IV. UN JOUR SANS FIN : L'ÉTERNELLE SITUATION CRITIQUE DE LA DISTRIBUTION

A. UN DUOPOLE MORTIFÈRE

Dépenses de l'État pour Presstalis, puis France Messagerie depuis 2012

 
 

Dans ce qui semble être un remake du classique du cinéma « Un jour sans fin9(*) », le rapport pour avis est chaque année l'occasion de rappeler la situation toujours complexe et critique du secteur de la distribution. Le rapporteur, qui évoque ce sujet pour la septième année consécutive, ne peut que déplorer l'éternel enlisement du dossier, qui, l'expérience le montre, débouche mécaniquement sur une crise, résolue tout aussi mécaniquement par des subventions massives et une ponction sur l'ensemble de la presse. De ce point de vue, la loi du 18 octobre 2019 de modernisation de la distribution de la presse, dont le rapporteur pour avis était rapporteur10(*), n'a pas permis de stabiliser un système de distribution largement hérité de la Libération.

Pour mémoire, la distribution de « niveau 1 » est assurée par deux messageries :

Ø France Messagerie

Le groupe Presstalis, entreprise de messagerie de presse privée, était jusqu'à sa liquidation en juillet 2020, l'un des principaux acteurs de la distribution de la presse en France et, de fait, le seul opérateur de distribution de la presse quotidienne nationale. Les rapports des années précédentes ont suffisamment évoqué sa longue chute, jusqu'à la cessation de paiement de Presstalis en 2020 et la création de France Messagerie.

En 2022, France Messagerie présente un résultat positif de 4,9 millions, qui repose sur les aides à la distribution (27 millions d'euros) et une péréquation de près de 9 millions d'euros. Il est encore aujourd'hui le seul opérateur à distribuer les flux « chauds », à savoir la presse quotidienne nationale.

Durant les dernières années, la nouvelle direction de France Messagerie a réalisé un travail impressionnant de rationalisation et d'amélioration des performances. La société opère cependant une grande partie de son activité, qui justifie les soutiens publics, dans un marché des quotidiens nationaux qui perd entre 6 % et 9 % de ses ventes chaque année.

Ø Les Messageries lyonnaises de presse (MLP)

Les MLP ont développé leur activité sur des publications à périodicité lente et à fort prix de vente. À la suite des bouleversements du paysage de la distribution intervenus à l'été 2020, les MLP sont devenues l'acteur de référence de la distribution de la presse au numéro, représentant désormais 65 % du marché avec un résultat positif de 5,4 millions d'euros en 2021.

Un avis surprenant de l'Arcep

L'Arcep a rendu le 16 février 2023 un avis sur les conditions tarifaires présentées par les MLP. Dans cet avis, l'Arcep ne formule pas de remarques quant aux évolutions tarifaires et au passage de cinq à quatre jours de livraison des dépositaires par les MLP. Le rapporteur estime surprenante cette absence de remarque. La stabilité des prix, dans un contexte de forte inflation, améliore certes l'attractivité de la société pour ses clients, mais s'effectue au détriment de l'ensemble de la chaine de valeur, dont les dépositaires de niveau 2. Par ailleurs, la réduction de jours de livraison aurait mérité un dialogue plus abouti avec les marchands de presse et les dépositaires centraux.

Aujourd'hui comme hier, ce duopole a des conséquences mortifères.

Dans un marché structurellement en baisse, la croissance ou le simple maintien du chiffre d'affaires ne peut être obtenu que par des baisses de charges ou bien la conquête de nouveaux clients arrachés au concurrent. Il en résulte une situation où les deux entreprises sont incitées à proposer les meilleures offres aux éditeurs, au prix d'un barème susceptible de les fragiliser. L'Arcep a ainsi dû rappeler à l'ordre chacune de ces messageries quatre fois sur leurs tarifs, s'inquiétant en particulier des « remises » consenties aux plus gros éditeurs qui remettent en cause le sens même de la distribution mutualisée.


* 7 Proposition n° 27.

* 8 Proposition n° 28.

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