II. ATTÉNUER LA DÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE

Outre le programme électronucléaire, la recherche d'une plus grande indépendance énergétique recouvre deux axes : la politique de maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables.

A. LA POLITIQUE DE MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE À VINGT ANS

1. Un bref bilan

« En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées ». Ce slogan, lancé en 1975, appartient désormais à la mémoire collective des Français.

Dès la première crise du pétrole, la France a mis en place une véritable politique de maîtrise de l'énergie, avec un arsenal de mesures réglementaires, fiscales, un soutien à la recherche, à l'investissement, des actions de sensibilisation...

Le résultat a été probant puisque la France a ainsi amélioré son efficacité énergétique de plus de 15 % entre 1975 et 1985, soit quelque 30 millions de tonnes-équivalent-pétrole d'économies d'énergie.

Cependant, depuis 1986, sous l'effet de la persistance de prix bas et de l'abondance du pétrole sur le marché mondial, la volonté politique s'est émoussée et cette nouvelle conjoncture a découragé toute velléité de relancer la politique d'économies d'énergie.

C'est pourquoi, depuis 1990, la consommation d'énergie s'est remise à augmenter à un rythme supérieur à celui du PIB. Ce dérapage provient de l'industrie et surtout des transports, où l'efficacité énergétique est revenue à son niveau de 1974.

2. Vers un nouveau départ ?


• À l'occasion du salon de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), qui s'est tenu au début du mois d'octobre dernier, sur le thème des vingt ans de maîtrise de l'énergie en France, le ministre de l'industrie a souhaité donner un nouveau départ à cette politique.

Trois réflexions récentes y incitent :

- le programme national de lutte contre l'effet de serre, adopté en février 1995 à la suite du sommet de Rio de 1992 ;

- les premières conclusions de l'instance d'évaluation de la politique de maîtrise de l'énergie ;

- les conclusions du débat national sur l'énergie et l'environnement organisé et animé, en 1994, par M. Souviron.


• Il est vrai que l'énergie la moins polluante est celle qu'on ne consomme pas ! Face à ce constat simple, le Gouvernement a décidé -au cours du Conseil des ministres du 29 mars 1995- d'engager de nouvelles mesures visant à promouvoir une utilisation plus rationnelle de l'énergie :

- s'agissant du secteur résidentiel et du tertiaire :


• il s'agit, en premier lieu, de renforcer la réglementation thermique de l'habitat neuf et du secteur tertiaire neuf, avec une diminution de 5 à 10 %des consommations d'énergies pour le premier, de 25 % pour le second, avec une première phase au 1er janvier 1997 ;


• en second lieu, l'affichage des consommations d'énergie des logements neufs sera rendu obligatoire au 1er janvier 1996 ;


• s'agissant des bâtiments de l'État, une étude énergétique préalable devrait être menée pour les constructions neuves et un audit énergétique devrait être conduit tous les cinq ans pour les bâtiments existants ;

- s'agissant du secteur de l'industrie : il a été décidé de moderniser l'ensemble de la réglementation applicable aux installations consommant de l'énergie thermique, ceci avant la fin de l'année 1996 ;

- s'agissant du secteur des transports : il a été décidé de favoriser le développement du transport combiné (avec une enveloppe de 300 millions de francs pour le Conseil des transports combinés mis en place), d'inciter au remplacement des véhicules de conception ancienne (prime) et de promouvoir les véhicules alternatifs, comme on le verra ultérieurement ;

- enfin, s'agissant des mesures fiscales contenues dans le projet de loi de finances pour 1996 : il faut rappeler que les aides fiscales accordées, d'une part, aux ménages sous forme de déduction d'impôts sur le revenu et, d'autre part, aux entreprises par le moyen d'un régime d'amortissement exceptionnel pour certains investissements d'économie d'énergie arrivent à échéance fin 1995.

Le projet de loi de finances pour 1996 propose une reconduction de ces aides pour une nouvelle période de cinq ans.

