TRAVAUX EN COMMISSION

Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
(Mercredi 14 novembre 2023)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - La commission des affaires économiques a le plaisir de vous entendre, monsieur le Ministre, à l'occasion de l'examen du budget pour 2024 pour évoquer la stratégie de politique économique de notre pays. Nos rapporteurs des différents programmes vous poseront des questions précises sur les budgets qu'ils rapportent ; je voudrais quant à moi vous interroger sur la stratégie économique qui sous-tend ce budget.

Vous êtes le ministre de l'économie de tous les records, si vous me permettez l'expression. D'abord, vous détenez le record de longévité à votre poste : plus de six ans, une stabilité gage de prévisibilité pour les acteurs économiques - mes collègues en conviendront avec moi. Mais un autre record, dont vous vous seriez bien passé, concerne la dette publique, avec un pic atteint en 2020, l'année du covid, et un ratio de 110 % de notre richesse nationale projeté pour 2024.

Ces dépenses sont, pour partie, l'héritage des crises sanitaire, géopolitique et énergétique que nous venons de traverser et dans lesquelles nous sommes malheureusement encore embarqués. Mais certains pensent ici qu'elles sont également dues à l'absence de ciblage des aides décidées par votre Gouvernement, à travers le « quoi qu'il en coûte » et le bouclier tarifaire, également critiquée par nombre d'économistes, par le Fonds monétaire international (FMI) ou le Conseil d'analyse économique (CAE).

Ma première question s'agissant de ce budget est donc la suivante : comment mettre fin sans dommages économiques à ces aides grossièrement taillées pour mieux les cibler et ainsi accélérer le rythme de réduction des dépenses publiques ? Toutes les aides aux entreprises sont-elles pour vous efficaces ? Ne faut-il pas les réduire ? Et si tel est le cas, selon quels critères ? Voilà des questions que nous nous posons à l'heure où le service de la dette dépasse les 50 milliards d'euros en raison de la remontée des taux d'intérêt. Il s'agit maintenant du troisième poste de dépenses de l'État derrière l'enseignement et la défense ; et ce sera, d'ici à la fin du quinquennat, le premier poste de dépenses.

Ma crainte est que, sans un effort sur ce plan, l'État ne soit pas bien armé pour aborder les défis futurs, à commencer par la transition écologique, la numérisation de notre économie et le vieillissement démographique. Incontestablement, il existe des marges de manoeuvre pour faire mieux à moyens constants, grâce à une réallocation vers les dépenses les plus productives à long terme.

Encore faut-il s'accorder sur ce qui accroît la productivité à long terme. Et je constate que l'espace public et médiatique est, depuis quelque temps, saturé d'objectifs politiques annoncés d'en haut, parfois directement de la bouche du Président de la République, sous forme de chiffres ronds, dont nous peinons parfois à trouver l'évaluation économique sous-jacente : production de 1 million de pompes à chaleur en 2027, de 1 million de voitures électriques à la même échéance, ou encore plantation de 1 milliard d'arbres à l'horizon 2030. Dans ce budget, 10 milliards d'euros de crédits supplémentaires sont débloqués pour la planification écologique avant même, parfois, d'avoir précisément défini le détail de leur affectation, ce qui revient à prendre les choses à l'envers.

Ce retour du volontarisme de l'État dans l'économie tranche avec un passé pas si lointain et, forcément, interroge. La fixation d'objectifs discrétionnaires fait-elle désormais office de politique économique ? Je ne nie pas l'intérêt de la planification pour organiser la transition, mais ne devrait-on pas faire davantage confiance au marché et aux prix pour la transition ? On se retrouve dans une situation schizophrénique où l'État anesthésie le signal-prix du marché, en bloquant les prix de l'énergie d'une main, et donne des stimulants de l'autre, via des subventions et de la fiscalité vertes, pour inciter à la décarbonation. Cette volonté de l'État de tout organiser est-elle soutenable ? Comment séparez-vous ce qui relève du marché et ce qui devrait relever de la régulation économique ?

Concernant le pouvoir d'achat, vous avez amorti le choc inflationniste avec succès dans un premier temps, puisque l'inflation a été mieux contenue ici que chez nos grands voisins européens. Mais en octobre 2023, selon Eurostat, la situation s'est inversée ; et la hausse des prix s'élève aujourd'hui à 4,5 % en France contre 2,9 % au sein de la zone euro. L'État a-t-il engagé des moyens importants qui auraient eu pour seul effet de décaler le problème dans le temps ?

Nous venons de discuter de votre projet de loi sur les négociations commerciales en commission mixte paritaire (CMP), et je dois dire que l'examen de ce texte nous a laissés dubitatifs au sein de cette commission. Nous sommes le seul pays d'Europe qui réglemente ces négociations commerciales. Avec le recul, estimez-vous que le bilan des différentes lois Égalim est positif ? Comment justifiez-vous cette singularité française ?

Avant de vous céder la parole, j'aurais une dernière question concernant un autre triste record, celui de notre déficit commercial. On s'y serait presque habitué s'il n'avait atteint en 2022 un niveau inédit depuis 1949. L'année 2023 se traduit, certes, par une réduction de ce déficit par rapport à 2022, grâce à un dégonflement des prix de l'énergie. Mais comment expliquez-vous, vous qui communiquez volontiers sur l'attractivité retrouvée de la France en matière d'investissements, que l'on puisse voir les relocalisations et la réindustrialisation partout dans la communication du Gouvernement, sauf dans les statistiques de notre commerce extérieur ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. - Madame la Présidente, je tiens tout d'abord à vous féliciter pour votre élection à la tête de cette commission essentielle. Vous me permettrez également de remercier votre prédécesseure pour la qualité du travail accompli, pour le professionnalisme et la rigueur de ces analyses souvent sans concessions - mais c'est ainsi que je conçois l'efficacité du débat entre le Parlement et le Gouvernement. Vous avez été une grande présidente de la commission des affaires économiques.

Je commencerai par répondre aux questions de la nouvelle présidente avant d'évoquer les grandes lignes de la politique économique. Vous avez prononcé les mots de stabilité et de prévisibilité ; je crois que rien n'est plus précieux en matière de politique économique. Au-delà de ma longévité dans ces fonctions, ces deux éléments sont surtout liés à la constance de la politique de l'offre mise en place depuis 2017. Au cours des prochaines années, nous maintiendrons cette politique qui a donné des résultats évidents en termes de création d'emplois et d'entreprises et, surtout, de réindustrialisation. Nous ne dévierons pas de cette ligne directrice, fixée une première fois par le Président de la République en 2017, et de nouveau en 2022, qui vise à soutenir l'activité économique et à permettre le développement de l'emploi sur notre territoire.

Au-delà de l'objectif d'un retour au plein emploi, avec un taux de chômage qui se stabiliserait à 5 %, il y a cet objectif plus politique de redevenir une grande nation de production industrielle et agricole. Ces dernières décennies, l'erreur majeure, commise à la fois par la France et par l'Union européenne (UE), fut d'avoir abandonné la production. Nous sommes la nation développée qui a le plus délocalisé ses activités économiques, qui a le plus abandonné ses ouvriers, ses usines et ses compétences, avec à chaque fois des raisonnements fallacieux qui ont conduit la France dans le mur. Désormais, nous sommes engagés dans la voie de la réindustrialisation, et c'est la première réponse que j'apporte à la question sur le déficit commercial.

Je pourrais m'abriter derrière la hausse des prix de l'énergie, qui explique en grande partie l'explosion du déficit commercial. Mais il est plus intéressant de regarder la balance des paiements et de s'apercevoir que, si l'on rajoute les services, nous sommes proches de l'équilibre ; en revanche, si l'on s'en tient aux biens manufacturiers, nous sommes effectivement déficitaires. Cela prouve que la France n'est plus, depuis plusieurs décennies maintenant, une grande nation de production et qu'il est indispensable qu'elle le redevienne comme elle l'a été pendant plusieurs siècles.

Depuis 2017, nous avons également dû affronter deux crises historiques. La première fut celle liée au covid. Je rappelle que notre pays a connu un effondrement de son produit national brut (PNB) - le plus important depuis 1929 - et que l'on ne se relève pas d'une telle crise du jour au lendemain. J'estime que nous avons fait face, en protégeant avec efficacité nos entreprises, nos industries, nos commerces, nos restaurants, nos hôtels. Toutes ces dépenses étaient justifiées et nécessaires, et beaucoup d'entre vous en réclamaient même davantage. Si nous n'avions pas agi de la sorte, la France n'aurait pas été la première nation européenne à retrouver son niveau d'activité d'avant la crise, et notre pays serait actuellement un champ de ruines économiques.

La seconde crise historique, que nous affrontons encore, c'est l'inflation. Il s'agit de la plus grave crise inflationniste pour notre pays depuis les années 1970. Nous sortirons de cette crise en moins de deux ans, et nous aurons eu en France le niveau d'inflation cumulée le plus faible des grandes économies de la zone euro. Parce que nous avons mis en place des boucliers tarifaire sur l'énergie et le gaz, qui ont permis d'éviter des niveaux d'inflation brutaux de 15 %, 20 % ou 25 %, comme en ont connu d'autres nations européennes.

L'inflation crée de la pauvreté et augmente les inégalités, le phénomène est inéluctable. C'est pour cela que nous avons pris ces décisions : nous savions que l'inflation allait pénaliser les publics fragiles et les personnes aux revenus modestes. Nous avons fait le choix, avec le bouclier tarifaire sur l'électricité et le gaz, de mettre en place des protections qui ont permis d'amortir le choc - peut-être de manière insuffisante, on peut toujours en débattre.

Nous entrons actuellement dans une période plus normale, où l'activité économique n'est plus menacée par une inflation galopante, où il n'y a plus à craindre un effondrement comme pendant la crise du covid. Dans cette période plus calme, il est indispensable de rétablir nos finances publiques. Autant il était légitime pendant ces deux crises historiques de protéger nos compatriotes, autant il serait irresponsable de maintenir ces dispositifs de précaution et de protection alors que nous revenons à une situation normale, d'autant que s'ajoute à cela une forte augmentation des taux d'intérêt, de 200 points de base en l'espace de quelques mois, approchant 3,5 % sur la dette à 10 ans.

Même le grand économiste Olivier Blanchard, avec lequel il m'est arrivé de débattre à plusieurs reprises, qui estimait que l'on pouvait s'endetter sans limites, est revenu sur sa position. De mon côté, j'ai tiré la sonnette d'alarme il y a de cela un an en disant que la France était à l'euro près et que nous avions atteint le point critique. Depuis, je ne cesse de demander des économies supplémentaires. Madame la Présidente, je veux vous rassurer sur un point : le retour à l'équilibre des finances publiques n'est pas négociable.

L'investissement est indispensable dans deux domaines : celui de la sécurité, avec le contexte du retour de la guerre sur le sol européen ; et celui de la décarbonation de notre économie dans la cadre de la transition climatique, qui a un coût très élevé. Si nous voulons financer ces deux priorités, il est nécessaire de réaliser des économies à d'autres endroits. Ajouter encore de la dépense serait suicidaire pour les comptes publics français ; je veux une nation forte, avec des comptes publics bien tenus.

Vous m'avez interrogé sur les différentes lois Égalim ; il s'agit, en effet, d'une singularité française, qui vise à protéger les revenus des producteurs agricoles. J'ai été ministre de l'agriculture durant trois ans, et je suis favorable à tous les dispositifs permettant de protéger les revenus de nos agriculteurs.

Certains préfèrent que le prix soit toujours le plus bas possible, quitte à ne pas avoir de producteurs sur notre territoire ; pendant longtemps, cela a été la politique de la France et de l'UE. De mon côté, je préfère assumer une protection des revenus des producteurs, avec des prix plus élevés, de manière à ce que les productions restent en France. Certes, cela coûte plus cher de produire des véhicules électriques en France, mais ces derniers respecteront mieux les normes européennes et les règles environnementales, et ils seront produits sur le territoire français, avec des ouvriers, des ingénieurs et des savoir-faire français.

Nous avons obtenu des résultats en termes de croissance. Je rappelle que notre croissance cumulée de ces six dernières années est plus élevée que celle de tous nos partenaires européens. Cette solidité se manifeste encore en 2023. On nous prédisait une récession ; or, nous atteindrons bien 1 % de croissance, comme je l'ai toujours indiqué. Cela me donne un peu de légitimité lorsque je défends une croissance à 1,4 % pour 2024, alors que nous sortons de l'une des plus graves crises inflationnistes de notre histoire récente.

Nous avons également obtenu des résultats en termes d'attractivité. Pour la quatrième année consécutive, la France est le pays européen le plus attractif pour les investissements étrangers, avec 13 milliards d'euros d'investissements annoncés lors du récent sommet Choose France. Cette attractivité concerne tous les secteurs : la finance, sachant que la place de Paris est devenue la nouvelle grande place financière européenne, chose peu envisageable il y a encore quelques années ; la technologie, avec déjà 27 licornes, ces entreprises valorisées à plus de 1 milliard de dollars, en avance sur notre objectif de 25 licornes pour 2025 ; l'industrie, sur laquelle je reviendrai plus tard ; et enfin l'emploi, puisque 2 millions d'emplois, dont 100 000 industriels, ont été créés depuis 2017 et que le taux de chômage s'établit à 7,2 %, soit le taux le plus bas depuis quarante ans.

Grâce à notre croissance et notre attractivité, nous avons obtenu des résultats en termes de réindustrialisation. Depuis 2017, on observe un solde net de 300 ouvertures d'usines par an alors que nous en fermions les années passées. À cela s'ajoute l'ouverture de nouvelles filières, comme celle des batteries électriques, avec quatre gigafactories qui verront le jour dans les prochaines années, ou celle de la production de semi-conducteurs.

Maintenant, il s'agit de transformer l'essai aussi bien au niveau industriel qu'en matière d'emplois. Le plein emploi ne tombera pas du ciel, même si, en étant un peu provocateur, avec 7,2 % de chômage, je dirais que nous y sommes déjà si l'on raisonne à modèle social constant.

