II. TRANSPORT FERROVIAIRE : DES INVESTISSEMENTS EN HAUSSE, MAIS UNE TRAJECTOIRE À PRÉCISER POUR INVERSER, À TERME, LA SPIRALE DE PAUPÉRISATION DU RÉSEAU

A. DES EFFORTS À CONSOLIDER SUR LE TEMPS LONG POUR PRÉSERVER LE RÉSEAU FERROVIAIRE

3,1 Md€

+ 300 M€

 

Budget de renouvellement
de SNCF Réseau
pour 2024

 

Par rapport à la trajectoire du contrat de performance

La commission salue l'augmentation prévue par le PLF pour 2024 des crédits et des fonds de concours alloués au renouvellement du réseau ferroviaire, qui se traduit dans le budget de renouvellement de SNCF Réseau.

Un effort de 300 M€ en matière de régénération et de modernisation est en particulier consenti à la suite des annonces de la Première ministre, avec l'objectif d'investir, d'ici la fin du quinquennat, 1,5 Md€ par an supplémentaire pour le réseau.

Ces avancées sont particulièrement bienvenues, compte tenu de l'accélération du vieillissement du réseau, qui se traduit notamment par une diminution tendancielle de l'indice de la consistance de la voie (ICV), qui reflète l'âge moyen relatif de la voie au regard de sa durée de vie théorique (un tronçon neuf a une valeur de 100 et un actif en fin de vie prend la valeur 10).

Source : Autorité de régulation des transports

Pour autant, tout porte à croire que cette augmentation des moyens n'est toujours pas à la hauteur de l'ambition française pour le transport ferroviaire.

· D'abord, le contexte actuel d'inflation renchérit fortement les coûts d'entretien et de régénération du réseau ainsi que les charges d'exploitation de SNCF Réseau. Ainsi, pour la seule année 2022, l'indice du prix de l'acier pour la construction a augmenté de 19 %. Aussi, les 300 M€ supplémentaires doivent être mis en regard de l'impact de l'inflation sur les comptes de SNCF Réseau, qui pourrait atteindre plus de 500 M€ pour l'année 2023.

· Ensuite, il est probable, comme ce fut le cas pour le plan de relance, que les enveloppes supplémentaires soient mobilisées pour financer le rattrapage d'investissements pluriannuels, notamment en faveur des trains Intercités, qui pâtissent de conditions d'exploitation particulièrement dégradées.

· Enfin, les montants alloués à la modernisation du réseau, et plus particulièrement au déploiement du système de gestion du trafic européen (dit ERTMS) et de la commande centralisée du réseau (CCR), ne sont, pour l'heure, pas en mesure de permettre à la France de rattraper le déficit d'investissement accumulé.

Compte tenu du retard pris par la France en matière de modernisation du réseau, la commission a adopté un amendement II-691 du rapporteur visant à allouer 100 millions d'euros supplémentaires à ce chantier.

En définitive, 2024 sera une année décisive pour le réseau ferroviaire. Elle marquera soit un virage salutaire qui permettra de rompre la spirale de dégradation du réseau, soit la poursuite de la paupérisation du réseau et du décrochage de la France par rapport à ses voisins européens.

La « nouvelle donne ferroviaire », dotée de 100 milliards d'euros d'ici 2040 et annoncée en février dernier par la Première ministre à la suite de la remise du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures, laisse espérer que c'est bien la première option que privilégie le Gouvernement. Cela étant, ce scénario, et plus largement l'atteinte de nos objectifs de développement du mode ferroviaire, supposent de réunir trois conditions.

1) Définir une trajectoire claire de financement de long terme

Le transport ferroviaire repose sur une infrastructure particulièrement complexe qui doit pouvoir compter sur une vision industrielle de long terme. Or, le rapporteur a pu constater au cours de ses auditions préparatoires que ni le gestionnaire d'infrastructure, ni les opérateurs ferroviaires, ni les régions, pourtant au coeur de la mise en oeuvre de la politique ferroviaire, ne connaissaient à ce jour la ventilation ni les modalités de financement des 100 Md€ déployés d'ici 2040.

Afin de donner la visibilité nécessaire aux acteurs, la commission a adopté un amendement prévoyant la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, avant le 30 juin 2024, clarifiant les modalités de financement des 100 Md€ prévus au profit du ferroviaire dans le cadre du « Plan d'avenir pour les transports » annoncé par la Première ministre en 2023.

Le financement des 300 M€ supplémentaires prévus pour 2024 pour le réseau ferroviaire (enveloppe qui devrait atteindre 1,5 Md€ d'ici 2027) repose pour l'heure sur l'affectation d'un montant complémentaire de dividendes versés par la SNCF, qui sont principalement issus des bénéfices de SNCF Voyageurs. Or, ainsi que le relève l'Autorité de régulation des transports (ART), cette situation conduit, dans un contexte d'ouverture à la concurrence, à créer un lien de dépendance entre le gestionnaire d'infrastructure et l'entreprise ferroviaire historique. En outre, et compte tenu non seulement de ses résultats fluctuants mais aussi de ses propres besoins d'investissement, il serait peu opportun de faire reposer l'ensemble des nouveaux investissements seulement sur la SNCF.

2) Réviser le contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État

Avant même sa signature, au printemps 2021, la commission a alerté sur les insuffisances majeures et l'absence de vision du nouveau contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État. Ce contrat fera l'objet d'une actualisation en 2024, à laquelle devrait être annexé, comme le prévoit la proposition de loi relative aux Serm, le programme des investissements sur le réseau. Cette nouveauté, introduite à l'initiative du Sénat, permettra très certainement de renforcer la transparence quant aux perspectives de travaux sur le réseau.

3) Donner au régulateur les moyens d'exercer ses missions

Année après année, la commission s'inquiète des moyens limités accordés à l'ART, dont le rôle est pourtant primordial pour le bon fonctionnement du système ferroviaire et la conduite, dans de bonnes conditions, de l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs. L'année 2024 ne fait malheureusement pas figure d'exception : malgré une augmentation de la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'ART de l'ordre de 1 M€, l'enveloppe reste largement insuffisante au regard des besoins, de telle sorte que le régulateur doit prélever sur son fonds de roulement. Ce fonds est aujourd'hui asséché, ce qui menace la capacité de l'Autorité à investir et à aller au contentieux dans le cadre de ses missions.

Afin de donner davantage de marges de manoeuvre à l'ART et de lui permettre d'exercer toutes ses missions en toute indépendance, la commission a adopté un amendement II-690 visant à augmenter sa SCSP de 1 M€ supplémentaires.

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