Cependant, un aménagement du dispositif en faveur des ménages est prévu dans le sens d'une plus grande sélectivité des travaux et équipements éligibles et de l'intervention obligatoire d'un professionnel, afin d'améliorer l'efficacité du dispositif et de favoriser l'emploi.

B. LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES

Les énergies renouvelables contribuent déjà pour 15 % au bilan énergétique national et pour 9 % si on exclut la grande hydroélectricité. Mais elle doit être davantage encouragée.

1. Les mesures à l'étude

S'inspirant du rapport Souviron, diverses mesures sont actuellement à l'étude :

- une meilleure connaissance des perspectives de créations d'emplois liés aux énergies renouvelables, qui fera l'objet du prochain rapport du Commissariat général au Plan sur l'énergie ;

- l'amélioration des conditions d'achat par EDF de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables : le ministère a constitué un groupe de travail, ouvert aux représentants des différentes filières d'énergie renouvelables, qui soumettra ses propositions au Gouvernement d'ici la fin de l'année 1995 ;

- une meilleure utilisation du potentiel hydroélectrique français : un décret visant à rendre plus efficace et à accélérer la procédure d'instruction des demandes d'autorisation est en préparation ;

- le développement de l'énergie solaire : un programme visant la mise en place de 20.000 chauffe-eau solaires dans les zones insulaires (DOM et Corse) est en préparation, avec l'ADEME et EDF.

En outre, deux volets méritent un développement particulier : les biocarburants et les véhicules alternatifs à l'électricité ou au gaz. Ils contribuent à la diversité des approvisionnements, nécessaire dans la mesure où le secteur des transports routiers dépend pour plus de 98 % des produits pétroliers.

2. Les biocarburants


• La France a pris, ces dernières années, des dispositions fiscales destinées au développement des biocarburants obtenus à partir de matières premières agricoles produites sur des terres mises en jachère.

Au 1er juillet 1995, le dispositif donne un avantage fiscal hors TVA de 213,79 francs par hectolitre à l'ester, lorsqu'il est incorporé au gazole ou au fioul domestique, et un avantage fiscal hors TVA de 329,50 francs par hectolitre à l'éthanol, lorsqu'il est incorporé au supercarburant plombé ou au supercarburant sans plomb.

* En 1994, les consommations d'ester et d'éthanol se sont élevées respectivement à 728.000 et 485.000 hectolitres, pour un coût fiscal de 153 et 160 millions de francs.


• La Commission européenne
a présenté, le 5 mars 1992, une proposition de directive sur les taux d'accises sur les produits pétroliers.

Cependant, en raison de divergence entre États membres, l'avenir de ce projet de directive est incertain.

Compte tenu de cette situation, la Commission considère maintenant que la base juridique européenne à l'origine des dispositions fiscales françaises en faveur des biocarburants n'est plus suffisante. Elle estime que ces dispositions constituent une aide directe à certains biocarburants et une aide indirecte à certains produits agricoles couverts par des organisations communes de marché. La Commission a donc adressé une mise en demeure à la France en juin 1995.

La France a présenté ses commentaires sur l'interprétation de la Commission, notamment en justifiant la dimension expérimentale du dispositif français.

En parallèle, la France a déposé en juin 1995 une demande de dérogation pour pérenniser son système fiscal relatif aux biocarburants et sortir du cadre expérimental.


• Dans ce contexte, la politique du Gouvernement en la matière est fondée sur le rapport Levy de 1992, qui conclut que la promotion des biocarburants n'a de justification immédiate que d'ordre agricole et que, à moyen terme, l'amélioration de leur compétitivité passe avant tout par une diminution de leur coût de production.

Le Gouvernement entend donc donner la priorité à l'effort de recherche via l'AGRICE (Groupement d'intérêt scientifique : « Agriculture pour la Chimie et l'Energie »), créé à l'initiative des ministres de l'Industrie, de l'Agriculture et de la Recherche, le 6 mai 1994.

