III. CONFORTER LA COMPÉTITIVITÉ DES GRANDS OPÉRATEURS FRANÇAIS

A. L'ÉLECTRICITÉ

1. La levée de l'obligation d'achat d'électricité par EDF

Rappelons que la loi de nationalisation de l'électricité et du gaz du 8 avril 1946 laisse la possibilité d'un développement de moyens de production d'électricité par des producteurs indépendants, lorsque la puissance de l'outil de production est inférieure à 8 mégawatts.

Dans ce cadre, le décret du 20 mai 1955 impose à EDF l'obligation de passer des contrats d'achat pour l'électricité produite par ces producteurs, à un tarif d'achat calculé à partir du tarif de vente de l'électricité.

1993 et 1994 ont vu un développement significatif de petits groupes diesel de pointe, pour vendre à EDF de l'électricité produite pendant les 22 jours de pointe du tarif, évaluée par EDF à 300 mégawatts pour le seul hiver 1993/1994.

Or, le parc centralisé étant en suréquipement, le développement de la production autonome est aujourd'hui superflu et induit d'importants surcoûts.

L'achat du courant produit par l'ensemble des installations existantes et des projets déjà autorisés représente, en effet, pour l'établissement un coût de 500 millions de francs.

Ce décret de 1955 prévoit la possibilité de lever l'obligation pour EDF de passer des contrats d'achat, en cas de surcapacité du parc.

Par un décret du 20 décembre 1994, le Gouvernement a donc pris la décision de suspendre provisoirement cette obligation, pour une durée de trois ans, à trois exceptions près, concernant la production d'électricité à partir de la cogénération, des énergies renouvelables et des déchets.

Le Gouvernement souhaite, en effet, encourager ces sources d'énergie.

Il faut rappeler, d'une part, que cette obligation subsiste pour l'électricité produite par les usines existant avant 1946 ; d'autre part, que la limitation de puissance des installations dont les propriétaires souhaitent vendre du courant à EDF est maintenue à 8 mégawatts (à l'exception des usines d'incinération d'ordures ménagères, non limitées en puissance).

Cette mesure a pour double avantage d'endiguer la multiplication non contrôlée et coûteuse des centrales privées, sans décourager des modes de production porteurs d'avenir.

2. Les résultats d'EDF en 1994

a) 1994 : une année satisfaisante

La quasi stagnation du chiffre d'affaires d'EDF en 1994 (183,3 milliards de francs, contre 183,6 milliards en 1993) résulte en large partie de la clémence du climat, compensée par l'amorce de reprise économique.

Elle a permis de préserver un résultat de près de 3,2 milliards de francs, proche de celui enregistré en 1993. Après rémunération de l'État, ce bénéfice net s'élève à 1.938 millions de francs.

Dans ce contexte, l'entreprise publique a pu faire progresser d'environ 7% par rapport à 1993 et poursuivre son désendettement (- 18,4 milliards de francs).

b) Un bilan positif de la deuxième année d'exécution du contrat de plan

ï Sans être exhaustif, on soulignera que, s'agissant des objectifs financiers, l'effort de désendettement est plus fort que prévu (7 milliards de francs de plus que les prévisions sur deux ans). Le niveau moyen des tarifs a enregistré une baisse de 1,25 % en termes réels, conforme aux objectifs du contrat de plan.

ï Des résultats satisfaisants ont été enregistrés dans le domaine de l'exploitation et de la disponibilité du parc nucléaire, ainsi qu'en matière de réseaux de distribution et de qualité (diminution des temps moyens de coupure, du nombre de clients mal alimentés (-21%), contrat « Émeraude »....).


• EDF poursuit ses engagements en matière d'environnement et concernant ses activités à l'international.

À cet égard, les exportations d'électricité ont dégagé un solde net en progression de 7 % (à 15,2 milliards de francs).

3. 1995 : une année marquée par les importants prélèvements financiers opérés par l'État


• Outre le versement à l'État d'un taux d'intérêt de 5 % sur les dotations en capital et d'un dividende, diverses décisions prises en 1994 et 1995 ont accru le poids des prélèvements sur EDF et, dans une moindre mesure, sur GDF :

- création d'une nouvelle taxe hydraulique pour financer un fonds d'investissement des transports terrestres (1 milliard de francs en 1995),

- participation d'EDF à une société destinée à financer la réalisation du canal Rhin-Rhône ;

- majoration des dividendes d'EDF (et de GDF) pour compenser des exonérations de charges publiques sur la Poste et le CNES ;

- majoration de TVA compensée par une baisse correspondante des tarifs hors taxes (2 milliards de francs en 1995) ;

- mobilisation d'EDF pour financer des aménagements hydrauliques d'intérêt énergétique accessoire.

