3. Quelle place pour les contingents communaux d'aide sociale ?

a) Le contingent communal d'aide sociale, fruit de l'histoire
(1) Ancienne, la justification de la participation des communes est contestée

Le barème du 21 mars 1955 laissait au conseil général le soin de répartir entre le département et les communes, dans certaines limites, la charge de l'aide sociale. La loi du 7 janvier 1983 a maintenu le principe de la participation financière des communes. Leur taux de contribution a été fixé comme résultant de la proportion dans le financement des dépenses d'aide sociale entre la part de l'Etat (compensée par la DGD) et celles des communes (maintenue par le biais du contingent) avant la décentralisation. Les écarts observés depuis 1955 se sont donc maintenus.

Le choix du maintien d'une participation communale inspiré d'un souci de neutralité pour les finances départementales, s'est en outre justifié par le rôle maintenu des communes dans la mise en oeuvre de l'aide sociale légale (présence des maires au sein des commissions locales d'aide sociale, rôle des services municipaux pour l'instruction des demandes, pouvoirs du maire en matière d'admission d'urgence).

Pour éviter que ne s'instaure une tutelle entre les départements et les communes, la loi a retenu le principe d'une participation sous la forme d'une contribution globale annuelle calculée par rapport aux dépenses totales supportées par le département en matière d'aide sociale légale. Elle a limité son augmentation à celle des dépenses départementales.

(2) Le mécanisme du contingent communal d'aide sociale

Les communes participent par le biais de ce contingent aux dépenses mises à la charge du département. Cette participation évolue sur le même rythme que les dépenses départementales (sauf pour les départements où le taux de participation est inférieur à la moyenne nationale et où l'augmentation peut donc être supérieure d'un point pour permettre un rattrapage) et ne concerne que l'aide sociale obligatoire (dépenses légales de santé, d'aide sociale y compris celles relatives à l'insertion des bénéficiaires du RMI). Le montant en est donc arrêté pour chaque département.

Le contingent se divise en deux parties : l'équivalent de la participation de la commune en 1983 d'une part ; une partie dépendant de la situation de la commune en fonction de critères objectifs. Cette dernière n'est plus plafonnée depuis 1994 et peut donc représenter l'intégralité des contingents.

Il existe trois catégories de critères. Le conseil général choisit lesquels il retient (au moins un dans chaque catégorie) et leur pondération :

• situation financière de la commune : dotation globale de fonctionnement attribuée à chaque commune et potentiel fiscal de chaque commune ;

• situation de la commune au regard de l'aide sociale : nombre de bénéficiaires dans chaque commune des prestations d'aide sociale légale prises en charge par le département et nombre d'admissions à l'aide sociale dans chaque commune ;

• structure démographique et situation de l'emploi : structure par classe d'âge de la population de chaque commune et situation de l'emploi dans chaque commune.

Ce mécanisme est complété par un système d'écrêtement : l'augmentation de la contribution d'une commune au titre d'un exercice ne peut excéder de plus de trois points le taux d'augmentation appliqué à la contribution globale communale au titre du même exercice.

Ce système explique la forte variation des contingents communaux d'aide sociale entre départements d'une part (selon l'effort départemental en faveur de l'aide sociale) et entre communes d'autre part (selon les différents critères retenus par le conseil général).

Les contingents communaux d'aide sociale représentaient ainsi près de 12 milliards de francs en 1997, dont environ 10 % relèvent de l'aide médicale.

Evolution des contingents communaux d'aide sociale

 

Montant (en MF)

Evolution

1984

5 743

 

1985

6 031

5,01 %

1986

6 284

4,19 %

1987

6 332

0,76 %

1988

6 590

4,07 %

1989

6 875

4,32 %

1990

7 453

8,41 %

1991

7 990

7,21 %

1992

8 716

9,09 %

1993

9 452

8,44 %

1994

10 160

7,49 %

1995

11 010

8,37 %

1996

11 450

4,00 %

1997

11 948

4,35 %

1984-1997

-

108,04 %

France entière hors Paris

Source : AMF

b) La couverture maladie universelle risque d'engendrer un coût important pour les communes
(1) Des charges supplémentaires

Cependant, les communes vont connaître une augmentation de leurs charges du fait de la couverture maladie universelle, avec des dépenses maintenues et des recettes en diminution.

