C. ... MAIS SURTOUT DANS LES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT, NOTAMMENT IMMOBILIER

1. Un investissement immobilier plus insuffisant encore qu'en 2023

Les crédits de ce programme consacrés à l'investissement sont globalement en baisse de 23 % en autorisations d'engagement et de 30 % en crédits de paiement. Cela se traduit par un ralentissement très marqué dans le renouvellement de la flotte de véhicules légers, mais surtout par une véritable chute de l'investissement immobilier.

Les besoins immobiliers de la gendarmerie : une vue d'ensemble

En raison du casernement, élément essentiel de la condition du gendarme, l'immobilier est un enjeu essentiel pour la gendarmerie.

Or de manière assez étonnante, si la gendarmerie représente pas moins de 63 % du parc domanial du ministère de l'intérieur, elle ne reçoit que 17 % de son budget d'investissement immobilier.

Cela s'est traduit, au cours des dernières années, par un décalage marqué entre les besoins d'investissement du parc immobilier et la réponse budgétaire.

Ces besoins sont estimés à 300 millions d'euros par an pour le parc domanial de la gendarmerie (soit environ 40 % du total des logements au 1er juillet 2023) :

• 200 millions pour les opérations de renouvellement/reconstruction /réhabilitation lourde, soit 40 €/m²/an ;

• 100 millions pour les opérations de maintenance spécialisée, soit 20€/m²/an.

Encore ce total ne tient-il pas compte de la dégradation préalable du parc, liée à l'insuffisance des investissements passés, ni des nouvelles normes, en particulier en matière d'isolation.

Au total, ce sont donc 60 euros par mètre carré et par an qui sont nécessaires pour le bon entretien du parc domanial. Or depuis dix ans, la gendarmerie y a consacré 18 euros par an en moyenne, soit moins du tiers.

Ce défaut d'investissement s'est traduit par un recours croissant au locatif, avec des loyers qui pèsent de plus en plus lourd dans le budget (574 millions d'euros en 2023, 603,7 millions prévus en 2024) et un rétrécissement du parc domanial, également lié au mouvement de fermetures de brigades entre 2009 et 2016. Le domanial est pourtant la forme de gestion la plus vertueuse en raison de son coût de gestion quatre fois inférieur à celui du locatif, et de l'enjeu régalien que constitue le logement des gendarmes.

Le recours, depuis 2007, aux marchés de partenariat pour les opérations immobilières d'envergure constitue une forme de troisième voie. Cette formule, nouvelle forme du partenariat public-privé, a l'avantage notable d'inclure d'emblée l'entretien et la maintenance dans le contrat, et de présenter un surcoût assez modeste par rapport au marché de travaux classique. De plus, elle est, d'un point de vue budgétaire, plus lissée : il n'est pas nécessaire, comme pour le marché de travaux, d'engager l'ensemble des crédits de paiement à la livraison. Mais elle ne peut pas être utilisée pour la construction des casernes ordinaires qui, de ce fait, constituent le principal point de vulnérabilité du parc.

Alors que les rapporteurs s'étaient déjà inquiétés, l'année dernière, d'un budget d'investissement (142,6 millions d'euros en AE et 126,7 millions en CP) déjà fort insuffisant au regard besoins estimés (voir encadré), ce budget est encore en baisse cette année, avec 62 millions d'euros en AE et 108,8 millions en CP. Il financera essentiellement des restes à payer de marchés de partenariat lancés en 2023, les travaux imprévisibles et urgents, la maintenance et, pour 2 millions d'euros, le lancement d'études pour de nouveaux marchés de partenariat :

· installations du GIGN et du GBGM à Satory,

· école d'officiers et quartier Lemaître à Melun,

· école de Dijon.

En d'autres termes, c'est une quasi-année blanche pour l'immobilier, alors que le parc domanial est vieillissant (50 ans en moyenne pour les logements, 57 ans pour les locaux de service et techniques).