Un récent rapport de la direction du gaz, de l'électricité et du charbon (DIGEC) du ministère de l'Industrie dénonce les effets négatifs de l'accroissement de ces prélèvements, qui sont parfois sans lien avec les missions de l'entreprise : impact négatif sur les investissements, ainsi que sur l'objectif de désendettement, la clarté des rapports de tutelle avec un État à la fois « prédateur » et garant de la rigueur financière et la motivation de l'entreprise.

On peut, il est vrai, souligner que l'intervention de l'État sur l'entreprise est la contrepartie du caractère public de celle-ci et de sa nécessaire contribution aux préoccupations de service public, d'intérêt général et d'ordre social.

La DIGEC recommande cependant, afin d'éviter de tels effets pervers, d'instaurer :

- une meilleure coordination des interventions de l'État vis-à-vis de l'entreprise ;

- une gestion encore plus rigoureuse des contrats de plan, de façon à faire bénéficier davantage le consommateur des marges financières non imputables à la bonne gestion de l'entreprise.

Votre commission estime que les opérateurs publics doivent surtout bénéficier d'une stabilité des règles du jeu.


• Dans ce contexte, EDF devrait dégager un bénéfice net de 1 milliard de francs, les prélèvements de l'État devant atteindre 3 milliards de francs.

Avant prélèvements et avec une comptabilité établie sur les mêmes bases que l'année précédente, la dette de l'entreprise devrait être ramenée à 145 milliards de francs fin 1995, grâce notamment au bon niveau des exportations, mais aussi à un tassement des investissements.

Cependant, la Haute Assemblée vient de voter une augmentation de 600 millions de francs du produit des participations de l'État dans les entreprises non financières, dont la majeure partie serait imputée à EDF, ceci sans compter le prélèvement supplémentaire prévu par la prochaine loi de finances rectificative.

4. Les règles concernant la diversification des activités des entreprises publiques sont précisées

EDF et GDF ont développé, au cours de ces dernières années, une stratégie d'intervention dans un certain nombre de secteurs ouverts à la concurrence : l'ingénierie, le traitement des déchets, la cartographie, l'éclairage public, les réseaux câblés, la télésurveillance pour EDF, le secteur thermique et climatique pour GDF.

Ces secteurs, dont les marchés concernent essentiellement des PME-PMI, représentent un enjeu significatif : 200.000 emplois pour un chiffre d'affaires global de 200 milliards de francs. La pénétration d'EDF et de GDF sur ces marchés, qui s'étage entre 1 % (l'ingénierie), 5 % et exceptionnellement 26 % (valorisation énergétique des déchets ménagers), a provoqué de vives protestations des professionnels concernés.

Celles-ci ont suscité des réflexions et une concertation, qui ont débouché sur des décisions que l'on peut juger équilibrées.

Il faut rappeler que cet important dossier avait donné lieu à :

- un rapport de l'inspection générale de l'industrie et du commerce, en février 1994 (rapport Guillet) ;

- un avis du Conseil de la concurrence, du 10 mai 1994, précisant les principes à respecter -notamment la transparence- par les entreprises publiques, pour que la diversification de leurs activités n'altère pas le jeu normal de la concurrence ;

- un avis du Conseil d'État, du 7 juillet 1994, sur la conformité des activités en cause avec le principe de spécialité.

En vertu de ce principe, un établissement public en situation de monopole, ne peut intervenir dans des activités extérieures à la mission pour laquelle il a été créé qu'à une double condition :


d'abord, que ces activités annexes soient le complément normal de sa mission principale ;


• ensuite, que ces activités soient à la fois d'intérêt général et directement utiles à l'établissement. C'est le cas si ces activités favorisent, par exemple, l'adaptation à l'évolution technique, le savoir-faire du personnel, la recherche, la valorisation des compétences et de tous les moyens mis au service de l'activité principale.

Par conséquent, le respect du principe de transparence impose « une séparation étanche entre les activités liées au monopole et celles relatives à la diversification », à travers la création de holding spécialisées, autonomes, garantissant une transparence totale des comptes et des activités.

Les filiales doivent intervenir dans des conditions comparables à celles des autres entreprises du secteur.

Dans leur action commerciale, ces filiales ne peuvent ni utiliser l'image de l'entreprise publique, ni s'appuyer sur les agences d'EDF-GDF Services ou sur les informations qu'elles détiennent.

