B. UNE TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE POUR QUELLE STRATÉGIE ?

1. Des COM toujours en attente

Prévus à l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les contrats d'objectifs et de moyens des sociétés de l'audiovisuel public sont transmis avant leur signature aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'à l'Arcom. Les commissions sont invitées à formuler un avis sur ces COM dans un délai de six semaines. L'Arcom formule un avis sur les COM de France Télévisions (FTV), Radio France et France Médias Monde dans un délai de quatre semaines.

En janvier 2021, la commission a donné un avis défavorable à l'adoption des COM 2020-2022 (à l'exception de celui d'Arte France) au motif qu'ils ne prévoyaient aucune stratégie claire et qu'ils se limitaient à prolonger la mise en oeuvre des initiatives déjà engagées. L'an dernier, le gouvernement a fait le choix de prolonger d'un an ces COM en actualisant leurs objectifs : en l'absence de clarification stratégique, la commission a, de nouveau, donné un avis défavorable aux avenants proposés.

Cette prolongation d'un an aurait dû être mise à profit pour mener une réforme d'envergure du financement et de la gouvernance, ce qui n'a pas été le cas. Les projets de COM étaient attendus pour la fin 2023 mais il apparaît aujourd'hui qu'ils ne seront probablement pas transmis avant le premier trimestre 2024, en vue d'une adoption définitive au printemps, soit après le début de la période sur laquelle ils s'appliquent.

2. Une absence de décision sur le financement de l'audiovisuel public

L'article 6 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a supprimé, à compter du 1er janvier 2022, la contribution à l'audiovisuel public. Pour mémoire, la redevance avait été créée en 1933 pour financer la radiodiffusion, avant d'être étendue en 1949 aux postes de télévision. Au moment de sa suppression, son montant était de 138 euros dans l'Hexagone et de 88 euros outre-mer. La CAP soulevait trois types de difficultés : elle voyait son fait générateur s'éloigner de la réalité des usages, elle tenait insuffisamment compte des capacités contributives des redevables et, enfin, son mode de collecte (adossé à la taxe d'habitation) était appelé à disparaître. Le projet initial du gouvernement prévoyait la suppression du compte de concours financiers et la création, en lieu et place, d'une mission au sein du budget général. Le débat parlementaire a conduit au maintien du compte de concours financier, une fraction du produit de la TVA venant se substituer à la CAP.

Ce mode de financement ne peut toutefois être que provisoire. En effet, la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a introduit dans la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) la disposition suivante, applicable à compter de 2025 : « Les impositions de toutes natures peuvent être directement affectées aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics et aux organismes de sécurité sociale (...). [Elles] ne peuvent (...) être affectées à un tiers autre (...) et leur affectation ne peut être maintenue que si ce tiers est doté de la personnalité morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. ». Les recettes de TVA n'ayant pas de lien particulier avec les missions du service public de l'audiovisuel, le mode actuel de financement de l'audiovisuel public sera illégal à compter de la loi de finances pour 2025.

En l'absence de modification de la LOLF, le seul mode de financement possible sera la budgétisation. Pour le rapporteur, ce serait un contresens historique alors que nous avons plus que jamais besoin de médias de service public indépendants.

Certes, en cas de budgétisation, des aménagements seraient possibles, afin de préserver les enveloppes des entreprises de l'audiovisuel public de toute mise en réserve et mesures de régulation (versement en début d'année pour le montant voté en loi de finances).

Alors que les opérateurs considèrent le mode de financement actuel comme satisfaisant, beaucoup craignent une budgétisation en termes d'image et de crédibilité, notamment à l'international. C'est notamment le cas pour Arte et France Médias Monde.

Les députés Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier ont déposé une proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public, tendant à pérenniser le mode de financement par la TVA, tout en prévoyant un financement particulier par prélèvement sur recettes pour Arte.

Là encore, cette situation provisoire, qui dure depuis 2022, n'est pas satisfaisante.

3. Une réorganisation de l'audiovisuel public ajournée

L'abandon de l'examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle en mars 2020 a ajourné le regroupement de l'audiovisuel public qui avait pourtant été engagé par le gouvernement dans le prolongement des recommandations du rapport du Sénat de septembre 2015 de Jean-Pierre Leleux et André Gattolin. Ce projet de loi prévoyait la création d'une holding. La mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'avenir de l'audiovisuel public a récemment recommandé un dispositif similaire.

La proposition de loi déposée au Sénat par Laurent Lafon a repris ce projet de holding, baptisée France Médias, structure légère et stratégique, de nature à permettre un regroupement des forces de l'audiovisuel public en accélérant les convergences et coopérations existantes. Le 13 juin 2023, le Sénat a adopté cette proposition de loi.

Un projet ambitieux pour l'audiovisuel public doit en effet associer une clarification stratégique, la pérennisation d'un financement qui soit gage de crédibilité, et un regroupement des forces de l'audiovisuel public, grâce à une réforme de sa gouvernance.

Partager cette page