Les communes ont beaucoup investi pour faciliter et favoriser l'accès aux soins, principalement par le biais d'accords avec les mutuelles au titre de l'action sociale. Elles accueillent les personnes en difficulté et assurent bien souvent l'instruction des dossiers. Il paraît probable que durant la période de transition les futurs bénéficiaires de la couverture maladie universelle se tourneront en priorité vers l'échelon de référence que constitue la commune. Celle-ci pourra difficilement les ignorer. De plus, le rôle de l'action sociale facultative va progresser avec les effets de seuil accentués par le projet de loi, même si le projet de loi va leur permettre de dégager des ressources.

En revanche, certaines sources de financement vont disparaître. De nombreux départements passent des conventions de gestion avec les communes pour l'instruction des dossiers d'aide médicale. Cette charge est le plus souvent assumée par le versement d'une compensation de la part du département. 15 000 agents seraient ainsi mobilisés par cette tâche. Or, avec la couverture maladie universelle, les caisses primaires d'assurance maladie vont prendre en charge l'instruction des dossiers et l'ouverture des droits. Les communes perdront ainsi les redevances départementales mais garderont à leur charge les agents affectés à une tâche qui n'aura plus lieu. En cas de licenciement économique, comme le prévoit le statut de la fonction publique territoriale, les agents passeront à la charge de l'ensemble des communes par le biais de leur centre de gestion. Sans licenciement à l'inverse, le projet de loi engendrera des redéploiements de personnel qui pourront être importants pour certaines communes. En tout état de cause, il suscitera des pertes de ressources parfois non négligeables et des dépenses supplémentaires.

(2) La question du maintien de la part " médicale " du contingent communal d'aide sociale

A droit constant, les départements subiront une diminution de leurs recettes liée à la suppression de la part " médicale " du contingent communal d'aide sociale. Deux phénomènes vont ainsi se cumuler pour réduire l'ensemble des dépenses d'aide sociale des départements :

• la recentralisation vers l'Etat des 9 milliards de francs de dépenses ;

• la diminution de 20 % à 17 % du montant des prestations au titre du RMI que les départements doivent consacrer à l'insertion.

Au total, entre 1,2 et 1,5 milliard de francs sont concernés.

A droit constant, ce projet de loi se traduirait donc par une baisse des recettes des départements, et donc par une baisse équivalente des charges des communes, puisque la base diminue pour un taux d'appel strictement encadré.

Afin d'assurer la neutralité financière pour les départements, il est donc nécessaire de modifier le décret de 1987 déterminant les modalités de calcul du contingent communal d'aide sociale. Cette solution évite les pertes de recettes mais ne résout pas le problème posé par le maintien de ce dernier. Comment en effet des communes accepteraient-elles de payer aux départements des contingents au titre d'une compétence ou eux-mêmes n'exerceraient plus ?

Ainsi, la couverture maladie universelle relance-t-elle le débat sur l'opportunité de maintenir le mécanisme du contingent communal d'aide sociale.

c) L'avenir de tout ou partie du contingent communal d'aide sociale est en cause
(1) Le principe de la suppression apparaît justifié

De nombreuses raisons plaident pour une suppression des contingents communaux d'aide sociale :

• le mécanisme de calcul des contingents est difficilement lisible et maîtrisable ;

• il suscite de fortes inégalités entre communes du fait de la grande latitude dont dispose les départements pour les fixer ;

• leur montant a cru considérablement (cependant, dans une mesure légèrement inférieure à l'ensemble de la hausse des dépenses d'aide sociale) ;

• il s'agit d'un financement sans exercice d'une compétence en regard ;

• les communes auront à supporter des charges supplémentaires ;

Les inégalités représentent le plus fort argument : comment les maintenir alors que la couverture maladie universelle recentralise justement l'aide médicale au nom de l'égalité entre les collectivités ?