Le sujet est d'autant plus important que les 239 nouvelles brigades, en particulier les brigades fixes, auront besoin de locaux, ce qui implique la capacité des collectivités d'accueil de mener à bien des projets de construction. Lors de son audition par l'Assemblée nationale, le directeur général de la gendarmerie nationale s'est montré optimiste sur ce point. Il semble qu'un relèvement de 15 % du plafond des loyers ait été obtenu auprès des services du ministère de l'économie et des finances, afin d'apaiser les tensions avec les promoteurs. Mais l'évolution des subventions d'investissement accordées aux collectivités territoriales qui financent de telles opérations (3,6 M€ en AE et 8,2 M€ en CP contre 10 M€ en AE et 6,8 M€ en CP dans le PLF pour 2023), ainsi que certains retours du terrain ne suggèrent pas de « décollage » sur ce plan.

2. Le fort ralentissement de l'investissement en moyens mobiles

En matière de moyens mobiles, 2024 sera l'année de l'arrivée des 58 derniers blindés Centaure, sur un total de 90 commandés à la société Soframe fin 2021. Le reste à payer du programme représente 21,7 millions d'euros dans le PLF pour 2024. Appelés à remplacer les anciens VBRG (véhicules blindés à roue de la gendarmerie), ces engins équipés de lance-grenades lacrymogènes télé-opérés et d'un système de détection des départs de coups de feu seront une aide précieuse pour les escadrons de gendarmerie mobile face aux violences urbaines ; mais ils peuvent également adaptés à la haute intensité. Le budget dédié aux moyens mobiles permettra, en sus, la commande de 99 véhicules de maintien de l'ordre (VMO).

En revanche, le fort ralentissement de l'effort sur les véhicules légers entamé en 2023, après trois années fastes, se confirme en 2024 : avec un budget de 49,1 millions d'euros en CP, contre 93,3 millions d'euros l'an dernier, seuls 500 véhicules pourront être acquis, alors que le rajeunissement de la flotte en réclamerait 3 7002(*). Déjà le budget prévu pour 2023 ne permettait d'acquérir que 2 000 véhicules, soit le total le plus bas depuis 2024, ce qui ne suffit qu'à maintenir le kilométrage moyen.

 

Véhicules réformés

Véhicules acquis

2010

2149

2264

2011

1967

1273

2012

1906

865

2013

1309

1333

2014

841

1444

2015

1905

2099

2016

2178

3302

2017

2788

2829

2018

3102

2782

2019

2609

2541

2020

2596

3453

2021

3163

3716

2022

3366

3736

2023 (au 31/08)

1143

1061

La trajectoire prévue par le rapport annexé de Lopmi, un renouvellement annuel d'environ 10 % jusqu'en 2027, n'est pas respectée.

Sur le plan des moyens aériens, il convient de relever un retard de 13 mois dans la livraison des hélicoptères H160 commandés à Airbus Helicopters, lié au développement des équipements de missions spécifiques aux opérations de sécurité publique. Par conséquent, les appareils ne seront livrés qu'au premier trimestre 2025. Pour les Jeux olympiques, la gendarmerie utilisera les EC135 et EC145 existants.

Au total, le fonctionnement et surtout l'investissement semblent donc avoir été les principales variables d'ajustement de ce budget. C'est d'autant plus regrettable que les données sont connues et le constat partagé. Dans une note thématique publiée en juillet 20233(*), la Cour des comptes notait ainsi : « Dans l'hypothèse où la trajectoire des crédits de personnel de la LOPMI ne serait pas suffisante pour financer toutes les promesses de recrutements et de revalorisations, le risque est élevé que le ministère de l'intérieur couvre les dépenses de personnel par des prélèvements sur les crédits en matière d'investissement et de fonctionnement. » Les craintes se sont malheureusement confirmées.


* 2 Cette estimation est établie de la manière suivante : le parc compte environ 30 000 véhicules qu'il faudrait, idéalement, renouveler tous les huit ans. Chaque année, un huitième du parc, soit un peu plus de 3 700 véhicules, devrait donc être renouvelé.

* 3 « Les forces de sécurité intérieure : des moyens accrus, une efficience à renforcer », Contribution à la revue des dépenses publiques.

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