b) Des perspectives encourageantes, mais des résultats encore fragiles.

La recapitalisation a été menée à son terme

Rappelons que, le 27 juillet 1994, la Commission européenne avait autorisé l'État français à recapitaliser la compagnie nationale Air France à hauteur de 20 milliards de francs (10 milliards en 1994, 5 milliards en 1996). Les versements de 1995 et 1996 étaient subordonnés, d'une part, à la bonne exécution du plan de redressement de la compagnie et, d'autre part, au respect par les autorités françaises d'un certain nombre d'engagements.

Après s'être assurée du respect de ces engagements et déclarée satisfaite des progrès réalisés dans la mise en oeuvre du plan de redressement, la Commission européenne s'est prononcée favorablement au versement de la troisième tranche, d'un montant de 5 milliards de francs, le 24 juillet 1996.

Cependant, en réponse aux préoccupations de la Commission relatives à la persistance de certaines incertitudes dues, notamment, au fait que la plan « Reconstruire Air France » n'est pas encore arrivé à son terme et que les mesures du « Pacte de croissance compétitive » -qui doit succéder à ce plan- n'ont pas encore été approuvées, le Gouvernement français s'est engagé à ce que, sur ces 5 milliards de francs, 1 milliard soit versé sur un compte bloqué, cette somme pouvant être incorporée au capital à compter du 31 mars 1997, au vu d'un rapport détaillé sur l'état d'avancement au 31 décembre 1996 des mesures de redressement mises en oeuvre par la compagnie.

La croissance du trafic et des résultats

À l'exception de la période des grèves de la fin de l'année 1995, l'activité d'Air France s'est caractérisée par une croissance continue, tant pour le trafic passager que pour le fret.

La mise en place de la plate-forme de correspondances (« hub ») à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle a permis de renforcer cette croissance, avec une progression du trafic de 18,7 % au printemps 1996 par rapport au printemps 1995, pour une offre en hausse de 8,9 %. Le trafic correspondance a, quant à lui, progressé de 41 % . On peut, par ailleurs, se féliciter de l'embauche de 550 personnes, liée à la mise en place du « hub ».

Le taux d'occupation par les passagers s'est sensiblement amélioré, avec 76,2 % en juin 1996, contre 69.9 % un an plus tôt.

Pour la première fois depuis 1989, Air France affiche un résultat d'exploitation bénéficiaire (413 millions de francs) , alors que ses pertes d'exploitation s'élevaient à 903 millions de francs l'année précédente.

Le résultat courant avant impôts enregistre une amélioration de 2,2 milliards de francs, mais il s'établit toujours en perte à 968 millions de francs.

Le résultat net, qui s'élève à 2,872 milliards de francs, intègre une provision pour restructuration de près de 2 milliards de francs relative, d'une part, au plan de départ des personnels navigants commerciaux et, d'autre part, à des mesures sociales pour le personnel au sol. À l'inverse, le résultat de la même période sur l'année précédente prenait en compte d'importants produits exceptionnels liés à des cessions d'actifs (titres Air Inter et Méridien, immeuble Carlton).

La recapitalisation d'Air France a permis de réduire considérablement ses dettes financières. L'endettement net est passé de 33,6 milliards de francs au 31 décembre 1993 à 19,2 milliards de francs à la clôture du dernier exercice (31 mars 1996).

Les charges financières nettes pesant sur la compagnie sont, en conséquence, passées de 2,3 milliards de francs pour l'exercice 1994-1995 à 1,4 milliard de francs, en diminution de près de 40 %.

On peut, en outre, se réjouir de la récente annonce faite par Air France d'un bénéfice net de 802 millions de francs au premier semestre 1996.