Si nous voulons atteindre ce taux de 5 %, notre modèle devra évoluer sur plusieurs points. Tout d'abord, il y a l'enjeu de la formation et de la qualification. Des décisions ont été prises par le Président de la République concernant le lycée professionnel, afin d'orienter les jeunes vers des filières où l'on recrute. On doit également faire beaucoup mieux concernant la qualification et la formation des personnes plus âgées ayant vingt ou trente ans d'ancienneté dans leurs entreprises. C'est le premier changement de modèle social que j'appelle de mes voeux et que nous commençons à mettre en oeuvre avec la réforme du lycée professionnel. Il s'agit de qualifier plus et mieux, de former davantage la population active, afin que les compétences correspondent aux besoins des entreprises et aux révolutions technologiques en cours.

L'autre changement que j'appelle de mes voeux, et qui me paraît nécessaire, concerne la mobilité de nos compatriotes. Le sujet, très difficile, suppose de s'attaquer à la question du logement, en particulier dans les zones tendues ; je suis preneur de toutes vos propositions sur le sujet. Le coût et l'accès au logement, notamment pour les jeunes, sont les principaux obstacles au recrutement dans les zones qui sont déjà quasiment au plein emploi. Nous devons avoir une politique du logement qui favorise l'emploi.

Enfin, nous devons savoir si les règles actuelles d'indemnisation du chômage nous permettent de parvenir au plein emploi. Voilà trois sujets - qualification, mobilité, règles d'indemnisation - que nous devons interroger si nous avons la volonté sincère d'atteindre ce plein emploi que nous n'avons pas connu en France depuis un demi-siècle. Si on n'y est pas arrivé en un demi-siècle, c'est qu'à modèle constant, on n'y arrivera pas.

La réindustrialisation est une autre grande priorité. Il me paraît essentiel de saisir l'opportunité de la transition climatique et de la décarbonation de l'économie pour réindustrialiser notre pays. On peut très bien importer tout l'hydrogène vert des pays du Maghreb ou du Golfe ; on peut aussi vouloir le produire en France. Ce n'est pas la même politique, ce ne sont pas les mêmes investissements. Naturellement, je souhaite que nous produisions au moins une partie de notre hydrogène, avec des électrolyseurs produits en France, en nous appuyant sur de grandes entreprises comme Air Liquide ou sur des PME comme Lhyfe qui émergent aujourd'hui et sont très performantes.

Le même raisonnement s'impose pour les véhicules électriques ; je préfère qu'ils soient produits sur le territoire français et, pour cela, je souhaite que nous nous en donnions les moyens. Cela suppose d'avoir sur notre territoire des batteries - chose possible avec l'ouverture de quatre gigafactories - et des dispositifs de recyclage des batteries - nous y travaillons ; cela implique également de travailler sur la production d'anode et de cathode, et d'avoir une politique d'accès aux terres rares, notamment le lithium, qui nous permette d'être indépendants ; je rappelle que 60 % des terres rares sont aujourd'hui dans les mains des Chinois. À cela, on peut également ajouter tout ce qui concerne les semi-conducteurs.

Cette réindustrialisation verte doit nous permettre d'être la première nation décarbonée en Europe à l'horizon 2040. Cette politique suppose de nous défendre à armes égales. Je suis évidemment favorable à un commerce équitable et réciproque ; mais je ne suis pas favorable à un commerce mondial dans lequel les pays européens sont les seuls à respecter les règles du jeu. En théorie des jeux, celui qui perd, c'est celui qui continue d'appliquer des règles que les autres ont cessé d'appliquer. Je constate que la Chine et les États-Unis réservent leurs aides budgétaires à des produits industriels fabriqués sur leur sol. En prenant les normes environnementales, il est légitime de réserver nos aides à des productions réalisées sur le sol européen. Quand on donne des aides pour les véhicules électriques - certains bonus vont, je le rappelle, jusqu'à 7 000 euros par véhicule, ce n'est pas de la roupie de sansonnet -, je préfère qu'elles bénéficient à des véhicules produits dans les conditions environnementales les plus strictes de la planète.

Au-delà de la réindustrialisation, une autre priorité concerne l'innovation et l'investissement dans l'intelligence artificielle, le calcul quantique et les révolutions technologiques en cours. Un sommet très intéressant s'est tenu à Londres autour du Premier ministre anglais, M. Rishi Sunak, concernant l'intelligence artificielle. J'en ai retenu une chose : si nous n'y prenons pas garde, l'Europe risque d'être consommatrice de l'intelligence artificielle générative américaine, comme elle est, depuis quarante ans, consommatrice du numérique américain.

Dans les années 1990, nous avons manqué la révolution numérique ; nous sommes arrivés après la cavalerie, en disant qu'il fallait réguler tout cela. Je soutiens cette régulation, elle est très bonne, mais je préfère que nous ne soyons pas uniquement un continent de régulation, mais aussi un continent d'innovation. Je pense même, en poussant plus loin la réflexion, que l'on ne peut pas réguler une innovation que l'on ne maîtrise pas, surtout en matière d'intelligence artificielle ; le risque, en effet, est d'arriver trop tard, avec des machines, des algorithmes, des supercalculateurs qui tourneront avec des données et une culture qui nous seront étrangères. Il est donc indispensable d'investir massivement, à l'échelle nationale et européenne, dans l'intelligence artificielle afin de disposer demain d'un ChatGPT à l'européenne, et pas uniquement à l'américaine ou à la chinoise.

Pour fonctionner, une économie a besoin d'énergie. L'électricité décarbonée au coût le plus bas possible est un des atouts compétitifs majeurs de la France. C'est la raison pour laquelle je me félicite de l'accord trouvé, après un an de négociations, avec EDF sur le prix de l'électricité. Cet accord garantit à toute l'économie française, pour les prochaines décennies, un accès sûr à une électricité décarbonée, à un coût parmi les plus compétitifs en Europe.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à ma question sur l'efficacité des différentes aides aux entreprises. Le président de la délégation aux entreprises vous interrogera peut-être à ce sujet ; à moins que vous ne souhaitiez le faire dès maintenant...

M. Bruno Le Maire, ministre. - Les aides aux entreprises, comme toutes les aides publiques, méritent à chaque fois d'être examinées attentivement par le Parlement, c'est son premier rôle, afin que nous en tirions les conséquences. Je vais prendre l'exemple des allègements de charges. Je suis évidemment favorable à ces allégements qui garantissent la compétitivité du coût du travail français par rapport à nos voisins européens, mais nous devons avoir l'assurance que ces allégements, qui se chiffrent en dizaines de milliards d'euros, donnent des résultats attendus en termes d'emploi et de recrutements.

Deux parlementaires - l'un de la majorité, l'autre de l'opposition - ont réalisé un rapport très précis sur les allègements de charges entre 2,5 et 3,5 Smic. J'estime que ces allégements restent nécessaires pour garantir la compétitivité de l'industrie française par rapport à l'industrie allemande, mais, lors de la crise inflationniste, l'indexation du Smic à la fois sur le niveau moyen des salaires et sur l'inflation a produit des effets distorsifs très importants sur les bas salaires. Par conséquent, il était légitime de geler le « bandeau famille » entre 2,5 et 3,5 Smic, ce qui représente environ 800 millions d'euros de dépenses. En maintenant l'indexation sur l'inflation de ce bandeau, l'aide aux entreprises aurait été disproportionnée par rapport au résultat attendu. Voilà un exemple très concret sur lequel le Gouvernement a pris position.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis sur la mission « Économie ». - L'artisanat d'art représente plus de 3 millions d'actifs en France. La stratégie nationale en faveur des métiers d'art, lancée conjointement par le ministère de l'économie et celui de la culture, est donc une bonne nouvelle ; cela faisait des années que l'artisanat ne faisait l'objet d'aucune politique publique unifiée.

Cependant, seulement 3,5 millions d'euros sont dédiés à la mise en oeuvre de cette stratégie dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024. En dehors des métiers d'art, le soutien au secteur de l'artisanat est quasiment inexistant depuis 2019 et la disparition des fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac).

En parallèle, les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) se voient amputées de 60 millions d'euros de recettes de taxes pour frais de chambre d'ici à 2027. Dès lors, Monsieur le ministre, quelle politique de soutien à l'artisanat défendez-vous ?

Je vous interpelle également sur la question du respect des délais de paiement interentreprises. Ce respect est indispensable à la compétitivité et la viabilité des entreprises, particulièrement des PME. Or, au cours des auditions menées, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) m'a alerté sur une recrudescence des retards de paiement de plus de trente jours, qui sont souvent le fait de grandes entreprises.

Ces pratiques sont exacerbées par l'inflation. Pour donner un ordre d'idées, au premier semestre 2023, la DGCCRF a lancé ou mené à bien des procédures de sanctions administratives pour un total de 30 millions d'euros d'amendes, concernant 224 entreprises. Malgré des capacités financières importantes, ces grandes entreprises participent à d'importantes rétentions de trésorerie des PME. La DGCCRF a, par exemple, sanctionné Veolia à hauteur de 1,6 million d'euros, Nexans à hauteur de 850 000 euros, ou encore McDonald's à hauteur de 200 000 euros. Ne serait-il pas temps de faire évoluer les sanctions financières encourues face à de telles pratiques pour les rendre réellement dissuasives ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis sur la mission « Économie ». - Sur le sujet des lois Égalim, vous avez réaffirmé votre volonté de protéger les revenus des producteurs. Pourtant, dans la dernière loi sur les négociations commerciales que nous avons examinée, la logique est renversée, puisque l'on donne la main aux distributeurs afin de mieux mettre la pression sur leurs fournisseurs. Ces mêmes distributeurs contournent, par ailleurs, la loi française en développant des centrales d'achats à l'étranger. Monsieur le ministre, quelle est votre cohérence sur ce sujet ?

Je souhaite revenir également sur le plan France Très Haut Débit. Celui-ci se déploie relativement bien sur nos territoires, mais il reste le sujet majeur des raccordements complexes, aussi bien dans le domaine public que privé. Une première enveloppe de 150 millions d'euros a été débloquée sur deux ans ; nous constatons que celle-ci ne sera pas renouvelée en 2024, alors que la majorité de ces raccordements complexes n'ont pas été pris en compte.

Pour l'ensemble des professionnels, il s'agit du principal obstacle à la bonne finalisation du plan. Comment expliquez-vous cette absence d'enveloppe dans le projet de budget ? Si la reconduction n'est, selon vous, pas la bonne solution, que proposez-vous par ailleurs ? Et qu'en est-il de ce véhicule financier dont on parle, qui pourrait être proposé aux collectivités territoriales via la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ?

Enfin, je souhaite vous interroger sur le financement des conseillers numériques dans les maisons France Services, question qui préoccupe de plus en plus les élus locaux. Lors des premières années, on observait un abondement et un soutien massif qui semblent aujourd'hui diminuer de manière importante, ce qui remet en cause la pérennité de ces postes.

M. Franck Montaugé, rapporteur pour avis sur la mission « Économie ». - Monsieur le ministre, pourriez-vous détailler les principaux éléments de l'accord avec EDF sur les prix et la structuration du marché après l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), que vous avez rapidement évoqué ? Et que fait-on pendant les deux prochaines années, avant l'entrée en vigueur de cet accord ? Que va-t-il en résulter pour les particuliers et les entreprises ?

Les gigafactories vont, à n'en pas douter, produire des emplois. Mais quelles sont les dispositions pour les investissements des entreprises de taille intermédiaire (ETI), petites et moyennes entreprises (PME) et autres très petites entreprises (TPE) qui contribuent à la chaîne de valeur globale ?

Nous parlons beaucoup de transition écologique et de renforcement de l'attractivité économique de nos territoires. Quelle est votre position par rapport au crédit d'impôt vert ? Le conditionnerez-vous à des actions particulières de la part des entreprises ?

Vous avez évoqué le sujet de ChatGPT. De mon côté, j'estime qu'il est déjà trop tard. Une fois de plus, nous allons courir après les Américains. Nous n'avons pas tiré les leçons de l'épisode précédent, relatif à la numérisation des marchés, et cela est fort dommageable pour l'économie française et européenne.

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis sur la mission « Participations financières de l'État ». - Monsieur le ministre, vous avez indiqué que le soutien à l'industrie était l'une de vos priorités. L'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) évalue les allégements de charges sociales des entreprises - gelés en 2023 - à plus de 140 millions d'euros par an. Cela ne vient-il pas contredire votre soutien à l'industrie ?

L'accord entre l'EDF et le Gouvernement pour un coût de l'électricité à 70 euros me semble une bonne chose. Mais les industriels électro-intensifs et hyper électro-intensifs ont besoin d'un coût moindre pour rester compétitif face à la Chine et aux États-Unis. Ce coût peut-il être revu à la baisse, notamment dans le cadre des contrats à long terme ? Qu'en sera-t-il pour 2024 et 2025 ?

M. Olivier Rietmann, président de la délégation aux entreprises. - Une fois encore, ce PLF qui promet une réduction de la dépense publique est un trompe-l'oeil. À rebours de vos promesses, il prévoit notamment de nouveaux prélèvements sur les entreprises - quelle surprise ! La liste est longue, mais je ne citerai que deux exemples : l'augmentation du versement mobilité des entreprises franciliennes de près de 400 millions d'euros ; et le décalage dans le temps de la réforme des impôts de production, réforme pourtant indispensable à notre compétitivité, qui avait enfin été actée après des années de tergiversations.

Avec les différentes mesures du PLF et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), et les récentes décisions de la Cour de cassation, le coût du travail en France pourrait être renchéri de près de 4 milliards d'euros dès l'année prochaine. Les organisations patronales ont d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme devant la délégation aux entreprises.

En outre, nous apprenons que le Gouvernement prépare pour ce PLF une réforme du pacte Dutreil. Au-delà d'une simple mesure antifraude dévoilée par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, il s'agirait en fait d'aller beaucoup plus loin et de n'appliquer l'allégement fiscal qu'à seulement 15 % de la trésorerie d'une entreprise ; charge à l'administration fiscale de décider du sort du reste. Cela est très rassurant pour nos entreprises...

