B. LES BUDGETS PRÉVISIONNELS DES ORGANISMES

1. France Télévision

a) Panorama budgétaire de 1997


• Le budget de France 2 sera stabilisé par rapport aux chiffres de la loi de finances initiale de 1996. Il passera de 4 milliards 880 millions de francs à 4 milliards 882 millions de francs. Les objectifs de recette publicitaire et de parrainage sont en progression de 14,5 % par rapport à l'objectif fixé par la loi de finances initiale de 1996, de 6 % par rapport aux dernières estimations de réalisation, et représenteraient en 1997 49,4% du financement de la chaîne contre 46 % pour 1996 en prévision d'exécution.

BUDGET D'EXPLOITATION PRÉVISIONNEL DE FRANCE 2 (RECETTES)

(en millions de francs TVA)

En ce qui concerne les charges, France 2 devra réaliser 205 millions de francs d'économies sur son budget de programmes, et devrait disposer de 20 millions de francs afin de financer son entrée dans la diffusion numérique en participant au lancement du bouquet satellitaire TPS.

Le budget de France 3 passera de 5 milliards 180 millions de francs dans la loi de finances initiale pour 1996 à 5 milliards 413 millions de francs, comme le montre le tableau suivant :

BUDGET D'EXPLOITATION PREVISIONNEL DE FRANCE 3 (RECETTES)

(en millions de francs TVA)

On constate que les recettes de publicité progresseront de 1 milliard 25 millions de francs en loi de finances initiale à 1 milliard 584 millions de francs. Cette progression, considérable, optiquement sera en réalité plus modeste compte tenu des excédents de recettes publicitaires réalisées ces deux dernières années par rapport aux prévisions. En 1995, l'excédent constaté a été de 557 millions de francs par rapport à l'objectif de la loi de finances initiale (+ 63 %). On attend en 1996 de nouveaux dépassements d'objectifs compte tenu d'une certaine sous-évaluation des objectifs inscrits dans la loi de finances initiale.

Il n'en demeure pas moins que les objectifs fixés pour 1997 portent sur la part des recettes publicitaires et de parrainage dans le budget de France 3 à 31 % des recettes de la chaîne contre 19 % en 1993.

En ce qui concerne les charges, France 3 ne devra réaliser que 25 millions de francs d'économies.

Outre un abaissement de ses charges de diffusion de l'ordre de 10 millions de francs sur un total de 550 millions de francs, France 3 devra rationaliser sa filière de production afin de dégager une économie d'un montant de 15 millions de francs.

La chaîne bénéficiera en outre d'une enveloppe de 20 millions de francs pour financer son entrée dans la diffusion numérique.

b) Quelques questions

Les prévisions budgétaires de France 2 et France 3 pour 1997 soulèvent quelques questions de fond :

- on ne peut que craindre que les objectifs de recettes publicitaires assignés aux deux chaînes ne soient difficiles à atteindre compte tenu de l'amorce d'un ralentissement du marché publicitaire que l'on constate aujourd'hui, compte tenu aussi des conséquences pour le secteur public de la possibilité accordée en juillet dernier à TF1 de diffuser deux minutes de publicité supplémentaire au cours des films. Cet état de fait que le CSA n'a pas su empêcher n'atteint pas seulement la presse écrite mais aussi le secteur public avec une incidence évaluée à 200 millions de francs par M. Xavier Gouyou-Beauchamps, si ce nouveau régime entre en vigueur en avril 1997 comme il est prévu.

Il faut aussi observer, en ce qui concerne France 3, dont les objectifs publicitaires sont les plus ambitieux, un début de tassement de l'audience réalisée sur certains créneaux, qui pourrait accentuer la difficulté d'exécuter le budget prévisionnel présenté au Parlement. Rappelons en effet que France 3 a enregistré au cours de l'année 1995 une augmentation importante de sa part d'audience, qui est passée de 15,7% en moyenne en 1994 à 17,6% en moyenne sur 1995. On ne peut cependant extrapoler sur ces bases jusqu'en 1997. La chaîne a conservé une bonne position au premier semestre 1996 avec des points forts comme « Thalassa » et « Faut pas rêver » ; les actualités régionales de 19 h 10 - 19 h 30, qui remportaient 46,6 % des parts de marché sur le dernier quadrimestre 1995, ont perdu 7 points de part d'audience de janvier à juin 1996, tandis que l'émission « Les titres » et le jeu musical « Fa si la chanter » connaissaient une perte de vitesse sur la même période.

Si ces différents éléments se conjuguent pour démentir l'optimisme des objectifs de recettes publicitaires, quel cours la gestion budgétaire, spécialement celle de France 3 suivra-t-elle ? Comment les ajustements nécessaires seront-ils opérés ?