Doté d'un budget de 40 millions de francs publics, complété par 25 millions venant d'organismes privés, ce groupement est géré par l'ADEME.

Il est chargé de coordonner les programmes de recherche sur la valorisation énergétique et les utilisations de produits agricoles en substitution à des hydrocarbures, dans une triple perspective de protection de l'environnement, de réduction des coûts de production et d'amélioration des rendements énergétiques.

L'objectif serait d'atteindre, en 2005, 5 % de part de marché pour les biocarburants, ce qui représenterait près d'un million d'hectares, soit les 2/3 de la superficie mise en jachère.

Votre commission souhaite que les efforts de recherche et de production soient poursuivis.

3. Les véhicules alternatifs

Il s'agit des véhicules électriques et des véhicules au gaz naturel ou au gaz de pétrole liquéfié (GPL), qui présentent des avantages certains en termes de protection de l'environnement.


Le véhicule électrique était encore jusqu'à ces derniers mois au stade du développement. Cependant, depuis juillet 1995, les grands constructeurs (PSA, Renault) commercialisent des modèles classiques (205, Clio) à motorisation électrique.

Mais le véhicule électrique souffre de handicaps (faible autonomie, temps de ravitaillement long et, surtout, coût excessif tant à l'achat qu'en fonctionnement). Dès lors, les véhicules électriques ne pourront se développer sans un soutien budgétaire massif et de longue durée des pouvoirs publics.

C'est la raison pour laquelle un décret du 9 mai 1995 a institué une aide à l'acquisition de véhicules électriques d'un montant de 5.000 francs. EDF accorde, en outre, une aide complémentaire de 10.000 francs. Ces aides associées aux efforts des constructeurs, permettent d'offrir des véhicules électriques au même prix que le modèle thermique équivalent.


Les véhicules à gaz naturel ou à gaz de pétrole liquéfié ne nécessitent qu'une adaptation technologique facile, bien maîtrisée et bon marché, des véhicules traditionnels à essence. Mais ils souffrent d'un handicap lié aux difficultés de stockage du carburant et leur développement se heurte à la modestie des réseaux de distribution du carburant et d'infrastructure de maintenance. La baisse de 1 franc par litre de GPL décidée par l'Assemblée nationale devrait permettre un redémarrage de ce secteur. Votre commission soutient cette disposition.


• On conclura, avec la mission ministérielle conduite par M. Claude Birraux en avril 1995, que le développement de ces véhicules alternatifs suppose une politique ambitieuse, claire, alliant subventions et mesures fiscales, et mise en oeuvre dans la durée.

À cet égard, les récentes mesures vont dans la bonne direction.

C. LES CRÉDITS MODESTES ACCORDÉS À L'ADEME

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie est le bras séculier de l'État dans ces domaines.

Compte tenu de la baisse de moitié, depuis 1990, des moyens d'intervention de l'ADEME en faveur de la maîtrise de l'énergie, le Gouvernement a décidé de rénover les relations entre l'État et l'Agence.

À cet effet, un contrat d'objectifs a été signé le 5 mai 1995 pour la période 1995-1998. Il en est attendu une plus grande efficacité de l'action de l'ADEME et un recentrage de ses interventions sur les domaines jugés prioritaires.

Pour 1996, les crédits de fonctionnement de l'ADEME s'élèveraient à 96 millions de francs (+ 0,6 %) . Ses crédits d'intervention dans le domaine énergétique augmenteraient de + 2,2 % en autorisations de programme (à 150 millions de francs), mais devraient connaître une baisse importante en crédits de paiement : - 23,4 % (à 120 millions).

Cette évolution peut paraître inquiétante au moment où le Gouvernement affiche son ambition de renouer avec la politique d'économies d'énergie et de développer les énergies renouvelables.

Dans ce contexte, est née l'idée de créer une taxe parafiscale sur les énergies destinée à donner à l'ADEME les moyens de ses missions.

Mais il est vrai qu'un tel projet paraît inopportun dans le contexte budgétaire actuel.

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