à l'agrément, aux politiques d'investissement et aux conditions de fonctionnement des fonds européens d'investissement à long terme, novembre 2021.

* 102 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2011/61/UE et 2009/65/CE en ce qui concerne les modalités de délégation, la gestion du risque de liquidité, les déclarations à des fins de surveillance, la fourniture de services de dépositaire et de conservation ainsi que l'octroi de prêts par les fonds d'investissement alternatifs, novembre 2021. La proposition est actuellement en cours de discussion au sein du Conseil de l'Union européenne.

* 103 Règlement (UE) 2023/606 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 modifiant le règlement (UE) 2015/760 en ce qui concerne les exigences relatives aux politiques d'investissement et aux conditions de fonctionnement des fonds européens d'investissement à long terme et la définition des actifs éligibles à l'investissement, les obligations en matière de composition et de diversification du portefeuille et l'emprunt de liquidités et d'autres dispositions des statuts des fonds.

* 104 Définie par Bpifrance comme l'ensemble des start-ups innovantes qui utilisent la technologie pour repenser les services financiers et bancaires.

* 105 Autorité des marchés financiers, Propositions de l'AMF pour rendre plus attractifs les fonds euros d'investissement de long terme, mars 2021.

* 106 Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/Union européenne.

* 107 Autorité des marchés financiers, Propositions de l'AMF pour rendre plus attractifs les fonds euros d'investissement de long terme, mars 2021.

* 108 Autorité des marchés financiers, Priorités d'action de l'AMF pour 2023.

* 109 Considérant 8 du règlement (UE) 2023/606 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 modifiant le règlement (UE) 2015/760 en ce qui concerne les exigences relatives aux politiques d'investissement et aux conditions de fonctionnement des fonds européens d'investissement à long terme et la définition des actifs éligibles à l'investissement, les obligations en matière de composition et de diversification du portefeuille et l'emprunt de liquidités et d'autres dispositions des statuts des fonds.

* 110 Règlement (UE) 2019/2088 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d'informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers.

* 111 Pour davantage de précision sur les propositions de l'Autorité des marchés financiers, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 18 du présent projet de loi.

* 112 Pour davantage de détails, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 15 du présent projet de loi.

* 113 Autorité européenne des marchés financiers , Registre des ELTIF.

* 114 Amundi, BNP Paribas AM, Idinvest, Mandarine Gestion, October, Meridiam, Mirova, Tikehau, Turenne Capital.

* 115 Anima, Eurizon ou Generali Global Infrastructures.

* 116 D'après les données de l'étude d'impact du présent article.

* 117 Sur le nombre de fonds, les données diffèrent de celles présentées en amont puisqu'il s'agit des données disponibles à la fin de l'année 2022, et non de celles recensées par l'Autorité européenne des marchés financiers au 4 avril 2023.

* 118 Dossier législatif du projet de loi n° 8183, commission des finances et du budget du Parlement du Luxembourg.

* 119 La taxe d'abonnement correspond à un droit annuel d'enregistrement, dont le taux normal est de 0,05 % des actifs nets des organismes de placement collectifs concernés.

* 120 D'après les données transmises au rapporteur par le Gouvernement.

* 121 Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, « Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises - nouveau plan d'action », septembre 2020.

* 122 Parts qui « tracent » et reflètent la performance économique d'un actif ou d'une catégorie d'actifs.

* 123 Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.