III. UN NOUVEAU RÉGIME DISCIPLINAIRE DES DÉTENUS

A l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 1996, votre rapporteur pour avis avait insisté sur les efforts entrepris en 1994 dans la prise en charge des détenus. Il avait notamment insisté sur leur accès à l'enseignement, aux loisirs et aux soins. Ces efforts ont été poursuivis en 1995 et 1996, tout particulièrement dans le domaine sanitaire : sur les 144 établissements pénitentiaires concernés par la réforme du dispositif de soins en milieu pénitentiaire, 141 ont signé des protocoles avec un hôpital. Tous ces protocoles sont entrés en vigueur. Restent à signer les protocoles des maisons d'arrêt de Fresnes et de la Santé (qui cependant, par anticipation, ont commencé à fonctionner progressivement depuis le 1er juin 1996), de Cahors (pour lequel le retard est dû à la démission du conseil d'administration de l'hôpital).

Mais votre rapporteur tient présentement à insister sur le décret n° 96-287 du 2 avril 1996 relatif au régime disciplinaire des détenus. Par son objet, ce décret concerne une matière à laquelle votre commission des Lois porte une attention particulière. Par sa portée, il revêt une importance telle qu'un auteur aussi éminent que le professeur Jean Pradel a pu parler de « révolution en droit pénitentiaire ».

Avec l'arrêt « Marie » rendu par le Conseil d'État le 17 février 1995, le droit disciplinaire des détenus avait déjà connu une avancée significative puisque, pour la première fois, le juge administratif avait admis la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir contre une sanction disciplinaire.

Jusqu'alors. en effet, une telle décision était considérée comme une mesure d'ordre intérieur et ce en dépit de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme qui estimait qu'une sanction grave prononcée à l'encontre d'un détenu revêtait un caractère pénal et devait pouvoir être contestée devant une juridiction.

Un an après, le décret du 2 avril 1996 est allé bien au-delà de l'apport, pourtant essentiel, de l'arrêt « Marie ». En effet, outre la reconnaissance d'un droit de recours au profit du détenu contre une sanction disciplinaire (D), ce texte a, pour la première fois, énuméré les comportements susceptibles de constituer une faute disciplinaire (A) et prévu une procédure disciplinaire de nature à préserver les droits de l'intéressé (B). Il a en outre opéré une modernisation des sanctions susceptibles d'être prononcées (C).

A. L'ÉNUMÉRATION DES COMPORTEMENTS CONSTITUTIFS D'UNE FAUTE DISCIPLINAIRE

Jusqu'en avril dernier, la notion de faute disciplinaire commise par un détenu n'était pas définie. En soi, cette situation n'avait rien d'exorbitante en ce que le droit pénitentiaire n'était pas la seule matière où la faute était laissée à l'appréciation de l'autorité chargée de prononcer la sanction. Il en va en particulier également ainsi en droit du travail.

Mais l'absence de définition de la faute disciplinaire conférait un pouvoir considérable au chef d'établissement dès lors que, contrairement à une sanction prononcée par un employeur, la sanction ne pouvait (tout au moins jusqu'à l'arrêt « Marie ») être contestée devant un juge.

En énumérant les comportements susceptibles de constituer une faute disciplinaire, le décret précité a, comme l'a fait observer M. le Professeur Pradel, consacré en droit pénitentiaire le principe nullum crimen sine lege.

Aux termes des nouveaux articles D 249-1 à D. 249-3 du code de procédure pénale, les fautes disciplinaires sont classées en trois catégories selon leur gravité :


• Parmi les fautes disciplinaires du premier degré, les plus graves, on citera notamment le fait, pour un détenu :

- « d'exercer des violences physiques à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement ou d'une personne en mission ou en visite dans l'établissement pénitentiaire » ;

- « de participer à toute action collective de nature à compromettre la sécurité de l'établissement » ;

- « de détenir des stupéfiants » ou d'en faire le trafic ;

- « d'exercer des violences physiques à l'encontre d'un codétenu » ;

- « de causer délibérément de graves dommages aux locaux ou au matériel affecté ».


• Parmi les fautes disciplinaires du deuxième degré, signalons le fait, pour un détenu :

- « de proférer des insultes ou des menaces à l'égard d'un membre du personnel de l'établissement ou d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire » ;

- « de commettre ou tenter de commettre des vols » ;

- « de se soustraire à une sanction disciplinaire à son encontre » ;

- « de tenter d'obtenir d'un membre du personnel de l'établissement ou d'une personne en mission au sein de l'établissement, un avantage quelconque par des offres, des promesses, des dons ou des présents ».


• Enfin, les fautes disciplinaires du troisième degré comprennent notamment le fait, pour un détenu :

- « de proférer des insultes ou des menaces à l'encontre d'un codétenu » ;

- « de refuser d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement » ;

- « de ne pas respecter les dispositions du règlement intérieur de l'établissement ou les instructions particulières arrêtées par le chef de l'établissement » ;

- « de négliger de préserver ou d'entretenir la propreté de sa cellule ou des locaux communs » ;

- « d'entraver ou de tenter d'entraver les activités de travail, de formation, culturelles ou de loisirs » ;

- « de jeter des détritus ou tout autre objet par les fenêtres de l'établissement ».

Cette classification en trois catégories a -comme il le sera précisé plus loin- des conséquences sur le plan de la procédure disciplinaire et des sanctions susceptibles d'être prononcées. Elle a en outre un intérêt pédagogique puisque l'édiction d'une hiérarchie dans la gravité des actes est de nature à mieux faire comprendre au détenu la portée de sa faute.

On observera que ces fautes disciplinaires constituent également pour la plupart des infractions pénales. Leurs auteurs peuvent donc faire l'objet d'une double poursuite, l'une de nature disciplinaire, l'autre de nature pénale.

Enfin, le nouvel article D. 249-4 du code de procédure pénale précise que les faits énumérés par les articles D. 248-1 à D. 249-3 constituent des fautes disciplinaires même lorsqu'ils sont commis à l'extérieur de l'établissement pénitentiaire.

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