II. ... MAIS QUI, PERCUTÉ PAR L'INFLATION ET LES REVALORISATIONS, PORTE UN INVESTISSEMENT EN BERNE

Les rapporteurs auraient salué sans réserve ce budget qui semble respecter les orientations tracées par la Lopmi, n'était l'effet d'éviction massif de diverses mesures de revalorisation des agents de la fonction publique, et de l'inflation sur le « hors T2 », c'est-à-dire le budget hors dépenses de personnel - investissement et fonctionnement principalement.

A. LE POIDS DE L'INFLATION ET DES MESURES INDEMNITAIRES ET INDICIAIRES SUR UN BUDGET PAR NATURE TRÈS CONTRAINT...

Un très grand nombre de mesures indemnitaires et indiciaires ont été annoncées en 2023 afin de récompenser l'engagement des agents de l'État : revalorisation du point d'indice de 1,5 %, hausse de cinq points d'indice à chaque échelon, prime de pouvoir d'achat défiscalisée, relèvement des niveaux de rémunération les plus bas. S'y ajoutent notamment les revalorisations issues de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM). Au total, ces mesures pèsent pour 290 millions d'euros sur les crédits du titre 2 du programme 152, auxquels s'ajoute le surcoût de 100 millions d'euros lié à l'inflation. Au total, ce sont donc près de 400 millions d'euros qui viennent peser sur le budget global du programme.

C'est pourquoi le budget hors titre 2 de la gendarmerie est en réalité en baisse de 69 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à la LFI pour 2023 - encore faudrait-il tenir compte d'un transfert entrant en construction de 60 millions d'euros correspondant à la rétrocession de crédits numériques depuis le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'Intérieur ».

Les crédits de la gendarmerie pâtissent ainsi des effets de la faible manoeuvrabilité des dépenses propre à ce budget : les dépenses de personnel pèsent déjà plus de 80 % du budget global, et il faut tenir compte, pour le « hors T2 », du poids très important des loyers (811,6 millions d'euros en autorisations d'engagement, 603,7 millions d'euros en crédits de paiement). La gendarmerie étant désormais un bon payeur en la matière, ce dont on ne peut que se réjouir, cette dépense est difficilement compressible.

B. ... SE TRADUIT D'ABORD PAR DES COUPES DANS DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT POURTANT INDISPENSABLES...

La progression importante du titre 2 (hors CAS pensions) s'est donc traduite par une quasi-stabilité des dépenses de fonctionnement - moins de 10 millions d'euros d'augmentation des crédits de paiement - donc, en tenant compte de l'inflation, par une baisse en termes réels.

Dans le détail, les dépenses de fonctionnement courant, qui recouvrent notamment les fournitures de bureau, la téléphonie ou les frais de représentation, sont en baisse de près de 15 millions d'euros en crédits de paiement, soit 30 %.

Plus préoccupant encore, le budget de formation est en baisse de 35 %, alors que les besoins en formation liés à l'important effort de recrutement, mais aussi à l'arrivée des blindés Centaure, seront nécessairement en augmentation.

Celui des déplacements diminue quant à lui de plus de 17 millions d'euros (26 %). C'est d'autant plus étonnant que dans le projet de loi de finances pour 2023, l'augmentation de 4,7 millions d'euros des crédits de ce poste était justifiée par « l'augmentation de l'activité opérationnelle consécutive au renforcement des effectifs, en lien avec le schéma d'emploi (+950 gendarmes) et la montée en puissance de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale »1(*). Or comme indiqué dans la première partie de ce rapport, le renforcement des effectifs et la montée en puissance de la réserve opérationnelle se poursuivront tout aussi vigoureusement en 2024.

Citons encore la baisse drastique - 26 % en autorisations d'engagement et 22 % en crédits de paiement - de la dotation d'équipement, qui touchera particulièrement la dotation d'habillement, ainsi que la baisse de 15 % des dépenses de fonctionnement en informatique.

On constate donc un décalage préoccupant, voire une incohérence entre une montée en puissance réelle des effectifs et une baisse tout aussi tangible des moyens qui leur seront alloués pour exercer leurs missions.


* 1 Projet annuel de performances du programme 152 (Gendarmerie nationale) pour 2023, page 59.

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