Comment pouvez-vous imaginer séparer ainsi le patrimoine de l'entreprise de sa trésorerie, et ainsi transmettre l'un dans des conditions différentes de l'autre ? Il s'agit d'un non-sens total, et cela ouvre une boîte de Pandore pour le contentieux juridique. Le pacte Dutreil est pourtant un outil indispensable pour assurer la transmission de nos PME et ETI familiales. La moitié d'entre elles devraient être transmises dans les dix ans à venir. L'enjeu ici est la survie de notre tissu économique à ce changement générationnel.

Monsieur le ministre, avez-vous effectivement l'intention de mener une telle réforme qui passerait par voie d'amendement et ne comporterait donc aucune étude d'impact sérieuse préalable ? Si tel est le cas, je vous demande d'associer au plus vite à vos travaux le Sénat, qui a travaillé sur ce dispositif et qui formule des propositions autrement plus urgentes et pertinentes que celles qui figurent dans cet amendement.

M. Bruno Le Maire, ministre. - Je veux rassurer M. Rietmann : il n'est pas du tout dans les intentions du Gouvernement d'engager une nouvelle réforme en profondeur du pacte Dutreil. J'ai eu l'occasion de présenter une réforme en profondeur du pacte Dutreil en 2018, ce n'est pas pour la détricoter cinq ans plus tard. Qu'il existe des abus et qu'il faille les contrôler, j'y suis favorable. Mais le pacte Dutreil permet de garantir la transmission des entreprises familiales, et je suis attaché au capitalisme familial.

Je partage également votre préoccupation sur la décision de la Cour de cassation. Cette décision, qui s'impose à tous, fait peser des risques sur le coût du travail.

Concernant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), je rappelle qu'il s'agit, avec 1 milliard d'euros, de la baisse d'impôts la plus importante de ce PLF pour 2024. Nous sommes dans des temps budgétaires difficiles ; ma responsabilité est donc de prendre des décisions difficiles, y compris avec les entreprises. Je revendique cette décision, que j'ai d'ailleurs expliquée à plusieurs reprises aux industriels concernés.

Je ne peux pas imposer 4 milliards d'euros de baisse d'impôts d'un seul coup. Dans la situation budgétaire où nous sommes, ce serait à la fois irresponsable et injuste. Nous allons donc étaler cette baisse de CVAE sur quatre ans. Si nous pouvons le faire plus rapidement parce que la conjoncture est meilleure, nous le ferons. Je reste un fervent défenseur de la suppression de ces impôts de production, qui pèsent trop lourdement sur notre industrie, mais je le fais au rythme que m'autorisent nos comptes publics.

Quant au versement mobilité, vous savez ce que je pense de l'accord conclu entre la présidente de la région Île-de-France et le Gouvernement sur ce sujet. Je ne suis pas favorable à ce que l'on augmente par un biais ou un autre les impôts de production de notre pays. Ces 400 millions d'euros sont une somme importante ; et si nous avons l'ambition d'ouvrir de nouvelles usines dans notre pays, il convient d'éviter des solutions faisant peser sur la production française des charges fiscales trop lourdes.

Pour répondre à Mme Noël, l'artisanat d'art bénéficie des mêmes aides et allégements que les autres entreprises. Par ailleurs, nous travaillons bien avec les CMA.

Je vous rejoins totalement sur la question des délais de paiement interentreprises. Il est indispensable d'avoir de la part des entreprises, ainsi que des pouvoirs publics, qui ne sont pas toujours les meilleurs payeurs, des délais de paiement beaucoup plus réduits. J'ai demandé à la DGCCRF de porter une attention particulière à ce sujet. Si les parlementaires estiment qu'il faut renforcer les sanctions en la matière, je suis tout à fait ouvert à la discussion.

Sur le sujet des raccordements complexes, le travail est en cours. Par ailleurs, nous déploierons les moyens nécessaires pour stabiliser le nombre de conseillers numériques ; j'ai entendu les inquiétudes remontant des territoires sur ce sujet ; c'est Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du numérique, qui s'occupera de la mise en oeuvre.

Concernant l'accord conclu avec EDF, il y avait plusieurs façons d'aborder cette négociation sur les tarifs d'électricité. À partir de 2026, il n'y aura plus de tarifs régulés.

La première option était de se reposer uniquement sur le marché ; cette option n'a même pas été considérée par le Gouvernement, c'était une option de papier.

La deuxième option pouvait se résumer ainsi : EDF étant une entreprise certes pas nationalisée mais à capitaux 100 % publics, la rentabilité importe peu et les prix doivent être cassés. Je me suis opposé à cette idée qui a beaucoup circulé. Certains estimaient qu'à partir du moment où les capitaux étaient 100 % publics, il fallait que l'État décide chaque année le prix le plus attractif possible, quitte à ce que l'entreprise vende à perte. Je n'ai pas voulu prendre une décision qui aurait sacrifié EDF et des dizaines de milliers de salariés. Une entreprise, qu'elle bénéfice de capitaux publics ou privés, ne vend pas à perte sinon elle fait faillite ; et quand la dette de cette entreprise s'élève à 65 milliards d'euros, obligeant chaque année à lever des fonds sur les marchés avec des taux d'intérêt plus élevés, il aurait été irresponsable de demander à EDF de vendre à perte.

La troisième option était de trouver un équilibre entre la rentabilité indispensable d'EDF, la compétitivité pour les entreprises et la stabilité pour les ménages. Après un an de négociations, l'accord que nous avons trouvé avec Luc Rémont, le PDG d'EDF, parvient à tenir cet équilibre.

Comment cela va-t-il fonctionner ? Première différence avec le système précédent, la régulation du tarif d'électricité va porter sur 100 % de la production électrique d'EDF. C'est l'immense différence avec le système précédent : les fameux 42 euros le mégawattheure, dont tout le monde parle, ne portaient que sur un tiers de la production d'EDF. Nous avions alors le choix entre deux options : un prix de référence à 70 euros le mégawattheure, portant sur 100 % de la production électrique nucléaire d'EDF, ou un prix de référence plus bas, ne portant que sur un tiers de la production électrique nucléaire d'EDF, le reste étant exposé au marché. Dans la situation actuelle des finances publiques, si les prix flambaient et prenaient 100 % - ce qui peut arriver en cas, par exemple, d'extension du conflit au Proche-Orient -, l'État ne serait pas en mesure de compenser.

Nous avons donc fait le choix de la sécurité et de la stabilité pour les entreprises comme pour les ménages. Ce prix de 70 euros le mégawattheure reste trop élevé pour un certain nombre d'entreprises énergo-intensives ; elles sont 6 600 et représentent 40 térawattheures ; à charge pour EDF, suivant des modalités que nous avons étudiées et qui seront mises en oeuvre, de trouver des solutions, sous six mois, pour ces entreprises.

Pour les entreprises électro-intensives et hyper électro-intensives, des solutions ont été trouvées, sous la forme de contrats de très long terme, sur quinze ans, les contrats d'allocation de production nucléaire (CAPN). Ces entreprises ont les reins suffisamment solides pour faire une « avance en tête » ; elles disposent d'une partie du capital d'EDF et de la production d'électricité nucléaire d'EDF, ce qui leur permet de bénéficier d'un tarif encore plus compétitif, certainement l'un des plus compétitifs de tous les pays européens.

Pour les consommateurs, cet accord donne de la stabilité sur les prix. Je rappelle que, si nous n'avions pas mis en place le bouclier tarifaire sur l'électricité, une facture s'élevant à 1 500 euros par an, soit la facture moyenne pour un ménage en France, serait passée à 3 000 euros. Ce bouclier tarifaire, qui a coûté 40 milliards d'euros, je peux en user une fois mais pas deux. Il était donc indispensable de donner de la stabilité et de la visibilité aux consommateurs.

Enfin, nous maintenons des tarifs régulés pour les ménages au-delà de 2026 ; nous les maintenons également pour les TPE. Changement majeur, que tous les parlementaires ont réclamé, vous compris, ces tarifs régulés ne seront pas limités par le niveau de consommation des TPE à 36 kilovoltampères, mais seront ouverts à toutes les TPE, quel que soit leur niveau de consommation électrique.

Pendant les deux ans qui restent, nous demeurons dans le système actuel. Nous avons un rendez-vous dans six mois pour nous assurer que cet accord avec EDF se traduise par des contrats pour les entreprises, dans les meilleures conditions possible. Par ailleurs, la mise en oeuvre de cet accord fera l'objet d'une clause de revoyure tous les trois ans, afin de nous assurer que les prix retenus correspondent à la réalité du marché.

Concernant le crédit d'impôt vert, je rappelle qu'il s'applique à quatre types de production : les pompes à chaleur, les panneaux solaires, les éléments d'éoliennes et les batteries électriques. Nous avons fait le choix de restreindre un certain nombre d'activités, afin de ménager les finances publiques. Ainsi, le crédit d'impôt vert n'est pas ouvert à l'hydrogène vert pour des raisons de coûts budgétaires.

Concernant ChatGPT, le défi est considérable, il ne faut pas baisser les bras. Nous disposons d'atouts sur les supercalculateurs avec Jean Zay, ce supercalculateur de nouvelle génération auquel nous travaillons avec les Allemands et les Espagnols. Nous avons des start-up très dynamiques, comme Mistral AI dirigée par Arthur Mensch. En matière de données, nous en avons certaines qui font référence, notamment dans le domaine de la santé ; celles-ci peuvent être très précieuses pour la mise en place de l'intelligence artificielle générative.

Nous ne devons pas abandonner l'objectif d'une intelligence artificielle générative européenne dans les prochaines années. Est-ce que ce sera possible ? Je n'en suis pas sûr à 100 %. Disposerons-nous de tous les éléments ? Ce n'est pas certain. Si l'on prend l'exemple des processeurs graphiques (UPG), elles sont aujourd'hui produites à 92 % par l'entreprise américaine Nvidia ; je ne suis pas sûr que nous ayons les moyens de la concurrencer. Sans doute serons-nous dépendants sur certains éléments, mais cela ne doit pas nous détourner de cet objectif d'une intelligence artificielle générative européenne.

Enfin, madame Berthet, la question du coût de l'électricité pour les entreprises énergo-sensibles est effectivement majeure.

Les industriels électro-intensifs et hyper électro-intensifs sont concernés par les contrats d'allocation de production nucléaire de très long terme - quinze ans. Ces acteurs peuvent néanmoins se permettre de faire des avances en tête. Quant à l'immense majorité des entreprises industrielles, elles n'ont pas de sensibilité suffisante au prix de l'électricité pour que l'accord conclu leur pose des difficultés. Restent les 6 600 entreprises énergo-sensibles au sujet desquelles nous travaillons avec EDF à des options pour être en dessous du montant de 70 euros le mégawattheure, encore trop élevé pour elles.

M. Frédéric Buval. - Le Comité interministériel des outre-mer (Ciom) qui s'est tenu le 18 juillet dernier a prévu une réforme de l'octroi de mer dans un objectif de baisse des prix des produits de grande consommation, dont les modalités seront inscrites, au plus tard, dans le PLF pour 2025.

Si je souhaite vous alerter dès maintenant, c'est parce que les acteurs économiques et les élus locaux des départements d'outre-mer sont inquiets et souhaitent être associés eux aussi à cette réforme de l'octroi de mer, qui sera très importante pour l'avenir de nos territoires. La réforme aura en effet un impact direct sur l'activité des entreprises d'outre-mer, en termes d'emplois et de croissance, et plus particulièrement pour l'activité de celles qui assurent une production locale et qui sont confrontées à la concurrence des produits importés.

L'octroi de mer représente en outre une ressource capitale pour les collectivités locales. Il finance notamment des services publics essentiels et la commande publique.

La réforme de l'octroi de mer, monsieur le ministre, pour qu'elle soit réussie et équitable, doit être conçue de manière à compenser les pertes de recettes pour les entreprises locales et les collectivités territoriales, tout en améliorant le pouvoir d'achat des consommateurs.

Comment y seront associés, sur chaque territoire, les acteurs économiques et les collectivités locales ?

M. Fabien Gay. - Quoi qu'il arrive, monsieur le ministre, vous traversez toutes les crises, restez droit dans vos bottes et sur vos convictions ! Rien ne peut vous ébranler : vous continuez sur la politique de l'offre, avec 13 millions de travailleurs précaires, dont 6 millions de pauvres, notamment des personnes en situation de précarité énergétique, et des aides alimentaires dont le nombre explose. Une question apparaît centrale, celle du salaire.

Vous n'y répondez que par à-coups, par chèques, intéressement, investissements, actionnariat salarié. Vous vous étiez déclaré favorable à l'augmentation des petits salaires : vos nombreux petits déjeuners avec le patronat pour exiger une telle hausse semblent ne pas donner de résultats. Ne faudrait-il pas passer par la loi, avec une augmentation significative du Smic, qui déclencherait une conférence sociale partout en France ?

Au sujet d'Atos, spécialiste du numérique décarboné, fleuron industriel, l'appât du gain a primé la question industrielle au cours des derniers mois, voire des dernières années. Pourquoi rester opposé à une potentielle renationalisation temporaire pour sauver ce fleuron ?

M. Patrick Chaize. - Ma première question porte sur le déploiement du très haut débit à Mayotte. Mayotte est le dernier département français à ne pas disposer d'un projet financé, alors que ses élus ont déposé un dossier et qu'il est collectivement admis qu'un financement dans le cadre du Fonds national pour la société numérique (FSN) doit leur être réservé. Or le PLF 2024 occulte ce projet. Ne serait-il pas opportun qu'au moins une autorisation d'engagement (AE) soit inscrite, pour rassurer les élus et permettre le démarrage de l'opération ?

Deuxième sujet : La Poste. Celle-ci assure quatre missions de service public qui doivent faire l'objet de compensations financières. Le service universel postal est sous-compensé de 20 millions d'euros, mais je voudrais surtout attirer votre attention sur la mission d'aménagement du territoire. Si l'on se réfère à l'objectif du contrat de présence postale territoriale, cette dernière est sous-compensée de 15 millions d'euros, mais de plus de 190 millions d'euros selon l'estimation de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). Cela est d'autant plus inquiétant que le montant alimente un fonds adossé au contrat de présence postale et directement injecté dans les territoires par l'intermédiaire des commissions départementales de présence postale territoriale.