Les contrats avec la maison mère ne doivent comporter aucun avantage particulier. Enfin, dans ces opérations en partenariat, il faut privilégier la complémentarité avec les PME locales en France et avec les entreprises françaises du secteur dans les actions à l'étranger.

Ces principes ont été affirmés dans un document ministériel d'avril 1995. En outre, le Gouvernement a mis en place, en février dernier, un Observatoire de la diversification qui comprend huit représentants des professions concernées, deux représentants des entreprises publiques concernées et quatre représentants de l'administration. Cet observatoire a pour mission d'examiner les conditions d'intervention d'EDF, de GDF et de leurs filiales sur les marchés concurrentiels et de s'assurer du respect, par ces entreprises, de leurs engagements. Ceux-ci ont vocation à être intégrés aux prochains contrats de plan d'EDF et contrat d'objectifs de GDF.

Certaines activités sont autorisées :

- le traitement des déchets (incinération avec récupération d'énergie), à l'exclusion cependant de la collecte et de la mise en décharge ;

- l'éclairage public ;

- l'ingénierie ayant un rapport avec l'activité principale d'EDF ;

- le génie thermique et climatique exercé par GDF.

D'autres secteurs d'activités se voient limités ou interdits :

- la cartographie ne peut se développer que pour les besoins propres d'EDF ;

- la télésurveillance et la domotique sont exclues.

Enfin, l'activité de vidéocommunication, c'est-à-dire l'exploitation des réseaux câblés, se poursuit mais devra faire l'objet d'un accord séparé avant la fin de l'année 1995.

Votre commission se félicite que des règles claires aient été ainsi établies. C'est en fixant des règles du jeu incontestables au regard du droit de la concurrence que l'on est le mieux à même de défendre le service public, notamment auprès des instances communautaires.

B. LE GAZ

1. L'approvisionnement en gaz

Les importations françaises de gaz, qui couvrent 90 % environ des ressources françaises, ont progressé de 2,7% en 1994, pour atteindre 26,6 millions de tonnes-équivalent-pétrole.

Les achats de gaz en provenance de Russie et des Pays-Bas sont restés stables ; ils représentent respectivement 36 % et 14 % des approvisionnements. En revanche, les importations de gaz algérien sont en recul de 11,6 % par rapport à l'année passée (soit 26 % du total), en raison des travaux engagés dans ce pays sur les unités de liquéfaction. La poursuite des travaux, en 1995, devrait aboutir à un nouveau recul cette année.

En contrepartie, les achats de gaz norvégien ont progressé de 22 %, en raison de la montée en régime du contrat Troll (1986), dont les premières livraisons ont débuté en 1993.

En outre, en début d'année 1995, GDF a conclu deux nouveaux contrats importants qui permettront de recevoir directement du gaz de Norvège, sans passer par les pays de transit.

La France poursuit donc sa politique de recherche de diversification et de sécurité dans ses approvisionnements de gaz. Ceci amène GDF à négocier des contrats d'approvisionnement de long terme (20 ans), avec des producteurs de plus en plus lointains.

2. Les résultats de GDF

a) 1994 : une année relativement bonne

En 1994, GDF a accru ses ventes de 2,3 % en année climatique moyenne. L'entreprise affiche des résultats satisfaisants, en dépit d'un climat économique morose et d'une baisse de son chiffre d'affaires de - 4 % (à 47 milliards de francs). Celle-ci a, en effet, été partiellement compensée par la diminution des prix d'achat du gaz naturel (sous l'effet de la baisse conjuguée des prix pétroliers et du cours du dollar) et par l'absence de dotations aux amortissements et provisions exceptionnels.

Cependant, cette situation a réduit la capacité d'autofinancement de GDF, qui a poursuivi son désendettement de - 2,6 milliards de francs, mais à un moindre niveau qu'en 1993. Sa dette d'emprunt est ainsi passée à 10,6 milliards de francs.

Le résultat net s'est élevé à 1.354 millions de francs, après la rémunération complémentaire de 971 millions de francs versée à l'État et un impôt sur les sociétés de 303 millions de francs. Il faut rappeler que GDF connaît un résultat bénéficiaire depuis 1991.

b) Les perspectives pour 1995

En 1995, le bénéfice prévisionnel est évalué à 3 milliards de francs, avant rémunération de l'État, et le désendettement pourrait s'élever à 2,8 milliards de francs.

3. La première année d'application du contrat d'objectifs

1994 marque la première année d'application du second contrat d'objectifs entre l'État et GDF, signé en mai 1994, et qui couvre la période 1994-1996.