Une étude menée en 1995 sur 98 départements, hors Guyane et Paris, a montré que 44 départements procédaient à une intégration maximale des critères évolutifs. Ainsi, 69 % de l'ensemble du contingent communal d'aide sociale sont répartis selon des critères variables, le plus souvent celui de la situation financière de la commune (potentiel fiscal) ; le critère du nombre de ressortissants à l'aide sociale n'était prépondérant que dans 10 départements. L'objectif est ainsi d'adapter les contingents à la capacité contributive des communes ou aux charges que leur démographie induit.

Contingent communal d'aide sociale par habitant

(en francs par habitant)

 

1995

1996

1997

France hors Paris

 
 
 

Evolution

 

3,99 %

4,35 %

Moyenne

197

205

214

Médiane

188

192

202

Minimum

49

60

66

Maximum

425

499

465

Métropole hors Paris

 
 
 

Evolution

 

4,16 %

3,62 %

Moyenne

196

205

212

Médiane

190

193

200

Minimum

49

60

66

Maximum

425

499

465

DOM

 
 
 

Evolution

 

- 1,92 %

31,19 %

Moyenne

212

208

273

Source : ADF

On constate cependant une très inégale répartition du poids des contingents communaux entre les strates de communes. L'examen des contingents appelés au titre de l'exercice 1996 (ceux de 1997 étant disponibles globalement mais pas par commune) montre que leur montant croît avec la population de la commune et que le mode de répartition actuel fait supporter la plus lourde charge aux communes urbaines : celles de moins de 10.000 habitants n'acquittent que 42 % des contingents alors qu'elles abritent 51 % de la population.

Dépenses au titre du contingent communal d'aide sociale selon la taille de la commune

Population

Montant des contingents communaux d'aide sociale

Nombre d'habitants

Contingent par habitant

0-499

656.919.035 F

4 327 484

152 F

500-499

672.953.348 F

4 547 208

148 F

1 000-1 999

861.802.229 F

4 975 093

153 F

2 000-3 499

826.510.661 F

4 975 093

166 F

3 500-4 999

557.23. 833 F

3 128 190

178 F

5 000-7499

730.917.352 F

3 956 571

185 F

7 500-9 999

529.981.567 F

2 664 760

199 F

10 000-14 999

802.230.391 F

3 640 027

220 F

15 000-19 999

627.718.971 F

3 194 845

196 F

20 000-34 999

1.050.506.117 F

5 738 886

183 F

35 000- 49 999

920.455.180 F

3 910 226

235 F

50 000- 74 999

725.880.599 F

3 192 118

227 F

75 000 - 99 999

382.565.603 F

1 758 620

218 F

100 000 - 199 999

1.053.707.713 F

3 629 630

290 F

200 000 et plus *

1.179.718.862 F

3 278 985

360 F

Total France hors Paris

11.581.103.461 F

57 578 336

201 F

* hors Paris

Source : AMF

Ces données représentent des moyennes nationales. La situation peut cependant fortement varier selon chaque département

(2) ... posant la question de ses modalités : totale ou partielle ? comment la compenser ?

Le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle ne concerne bien entendu que la partie " médicale " du contingent communal d'aide sociale, soit environ 1,5 milliard de francs. Il paraît cependant difficile de limiter le débat à cette seule somme. En effet, toute suppression oblige à mettre en place des mécanismes de compensation au profit des départements. Ces mécanismes valant pour la partie médicale trouveraient donc toute légitimité à s'appliquer aussi à l'autre partie.

La suppression des contingents communaux d'aide sociale doit donc être totale. Elle pose un problème de ressources aux départements, privés ainsi de 12 milliards de francs. Plusieurs scénarios restent à l'étude. Il ne faudrait pas, en tout état de cause, que ce projet de loi soit l'occasion d'opposer deux niveaux de collectivités locales (communes et départements). Toute réforme des contingents communaux d'aide sociale devrait ainsi obéir à deux principes : neutralité financière pour les départements ; atténuation des inégalités pour les communes. Elle pourrait se faire par le biais de la dotation globale de fonctionnement.

Votre commission des finances ne saurait préjuger de la conclusion des négociations menées actuellement entre les départements, les communes et l'Etat. Elle estime néanmoins que, si la compensation se justifie, elle ne saurait négliger que les communes supporteront une charge supplémentaire au titre de la couverture maladie universelle sans bénéficier de ressources correspondantes.

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