J'en viens à un troisième sujet, celui de l'Arcep. Le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, toujours en cours de discussion au Parlement, trouve déjà ses premières applications budgétaires dans le cadre du PLF. Les différentes autorités nationales de régulation chargées de faire respecter les règlements européens sur les services et les marchés numériques, en particulier l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et l'Autorité de la concurrence, bénéficieront dès 2024 d'une hausse de leur budget de fonctionnement ou de leur effectif, afin de faire face à leurs nouvelles obligations.

Alors que d'importantes et nouvelles attributions sont confiées à l'Arcep en matière de régulation des opérateurs d'informatique en nuage et d'intermédiation des données - des marchés à fort potentiel de croissance et dont le bon développement est indispensable pour permettre à notre pays d'atteindre la souveraineté numérique -, aucune hausse de moyens ni d'effectif n'est envisagée. Cette absence est d'autant plus préjudiciable que l'Arcep devra se saisir de ses nouvelles attributions dès 2024, bien qu'elle ne dispose pas de compétences internes pour le faire.

Or, pour devenir gendarme des données, quand on est gendarme de la fibre, le chemin est long. Vous savez comme moi qu'un gendarme disposant simplement de son uniforme pour accomplir son travail, sans autre moyen pour faire respecter la loi, n'ira pas bien loin. Monsieur le ministre, comment expliquez-vous cette situation ? Êtes-vous favorables à une correction de cet oubli à l'occasion de l'examen au Sénat du PLF 2024 ?

M. Bruno Le Maire, ministre. - Monsieur Chaize, je ne suis pas favorable à des augmentations de dépenses, pour l'Arcep ou pour qui que ce soit. J'entends que les autorités indépendantes demandent plus de moyens, mais à un moment donné les deux fils se touchent !

On nous dit, notamment dans cette assemblée, et je vous en remercie, qu'il faut des comptes mieux tenus, qu'il faut réduire les dépenses et la dette. Je suis entièrement d'accord : faites-moi des propositions d'économies et je les reprendrai !

M. Laurent Duplomb. - Il y en a !

M. Bruno Le Maire, ministre. - Je ne peux pas envisager d'augmentation systématique des moyens des autorités indépendantes : ce serait contradictoire avec mes objectifs de réduction de la dette et des déficits.

Par ailleurs, je rencontrerai le président du conseil départemental de Mayotte la semaine prochaine sur la question du très haut débit dans l'île. C'est un sujet majeur en termes d'équité ; la question sera traitée.

Monsieur Buval, que les choses soient bien claires, je n'entreprendrai pas de réforme de l'octroi de mer sans les élus locaux et sans les entreprises locales, ce qui n'aurait aucun sens. Les élus locaux vivent de cet octroi de mer, aucune compensation n'est possible pour des montants aussi élevés, de l'ordre de 230 millions d'euros ; il est impératif de conduire cette réforme avec eux, ainsi qu'avec les acteurs économiques locaux, avec l'objectif d'introduire les premières dispositions dans le PLF 2025.

Monsieur Gay, je ne suis pas quelqu'un de droit dans mes bottes : je suis quelqu'un de constant, car il faut savoir en tout temps écouter et corriger ce qui peut l'être. Je n'ai de cesse de le faire, tout en restant fidèle à la ligne de politique économique du Gouvernement. Bien entendu, l'inflation a un impact extrêmement important sur les populations les plus fragiles. Nous n'avons pas hésité à maintenir l'indexation de l'ensemble des prestations et minima sociaux, afin de protéger ceux qui en ont le plus besoin et faire face au risque d'explosion de la précarité liée à l'inflation. L'inflation, je le redis, c'est un drame pour les ménages les plus modestes, pour ceux qui n'ont pas d'emploi. Les moyens d'y faire face sont extraordinairement limités et c'est là que la solidarité nationale doit jouer à plein. Nous avons fait ce qui était nécessaire.

Sur les salaires, je constate une augmentation de 4,3 % en moyenne au cours du dernier trimestre de 2023. Les entreprises continuent donc d'augmenter, en moyenne, les salaires. Si je partage votre préoccupation d'obtenir une augmentation des salaires et de faire en sorte que le travail paie davantage, là où nous divergeons, c'est sur le choix de la manière d'y parvenir.

On peut le décréter par la loi - c'est ce que vous proposez -, mais nous risquerions alors fort d'assister à une explosion du chômage. Ce n'est pas ce que je souhaite. S'il existe un salaire minimum, il ne revient pas, au-delà, au législateur de décider du montant auquel doit être rémunéré un salarié ; la décision en revient aux entreprises.

La meilleure façon d'obtenir des salaires plus élevés, c'est de passer par la réindustrialisation et l'amélioration de la productivité, car elles créent plus de valeur et de prospérité.

La question beaucoup plus structurelle qu'il faut se poser a trait aux charges sociales.

M. Fabien Gay. - Ce ne sont pas des charges, mais des cotisations.

M. Bruno Le Maire, ministre. - En effet. Je me corrige tout de suite pour montrer à Fabien Gay que je ne suis pas droit dans mes bottes. Mais il est évident que lorsque le salarié regarde son bulletin de paie et qu'il voit la somme qu'on lui retire de son brut, il se demande s'il en a pour son argent. Là réside l'une des grandes questions du modèle social français.

M. Fabien Gay. - Et sur le sujet d'Atos ?

M. Bruno Le Maire, ministre. - Je commencerai par un rappel : cette entreprise est à 100 % privée. L'État ne gère donc pas Atos.

Ensuite, Atos conduit deux types d'activités. Ses activités ultrastratégiques sont dans la branche Eviden, laquelle comprend deux sous-branches : celle du numérique, avec le cloud de confiance et les systèmes d'information, et celle, sans doute la plus sensible, des supercalculateurs HPC (calcul haute performance), dite branche BDS (Big Data and Cybersecurity). Toute une autre part d'activité, appelée Tech Foundations, ne revêt pas de sensibilité particulière : c'est celle de l'infogérance, c'est-à-dire du stockage de données non sensibles.

La direction et le conseil d'administration d'Atos ont choisi de diviser l'activité de l'entreprise entre ces deux grandes catégories. La responsabilité leur en revenait, et non à l'État. Ma seule responsabilité - et croyez-moi, je l'exercerai avec toute la fermeté requise - consiste à m'assurer que l'ensemble des activités stratégiques d'Atos, via son capital, restent sous contrôle exclusif français. Le décret sur les investissements étrangers en France (IEF) me donne les moyens de le faire.

M. Yannick Jadot. - Le Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital vient de rendre son dernier rapport. Celui-ci est sans appel : le passage de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), ainsi que le prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur le capital, nous ont coûté 4,5 milliards d'euros en 2022 et n'entraînent aucun effet sur l'investissement et les salaires. Ils ont en revanche provoqué une augmentation très significative des dividendes et l'accroissement des richesses des très hauts patrimoines.

Vous démentez toute raideur, le Président de la République avait promis qu'en l'absence d'effet sur les investissements, vous reviendriez sur ces mesures. Y êtes-vous prêt - ce qui nous permettrait de disposer d'un peu plus de souplesse sur les recettes publiques -, par exemple en mettant en oeuvre la proposition de Mme Mahfouz et de M. Pisani-Ferry d'impôt exceptionnel destiné à financer la transition écologique ?

Par ailleurs, sur la position de la France relative à l'accord Union européenne-Mercosur, votre ministre déléguée chargée du commerce dit à peu près tout et son contraire. Pouvez-vous nous garantir que la France ne s'engagera pas dans ce mauvais accord ?

M. Henri Cabanel. - La crise de l'immobilier, en particulier le taux d'usure qui empêche de nombreux ménages d'acheter, affecte l'économie en général, avec un effet papillon sur tous les corps de métier liés à l'immobilier. La chute des droits de mutation entraîne, quant à elle, des effets sur les budgets des départements.

Vous avez indiqué vouloir solvabiliser un grand nombre de ménages pour leur permettre d'acheter un bien immobilier et, surtout, de faire construire. Quelles sont à votre avis les solutions pour relancer le marché de l'immobilier ?

Dans votre propos liminaire, vous avez expliqué - je suis d'accord avec vous - qu'il n'y aurait plus de subventions publiques pour les productions hors Europe. Vous n'êtes pas sans savoir que, en ce qui concerne les énergies renouvelables, la Chine dispose d'un stock de quelque 200 millions de panneaux solaires, qu'elle souhaite mettre sur le marché, ce qui menacera des entreprises françaises et européennes. Dois-je comprendre que tous les projets privés qui recourront à des panneaux solaires chinois ne seront pas subventionnés ?

Enfin, vous avez dit attendre une croissance de 1,4 % pour l'année 2024. Or les institutions économiques, telle la Banque de France, prévoient plutôt une croissance de 0,9 %. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) table lui sur 0,8 %. Quels arguments pourraient vous donner raison ?

M. Daniel Laurent. - Ma question porte essentiellement sur les vives préoccupations des chambres de commerce et d'industrie (CCI) à l'égard du PLF pour 2024. L'article 28 du texte initial prévoit une nouvelle réduction durable de 25 millions d'euros dès 2024, avec d'autres réductions envisagées pour les années à venir. Pour mémoire, la taxe affectée aux CCI est passée de 1,35 milliard en 2013 à 525 millions d'euros en 2023. Deux prélèvements exceptionnels sur fonds de roulement ont été opérés, 170 millions d'euros en 2014 et 500 millions d'euros en 2015. Quant aux effectifs des CCI, ils sont passés de 25 000 en 2013 à 14 000 en 2023.

Malgré cela, le président de la CCI de Charente-Maritime me disait encore tout faire pour préserver les missions de proximité de sa chambre dans les bassins économiques où elle intervient. Les CCI sont également mobilisées sur de nombreuses politiques publiques prioritaires de l'État. Comme vous le savez, ces missions de service public sont déficitaires. Alors qu'elles viennent de signer un contrat d'objectifs et de performance avec l'État déterminant l'exercice de leurs missions pour les quatre prochaines années, à niveau de ressources stable, les CCI ne pourront pas faire face à une nouvelle diminution de leurs ressources fiscales. Ces préoccupations sont aussi partagées par les CMA et les chambres d'agriculture.

M. Bruno Le Maire, ministre. - Monsieur Jadot, sur la fiscalité du capital, j'ai évidemment une vue un peu différente, et on peut lire le rapport dont vous faites état dans le sens que l'on veut. La mise en place du PFU, lequel se situe en France dans la moyenne des pays européens et reste supérieur à celui qui prévaut dans un certain nombre d'entre eux, Allemagne comprise, s'avère essentielle pour l'attractivité de notre pays, les investissements et la création d'entreprises. Les réformes fiscales ont eu un effet très positif en ce sens. À mes yeux, nous aurions tout intérêt à maintenir les dispositifs en l'état, la stabilité étant une véritable vertu en matière fiscale.

En ce qui concerne le Mercosur, je vous confirme la fermeté du Gouvernement. Il serait un peu paradoxal de défendre la production en France et en Europe et, concomitamment, d'ouvrir la voie à la signature d'accords de libre-échange qui ne la garantiraient pas.

Monsieur Cabanel, le marché du logement est une priorité absolue. Cela suppose de bouger des curseurs qui ne sont pas simples à déplacer, notamment d'assouplir certaines règles dans le cadre du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF). Il y a urgence à construire plus vite de meilleurs logements, partout où la situation est tendue en France.

Je crains qu'il ne faille étendre votre réflexion sur les panneaux solaires aux pompes à chaleur, ou au moins à certaines parties d'entre elles, aux composants d'éoliennes, surtout depuis les difficultés rencontrées par Siemens, et aux véhicules électriques.

Je suis favorable à une mesure radicale qui consiste à accorder des aides aux produits à contenu européen. Je sais qu'elle se heurte à des totems de la construction européenne ; mais les totems sont faits pour être parfois renversés. Nous aurions tout intérêt à nous battre dans les mois qui viennent, avec l'échéance des élections européennes, afin que les aides soient réservées à des produits industriels à contenu européen. C'est ce que font les Américains et les Chinois. Cela rétablirait la balance entre les trois grands continents économiques de la planète. Ce sera difficile, du point de vue juridique, et du point de vue politique au Parlement européen, mais je suis favorable à cette orientation. Il faut mesurer que, faute de prendre la décision qui s'impose sur un plan commercial, nos propres industriels ne résisteront pas à la concurrence de certains produits à cause du dumping.

Quant à la croissance attendue pour 2024, le chiffre que nous donnons est proche de celui que l'OCDE avance, soit 1,2 % pour la France, et de celui du FMI, qui prévoit 1,3 %. Nous disposons aussi d'autres éléments positifs, annoncés par les instituts de conjoncture.

Monsieur Laurent, j'ai accepté que nous revoyions notre copie sur les budgets des CCI. Elles n'ont pas d'inquiétude particulière à avoir. Nous avons engagé une réforme structurelle des CCI, qui a ramené leur budget de 1,3 milliard à 525 millions d'euros. Je n'ai pas le sentiment que cela a affecté la croissance économique de notre pays ou la création d'emplois en son sein.

Mme Sophie Primas. - Elle a affecté les écoles.

M. Bruno Le Maire, ministre. - Peut-être, mais il s'agit de quasiment 1 milliard d'euros d'économies ! Toute économie est difficile. Quand je mets en regard les économies que nous avons réalisées - je salue l'engagement des CCI qui ont fait preuve de volontarisme - et les résultats économiques, nous avons fait en accord avec les CCI oeuvre utile. Néanmoins, j'ai constaté que la charge semblait trop lourde et la marche trop haute pour l'année 2024 ; nous avons donc révisé notre copie.

M. Bernard Buis. - Passé le 31 décembre 2023, le titre-restaurant ne permettra plus d'acheter des denrées non périssables comme actuellement. Une prolongation des modalités actuelles d'utilisation est-elle envisageable ?

Dans un contexte où la hausse des taux d'intérêt pèse sur le marché immobilier, pensez-vous que les conditions d'emprunt immobilier évolueront dans les semaines à venir ?