Ce contrat traduit cinq grand enjeux assurer les approvisionnements de la France aux meilleures conditions de sécurité et de coût, affirmer la position de l'entreprise en France par l'excellence dans les métiers de base, poursuivre le développement dans le secteur de l'énergie et des services, concilier performance collective et performance individuelle et dégager les moyens financiers de son expansion.


• S'agissant de l'objectif de désendettement, le contrat d'objectif prévoit que le taux d'endettement 1 ( * ) doit être réduit de 263 % en 1993 à moins de 100 % en 1996. En passant à 192 % en 1994, il s'est donc notablement amélioré, même si ce désendettement est inférieur à l'objectif du contrat et à la performance de 1993.


L'objectif de productivité prévoit une baisse annuelle du coût du kilowatt/heure d'au moins 3 %, hors achats de gaz et en francs constants, sur la base d'une progression des ventes de 3 %.

Ce coût a fortement diminué en 1994 (de 4,2 % en francs constants), alors même que la croissance des ventes était inférieure à celle des années précédentes.


S'agissant des variations tarifaires, le contrat d'objectifs prévoit que les tarifs refléteront l'évolution des coûts d'approvisionnement et des gains de productivité, la moitié de ces gains annuels étant rétrocédée aux consommateurs par les ajustements tarifaires.

Conformément à ce principe, les tarifs domestiques ont été abaissés de 2 % au 1er mai 1994. Cette formule imposait également une baisse de 2 % au 1er novembre, qui a été différée au 1er janvier 1995, afin de la faire coïncider avec la hausse du taux de TVA sur les abonnements de gaz.


• L'État a été rémunéré conformément à l'objectif de rémunération de l'actionnaire : le taux d'intérêt sur les dotations en capital est de 5 %, complété éventuellement par un dividende, en fonction des résultats et notamment du désendettement.


• Enfin, l'objectif d'investissement prévoit que les investissements seront programmés à un rythme conforme à leur stabilisation en francs constants par rapport au niveau du programme en 1990.

Les investissements réalisés en 1994 ont été légèrement inférieurs aux enveloppes autorisées. Ils se sont élevés à 5,7 milliards de francs, dont 5 milliards d'investissements techniques et 0,7 milliard de participations financières, réalisées à l'international pour l'essentiel.

4. L'extension de la distribution de gaz aux communes non desservies

La desserte en gaz naturel est généralement considérée par les collectivités locales comme un élément favorable à leur développement économique. Cependant, cette énergie est substituable dans tous ses usages et n'est donc pas soumise à obligation de desserte. Contrairement à l'électricité, elle n'a donc pas vocation à desservir tout le territoire national et, en particulier, les zones où les coûts d'investissement, très importants en infrastructures de transport, ne sont pas compatibles avec des conditions de rentabilité acceptables.

Gaz de France dessert actuellement environ 5.700 communes, soit 9 millions de clients individuels ou collectifs. Au total, près des deux tiers de la population française sont situés dans une zone desservie au gaz. En outre, 20 % de communes supplémentaires peuvent envisager une desserte en gaz. Conformément au contrat d'objectifs 1994/1996, environ 650 communes nouvelles seraient raccordées, représentant une population d'un peu plus d'un million d'habitants.

L'article L.374-2 du code des communes, tel qu'il résulte de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, permet aux services locaux de distribution de gaz, en cours d'exploitation au 1er juillet 1991, de poursuivre de plein droit leur activité dans les limites territoriales que celle-ci couvrait à cette date. Cet article légalise donc les créations et extensions de régies réalisées illégalement depuis l'entrée en vigueur de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz et maintient le monopole de distribution de Gaz de France pour les nouvelles dessertes potentielles.

Par ailleurs, conformément aux engagements pris devant le Sénat, le 3 juillet 1991, le Gouvernement avait constitué un groupe de travail pour examiner les conditions de l'extension de la desserte en gaz naturel à des communes actuellement non desservies.

Les travaux du groupe de travail se sont concrétisés par une circulaire interministérielle du 17 février 1993.

Suite au vote de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, qui prévoit notamment la création du fonds national pour l'aménagement du territoire (FNADT), le ministre de ('Industrie a pris, le 5 mai 1995, une circulaire provisoire relative à la desserte en gaz de communes actuellement non desservies, à laquelle doit se substituer, après réexamen d'ensemble, un nouveau texte avant la fin de l'année 1995.

Cette circulaire prévoit :

- l'examen de l'opportunité de la desserte en gaz au regard du potentiel de développement, de la proximité du réseau de transport, du tissu économique local et des conséquences sur l'approvisionnement énergétique local. Le préfet mène, à cet effet, une phase de concertation et communique un schéma directeur aux différentes parties intéressées ;

- l'obligation du respect d'un critère de rentabilité économique prévisionnelle (rapport des bénéfices attendus sur les investissements prévisibles) qui doit être globalement supérieur à 0,3 dans la zone considérée et, en tout état de cause, jamais inférieur à zéro pour l'une quelconque des communes.

