CONCLUSION

Sous ces importantes réserves, votre commission des finances s'est inspirée de considérations d'équilibre pour décider d'accepter de voter le texte de validation proposée par le gouvernement. Elle a décidé de ne pas s'associer à une démarche au terme de laquelle le Sénat pourrait parfaire le texte du gouvernement estimant atténuer suffisamment la responsabilité de l'Etat par son acceptation d'un texte qui n'aurait pas été nécessaire si elle avait été écoutée plus tôt et qui comporte des éléments de fragilité au regard de la Constitution.

Elle a exprimé le souhait que le gouvernement soit attentif à ses observations sur le futur dispositif et qu'un dialogue puisse aboutir à une solution plus satisfaisante que celle acquise à l'issue de l'examen du projet de loi de finances pour 1999 devant l'Assemblée nationale.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 29 octobre 1998, sous la présidence de M. Alain Lambert, président , puis de Mme Marie-Claude Beaudeau, vice-président , la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Yvon Collin sur le projet de loi n° 7 (1998-1999) relatif à l'organisation de certains services aux transports aériens .

M. Yvon Collin, rapporteur spécial , a indiqué que la question posée à la commission concernait la validation de certaines décisions relatives à des redevances, les unes perçues au profit du budget de l'aviation civile, les autres perçues au profit des exploitants d'aéroports. Il a rappelé que cette validation n'était pas inédite puisqu'elle avait été examinée lors du récent débat consacré au texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF). Il a précisé que cette validation avait été présentée afin de prévenir les conséquences financières de contentieux qui pourraient intervenir à la suite d'une décision du Conseil d'Etat du 20 mai 1998. Par cette décision, le Conseil d'Etat avait jugé illégal le tarif de redevances aéronautiques au motif qu'il retenait dans son calcul le coût de diverses missions d'intérêt général. Ayant rappelé que les validations posaient au législateur deux questions différentes, celle d'abord d'en apprécier l'opportunité, et celle ensuite d'en évaluer la constitutionnalité, le rapporteur spécial a souligné que, dans le passé, la commission avait systématiquement donné l'alerte sur les difficultés posées par les redevances et qu'en particulier son rapport consacré au budget annexe de l'aviation civile pour 1998 dénonçait le recours aux redevances par les exploitants d'aéroports pour financer la mission de sûreté.

Indiquant que, par rapport à la situation rencontrée lors de l'examen du DDOEF, un fait nouveau était apparu avec l'élaboration par le Gouvernement d'une réforme partielle du financement de l'aviation civile, il a considéré que ce nouveau contexte justifiait que la commission réexamine son nouveau point de vue sur la validation demandée. Il a toutefois souligné que le dispositif élaboré par le Gouvernement était, en l'état, imparfait et qu'il faudrait alerter le Gouvernement sur la nécessité de le parfaire. Evoquant les grands traits du dispositif proposé, M. Yvon Collin a d'abord indiqué que la taxe d'aéroport, que le Gouvernement entend instaurer, traduit une conception du financement des missions d'intérêt général incompatible avec la philosophie défendue constamment par la commission. Il a souligné que celle-ci avait systématiquement formulé l'exigence que de telles missions soient financées par la fiscalité générale et non par des fiscalités mises à la charge de catégories particulières de redevables. Evoquant le projet de transférer à un compte d'affectation spéciale certaines dépenses concernant les infrastructures et la sûreté aéroportuaires, il s'est félicité que le Gouvernement adopte enfin une solution proposée en vain par la commission depuis trois ans. Il a toutefois indiqué que les modalités retenues devaient être revues dans le sens d'une identification précise et complète des interventions de l'Etat dans le domaine aéroportuaire. Il a alors observé que la commission pourrait, dans les prochains jours, bâtir un dispositif plus cohérent que celui retenu par le Gouvernement.

Revenant à l'article 2 du projet de loi, il a alors précisé qu'un refus de validation exposerait le budget annexe de l'aviation civile et les exploitants d'aéroports à rembourser des sommes très conséquentes dont, cependant, seule une estimation imprécise pouvait être fournie : quelque 450 millions de francs pour le budget annexe de l'aviation civile et un chiffre compris entre un et trois milliards de francs pour les aéroports. Pour ces derniers, il a remarqué que certains d'entre eux, s'ils devaient rembourser les sommes indûment prélevées par eux, se trouveraient dans une situation financière très difficile et se retourneraient sans doute soit vers l'Etat, soit vers les collectivités locales. Il a ajouté que, même si les modalités de financement choisies avaient pu être à bon droit critiquées, les missions ainsi conduites avaient concrètement favorisé l'exercice de l'activité des transporteurs aériens. Il en a conclu que des raisons de sagesse devaient conduire à accepter la validation demandée " du bout des lèvres " mais que les imperfections de détail du texte n'appelaient pas, de la part de la commission, un effort particulier pour en améliorer la rédaction.

Il a conclu son propos en évoquant l'éventualité que le texte rencontre quelques péripéties constitutionnelles. Il a cependant souligné que ceci ne serait le cas que si un recours était formé contre ce texte. Il a alors mis en évidence deux fragilités constitutionnelles, parmi d'autres :

- l'une qui proviendrait du constat que l'intérêt général poursuivi par le législateur ne serait pas suffisamment patent ;

- l'autre qui proviendrait d'une appréciation aux termes de laquelle la validation contreviendrait à une norme constitutionnelle, qu'il s'agisse de l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ou de dispositions techniques de l'ordonnance organique de janvier 1959.

M. Alain Lambert , président , ayant remercié le rapporteur pour avis de son exposé, a souligné combien la commission voyait avec défaveur la multiplication des propositions de validation. Il a rappelé que le summum des entorses au respect par le Gouvernement de la séparation des pouvoirs avait été atteint avec l'introduction de cet article lors de l'examen du DDOEF. Il a insisté sur le fait que le Gouvernement serait toujours bien inspiré de se référer aux travaux de la commission et déclaré qu'il souhaitait travailler à rendre le Gouvernement sensible à cette recommandation.

M. Philippe Marini , rapporteur général , ayant abondé dans le sens des propos du président de la commission, s'est interrogé sur les conséquences de la taxe d'aéroport sur la compétitivité des plateformes aéroportuaires françaises. Il a confirmé tout l'intérêt qu'il y aurait à ce que, dans les prochains jours, la commission puisse améliorer les projets présentés par le Gouvernement.

M. Auguste Cazalet, reprenant les propos du rapporteur général, s'est inquiété des conséquences de la taxe d'aéroport en matière d'aménagement du territoire.

En réponse, M. Yvon Collin, rapporteur pour avis , reconnaissant qu'une taxation alourdissait toujours les coûts du bien auquel elle s'applique, a cependant insisté sur le fait que les projets du Gouvernement posaient pour l'essentiel des questions constitutionnelles et de principe. Il a précisé que les solutions alternatives auxquelles il réfléchissait auraient pour effet d'atténuer les difficultés suscitées par le dispositif du Gouvernement au regard de l'aménagement du territoire.

La commission a alors décidé de donner un avis favorable à l'adoption de l'article 2 du projet de loi relatif à l'organisation de certains services de transport aérien ainsi qu'à l'ensemble du texte.

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