M. Jean-Claude Tissot. - Je souhaite vous interpeller sur le remboursement demandé à certaines communes au titre du « filet de sécurité ». Sur l'ensemble du territoire national, 3 425 collectivités vont devoir rembourser tout ou partie de l'acompte qu'elles avaient reçu, pour un montant total de 69,8 millions d'euros. Dans le département de la Loire, 39 communes sont concernées. La disposition apparaît comme particulièrement injuste pour les élus locaux, d'une part parce que ces derniers ne bénéficiaient pas de l'ensemble des indicateurs financiers lors du versement de cette somme, d'autre part parce que l'évaluation de la santé financière des communes semble abusive au regard de la réalité du terrain. Alors que les communes doivent affronter un contexte budgétaire difficile, dû à la hausse des prix de l'énergie et à la baisse continue des dotations, ces demandes de remboursement risquent de durablement fragiliser les finances des collectivités concernées. Entendrez-vous les inquiétudes des élus locaux en commençant par suspendre les demandes de remboursement ?

L'économie sociale et solidaire (ESS), qui joue un rôle primordial en matière de transition sociale et écologique, a su être résiliente face aux crises des dernières années. Pourtant, les soutiens qui la concernent dans le PLF 2024 s'avèrent particulièrement faibles, notamment en comparaison des crédits accordés aux entreprises classiques. Plusieurs organes oeuvrant en faveur de l'ESS mériteraient d'être renforcés. Je pense en particulier au dispositif local d'accompagnement (DLA) ou aux chambres régionales de l'ESS. Cela passe indéniablement par des moyens supplémentaires, nécessaires à l'engagement par cette filière d'une nouvelle dynamique. L'Espagne vient de débloquer un plan d'investissement de 800 millions d'euros en faveur de l'ESS. Comptez-vous, monsieur le ministre, renforcer ces moyens à l'occasion du PLF 2024 ?

Par ailleurs, la tempête que vient de subir l'ouest de notre pays a provoqué des dégâts. Les éleveurs et essentiellement les maraîchers vont être confrontés à des problématiques de production. Permettez-moi d'insister sur les règles de minimis : de quelle manière pourrions-nous nous en affranchir, afin d'accompagner efficacement les producteurs ?

M. Rémi Cardon. - Il y a eu la loi « pouvoir d'achat », mais le 1er janvier 2024, les titres-restaurant ne permettront plus d'acheter des produits de base tels que le riz, les pâtes ou les oeufs, mais seulement des plats cuisinés transformés, souvent industriellement.

Que direz-vous aux 5 millions de bénéficiaires de titres-restaurant qui, parfois chaque jour du fait de leurs pertes de revenus liées à l'inflation, les utilisent pour leurs courses ? Reviendrez-vous sur cette restriction d'utilisation ?

En outre, avez-vous des nouvelles à nous communiquer sur la promesse du Président de la République relative au chèque alimentaire durable ?

M. Bruno Le Maire, ministre. - Vous le savez, je ne suis pas favorable à la multiplication des chèques. Je ne crois pas que ce soit une bonne politique sociale. La meilleure politique est celle qui consiste à créer des emplois, et des emplois bien rémunérés.

Le titre-restaurant concerne 5 millions de salariés. La loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat avait prévu, à la suite de l'adoption de l'amendement de Mme la sénatrice Puissat, d'étendre la possibilité de l'utiliser pour l'achat de produits alimentaires. Ce même amendement fixait un terme à cette possibilité au 31 décembre 2023.

Si l'inflation baisse fortement et si nous sommes sortis de la crise inflationniste, l'augmentation des prix des produits alimentaires demeure néanmoins très pénalisante pour des millions de nos compatriotes. Par conséquent, je suis favorable à ce que nous prolongions au-delà du 31 décembre 2023 la disposition qui permet d'utiliser les titres-restaurant pour acheter des produits alimentaires.

Est-ce simple à réaliser ? Non, car il faut une disposition législative. Nous sommes en train d'étudier les solutions envisageables.

Monsieur Tissot, au sujet des reprises d'acompte, nous avons pris toutes les mesures pour étaler cette charge. Aucune collectivité ne sera mise en difficulté. Sans doute avions-nous prévu des acomptes trop généreux et des collectivités se sont retrouvées dans une situation financière plus favorable que prévu. Dans 75 % des cas, les montants restent inférieurs à 10 000 euros, dans 60 % des cas inférieurs à 5 000 euros. Je reconnais que la situation peut cependant mettre de très petites communes en difficulté, et c'est pourquoi nous appliquerons un traitement au cas par cas, de sorte qu'aucune ne soit pénalisée.

Quant aux règles de minimis, le sujet est extrêmement sensible. Pour ma part, je suis favorable à l'évolution des règles européennes quand survient une catastrophe. Il vaut par principe toujours mieux respecter les règles européennes et, pour cela, adopter d'emblée des dispositions rigoureuses. Je conserve le souvenir cuisant, comme ministre de l'agriculture, des fameux « Plans de campagne » ; nous avions dû récupérer plusieurs centaines de millions d'euros auprès d'agriculteurs auxquels on avait fait des promesses impossibles à tenir.

M. Daniel Gremillet. - La relance industrielle est nécessaire dans notre pays. Qui dit relance industrielle, dit besoins énergétiques ; mais il faut aussi que les coûts soient abordables pour notre économie. En juillet 2022, notre commission avait d'ailleurs, au sujet du plan de relance nucléaire, affirmé la nécessité d'un financement très clairvoyant. Sur l'Arenh, le montant de 70 euros du mégawattheure représente une augmentation de 65 % par rapport au montant de 42 euros qui prévalait, et de 41 % par rapport au montant voté par le Sénat.

De nombreux débats ont cours aujourd'hui sur le financement du nouveau nucléaire. Ils portent sur les contrats à long terme, sur les garanties d'emprunt, sur l'idée d'avances remboursables ou sur la mobilisation du Livret A. Quelles sont vos propositions en la matière ?

Au début de 2024, le Parlement examinera la loi de programmation sur la régulation énergétique. Le financement du nouveau nucléaire y sera-t-il inclus ?

Mme Viviane Artigalas. - En 2024, prendront fin les crédits associés au plan Avenir Montagnes, dont l'objectif était de permettre la mise en oeuvre de stratégies touristiques diversifiées et durables. On nous renvoie désormais, dans ce domaine, au fonds vert. De nouveau, le flou prévaut sur une politique d'adaptation pourtant indispensable dans de nombreux territoires. Or la couverture géographique du plan Avenir Montagnes n'a permis d'accompagner qu'une petite partie d'entre eux. Les actions issues des stratégies ébauchées doivent à présent monter en puissance et être soutenues financièrement. De plus, l'aide financière et en ingénierie de la Banque des territoires doit être accompagnée.

Quelles propositions avez-vous à nous présenter pour ces territoires dont les besoins restent nombreux ?

Mme Marianne Margaté. - Le PLF 2024 prévoit une réforme d'ensemble des redevances perçues par les agences de l'eau. C'est une bonne chose, puisqu'elle se traduit par une augmentation des moyens de ces agences de 475 millions d'euros par an. L'augmentation passera toutefois non pas par un accroissement de la contribution budgétaire de l'État, mais par celui du montant de la redevance sur la consommation d'eau potable, due par tous nos concitoyens. Cette mesure se traduira-t-elle par un renchérissement du mètre cube d'eau nécessaire aux premiers besoins et qui, à nos yeux, devrait être gratuit ?

Je réagis par ailleurs sur le sujet du « filet de sécurité » anti-inflation que mes collègues ont évoqué. Il est dommage que l'État ne reconsidère pas sa position, avec des communes qui sont déjà en difficulté. En Seine-et-Marne, 85 % d'entre elles sont concernées par une reprise d'acompte, pour un total de plus de 2 millions d'euros. S'il s'agit dans le détail de petites sommes, il s'agit aussi de petites communes qui, quotidiennement, luttent face à la hausse de la facture d'énergie, celle des denrées alimentaires, enfin pour répondre à l'augmentation du point d'indice. La mesure est donc brutale et injuste. Elle est à l'image des dernières autres mesures du Gouvernement à l'égard des communes. Elle porte la marque d'un mépris regrettable.

M. Bruno Le Maire, ministre. - Madame Margaté, je ne peux vous laisser dire cela. Nous avons maintenu les dotations, nous avons compensé par des ressources dynamiques les recettes supprimées, par exemple la taxe d'habitation par la TVA. Il n'y a absolument aucun mépris de notre part vis-à-vis des communes, mais une politique financière effectivement rigoureuse. Quel ministre des finances serais-je si, lorsque de l'argent a été versé en trop-perçu, je ne le récupérais pas ? Nous le faisons pour les ménages, nous le faisons pour les communes aussi. Il en va de ma responsabilité de ministre des finances : elle n'est peut-être pas très agréable à exercer, mais elle répond à un principe de justice et d'équité à l'égard de l'ensemble des contribuables.

En revanche, sur le plan eau, je partage votre avis. Les mesures que nous avons annoncées, et qui peuvent être complétées, doivent permettre de répondre à vos inquiétudes.

Madame Artigalas, notre objectif est bien d'inscrire le plan Avenir Montagnes dans la durée. Dans le cas contraire, il perdrait toute efficacité. Je suis ouvert aux propositions que vous pourrez me soumettre dans ce domaine. Je rappelle que, dans ma vie politique, j'ai toujours soutenu les communes de montagne. Elles ont bénéficié de dispositifs tout à fait spécifiques pendant la crise du covid-19. Je pense qu'elles méritent cet appui du fait des difficultés particulières auxquelles elles sont confrontées.

Monsieur Gremillet, n'établissons pas de comparaisons qui créent de la confusion. On ne peut pas dire que le prix de 70 euros du mégawattheure, le prix de référence que nous avons fixé avec EDF, représente une hausse de 65 % par rapport au prix de 42 euros du mégawattheure. L'affirmation est juste mathématiquement, mais fausse économiquement. Le montant de 42 euros porte sur 110 térawattheures (TWh), quand celui de 70 euros porte sur l'intégralité de la production électrique nucléaire d'EDF. Le choix que nous avons fait - on peut le discuter et le critiquer, c'est tout le mérite et le charme de la démocratie - se fonde sur des bases justes. Je n'ai pas voulu exposer les entreprises au marché pour une part de la production électrique. Elles en retirent une sécurité, laquelle a un coût. Il aurait été plus simple pour moi de reconduire l'Arenh sur la base de 110 TWh. Mais l'Arenh ne laisse que des perdants : EDF, ainsi que les entreprises qui, bénéficiant d'une part d'Arenh, sont exposées pour le reste du marché à une flambée des prix de l'électricité, comme celle que nous avons connue au cours des deux dernières années. Je pense que ce n'était pas la bonne solution.

En matière de financement du nucléaire, l'objectif consiste à ce qu'EDF porte une partie du coût des nouveaux réacteurs. La décision sera prise en 2024. Les parlementaires seront évidemment associés aux discussions qui la précéderont. Nous entendons minimiser le coût à la charge des contribuables et le coût du capital. Tels seront les deux critères que nous retiendrons pour le financement des nouveaux réacteurs nucléaires.

Mme Sophie Primas. - Je vous remercie pour vos réponses précises. Je ne partage pas du tout votre vision de la fiscalité des collectivités territoriales, y compris sur la CVAE. Je crois que c'est une erreur de couper le lien entre la fiscalité et le territoire. Mais le débat serait beaucoup trop long.

Ma question porte sur la réunion interministérielle de Séville sur l'espace, domaine qui relève à présent de votre responsabilité à titre principal. L'accès à l'espace est un élément de souveraineté très important, tant en matière de défense que pour l'observation de la terre ou la gestion des données. Je regrette qu'aucun ministre français n'ait été présent à Séville pour marquer l'intérêt que notre Gouvernement attache à ces questions. Un accord a été trouvé, qui assure une nouvelle tranche de financement bienvenue pour Ariane et nos industriels. Il a été dit d'ailleurs que l'accord était favorable aux industriels.

Néanmoins, des questionnements subsistent. Ils concernent d'abord l'ouverture à la concurrence que les Allemands ont obtenue, notamment pour les petits lanceurs, à l'heure où Arianespace présente son lanceur spatial Maia. Ils portent ensuite sur l'avenir du site de Kourou, quand les pas de tir de Soyouz ou d'Ariane 5 sont remis en question : quel équilibre sera-t-il retenu pour ce site ? Enfin, ils intéressent la nature de nos relations avec nos partenaires : existe-t-il encore une politique européenne de l'espace ? Nos intérêts divergent en effet de manière notable, en particulier avec nos amis allemands ou italiens.

M. Laurent Duplomb. - Merci pour la mesure de soutien de 150 euros par vache, qui vise à réduire l'imposition consécutive à l'augmentation des prix et de la valeur du cheptel - les éleveurs bovins l'apprécieront.

Vous avez modifié de manière importante la tarification du gazole non routier (GNR) en supprimant une partie de l'exonération sur les sept prochaines années.

Je me félicite que vous ayez repris à votre compte les trois grandes idées de la proposition de loi que nous avions votée au Sénat en relevant les seuils des exonérations de plus-values, du régime du micro-bénéfice agricole (micro-BA) et de la déduction pour épargne de précaution (DEP).

Vous aviez annoncé dans un premier temps que la déduction de 2,85 centimes d'euro d'exonération du GNR représentait 70 millions de compensation ; quelque temps après, la somme s'est transformée en 90 millions d'euros. J'aimerais que vous apportiez une précision sur ce jeu de bonneteau de 20 millions.

Je voudrais connaître l'évolution attendue de la consommation de GNR liée à l'augmentation des prix. À mon avis, la consommation du GNR ne baissera pas nécessairement. Avec les mesures de planification écologique, on demandera en effet aux agriculteurs d'ensemencer plus souvent afin de produire de la biomasse, ce qui, par définition, requerra un travail du sol plus important. Enfin, vous avez annoncé un crédit d'impôt pour la transition écologique à partir de 2025, destiné à offrir un quatrième volet de compensation de la diminution de l'avantage fiscal sur le GNR. Il semblerait que vous reteniez le principe de passer du carburant B7 au biocarburant B30, soit 30 % d'incorporation, voire au B100, pour le gazole agricole. Dès lors, pouvez-vous nous préciser les contours du crédit d'impôt que vous envisagez pour 2025, afin que les agriculteurs sachent à quoi s'attendre ?