En cas de nécessité locale, des contributions peuvent être envisagées pour porter ce critère au niveau minimal requis.

Le total des subventions publiques (locales ou nationales) ne doit en aucun cas excéder 50 % du coût de l'opération.

En outre, le Gouvernement a engagé une réflexion sur le cas des communes se situant à proximité de communes desservies par des sociétés économie mixtes, régies ou services municipaux, assurant la distribution de gaz ou d'électricité.

C. LE PÉTROLE

1. Le secteur pétrolier en 1994

a) L'approvisionnement de la France en pétrole

Le marché pétrolier mondial est actuellement caractérisé par la faiblesse des cours du brut, une situation de surproduction malgré une forte demande mondiale et la prédominance des NON-OPEP par rapport à l'OPEP.

Dans ce contexte, les approvisionnements pétroliers de la France, en 1994 ont augmenté en volume (+ 2,1 millions de tonnes) du fait du niveau relativement élevé de l'activité économique mais, ils ont, en revanche, encore baissé en valeur (- 2,8 milliards de francs), en raison de la baisse conjointe du dollar (- 2 %) et du prix du baril (- 1,2 $).

La part de la production nationale reste stable, à 3,5 % de notre approvisionnement. Les importations en provenance d'Iran ont chuté, tandis que la part du Royaume-Uni a doublé depuis 1992 (à 10,3 %) et que la part de la Norvège a augmenté fortement durant la même période (à 13,1 %).

b) La politique pétrolière de la France

La politique du Gouvernement dans le domaine pétrolier poursuit quatre objectifs :

- garantir l'indépendance et la sécurité des approvisionnements. Ceci passe par la diversification de ces derniers et par le développement de la production nationale, qui doit donc être encouragée ;

- poursuivre l'effort de compétitivité en matière de raffinage, de qualité des produits et de distribution ;

- stimuler l'effort national de recherche. L'Institut français du pétrole, établissement professionnel créé en 1944, et le Fonds de soutien aux hydrocarbures contribuent à cet effort ;

- préserver l'environnement.

À cet égard, rappelons que le Gouvernement avait réduit la fiscalité sur les carburants sans plomb de 35 centimes hors TVA par litre à partir du 1er juillet 1989. Cette détaxe permet aux automobilistes de ne pas payer les essences sans plomb -dont les coûts de fabrication sont plus élevés- plus cher que les carburants plombés. On peut regretter que cette détaxe ait été ramenée à 26,28 centimes par litre en janvier 1995.

Enfin, les pouvoirs publics ont procédé à la réorganisation des stocks stratégiques de pétrole, avec la loi portant réforme du régime pétrolier, promulguée le 31 décembre 1992.

Le niveau des stocks ayant dépassé le seuil fixé pour le respect de nos engagements internationaux, le Gouvernement a récemment décidé d'abaisser le niveau de l'obligation nationale à 26 % des mises à la consommation, par arrêté, publié au Journal officiel du 16 juillet 1995.

c) Les mauvais résultats de l'industrie pétrolière


Les résultats financiers de l'industrie pétrolière pour 1994 sont mauvais pour l'ensemble de ces activités. En raffinage-distribution, les sept sociétés pétrolières les plus importantes ont perdu en France 239 millions de francs 1 ( * ) , alors qu'en 1993, elles avaient pu dégager un résultat positif de 2,2 milliards de francs. On peut citer deux raisons à cela : les marges de l'affinage se sont effondrées en 1994, retrouvant les très bas niveaux de 1992, et les marges de distribution sont restées les plus basses d'Europe, ce qui a entraîné la poursuite de la diminution du nombre de stations-service, (passé de 19.462 en 1993 à 19.013 en 1994). Néanmoins, en 1994, les sociétés ont investi 7,2 milliards de francs.


Les résultats financiers du premier semestre 1995 de l'industrie pétrolière sont également négatifs pour l'ensemble de ses activités. En raffinage-distribution, les sept sociétés pétrolières ont perdu en France 1,017 milliard de francs 2 ( * ) . Ramenée à la tonne de produit vendu, la perte s'élève à 21 francs. Les raisons en sont les mêmes que l'année précédente : outre les basses marges de distribution, les marges de raffinage se sont encore effondrées par rapport à 1994, se situant en moyenne à 57 francs par tonne, alors que l'équilibre économique se situerait au minimum à 100 francs par tonne.

