2. Les collectivités locales supportent le coût de la transition et de la correction des inégalités engendrées par ce projet

a) Une réponse unique à des situations très différentes

Les départements ont consenti un effort très important en faveur de l'aide sociale et singulièrement de l'aide médicale. Cet effort varie bien entendu entre les collectivités locales selon l'état sanitaire de la population, son âge et les possibilités d'intervention.

Dépenses directes d'aide sociale par département

(en millions de francs)

 

1995

1996

1997

France hors Paris

 
 
 

Evolution

 

4,42%

2,28%

Moyenne

706,4

737,6

754,4

Médiane

532,4

562,8

558,8

Minimum

98,2

100,7

98,5

Maximum

3.824

3.922

3.992

Métropole hors Paris

 
 
 

Evolution

 

4,17 %

1,82%

Moyenne

703,7

733

746,3

Médiane

513

546

543

Minimum

98,7

100,7

98,5

Maximum

3.834

3.922

3.992

DOM

 
 
 

Evolution

 

- 13,37 %

11,71 %

Moyenne

978,5

847,7

947

TOTAL

69.345

73.026

74.688

Source : ADF

La part des dépenses d'aide médicale dans les dépenses totales d'aide sociale a augmenté depuis dix ans pour en représenter 12 % en 1997.

Cependant il existe là aussi de fortes disparités. Elles sont notamment visibles dans l'adoption ou non d'un règlement départemental d`admission à l'aide sociale et, singulièrement, à l'aide médicale. En 1995, la Cour des comptes constatait que 67 départements avaient adopté un barème pour l'aide médicale, ce qui en laissait tout de même le tiers sans autre seuil que le minimum légal du RMI.

La disparité entre le départements se lit ainsi dans le choix des seuils retenus, mais aussi dans les conditions mises pour l'accès à l'aide médicale. Cette couverture inégale du territoire soulevait notamment des problèmes lors des changements de domicile, contraignant les bénéficiaires à renouveler leurs démarches. Certains départements ont choisi une formule souple et rapide affiliant de façon préventive les bénéficiaires et leur confiant une carte de soins ouvrant droit à prestations.

La carte Paris-santé

Lancée en 1988 et mise en place en 1989, la carte Paris-santé est un titre délivré à titre préventif sous conditions de ressources permettant un accès aux soins sans contingentement des actes et prescriptions avec un système de tiers-payant intégral (y compris le ticket modérateur et le forfait hospitalier journalier). Des suppléments sont prévus pour les lunettes, les prothèses dentaires et les prothèses auditives. Les bénéficiaires de l'aide médicale comme les professionnels ont tiré profit de ce mécanisme : un titre unique d'admission à l'aide médicale.

Le nombre de bénéficiaires a plus que triplé en passant de 28.900 au 31 décembre 1989 à plus de 130.000 au 31 décembre 1998. Parallèlement, les dépenses du département de Paris au titre de l'aide médicale sont passées de 141 millions de francs à 310 millions de francs. Près de 9.000 professionnels de santé ont aujourd'hui adhéré à ce système, soit plus de la moitié des professionnels de santé inscrits à l'ordre).

Le barème d'aide médicale commençait au 1 er janvier 1999 à un revenu de 4.004 F par mois pour une personne seule.

Source : département de Paris

b) Le financement de la transition est incertain alors que les besoins seront certains

Aujourd'hui, les collectivités locales accueillent l'essentiel des bénéficiaires de l'aide médicale. Certains départements ont pu passer des conventions pour l'instruction des dossiers avec les caisses primaires d'assurance maladie ou bien certaines communes par le biais d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale. Cette fonction d'accueil est bien entendu la plus importante pour le bénéficiaire.