M. Guislain Cambier. - Vous avez à raison plaidé tout à l'heure en faveur de l'industrie verte et des gigafactories. Dans les Hauts-de-France, dans le Nord, tout un écosystème se met en place autour d'elles. Il nécessite de l'espace. Aussi, je souhaite établir un lien avec le « zéro artificialisation nette » (ZAN), sur lequel un consensus parlementaire a été trouvé. Pour autant, les besoins d'implantations dépassent largement l'offre de foncier disponible. Je m'interroge donc : quand le Gouvernement communiquera-t-il une liste exacte des entreprises industrielles que vous avez retenues et de leur consommation foncière ? De manière à concerter l'aménagement du territoire et à réussir localement ces implantations industrielles, menez-vous une réflexion sur le partage de la taxe d'aménagement entre communes et intercommunalités ?

M. Bruno Le Maire, ministre. - Je n'ai pas la réponse sur le ZAN, mais mon objectif consiste à disposer d'une vision large de l'industrie verte. Si nous voulons implanter les nouvelles entreprises industrielles vertes, nous avons besoin de foncier disponible. Désormais, le premier obstacle en France au développement de l'industrie sera le foncier. On peut ne pas vouloir développer l'industrie et demeurer très strict sur le foncier ; on peut aussi vouloir développer l'industrie et donner accès au foncier ; mais développer l'industrie sans permettre cet accès au foncier me rappelle le concept d'industrie sans usines des années 1980 : on a vu ce qu'il avait donné...

Monsieur Duplomb, je me félicite, parce que cela arrive rarement, que nous soyons d'accord. Tout arrive. Au sujet du GNR, je vous confirme que nous avons retenu le montant de 2,85 centimes d'euro par litre. Notre évaluation du coût total de la mesure reste à 70 millions d'euros, et non 90 millions. Je confirme également que l'intégralité des recettes iront à la transition écologique des agriculteurs et qu'elles s'accompagneront des mesures fiscales que vous avez portées - je rends à César ce qui appartient à César -, en particulier les exonérations sur les plus-values et la DEP.

Enfin, la question du type de carburant à privilégier sera décidée d'ici à fin 2024. Encore aucune décision n'a été arrêtée dans ce domaine et vos propositions sont de nouveau les bienvenues ; je serai ravi de les reprendre, comme les précédentes.

Madame Primas, le sujet de l'espace est sans conteste stratégique. Notre objectif était de garantir l'accès indépendant de l'Europe à l'espace. Nous avons mené trois mois de négociations trilatérales intenses avec les Allemands et les Italiens. Si je ne me suis pas rendu à Séville, c'est pour des raisons impératives d'emploi du temps. Je pense que nous avons trouvé un bon accord, qui sécurise l'accès indépendant de l'Europe à l'espace, mais qui nous fait aussi entrer dans une nouvelle ère des lanceurs spatiaux européens.

Auparavant, l'argent public était indéfiniment disponible, sans aucune considération pour la rentabilité économique du lanceur. Cette approche était recevable tant que n'existaient pas SpaceX et le Falcon 9. Avec leur arrivée, ce système ne fonctionne plus. Dès lors, nous avons non seulement accepté, mais promu comme les Allemands la compétition sur les lanceurs, avec la création voici seize mois, sur la demande du Président de la République, du programme Maia, pour un futur petit lanceur réutilisable. Il engage effectivement une révolution dans le domaine des lanceurs, puisque nous entrons dans la compétition, au lieu de nous en tenir simplement à la coordination à n'importe quel prix.

Un appel d'offres, appelé challenge ESA, sera lancé en 2025. L'Agence spatiale européenne (ESA) analysera l'état d'avancement des projets allemand, italien et français, pour financer à hauteur de 150 millions d'euros le programme le plus avancé. Que le meilleur gagne... et je souhaite évidemment qu'il s'agisse du lanceur français.

La nouvelle logique dans laquelle nous entrons doit garantir la compétitivité des lanceurs européens. Elle se substitue à une logique institutionnelle trop coûteuse.

L'accord que nous avons conclu avec nos partenaires européens garantit de plus, avec des financements à hauteur de 340 millions d'euros par an, l'avenir d'Ariane 6 pour les dix ans à venir, durée nécessaire avant de disposer d'un futur gros lanceur. Nous avons également obtenu des réductions des tarifs des PME sous-traitantes.

Enfin, l'accord nous a permis de récupérer à Kourou, au bénéfice du lanceur Maia, le pas de tir de Soyouz qui, pour des raisons qui n'échappent à personne, ne peut plus être utilisé par la Russie, ce qui donne un avantage compétitif important à la France.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour toutes ces réponses aux nombreuses questions. Nous retenons que vous êtes dans l'attente des propositions que pourraient formuler les membres de la commission des affaires économiques. Nous espérons vous voir le plus souvent possible dans l'hémicycle dès la semaine prochaine à l'occasion des débats pour le PLF 2024.

Examen en commission
(Mercredi 22 novembre 2023)

Réunie le mercredi 22 novembre, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier et Sylviane Noël, et sur les crédits relatifs à la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2024.

M. Franck Montaugérapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'industrie. - Cette année encore, je constate que les crédits de la mission « Économie » ne reflètent pas les moyens consacrés à la politique industrielle de notre pays, dont ils ne constituent qu'une part minime : environ 1,5 milliard d'euros - en comptant très large - soit quatre à six fois moins que ceux consacrés à France 2030.

Si l'on excepte la non-reconduction des 4 milliards d'euros d'aides exceptionnelles aux industries énergo-intensives prévus par la loi de finances pour 2023 - aides qui n'ont d'ailleurs pas été consommées -, ces crédits augmentent cette année de 631 millions d'euros, soit 18 %. Mais pour l'industrie, le seul poste qui augmente réellement, c'est celui de la compensation carbone, comme les années précédentes. Ce dispositif, qui bénéficie à des filières exposées à la concurrence internationale, comme la sidérurgie, l'aluminium ou l'industrie du papier, est essentiel à leur compétitivité. Tous les grands pays européens ont d'ailleurs mis en place des mécanismes similaires, l'Allemagne en particulier, et pour des montants bien supérieurs à ceux de la France !

Mais on doit aussi s'interroger sur la soutenabilité de cette dépense, qui croît mécaniquement avec le coût du carbone, et risque d'exploser, à mesure que les entreprises vont s'électrifier pour décarboner leur production. Pourra-t-on continuer à lui consacrer plus de 1 milliard d'euros chaque année ? Pour autant, peut-on laisser laminer par la concurrence internationale ces industries qui participent de notre souveraineté économique ?

D'autant que ces industries vont aussi prendre de plein fouet la disparition des quotas carbone « gratuits », alloués par l'État, remplacés d'ici à 2026 par le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF). Or les gagnants du MACF ne seront pas forcément ceux qui auront perdu leurs quotas, étant donné la multiplicité des acteurs sur le marché. Aussi, avant sa mise en oeuvre effective, nous devrions obtenir du Gouvernement des garanties pour que les dépenses de correction des distorsions de concurrence créées par la taxe carbone aux frontières, ne soient pas supérieures au produit du mécanisme d'ajustement - il doit profiter de préférence aux entreprises de notre pays qui feront les efforts nécessaires.

Pour en revenir au budget, à mesure que la compensation carbone augmente, le reste des aides à l'industrie est réduit à la portion congrue. Or ce sont ces dépenses, pilotables, qui devraient permettre de soutenir la transition vers une industrie en phase avec les changements d'usage et avec les enjeux climatiques et environnementaux, et plus largement l'ensemble des mutations vers l'industrie du futur : plus numérisée, davantage centrée sur la durabilité des produits, mais aussi moins vulnérable aux soubresauts de la chaîne d'approvisionnement.

À cet égard, avec Sophie Primas et Amel Gacquerre, nous avions fait des recommandations en ce sens dans le rapport Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique. Qu'en a fait le Gouvernement ? A priori pas grand-chose...

Sauf, peut-être, il faut le souligner, la création d'un crédit d'impôt investissement industries vertes (C3IV), pour les éoliennes, panneaux solaires, batteries et pompes à chaleur. Il concerne l'ensemble de la chaîne de valeur, jusqu'à l'extraction des matières premières critiques. On peut regretter son périmètre restreint, mais malgré le cadre européen très contraignant en matière d'aides d'État, ce crédit d'impôt pour les industries vertes devrait être élargi au fur et à mesure du développement de cette nouvelle industrie. Il faudra y veiller dans les mois et les années à venir.

Je regrette également l'absence quasi totale d'aides ciblées sur nos petites et moyennes entreprises (PME). Je ne parle pas des start-up et des licornes, plutôt avantageusement traitées par France 2030, mais de très petites entreprises (TPE)-PME industrielles qui font vivre nos territoires. Elles rencontrent souvent des difficultés pour répondre aux grands appels à projets nationaux, et leur appréciation sur leur accompagnement par Business France est assez mitigée d'après mes dernières auditions.

Toutefois, la reconduction pour la période 2023-2027 du programme Territoires d'industrie est une très bonne nouvelle. Sa logique ascendante permet de répondre aux aspirations et aux besoins des territoires, tout en répondant à des axes stratégiques définis par l'État. Son financement, à hauteur de 100 millions d'euros sur quatre ans, correspond à l'amendement que j'avais porté l'an dernier, et que le Sénat avait adopté.

Je souligne que ces crédits seront uniquement déployés via le Fonds vert, qui m'apparaît de plus en plus comme un fourre-tout pour la transition écologique des territoires et nous fait perdre en lisibilité. Le gros des aides, auxquelles sont par ailleurs éligibles les Territoires d'industrie, passe par France 2030 et par la mission « Cohésion des territoires ».

Cela m'amène à mon dernier point : le peu de lisibilité de la politique industrielle. Or, au vu des enjeux de transition verte et du contexte géopolitique, la politique industrielle est appelée à monter encore en puissance. Afin d'exercer correctement nos missions de contrôle et d'évaluation en tant que parlementaires, nous devons en avoir une appréhension et une compréhension globale.

C'est pourquoi je vous proposerai deux mesures.

D'une part, un amendement visant à demander au Gouvernement de fournir désormais, en annexe du projet de loi de finances, un rapport présentant les choix stratégiques et les objectifs des politiques nationales en faveur de l'industrie, les moyens dédiés et une évaluation des bénéfices attendus pour l'économie, l'emploi, l'environnement et les territoires. Et je parle ici non pas d'indicateurs sur le nombre d'usines ouvertes grâce aux investissements directs étrangers (IDE) que le Gouvernement nous présente comme l'alpha et l'oméga de la performance industrielle française, mais de la nature de la croissance induite au regard des enjeux climatiques, environnementaux et plus largement de transition des modèles productifs. C'est un point essentiel pour la compétitivité future de notre industrie.

D'autre part, je propose d'élargir la focale de nos avis budgétaires, sans nous limiter aux crédits de la mission « Économie ». Ce serait un progrès utile pour notre travail parlementaire au sein de la commission.

Pour l'heure, je vous propose malgré tout un avis favorable sur la mission « Économie », pour ce qui concerne le volet « industrie », au périmètre restreint que j'ai évoqué.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs aux télécommunications, aux postes et à l'économie numérique. - Dans le cadre de la mission « Économie », des changements significatifs concernant les crédits dédiés aux télécommunications, aux postes et à l'économie numérique sont à signaler depuis désormais deux ans.

Je concentrerai mon analyse sur trois axes.

Tout d'abord le suivi du plan France Très Haut Débit, pour lequel à première vue les objectifs semblent en passe d'être atteints, avec 83 % de locaux raccordables à la fibre optique au 30 juin 2023, soit 36,2 millions de locaux. Malheureusement, le ralentissement observé dans nos territoires se confirme. Quatre obstacles portent aujourd'hui atteinte à l'objectif de généralisation de la fibre optique.

Premièrement, le ralentissement des déploiements est surtout marqué dans les zones les plus denses et dans les zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii). Pour ces dernières les opérateurs ont des engagements juridiques contraignants et opposables. C'est dans ce cadre que la formation restreinte de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a prononcé une sanction de 26 millions d'euros à l'encontre d'Orange pour non-respect de la première échéance de ses engagements de déploiement en zones Amii. Cette décision, rare, mais que nous pouvons saluer, nous invite à être attentifs à la suite du déploiement de la fibre par l'ensemble des opérateurs et souligne que l'accès au très haut débit est encore loin d'être acquis.

Deuxièmement, même si la France demeure le premier pays de l'Union européenne en matière de déploiement de la fibre optique, les opérateurs confondent parfois vitesse et précipitation, au détriment de la qualité et de la durabilité des réseaux. Pour des raisons économiques, ils privilégient le déploiement aérien au détriment de l'enfouissement. Selon une récente étude commandée par InfraNum et la Banque des territoires, ce sont 500 000 kilomètres de lignes aériennes, principalement situées en zones rurales, qui seraient vulnérables face aux crises. Les récentes tempêtes nous rappellent, une nouvelle fois, la grande vulnérabilité de ces réseaux face aux aléas et au dérèglement climatique, mais aussi les surcoûts occasionnés par le déploiement aérien. Ces choix économiques de court terme se font donc au détriment d'une meilleure résilience et durabilité de nos réseaux censés être raccordés à l'électricité.

En cas de coupure, les antennes de téléphonie mobile ne bénéficient pas d'un raccordement prioritaire au réseau de transport d'électricité - point sur lequel nous reviendrons.

Troisièmement, de fortes inégalités territoriales persistent toujours, notamment dans le département de Mayotte, aujourd'hui très éloigné du plan France Très Haut Débit : seuls 40 % des locaux disposent d'un accès à internet fixe, quand la moyenne nationale est de 85 %. Alors que le conseil départemental a lancé un appel d'offres pour déployer son réseau d'initiative publique sur cinq ans, estimant les besoins de financement de l'État à 60 millions d'euros, sur les 210 millions globaux, seulement 4,5 millions d'euros sont prévus en autorisations d'engagement (AE). Si le projet mérite effectivement d'être précisé, l'enveloppe allouée ne constitue pas un amorçage suffisant et réaliste. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à soutenir la situation à Mayotte.