2. Les difficultés rencontrées par l'industrie pétrolière

Confrontée à une situation économique et financière difficile dans l'exploration-production, le raffinage et la distribution, l'industrie pétrolière française a élaboré dans un Livre Blanc à l'attention des pouvoirs publics. Ce dernier recense l'ensemble des difficultés rencontrées par le secteur et propose des remèdes dans le but d'éviter la délocalisation des activités, d'encourager l'investissement et de sauvegarder l'emploi sur le territoire national.

a) Le domaine de l'exploration-production

L'industrie pétrolière souligne la nécessité de poursuivre l'adaptation de la fiscalité de l'exploration-production pour relancer l'activité de recherche de pétrole en France. Elle propose notamment de :

- supprimer le prélèvement sur la production de pétrole brut pour les nouveaux gisements et les nouveaux puits sur des gisements reconnus ;

- aménager le régime de la provision pour reconstitution de gisements (PRG) ;

- modifier le dispositif des redevances départementales et communales des mines (RDCM), en supprimant leur indexation pour les gisements mis en production avant 1992.

À cet égard, on ne peut que regretter un amendement adopté par l'Assemblée nationale dans le projet de loi de finances pour 1996, qui conduit à un fort alourdissement de ces redevances. La Commission des Affaires économiques et la commission des finances ont déposé des amendements qui ont aboutit à la suppression de cet article par le Sénat.

b) La situation préoccupante du raffinage


• Comparé aux autres pays européens, le raffinage français est handicapé par une structure de marché particulière avec, en premier lieu, la part grandissante du gazole, liée à l'évolution de la fiscalité sur les carburants.

- La France est le pays où la différence de prix à la pompe entre le supercarburant sans plomb et le gazole est la plus élevée (1,80 F/litre). Par ailleurs, la part de gazole atteint 55 % de la consommation de carburant et la « diésélisation » du parc de voitures particulières progresse (50 % des nouvelles immatriculations).

À l'horizon de dix ans, cette évolution conduirait, si elle devait se poursuivre, à une baisse de plus d'un tiers de la consommation d'essence et au doublement de la consommation de gazole des véhicules particuliers. Or, cette situation est en inadéquation avec la capacité des raffineries. Ce déséquilibre entre l'offre et la demande entraîne des excédents d'essence -rappelons que les investissements pour les supercarburants sans plomb se sont élevés à 4,9 milliards de francs pour la période 1991-1994-, et un déficit de gazole et de fioul domestique. Il faut donc importer une partie importante de ces produits, alors même que l'industrie française -et européenne d'ailleurs- du raffinage est excédentaire.

Sur les vingt dernières années, la capacité de raffinage en France a été réduite de moitié, avec notamment la fermeture de onze raffineries, alors que la consommation pétrolière ne chutait que de 30 %. D'exportatrice de produits finis, l'industrie du raffinage est devenue importatrice nette à hauteur de 9 millions de tonnes par an.

- En second lieu, il faut souligner le déclin constant de la demande en fioul lourd. Celle-ci est exceptionnellement basse, compte tenu du programme nucléaire qui a supprimé le débouché des centrales électriques (le marché du fioul lourd a été divisé par sept en vingt ans) et de la « discrimination » 1 ( * ) , notamment fiscale, entre fioul et gaz naturel, dénoncée par les professionnels du secteur.


Pour remédier à cette situation, l'industrie pétrolière propose, notamment :

- la mise en oeuvre d'une politique de long terme clairement définie, concernant les écarts de fiscalité entre les différents carburants, avec retour à une incitation fiscale raisonnable en faveur du supercarburant sans plomb, avec la réduction de la TIPP sur le gaz de pétrole liquéfié (GPL) carburant et en visant à une harmonisation européenne pour l'ensemble des produits. Elle propose, dans ce cadre, d'envisager un système de restitution partielle de la TIPP sur le gazole au profit des transporteurs routiers ;

- la « suppression des distorsions de concurrence » (1) avec, en particulier, l'harmonisation progressive de la TIPP sur le fioul domestique et de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) dans le secteur domestique et un arrêt des actions tendant à promouvoir les énergies concurrentes du fioul ;

- pour les usages industriels, le respect d'une neutralité fiscale entre toutes les énergies -fioul, gaz naturel, charbon et électricité-, avec notamment la taxation au même niveau du gaz naturel et du fioul lourd.

- Enfin, les professionnels estiment que, par rapport à la moyenne des pays européens, le raffinage français supporte des surcoûts de près de un milliard de francs, liés aux coûts salariaux (en raison des charges sociales), aux taxes (essentiellement taxe professionnelle), aux frais portuaires globaux et à l'obligation de pavillon.


