IV. LE LOGICIEL PARCOURS : UNE MISE EN oeUVRE AUSSI URGENTE QUE CONTRARIÉE

Déjà étudié par Maryse Carrère à l'occasion de son avis sur le projet de loi de finances pour 2023, l'applicatif PARCOURS doit permettre à terme d'assurer le suivi de tous les mineurs confiés à la PJJ, de recenser tous les actes pris à leur égard par l'ensemble des acteurs compétents (magistrats, associations du SAH, éducateurs et personnels administratifs), y compris en ce qui concerne le suivi en réinsertion à la sortie des services et établissements de la PJJ. Les objectifs de ce projet sont multiples, puisque PARCOURS doit :

- garantir une centralisation du parcours judiciaire et éducatif des mineurs suivis ;

- assurer une gestion nativement dématérialisée et décentralisée des dossiers, dans l'objectif de sécuriser les échanges d'informations et de faciliter la communication entre les professionnels de la PJJ et les autres intervenants ;

in fine, permettre de bâtir des indicateurs qui eux-mêmes permettront d'évaluer l'efficacité des mesures et des peines prononcées en fonction des profils des mineurs, des types de parcours et de la nature des suivis mis en place.

Une première version de PARCOURS a été mise en service en mai 2021 ; elle n'est pas directement ouverte aux personnels du SAH (les données relatives aux jeunes suivis dans les structures gérées par des associations doivent par conséquent être « re-saisies » par des agents de la PJJ), ce qui constitue une lacune importante. La centralisation et l'analyse des données sont renvoyées à un nouvel infocentre « InfoDPJJ » qui ne sera opérationnel qu'à l'aboutissement du travail, toujours en cours, de reprise des bases de données depuis 2004.

Le total des dépenses engagées à date pour PARCOURS, InfoDPJJ et l'accompagnement au changement est non-négligeable : entre 2021 et 2023, il s'est élevé à plus de 10 millions d'euros.

Ces dépenses n'ont couvert qu'une partie de la première phase du projet, non encore achevée et à laquelle doivent succéder deux autres phases de développement. Ainsi, le déploiement de la seconde version du logiciel (qui doit, notamment, apporter de nouvelles fonctionnalités, permettre une dématérialisation « native » des documents produits par la PJJ et des process de communication, de signature et de validation, et élargir le champ de PARCOURS pour y intégrer « des indicateurs concernant l'évolution des jeunes au cours de la prise en charge selon des critères sociaux, scolaires, de formation, de santé ou relationnels ») a été reporté à 2024 ; ce report s'explique, selon le ministère, par la conduite de travaux complémentaires sur les analyses de risques, par l'homologation en matière de sécurité informatique et par la mise en conformité de l'outil aux règles issues de loi « informatique et libertés » et du RGPD.

À l'issue de cette deuxième phase, donc à compter de 2025, un important chantier doit être conduit pour assurer la dernière étape du projet, à savoir l'interconnexion entre PARCOURS et les systèmes d'information judiciaires et pénitentiaires pertinents. Au vu de l'état notoirement dégradé des systèmes d'information du ministère de la justice, cette interconnexion ne sera pas une simple formalité.

Dans le même temps, la DPJJ prévoit l'ouverture d'un accès direct à PARCOURS aux services du SAH. Les représentants du SAH auditionnés par la rapporteure se réjouissent de cette extension, qui leur paraît le gage d'un travail plus collaboratif. Cet état d'esprit positif contraste avec le discours des organisations syndicales qui, à l'inverse, ont fait part à la rapporteure de leurs vives inquiétudes, PARCOURS leur semblant tout à la fois un outil lourd, inutilement chronophage, affecté par des bugs et perpétuellement en maintenance, et le signe d'une gestion purement comptable de la PJJ dans la mesure où le logiciel serait utilisé pour dimensionner les postes ouverts dans chaque structure du secteur public, sans pour autant avoir été calibré pour prendre en compte la complexité des profils des mineurs et la lourdeur des suivis associés. Quant à la DPJJ, elle impute l'ensemble des difficultés rencontrées à un déficit d'appropriation des utilisateurs ; Philippe Clergeot, secrétaire général adjoint du ministère de la justice a en outre estimé, au cours de son audition, que la recommandation de la Cour des comptes tendant à une reprise en main du projet PARCOURS par le secrétariat général était fondée sur une mauvaise compréhension du logiciel et a indiqué que le ministère n'entendait pas y donner suite.

La date visée pour l'achèvement complet du déploiement du logiciel n'a pas été précisée par le ministère à la rapporteure ; ce chantier pourrait, d'après la Cour des comptes11(*), durer jusqu'en 2032.

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La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » inscrits au projet de loi de finances pour 2024.


* 11 Rapport précité.

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