Quatrièmement, les objectifs ne seront pas atteints tant que la question du financement des raccordements complexes, sur les domaines public et privé, n'est pas réglée. L'appel à projets « Création d'infrastructures de génie civil nécessaires aux raccordements finals » s'est terminé le 17 avril dernier. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a reçu 41 demandes de candidature, elle n'est toutefois pas en mesure d'estimer la consommation de l'enveloppe de 150 millions d'euros qui aurait dû être mobilisée dans les deux dernières années. De plus, cette enveloppe n'est pas reconduite dans le projet de loi de finances pour 2024. Aucune proposition opérationnelle n'est présentée par le Gouvernement pour inciter les opérateurs et les particuliers à réaliser ces raccordements les plus complexes.

Ce PLF marque également une évolution avec le rattachement du programme « Inclusion numérique » à la mission « Économie », qui permet notamment de financer 3 600 conseillers numériques dans les maisons France Services. Depuis 2021, 40 millions d'euros sont mobilisés chaque année pour une enveloppe globale de 250 millions d'euros. La fin de la subvention de ces postes devrait intervenir en 2026-2027. C'est une source de préoccupation majeure pour les élus locaux qui devront en assurer le financement intégral. Nous suivrons avec attention l'évolution de la consommation de ces crédits, notamment après 2025.

Dans d'autres domaines, les moyens budgétaires mobilisés s'avèrent plus adaptés, même si nous proposerons quelques amendements : c'est le cas des compensations versées à La Poste au titre de ses quatre missions de service public. Elles font désormais l'objet de compensations pluriannuelles, ce qui facilite le contrôle budgétaire du Parlement.

Sur le service universel postal, la compensation de 500 millions d'euros versée depuis l'an dernier est bien reconduite. Toutefois, les dispositions du contrat d'entreprise signé entre La Poste et l'État ne sont pas toutes respectées, à savoir la compensation optionnelle de 20 millions d'euros qui n'est pas prise en compte en AE. Cette compensation optionnelle permettait de préserver la logique de « bonus-malus » selon l'atteinte d'objectifs de qualité de service fixés par voie réglementaire. Ces objectifs n'ont par ailleurs pas été revus à la hausse par le Gouvernement, ce qui est regrettable.

Concernant la mission de transport de la presse, l'entrée en vigueur de la nouvelle réforme de la distribution au 1er janvier 2023 ne produit pas encore les effets attendus : le basculement du postage vers le portage semble plus lent et compliqué que prévu. Dans un contexte inflationniste, le portage demeure plus onéreux que le postage pour les éditeurs de presse, ce qui m'amène à m'interroger sur les effets de la baisse de 15 % de l'aide à l'exemplaire posté, effective à compter du 1er janvier 2024. La clause de révision des tarifs devrait tenir compte de l'inflation, pour ne pas pénaliser injustement les éditeurs de presse.

Concernant la mission de contribution à l'aménagement du territoire, les compensations budgétaires sont insuffisantes pour compenser la baisse des compensations fiscales, assises depuis l'année dernière sur les impôts de production. Pour 2024, la compensation prévue est de 105 millions d'euros, tandis que le rendement fiscal est estimé à 54 millions, ce qui conduirait à un financement effectif de 150 millions d'euros. Le contrat de présence postale territoriale autorise pourtant un financement de 174 millions d'euros. Cette sous-compensation pourrait être préjudiciable aux commissions départementales de présence postale territoriale, auxquelles vous participez peut-être, mes chers collègues. Nous devrons donc veiller au bon fonctionnement de ces commissions chargées du maintien des 17 000 points de contact postaux sur l'ensemble de notre territoire.

Enfin, je ferai un dernier point d'actualité sur l'Arcep et la mise en oeuvre budgétaire du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique.

Je souhaiterais saluer l'anticipation du déploiement du filtre antiarnaques, grâce à une budgétisation de 4,5 millions d'euros permettant d'assurer la bonne coordination informatique entre toutes les administrations et les autorités chargées de signaler des actes de cybermalveillance en ligne.

Je m'inquiète en revanche de l'absence de budget supplémentaire alloué à l'Arcep, qui se voit confier de nouvelles prérogatives en matière de régulation des marchés de l'informatique en nuage - le cloud - et des services d'intermédiation des données.

D'une part, ces missions sont très éloignées des missions historiques de l'Arcep, qui n'a pas les ressources suffisantes en interne. D'autre part, contrairement aux autres autorités qui seront chargées d'appliquer ce projet de loi, l'Arcep ne bénéficie pas d'un renforcement de ses moyens qu'ils soient budgétaires ou humains. Cet oubli est préjudiciable pour la bonne application de la loi et pour la poursuite des missions de l'Arcep elle-même. C'est pourquoi je proposerai également un amendement sur ce sujet.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs au commerce, à l'artisanat et à la consommation. - Vous l'aurez compris au gré des interventions de mes corapporteurs, la mission « Économie » est un ensemble disparate de crédits. Malgré cet éparpillement, mon constat est clair : comme chaque année, le commerce et l'artisanat, et dans une moindre mesure la consommation, sont les oubliés du budget.

Hors aides exceptionnelles, les crédits de la mission sont en augmentation de plus de 600 millions d'euros. Or, seulement 62 millions d'euros sont dédiés au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Ce n'est même pas 10 % de la hausse ! Alors que ce sont des domaines essentiels : le commerce représente plus de trois millions de salariés et 250 milliards de valeur ajoutée ; l'artisanat concerne pareillement trois millions d'actifs, et permet la transmission de savoir-faire inestimables ; enfin la consommation est justement ce qui fait vivre nos commerces et artisans. Néanmoins, plusieurs avancées par rapport aux années précédentes sont à saluer, car nous partions de loin !

Concernant la consommation, les alertes répétées de notre commission ont porté leurs fruits : les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) connaîtront enfin une hausse significative en 2024, de plus de 70 équivalents temps plein (ETP). C'est bienvenu et hautement nécessaire.

La DGCCRF faisait l'objet de réductions d'effectifs depuis plus de dix ans. Un rapport de nos collègues des finances estime qu'elle a perdu près de 400 ETP entre 2007 et 2022, à périmètre constant.

Pendant ce temps, ses missions n'ont pas cessé d'augmenter, notamment sous l'effet de textes examinés par notre commission, comme la loi du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur, la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat d'août 2022 ou encore la loi Descrozaille du 30 mars2023. Tous ces textes - et c'est bien légitime pour protéger les consommateurs - étendent le champ des missions de la DGCCRF. Mais comment protéger les consommateurs avec moins d'enquêteurs pour effectuer les contrôles ?

Au niveau qualitatif, la DGCCRF a besoin de ces crédits supplémentaires pour poursuivre sa transformation, notamment numérique, en lien avec l'évolution des modes de consommation et, malheureusement, l'évolution des modes de fraudes. La DGCCRF a déjà développé des outils numériques comme Polygraphe, qui détecte les faux avis sur internet. D'autres chantiers sont en cours, et il faut qu'elle puisse les poursuivre.

Dans un tel contexte, la hausse des crédits de la DGCCRF est justifiée. Son rôle en période inflationniste est crucial pour protéger le pouvoir d'achat des ménages, mais aussi la trésorerie des entreprises : à ce sujet, la DGCCRF m'a alertée sur la recrudescence des retards de paiement. Les grandes entreprises profitent de l'inflation, au détriment de nos TPE-PME ! Ce sont des pratiques inacceptables. La DGCCRF les sanctionne déjà lourdement, mais ce n'est sans doute pas assez dissuasif. J'ai interpellé le ministre à ce sujet la semaine dernière, car j'estime qu'une réflexion doit avoir lieu sur l'efficacité et le pouvoir dissuasif de ces sanctions.

Toujours sur la consommation, j'ai porté attention au soutien public au mouvement consumériste. Comme cela a été souligné par mon prédécesseur, Serge Babary, le mouvement est trop émietté et les subventions restent élevées. Certaines recommandations de notre commission sont à l'oeuvre, notamment sur le recours aux appels à projets en complément des subventions, mais c'est encore trop timide. La coopération entre les associations et la DGCCRF doit aussi être renforcée : il faut tirer parti de la proximité des associations avec les victimes d'arnaques, de plus en plus nombreuses.

Concernant le commerce, le constat est peu enthousiasmant. La mission « Économie » ne comporte quasiment plus de crédit de soutien au commerce depuis la disparition du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) en 2019. Une seule évolution positive : la création d'un fonds territorial à l'accessibilité, doté de 300 millions d'euros d'ici 2028. Axé sur les TPE-PME, il financera des travaux de mise en accessibilité de nos restaurants, bars ou hôtels, mais il est loin d'être transversal comme l'était le Fisac, qui permettait le développement et la modernisation des commerces.

Concernant l'artisanat, une stratégie nationale en faveur des métiers d'art a enfin été lancée en mai dernier. C'est un secteur qui oeuvre à la transmission de savoir-faire qui font l'excellence et le rayonnement de la France. C'est donc pour moi une avancée que d'avoir, pour la première fois, une politique publique unifiée, avec une stratégie interministérielle regroupant l'économie et la culture. En revanche, il ne faut pas être dupe sur les effets d'affichage : cette stratégie ne comporte que 2,4 millions d'euros de mesures nouvelles, c'est très peu.

Enfin, les mêmes critiques que l'an dernier demeurent concernant les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) : le Gouvernement souhaite poursuivre la trajectoire de réduction de 60 millions d'euros de la taxe pour frais de chambre d'ici à 2027, dans un contexte où elles n'ont cessé d'être sollicitées par l'exécutif. De plus, le Gouvernement oublie que nos entreprises artisanales n'ont pas toujours la culture ou les moyens de recourir à des services onéreux. C'est pourquoi il m'apparaît pertinent de lisser cette réduction dans le temps. Toutefois, cela porte sur la première partie du PLF, qui n'est pas l'objet de l'avis de notre commission.

Voilà, chers collègues, le résultat de mon examen des crédits relatifs au commerce, à l'artisanat et à la consommation de cette mission : ils incluent des avancées, même s'il reste beaucoup à améliorer. Je vous propose donc d'adopter ces crédits.

M. Stéphane Fouassin. -Dans ce contexte de mutations majeures, cette mission se focalise sur plusieurs fronts cruciaux. Bpifrance, acteur clé dans l'accompagnement des entreprises, bénéficie d'une hausse budgétaire de 100 millions d'euros pour 2024 - on peut s'en féliciter. Ce financement vise à soutenir activement les transitions des entreprises avec au total plus de 2 milliards d'euros sur deux ans dédiés à la transition énergétique et écologique.

Le plan France Très Haut Débit se concentre sur des secteurs vitaux allouant plus de 40 millions d'euros pour renforcer l'inclusion numérique, réduisant ainsi les fossés numériques persistants. Notons la création du fonds territorial d'accessibilité, doté de 300 millions d'euros et crucial pour aider les petits commerces à améliorer leur accessibilité sur une période s'étendant jusqu'en 2028.

Le volet de protection des consommateurs face aux défis des nouveaux usages numériques est renforcé par des initiatives de contrôles en ligne et de régulation du commerce sur internet. Les programmes s'adaptent à l'après-crise sanitaire et énergétique mobilisant des leviers pour moderniser l'économie avec des investissements stratégiques : la cybersécurité et un soutien spécifique à la transition énergétique.

Le secteur des postes et des télécommunications continue à être soutenu. L'engagement pour l'internationalisation des entreprises est consolidé via Business France et Bpifrance Assurance Export. Cette mission intègre des interventions régulatrices adaptées aux nouvelles pratiques commerciales pour garantir un marché dynamique et équitable.

En résumé, les programmes 343, 220, 305 et 367 contribuent activement à notre politique économique financière et statistique. Le programme 367 soutient notamment l'État actionnaire sans nouveaux crédits garantissant des opérations patrimoniales financées pour 2024.

Mme Sophie Primas. - Plus que le budget en lui-même, je retiens le fait qu'il y a une profusion de dispositifs, conduisant à une grande confusion, qu'il s'agisse des programmes de développement, de soutien à l'industrie ou de soutien au commerce et à l'artisanat. Finalement, on constate une grande recentralisation de l'action en matière de développement économique.

Si les grandes entreprises, qui bénéficient de services juridiques et financiers, ont les moyens de solliciter tous ces dispositifs, ce n'est pas toujours le cas des entreprises de taille intermédiaire (ETI), et encore moins des PME et des TPE.

Même si je perçois une volonté à la fois européenne et nationale de soutenir les entreprises, je regrette qu'on coupe les ailes des acteurs capables de les aider localement, et notamment d'aider les ETI et les PME, par exemple les chambres de commerce et d'industrie. Ces dernières dépensaient, certes, beaucoup d'argent et elles ont dû faire des efforts, mais force est de constater que l'on est aujourd'hui à l'os. Face à la profusion et à la confusion des dispositifs, il faut apporter une aide au niveau local. Aussi, ne reproduisons pas l'erreur faite en matière d'organisation territoriale auprès des entreprises.

Je reviendrai notamment sur l'erreur, là encore importante, commise il y a quelques années en demandant aux écoles portées par les chambres de commerce et d'industrie d'avoir leur propre compte d'exploitation, ce qui empêche les mécanismes de péréquation. De ce fait, aujourd'hui, on ferme des écoles jugées non rentables, ce qui est extrêmement préjudiciable à la montée en compétences, à la professionnalisation, dont on a grandement besoin sur les territoires.

M. Fabien Gay. - Nous vivons une crise post-covid importante, avec 5 000 défaillances d'entreprises recensées par mois et potentiellement 50 000 et 55 000 au total cette année, ce qui est très important. Si ces défaillances recouvrent différentes réalités, allant de l'autoentrepreneuriat à l'artisanat en passant par la petite PME, elles soulèvent trois questions.

Premièrement, ces défaillances ne sont pas forcément toutes dues au non-remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) - beaucoup d'entreprises ont su rebondir -, mais pour une part d'entre elles, c'est un réel problème.

Deuxièmement, le retard de paiement, notamment pour beaucoup de TPE et de PME, est également problématique. Les grandes entreprises ne doivent pas se défausser sur les TPE et PME.