Un pas dans leur direction vient d'être franchi, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 1996, avec la décision de l'Assemblée nationale, qui vient d'être confirmée par le Sénat, de diminuer de 1 franc par litre les taxes sur le GPL carburant, pour le ramener à 2,50 francs, ce qui permettra à la France de rejoindre la moyenne européenne.

Votre commission se félicite de cette disposition, dont le coût est évalué à environ 40 millions de francs pour le budget de l'État. Rappelons qu'après un démarrage prometteur au début des années 1980, ce carburant avait presque disparu de France, victime d'une fiscalité dissuasive et de fortes contraintes techniques. À l'heure actuelle, 700 stations-services alimentent 20.000 véhicules. C'est peu. Il faut espérer que ce signal fiscal permettra un développement de la consommation de GPL carburant. Ce dernier présente, en effet, des atouts en termes d'environnement et d'indépendance énergétique, puisqu'il est constitué à 50 % de butane, produit excédentaire, et à 50 % de propane, dont les 3/4 proviennent de raffineries françaises.

c) Le problème de la distribution des carburants


Le raffinage ne peut s'appuyer sur la distribution pour compenser ses difficultés, car le marché français est le moins rentable d'Europe.

La marge de transport-distribution et le prix de vente hors taxes sont parmi les plus faibles d'Europe : 38 c/l pour le supercarburant plombé en janvier 1995, contre 65 c/1 en Allemagne, 54 c/1 au Royaume-Uni, 68 c/1 en Italie, 79 c/1 en Belgique et aux Pays-Bas. Les tendances sont comparables pour les supercarburants sans plomb et le gazole. L'existence de surcapacités et une concurrence intensive maintiennent les marges à un niveau très bas, inférieur aux frais fixes selon les professionnels.

Ceci est largement lié au poids exceptionnel de la grande distribution, qui occupe 45 % du marché des carburants, avec seulement 20 % des points de vente, en particulier grâce à la pratique de produit d'appel permanents.

Ce type de magasins peut, en effet, contrairement aux stations-services classiques, compenser une vente à prix coûtant par des marges bénéficiaires sur d'autres produits.

Cette situation explique la fermeture depuis vingt ans de 30.000 stations-services avec la perte concomitante de 70.000 emplois et des conséquences parfois dramatiques pour l'aménagement du territoire.


Face à ce constat, l'industrie pétrolière propose notamment de :

- « supprimer les distorsions de concurrence ». Rappelons, à cet égard, que le Gouvernement envisage de réformer le titre IV de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la concurrence et à la liberté des prix. Les problèmes posés par la distribution des carburants devra être examiné à cette occasion ;

- tenir compte de l'impact sur l'emploi des développements et créations de points de vente de carburants par les grandes surfaces. Il s'agirait :


• d'actualiser le calcul des surfaces à prendre en considération pour les décisions en matière d'urbanisme commercial, lorsque le projet comporte une aire de distribution des carburants ;


• de demander des études d'impact spécifiques avant toute création ou extension de station-service en grande surface ;

- harmoniser au niveau européen les accises et la TVA pour éviter les détournements de trafic dans les zones frontalières.

Un rapport conjoint de MM. Boisson (CGM) et Lépine (IGF) vient d'être remis au Gouvernement sur les problèmes de la distribution en France.

Il dégage, notamment, des pistes possibles en vue d'une amélioration des marges de distribution (ventes de produits annexes, frais de cartes bancaires réduits, remboursement de la TIPP sur les impayés, etc.) et aborde leurs conséquences sur le raffinage : 10 c/litre sur la distribution correspondraient à une marge supplémentaire de 60 francs par tonne brut traité.

Des solutions doivent être apportées aux problèmes de l'industrie du raffinage, si l'on veut que celle-ci puisse financer les investissements nécessaires pour s'adapter à l'évolution des produits et aux nouvelles normes environnementales.

Ainsi, alors que la teneur en soufre du gazole doit passer de 0,5 % à 0,2 % au 1er octobre 1996, les raffineurs français devraient investir 3 à 4 milliards de francs. Or, ils n'envisagent pas de dépasser la somme de 2 milliards de francs. Par ailleurs, la France n'a pas de conversion profonde permettant de transformer le fioul lourd excédentaire : il en faudrait à terme deux pour un coût unitaire d'environ 5 milliards de francs. Ce manque de flexibilité est pénalisant.