Le 1 er janvier 2000, ces personnes, soit 6 millions selon les prévisions du Gouvernement, devront s'adresser directement aux caisses primaires d`assurance maladie qui auront en charge l'instruction des dossiers, la délivrance des attestations et l'information sur la couverture complémentaire. Une partie de ces 6 millions de personnes choisira alors de s'adresser à un organismes de protection sociale complémentaire, selon une liste établie par département. Cependant, comme tout laisse à craindre que rien ne sera prêt le 1 er janvier 2000, les collectivités locales ne pourront se désintéresser des personnes concernées qui naturellement se tourneront vers leur interlocuteur naturel : les bureaux d'aide sociale ,qui ne leur fermeront pas leur porte.

De plus, une fois le système mis en place, subsisteront des cas particuliers, des demandes d'action sociale, d'intervention de collectivités locales, etc. S'y ajouteront les demandes des personnes se situant juste au dessus du seuil fixé par le Gouvernement. Une personne seule percevant pour unique revenu l'allocation pour adulte handicapé qui s'élève à 3.540 F par mois n'aura pas le droit au bénéfice de la couverture maladie universelle mais en aura très probablement besoin. Les départements pourront-ils s'en désintéresser ?

De même, dans les départements consentant aujourd'hui un effort particulier d'aide médicale au dessus du plafond de la couverture maladie universelle (dont le nombre varie, selon les interlocuteurs, de 3 à 30), sera-t-il envisageable de supprimer l'intégralité des dispositifs alors que les recettes correspondantes auront, elles, été supprimées ?

Enfin, resteront des sommes impayées à la charge des départements qui n'auront plus les ressources correspondantes. Il s'agit principalement des non-valeurs des hôpitaux qui n'apparaissent qu'avec un retard important.

Tout porte donc à croire que les départements auront à prendre en charge le coût et la difficulté de la transition et devront maintenir des formules d'aides.

S'il est difficile d'estimer les dépenses que les départements auront à supporter en termes d'organisation, d'augmentation des crédits d'action sociale, il apparaît certain que ces dépenses existeront et qu'elles dépasseront les 455 millions de francs (soit en moyenne un peu plus de quatre millions de francs par département) laissés à leur bénéfice.

c) L'effet de seuil ne pourra être corrigé que par un effort d'aide sociale facultative des collectivités locales

La couverture maladie va susciter un effet de seuil extrêmement fort du fait de la rigueur du plafond retenu : celui-ci ne prévoit en effet aucun assouplissement. Ces seuils diffèrent de ceux déjà existants. Par exemple, le barème proposé par le Gouvernement semble relativement plus favorable aux familles nombreuses que le barème du RMI.

Cet effet de seuil existait auparavant sous la forme d'une centaine de seuils : ceux mis en place par les barèmes départementaux d'aide sociale là où ils existent. Dans certains départements, ce projet de loi permettra donc à des personnes de bénéficier d'une prestation à laquelle elles n'avaient pas droit. Dans d'autres, au contraire, leur droit à prestation disparaîtra sauf effort particulier et supplémentaire des collectivités locales.

Celles qui consentaient donc un effort particulier vont souscrire avec ce projet de loi un marché de dupes où, au nom de la solidarité nationale, elles seront amenées à contribuer deux fois (pour le transfert de DGD à l'Etat ; pour la couverture des bénéficiaires) là où elles ne payaient qu'une seule (couverture des bénéficiaires). Le département de Paris supporterait ainsi une charge de 120 millions de francs par an.

Les collectivités locales, par ailleurs, pratiquaient un accueil personnalisé et une prise en compte attentive et efficace des besoins de ressortissants de l'aide médicale grâce à la proximité et à la connaissance qu'elles en avaient. Cette fonction ne pourra être reprise par les caisses primaires d'assurance maladie qu'après une révision complète de leurs méthodes de travail, une " révolution culturelle ".

Le rôle des collectivités locales ne disparaîtra donc pas avec la couverture maladie universelle. Elles n'auront pourtant plus les ressources financières pour le remplir. Ainsi, la recentralisation légitime de l'aide médicale ne se fera pas sans conséquence pour les finances locales.

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