Troisièmement, on nous alerte sur la question préoccupante de l'énergie - je pense par exemple à nos artisans boulangers qui ont vu leur facture multipliée par cinq, voire par dix. La réforme du marché européen permettra sans doute d'améliorer les choses, mais il y a urgence. N'attendons pas des mois avant d'intervenir, sachant que le Gouvernement annonce une nouvelle hausse de 10 % du tarif réglementé de vente de l'électricité au 1er février 20 24, après une hausse de 25 % déjà cette année.

Travaillons donc autour de ce triptyque.

Enfin, j'estime que les dispositifs mis en oeuvre par le Gouvernement avec l'argent public pour aider les entreprises bénéficient pour une grande part aux très grandes entreprises et pas assez à nos TPE et PME. On a raison d'y ajouter des conditions sociales et écologiques, mais il est anormal que les petites entreprises y aient si difficilement accès, quand l'argent coule à flots pour les grands groupes. Nous devrions faire une meilleure utilisation de cet argent. Attelons-nous à ce problème et faisons des propositions - nous n'aurons pas tous les mêmes, car nous ne défendons pas le même projet de société !

Je ne m'étendrai pas au sujet de La Poste, mais je n'en pense pas moins...

Mme Viviane Artigalas. - Puisque mon collègue passe son tour, j'aurais une question concernant La Poste, notamment sur la pérennité de la compensation de l'État pour ses missions de service public.

Le contrat de présence postale territoriale détermine un nombre de points de contact, mais la compensation n'est pas à la hauteur des besoins. D'autant que la qualité n'est pas la même partout : entre le bureau de poste, l'agence postale communale et le bureau de tabac, le service n'est pas identique. L'impact financier n'est pas non plus le même pour les communes.

Aussi, soyons vigilants à ce que la pérennité de ces compensations soit bien assurée dans le temps. On imagine bien que l'État sautera sur l'occasion dès qu'il pourra s'en dispenser.

M. Alain Chatillon. - Je suis tout à fait d'accord avec les rapporteurs. Je soutiens également les propos de Fabien Gay sur le coût énergétique terrible que subissent nos entreprises, quelle que soit leur taille. Il est beaucoup plus important qu'en Allemagne, ce qui freine notre développement économique à l'international. Il faut pousser ce dossier au plus haut.

M. Jean-Luc Brault. - Je suis tout à fait aligné sur la position des rapporteurs, notamment sur le problème de délais de paiement évoqué par le rapport de Mme Sylviane Noël. On l'observe dans le Loir-et-Cher, principalement auprès de nos PME, qui sont payées au bout de 150,160 jours, parfois même 180, pour des motifs futiles.

Cette situation est inadmissible pour nos entreprises, dont les trous de trésorerie peuvent se chiffrer entre 500 000 euros et un million d'euros si l'on prend l'exemple d'une PME dans le BTP de quarante à cinquante salariés, avec un chiffre d'affaires pourtant solide de 4 millions d'euros.

Sur ce sujet je rejoins l'indignation de M. Fabien Gay : aidons dès à présent nos TPE et PME, sans leur donner des subventions ou leur allouer des crédits spéciaux, mais simplement en exigeant de l'État que les délais de paiement soient respectés.

M. Michel Bonnus. - Je reviendrai également sur l'intervention de M. Fabien Gay, qui a souligné à juste titre l'impact considérable des 5 000 entreprises par mois forcées de déposer le bilan.

Il était certes important de soutenir les entreprises pendant la crise du covid, mais l'allongement du PGE a un grand impact sur celles-ci, non seulement parce que le taux d'intérêt n'est plus le même mais aussi parce que l'extension de ce prêt, même à dix ans, fait perdre toutes les garanties de caution de l'État. En plus des PGE à rembourser, les entreprises connaissent une multiplication par six, si ce n'est par sept, de leur facture énergétique, également intenable - une entreprise comme la mienne est passée de 2 500 à 6 000 euros par mois d'électricité ! Nous n'y arrivons plus.

À cela s'ajoutent des imprévus, comme le fait qu'après la crise sanitaire, les entreprises ont dû embaucher - parfois pendant un an ! - de nouveaux employés pour remplacer ceux qui n'avaient pas pu prendre leurs congés.

Notez également que pendant cette période, le salaire des employés était pris en charge par l'État à hauteur de 84 % ; le reste à charge ayant été pris en charge par l'employeur pour garder ses salariés, imaginez à quel point cela pèse à terme dans leur trésorerie.

Aujourd'hui, un PGE de 200 000 euros représente un remboursement de 5 600 euros nets par mois - on rajoute de la dette à la dette ! J'y insiste, les entreprises sont en grande difficulté.

Mme Antoinette Guhl. - À nos yeux, la mission « Économie » ne reflète pas suffisamment notre ambition d'orienter l'économie vers la transition écologique. J'évoquerai trois points.

Le premier concerne la non-écoconditionnalité des aides et de l'accompagnement. Vous avez évoqué les fonds de Bpifrance : nous estimons qu'ils doivent être écoconditionnalisés, c'est-à-dire distribués uniquement aux entreprises engagées dans une transition écologique forte, avec des plans d'action contrôlés.

Le deuxième porte sur l'économie sociale et solidaire, largement sous-calibrée dans ce budget. Alors que ce secteur représente 14 % des emplois, soit deux fois plus que l'hôtellerie-restauration ou le bâtiment, et quatre fois plus que l'agroalimentaire, seuls 20 millions d'euros lui sont alloués. Il y a un réel déphasage entre les emplois créés et les aides apportées aux entreprises. Ces fonds sont toujours orientés pour construire des « champions », quand ils devraient au contraire profiter aux entreprises plus vertueuses aussi bien sur le plan social qu'écologique et économique.

Enfin, troisième point, sur la partie relative à la consommation, il est regrettable qu'il n'y ait rien sur l'inflation alimentaire, qui touche tous nos concitoyens.

Nous voterons donc contre l'adoption des crédits de cette mission.

M. Yannick Jadot. - J'évoquerai pour ma part le crédit d'impôt recherche. Des réflexions extrêmement intéressantes ont été développées par Philippe Aghion sur la transformation de ce crédit d'impôt, qui aujourd'hui représente un poste de dépense très important. Il s'agit d'un bel outil malheureusement mal utilisé, à la fois en termes de taille des entreprises - les PME en bénéficient très peu par rapport aux grandes entreprises - et mal ciblé, par rapport aux orientations que l'on veut donner à notre économie, vers la transition écologique et l'économie sociale et solidaire. Un chantier est à mener sur ce sujet.

Je veux évoquer un autre point, qui s'écarte, certes, un peu du texte, mais concerne tout autant notre économie et notre industrie : il est aberrant qu'aucune préférence géographique ne soit mentionnée de manière explicite dans l'attribution de nos marchés publics locaux, comme le font nos grands concurrents de l'économie mondiale.

Dans les faits, à l'échelle locale, les marchés sont principalement ciblés vers les entreprises souhaitées, mais pourquoi ne pas revendiquer politiquement qu'une partie de l'argent public profite en priorité aux entreprises du territoire, comme pour le Buy European Act ? On constate un blocage total dans le discours français : au niveau européen, on défend le Buy European Act, mais Bercy bloque les négociations. Nous devrons trouver le moyen de faire sauter ce verrou.

M. Daniel Fargeot. - Je partage tout à fait le triptyque évoqué par M. Fabien Gay sur la situation économique actuelle : le constat post-covid risque d'être dramatique pour nos PME et TPE dans les mois à venir. Les retards de paiements ont un impact important sur la trésorerie, la compétitivité et, par conséquent, sur l'existence de ces entreprises.

La DGCCRF est pourtant chargée de contrôler le respect des dispositions du code de commerce relatives aux délais de paiement. Or, elle ne le fait que marginalement, au cas par cas. Les sanctions pécuniaires sont importantes pour les entreprises qui ne respectent pas les règles. Une action doit être menée auprès de la DGCCRF.

Il faudrait également revoir le délai de remboursement du PGE pour les entreprises particulièrement impactées par ces remboursements obligatoires.

S'agissant de l'explosion de la facture énergétique, les PME et les TPE sont en effet les plus touchées. Elles sont dans l'incapacité de refacturer à leurs donneurs d'ordre le coût énergétique.

Enfin, je terminerai en évoquant le dispositif France 2030 : il faudrait augmenter la part d'investissement attribuée aux ETI, aux PME et aux TPE. On parle toujours des très grandes entreprises, mais n'oublions pas l'importance du tissu économique local. Les TPE et PME sont les premières entreprises de France.

M. Franck Montaugé, rapporteur pour avis. - Compte tenu du périmètre de la mission, je n'ai volontairement pas évoqué la question de l'énergie. Elle est évidemment centrale - tous les représentants d'entreprises auditionnés l'ont mentionnée. Nous n'avons pu obtenir de réponse à ce sujet de la part de Bruno Le Maire lors de son audition sur la situation d'ici la fin de l'Arenh en 2026.

Je crains que l'on assiste dans les années à venir à une hausse régulière et importante des prix de l'énergie, en particulier de l'électricité, et ce indépendamment des questions géopolitiques auxquelles nous faisons face actuellement, même si la proportion d'énergies renouvelables (EnR) augmente. Il faut s'y préparer, et cela vaut aussi bien pour les entreprises que pour les consommateurs.

N'oublions pas que le marché des petites et moyennes entreprises est lié au pouvoir d'achat des particuliers. C'est une lapalissade, mais il faut bien le dire !

Je terminerai en insistant sur la nécessité de rendre à l'avenir plus lisible et compréhensible l'examen de ces crédits : il est frustrant de porter des avis sur des points trop parcellaires.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. - Sophie Primas a fait une remarque très juste sur la profusion des dispositifs d'aide, une profusion qui est source de confusion quand cela ne conduit pas à de la non-réalisation... Les suivis sont difficiles à réaliser. On l'observe : sur le volet numérique, avec le dispositif de financement des raccordements complexes, qui bien qu'absolument nécessaire est aujourd'hui en panne ; et, dans une moindre mesure, sur celui concernant les conseillers numériques, présentés comme une solution d'inclusion dans les territoires, mais dont les collectivités devront assumer seules la charge, au risque de voir le dispositif péricliter.

S'agissant de La Poste, la pérennité des compensations pose effectivement question. L'État maintient bien ses compensations pour les missions de service universel postal ou d'aménagement du territoire, mais le rendement fiscal diminue ce qui conduit à un manque de 15 millions d'euros pour cette mission d'aménagement du territoire, que l'on propose de compenser.

Idem concernant la qualité du service postal : la dotation de 20 millions d'euros, censée être un bonus lorsque La Poste atteint ses objectifs de qualité, a disparu. Nous proposerons également sur ce point un amendement. On affiche des dispositifs et on ne vérifie pas l'année d'après qu'ils portent bien leurs fruits. Il faut remédier à ce réel manque de suivi.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis. - Je reviendrai plus spécifiquement sur la question des délais de paiement. Aujourd'hui, la sanction maximale pour retard de paiement s'élève à 2 millions d'euros, et peut atteindre 4 millions en cas de réitération du manquement dans les deux ans : un montant insuffisamment dissuasif pour mettre fin à ce genre de pratiques compte tenu de l'inflation actuelle.

Cette problématique est une réalité et nous a notamment été signalée par la DGCCRF. Nous sommes typiquement dans un souci de technocratie administrative insupportable - en tant que maires, nous connaissons bien le côté tatillon des perceptions. Je ne sais pas comment y remédier, si ce n'est de rappeler que les personnes publiques ont un devoir d'exemplarité en la matière.

Contrairement à ce qui a été énoncé, la DGCCRF a pris ce problème à bras-le-corps : au premier semestre 2023, elle a lancé ou mené à bien des procédures de sanctions administratives auprès de 224 entreprises, dont certaines ont été sanctionnées assez lourdement - je pense par exemple à Veolia Eau'. Rappelons que cette autorité de contrôle est extrêmement mobilisée en période d'inflation et face à la profusion de fraudes et d'arnaques dans le secteur du numérique notamment.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DES RAPPORTEURS

Après l'article 38

M. Franck Montaugé, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-130 prévoit que le Gouvernement joigne au projet de loi de finances une annexe présentant clairement les choix stratégiques et les objectifs des politiques en faveur de l'industrie. Cette annexe devra recenser de manière précise l'ensemble des contributions apportées par l'État, ce qui nous permettra de réaliser un meilleur travail de contrôle et d'évaluation de l'efficacité des politiques publiques dans le secteur de l'industrie.

L'amendement n° II-130 est adopté.

Article 35

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. - L'amendement n°  II-131 vise à doter l'Arcep d'une enveloppe de 1,2 million d'euros en AE et en crédits de paiement (CP) pour lui permettre notamment d'assurer les nouvelles missions qui lui sont confiées par le projet de loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique.

L'amendement n° II-131 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. - L'amendement n°  II-132 concerne le département de Mayotte. Il vise à augmenter, à hauteur de 25,5 millions en AE et de 10 millions en CP, la part de l'État dans le déploiement du réseau d'initiative publique du département, dont le coût total est estimé à 210 millions d'euros. Alors que la part de financement de l'État devait s'élever à 60 millions d'euros, seuls 4,5 millions d'euros sont actuellement ouverts en AE dans le projet de loi de finances pour 2024.

L'amendement n° II-132 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. - L'amendement n°  II-133 concerne la mission de service universel postal de La Poste. Il s'agit de réaffecter la tranche supplémentaire, mais optionnelle, de 20 millions d'euros, accordée si, et seulement si, La Poste atteint des objectifs de qualité fixés par voie réglementaire.

Mme Sophie Primas. - Ces objectifs assignés à La Poste sont-ils atteignables ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. - Ils ont fait l'objet d'un débat lors de leur mise en place, mais n'ont pas été identifiés comme non atteignables. Il s'agit là plutôt d'une question d'absence de suivi...

L'amendement n° II-133 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. - L'amendement n°  II-134 concerne également La Poste, cette fois sur sa mission de service public de contribution à l'aménagement du territoire. Il vise à augmenter de 15 millions d'euros sa dotation pour compenser les effets de la réforme des impôts de production, afin d'atteindre le montant de financement de 174 millions d'euros fixé par le contrat de présence postale territoriale. Il s'agit de de permettre l'accompagnement des territoires et des élus locaux dans la préservation des missions des commissions départementales de présence postale.

L'amendement n° II-134 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

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