D. LE CHARBON

1. Les résultats des Charbonnages de France


• Avec une baisse de 5 % de leur chiffre d'affaires, les Charbonnages de France (CDF) ont connu une perte d'exploitation de 1,8 milliard de francs en 1994, ce qui traduit une dégradation de 25 % (compte tenu de la dotation aux amortissements exceptionnelle en 1993).

L'endettement s'est stabilisé à 23,5 milliards de francs, ce qui permet une amélioration du résultat financier, cependant encore fortement négatif.

Le résultat final, après subvention de l'État s'établit à - 650 millions de francs, contre - 2,97 milliards en 1993, grâce notamment à un moindre coût net des mesures de restructuration.


• En 1995, la forte diminution de la subvention d'exploitation de l'État aux CDF explique largement un résultat final, après subvention, qui devrait -comme en 1993- être proche de - 2,9 milliards de francs.

2. Les conséquences du Pacte Charbonnier

Les pertes de trésorerie de l'entreprise représentent, chaque année, près de 40 % de son chiffre d'affaires. La mise en oeuvre d'une politique de restructuration depuis 1986, accompagnée d'une stratégie de reconversion des mineurs, de diversification des régions minières et d'un considérable effort de solidarité nationale, a permis l'arrêt de l'exploitation dans le Nord-Pas-de-Calais sans écueil social.

Cette politique s'est cependant essoufflée sous l'effet des incertitudes que la crise faisait naître sur les créations d'emplois dans les bassins miniers et elle n'a pas permis un redressement durable de l'exploitation.

Dans ce contexte, de nouvelles orientations de la politique charbonnière ont été proposées, le 13 juillet 1994, par le Gouvernement à la direction et aux organisations syndicales des Charbonnages de France.

Ces orientations ont fait l'objet du Pacte Charbonnier, qui a été signé le 20 octobre 1994 .

Celui-ci repose sur quatre points indissociables :

- la garantie de l'emploi pour les 16.000 agents de CDF et des houillères de bassin, y compris au-delà de la fin de l'extraction charbonnière dans leurs unités ;

- la fin de l'extraction charbonnière française en 2005 et l'absence d'embauche d'ici cette date ;

- l'organisation de la mobilité interne au sein de chaque houillère de bassin pour fermer prioritairement les sites les plus déficitaires ;

- le confortement du pôle d'activité électrique sous le contrôle majoritaire du groupe CDF. EDF entrant au capital comme partenaire minoritaire, et le personnel concerné pouvant conserver le statut de mineur.

L'avenir industriel du groupe CDF et la possibilité donnée aux mineurs de poursuivre leur activité en son sein jusqu'à bénéficier d'une mesure d'âge sont ainsi les deux volets complémentaires du pacte charbonnier.

C'est ainsi que CDF va notamment consolider et développer son activité de production d'électricité, qui représente déjà plus de la moitié de son chiffre d'affaires, et poursuivre la vente à l'étranger de son savoir-faire en matière d'ingénierie minière et de technique de combustion.

Les cinq centrales thermiques du groupe ont été récemment réunies au sein d'une nouvelle entité : la société nationale d'électricité et de thermique (SNET), à laquelle EDF doit participer à hauteur de 20 % pour une participation évaluée à 1 milliard de francs.

Rappelons que le groupe Charbonnages est le deuxième producteur national d'électricité et qu'il est, d'ores et déjà, lié à EDF par un contrat qui couvre la période 1994-1998.

3. Les dotations budgétaires


• Rappelons qu'en 1995, la subvention à Charbonnages de France a subi une évolution notable à un double point de vue, de nomenclature et de montant :

- de nomenclature, la loi de finances pour 1995 ayant fusionné les chapitres 45-12 et 45-15 en une seule imputation : le chapitre 45-12, dénommé « subvention à Charbonnages de France » ;

- de montant, la subvention ayant été fixée à 4.490 millions de francs, en baisse de 2 milliards de francs par rapport à 1994, l'État donnant l'autorisation à Charbonnages de France d'emprunter pour couvrir ses besoins de trésorerie.

ï Pour 1996, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1996 au chapitre 45-12 s'élèvent à 4.550 millions de francs, en hausse de 60 millions par rapport à 1995.

ï Au cours de leur examen par l'Assemblée nationale, les crédits alloués à la politique minière, bien que constants, ont été légèrement reventilés. En effet, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements du Gouvernement tendant à diminuer de 10 millions de francs la subvention à Charbonnages de France et à augmenter de 10 millions les crédits reconversion des zones minières.

* 1 Taux d'endettement : dette d'emprunts/capitaux propres.

* 1 Il s'agit du résultat courant économique après impôts.

* 2 Il s'agit du résultat courant économique avant impôts.

* 1 Selon les termes du Livre Blanc.

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