• Ces résultats sont cependant fragiles et nécessitent une poursuite des efforts engagés

Si les résultats du plan de redressement sont encourageants, l'ensemble de ces mesures n'aura pas pour autant suffit à annuler complètement les effets négatifs de certains facteurs exogènes à Air France ayant entraîné une diminution des recettes réalisées en 1995 par rapport à 1994. Parmi ces événements extérieurs à la compagnie, il faut citer la suspension des services à destination de l'Algérie, la baisse du trafic consécutive aux protestations contre la reprise des essais nucléaires, ainsi qu'aux grèves dans le secteur public à la fin de l'année 1995. En outre, révolution des taux de change (notamment la baisse du dollar) contribue à expliquer cet écart.

Four le dernier exercice (avril 1995-mars 1996), le chiffre d'affaires a baissé et s'est établi à 39,1 milliards de francs, contre 39,8 milliards de francs pour l'exercice précédent.

La mise en place du « hub » était indispensable et ce dernier est certainement la clé de voûte du redressement d'Air France. Sa réussite a cependant un prix :

- l'adaptation de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle a coûté plus d'1 milliard de francs ;

- le trafic progresse, ce qui n'est pas le cas de la recette unitaire qui est trop faible et, en tout état de cause, inférieure à celle des principaux concurrents de la compagnie. Or, pour qu'Air France redécolle véritablement, sa politique doit lui permettre de dégager simultanément hausses du trafic et de la marge.

Cette insuffisance des recettes justifie qu'un nouveau plan soit en discussion, en vue de permettre à la compagnie de rattraper ses concurrents européens.

Or, ces derniers ne se croisent pas les bras en observant Air France ! Ils poursuivent eux-mêmes leurs efforts tendant à réduire les coûts et à faire progresser les recettes.

On peut évaluer à environ 5 % l'écart moyen de coût unitaire entre Air France et les grands compétiteurs européens. Si la compagnie ne prolongeait pas elle-même ses efforts de redressement et de productivité, cet écart serait de l'ordre de 15 % d'ici 3 ans.

Ces chiffres permettent de mesurer les progrès à accomplir.

C'est dans ce contexte que le « Pacte de croissance compétitive » -qui doit succéder au plan de redressement- est en cours de discussion.

D'abord envisagé pour la seule compagnie Air France, ce « Pacte » aura désormais pour objet d'assurer le développement de la nouvelle compagnie issue de la fusion prochaine d'Air France et d'Air France Europe et de préparer sa privatisation. Ce « Pacte » devrait permettre d'améliorer la compétitivité de l'entreprise et d'accroître ses parts de marché, grâce à une politique de développement de l'offre et une stratégie d'alliances internationales.

À cet égard, on peut se féliciter de l'aboutissement des efforts menés Par Air France, qui a enfin scellé l'alliance transatlantique qu'elle recherchait depuis plusieurs années.

Après avoir signé un accord de coopération avec Japan Airlines au mois de juin 1996, Air France a, en effet, annoncé le 16 octobre dernier la signature de deux accords de partenariat avec Delta Airlines, troisième compagnie américaine, et Continental Airlines, placée au cinquième rang des compagnies d'outre-Atlantique.

Le champ d'application de ces alliances serait étendu puisqu'il comprendrait le partage des numéros de vols (code sharing) et la mise en commun des programmes de fidélisation, des opérations commerciales et du marketing. En outre, les deux compagnies américaines s'installeraient au terminal 2 de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle. « hub » du groupe Air France.

En s'associant avec ces deux « majors », Air France devrait être en mesure d'offrir à ses clients, dès l'été 1997, un accès considérablement amélioré à l'ensemble du territoire américain. De leur côté, Delta et Continental disposeront d'un accès plus aisé au premier marché domestique en Europe, d'une part, et au réseau international d'Air France, d'autre part.

Deux ans et demi après avoir raté son rapprochement avec American Airlines, la première compagnie américaine, Air France réussit ainsi à développer sa stratégie d'alliances, comme la plupart des compagnies européennes.

La compagnie devra impérativement poursuivre cette stratégie, en particulier en créant des alliances avec des compagnies asiatiques.

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