- N'est-il pas par ailleurs inopportun de fixer aux chaînes publiques des objectifs publicitaires aussi ambitieux alors que la presse, toujours largement dépendante des investissements publicitaires, en reçoit une part continuellement décroissante ? Les différentes autorités intéressées ont manifesté leur préoccupation : M. Philippe Douste-Blazy a proposé à la presse une réflexion d'ensemble, et M. Hervé Bourges lui a proposé la mise en place d'un observatoire commun. L'absence de propositions concrètes à ce stade laisse cependant mal augurer de l'évolution de ce dossier.

- La dernière question à résoudre intéresse les conséquences des choix budgétaires sur la programmation. Il convient d'insister sur ce point fondamental du point de vue de l'exécution par les chaînes publiques de leur mission d'intérêt général. On admet généralement que la hausse des recettes publicitaires passe par la recherche d'un meilleur taux d'audience et provoque la dégradation de la qualité des programmes. L'exemple de France 3 relativise cette analyse dans la mesure où la part des recettes publicitaires de la chaîne a augmenté de 19% à 28% entre 1993 et 1995 sans que la qualité de la programmation en soit affectée.

Pour mettre en jeu des interrelations plus complexes, le problème du lien entre la programmation et le niveau des recettes publicitaires ne s'en pose pas moins avec acuité.

Il existe pour la télévision comme en macro-économie une sorte de « triangle magique » à trois variables rétroagissant l'une sur l'autre dans des conditions que tout l'art du président de chaîne est de maîtriser en fonction du but à atteindre. Ces variables sont l'audience (dont les recettes publicitaires dépendent), le coût de la grille des programmes, l'orientation de la grille des programmes. On ne peut analyser les implications de l'augmentation des objectifs publicitaires sur la programmation sans prendre en compte le coût de la grille.

Ainsi considère-t-on que sur France 3 une diminution de 70 millions de francs du coût de la grille (hypothèse d'école) provoquerait, à nature de programme inchangée, des pertes d'audience aboutissant à la diminution des recettes publicitaires de 280 millions de francs. En agissant sur la nature des programmes, sans modifier le coût de la grille, on obtient d'autres résultats en termes d'audience et de publicité.

C'est à ce type de problème que les dirigeants de France Télévision sont actuellement confrontés avec un projet de budget qui, sur France 3, prévoit des recettes publicitaires sans doute surévaluées mais sans grandes conséquences sur la ligne éditoriale puisque le budget des programmes n'est pas substantiellement touché 1 ( * ) , alors qu'en revanche, le budget de France 2, tout en reposant aussi sur une augmentation sensible des recettes publicitaires, comprend une économie de 203 millions de francs sur les programmes. Il apparaît en théorie tout à fait possible de diminuer le coût de la grille des programmes tout en augmentant l'audience et les recettes de publicité, mais en modifiant sensiblement la grille des programmes de façon à la rapprocher de celle de TF1.

Est-il possible de prévenir cette perspective en effectuant l'économie de 205 millions de francs sans toucher le coeur de la grille des programmes ? La révision des contrats des animateurs producteurs n'a permis de dégager que 70 millions de francs pour 1997 2 ( * ) . La seconde source d'économies serait une meilleure gestion des stocks de programme et de droits audiovisuels. Le rapport Bloch-Lainé a mis en effet l'accent sur les dépréciations comptables excessives (6 % du coût de la grille) qui résultent de l'acquisition par France 2 de programmes jamais diffusés. Des efforts doivent certes être réalisés pour rationaliser la politique d'achat et de diffusion de programmes de stock, mais il apparaît manifestement illusoire d'espérer en tirer l'économie de 60 millions de francs préconisée en 1997 sachant que la politique des programmes ne peut être infléchie que progressivement, sachant aussi que tous les diffuseurs connaissent le problème de la dépréciation comptable des programmes non diffusés ou non rediffusés, dans des proportions équivalentes à celles de France 2 en ce qui concerne TF1.

France 2 travaille en ce moment sur des hypothèses d'économies n'affectant pas trop le coût de la grille des programmes, permettant de réaliser les recettes publicitaires fixées et limitant le probable déficit du budget de 1997. Dans quelles conditions, en vue de quels objectifs ?

En attendant de constater de visu les résultats des réflexions des dirigeants de France 2, votre rapporteur ne peut que noter, et regretter, le hiatus qui existe manifestement entre ce qui est demandé à la chaîne et ce qu'il lui est possible de réaliser, l'indifférence ou la méconnaissance que cette situation paraît traduire de la part de l'État, les conséquences qui en découleront inévitablement : ajustements comptables approximatifs, évolution aléatoire de la ligne éditoriale, abandon aux dirigeants de France Télévision de l'initiative sur des questions qui mettent en cause la politique de l'audiovisuel public et l'exécution de ses missions.

* 1 Il apparaît en revanche que la politique de développement régional devra être ralentie.

* 2 Au lieu des 140 millions de francs escomptés, en raison de la nécessité de financer des programmes de remplacement.

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