III. PLUSIEURS ENJEUX MAJEURS POUR LA DÉCENTRALISATION ET LA DÉMOCRATIE LOCALE

La décentralisation apparaît plus que jamais comme une réforme nécessaire pour permettre à notre société de relever les défis auxquels elle est confrontée et qui ne pourront que s'accentuer au début du prochain siècle. Dans un monde où les obstacles aux échanges économiques et à la circulation de l'information s'estompent, la gestion de proximité est la mieux à même d'offrir à nos concitoyens les repères indispensables dont ils ont besoin et de promouvoir la nécessaire cohésion sociale et territoriale .

Les collectivités locales ont démontré leur capacité de gestion , apportant notamment une contribution majeure au respect des critères du Traité de Maastricht pour le passage à la monnaie unique. Elles ont, en outre, fait un effort d'équipement considérable, réalisant les trois quarts de l'investissement public national. En rapprochant le processus de décision du citoyen, la gestion décentralisée constitue une richesse pour le fonctionnement de notre démocratie.

Pourtant, trop d'obstacles s'opposent encore à l'approfondissement du processus de décentralisation, la trop lente adaptation de l'Etat aux conséquences de cette grande réforme n'étant pas le moindre de ces obstacles. Force est, en effet, de constater que l'Etat n'a pas redéfini ses missions comme il aurait dû le faire en appliquant ainsi efficacement le principe de subsidiarité et que la déconcentration de ses moyens constitue un objectif toujours en chantier. Plus grave, les risques d'une volonté de recentralisation n'ont pas manqué au cours des dernières années notamment dans la définition des ressources locales.

Depuis plusieurs années, votre commission des Lois a appelé l'attention sur la nécessaire relance de la décentralisation, notamment dans le cadre des réflexions conduites au sein du groupe de travail placé sous la présidence de M. Jean-Paul Delevoye 1( * ) . Le Sénat, fidèle à sa vocation constitutionnelle, a lui-même souhaité établir un bilan clair des conditions d'exercice des compétences locales et examiner les voies et moyens de les améliorer en créant au début de l'année 1999 une mission d'information commune à cinq commissions permanentes présidée par M. Jean-Paul Delevoye, dont le rapporteur est M. Michel Mercier.

Dans le cadre du présent avis, votre commission des Lois soulignera plus particulièrement trois enjeux majeurs pour la décentralisation et la démocratie locale : le renforcement nécessaire de la sécurité juridique de l'action publique locale et l'amélioration des conditions d'exercice des mandats locaux ; la mise en oeuvre de la réforme du régime de la coopération intercommunale ; l'avenir du système de financement local.

A. UNE PRIORITÉ POUR LA DÉMOCRATIE LOCALE : RENFORCER LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DE L'ACTION PUBLIQUE LOCALE ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D'EXERCICE DES MANDATS

En plaçant le thème " Le maire et l'innovation " au coeur des réflexions de son 82è congrès de 1999, l'Association des Maires de France a souligné à quel point la capacité d'innovation des élus locaux était une exigence pour leur permettre de relever les défis de plus en plus diversifiés auxquels la gestion locale est confrontée.

Cette capacité d'innovation devrait pouvoir se développer dans un environnement juridique sûr qui, sans brider inutilement leurs initiatives, permettrait aux maires de connaître précisément les limites dans lesquelles l'action publique locale peut être mise en oeuvre. Or cette sécurité juridique indispensable n'est plus assurée aujourd'hui. Cette situation peut conduire au découragement de beaucoup d'élus locaux, périlleux pour notre démocratie locale. Une enquête récente 2( * ) met en évidence que près de la moitié des maires pourrait ne pas solliciter le renouvellement de leur mandat, lors des prochaines élections municipales. Si tel était le cas, serait confirmé un mouvement déjà observé lors des élections de 1995.

S'il peut être difficile d'identifier les motifs pouvant conduire un maire à ne pas se représenter, tout porte néanmoins à croire que l' insécurité juridique croissante constitue un facteur majeur, comme l'ont mis en évidence les réponses aux questionnaires établis dans le cadre des Etats généraux des élus locaux organisé par M. le Président du Sénat. C'est pourquoi, la mission commune d'information sur la décentralisation a fait de la sécurité juridique de l'action publique locale et des conditions d'exercice des mandats, deux thèmes prioritaires de ses réflexions.

Ces réflexions s'inscrivent dans la continuité de celles conduites précédemment par votre commission des Lois sur la responsabilité pénale des élus locaux qui ont conduit à l'adoption de la loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence ou de négligence. En outre, toujours à l'initiative de votre commission des Lois en collaboration avec la commission des finances, une réflexion approfondie a été menée par le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes, présidé par M. Jean-Paul Amoudry et dont le rapporteur était M. Jacques Oudin 3( * ) .

A l'occasion d'une question orale avec débat posée par M. Hubert Haenel, le 28 avril dernier, le Sénat a appelé l'attention du Gouvernement sur la question de la responsabilité pénale des élus locaux. Mme Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, Garde des sceaux, a annoncé au Sénat la mise en place d'un groupe d'étude restreint, présidé par M. Jean Massot, Conseiller d'Etat, et composé de magistrats, d'élus et d'universitaires, qui a été chargé de faire un " état des lieux " et de formuler des propositions sur la responsabilité pénale des décideurs publics.

Enfin, le Sénat a organisé, le 29 avril dernier, un colloque sur le thème " sécurité juridique et action publique locale " témoignant ainsi de sa volonté de répondre aux attentes légitimes des acteurs locaux.

De l'ensemble de ces travaux et réflexions, il ressort clairement que l'action publique locale est de plus en plus entravée par une complexité excessive et des charges croissantes . Dans ce cadre, l' inflation normative , l' imprécision de certains textes et, a l'inverse la trop grande technicité d'autres textes constituent des sujets de préoccupation majeure.

Cette année encore, votre commission des Lois constate que près de quatre ans après la publication de la partie législative du code général des collectivités territoriales (loi du 21 février 1996), la partie réglementaire de ce code reste toujours en chantier. Impliquant un effort important de rassemblement et de classement d'environ 200 décrets, soit 600 textes en tenant compte des décrets modificatifs pour atteindre un total de 1.900 articles, la partie réglementaire a été approuvée par la commission supérieure de codification le 1 er juillet dernier. Votre commission des Lois souhaite que sa parution ne soit pas plus longtemps différée.

Mais si la codification à droit constant constitue un préalable avant une simplification nécessaire des textes applicables aux collectivités locales, elle n'est pas non plus une garantie contre l'instabilité juridique . Depuis l'entrée en vigueur de la partie législative du code général des collectivités territoriales, 27 lois ont créé, modifié ou abrogé 399 articles de ce code. En outre le code général des collectivités territoriales étant un code " institutionnel ", le rassemblement des dispositions éparses applicables aux collectivités locales doit être poursuivi à travers l'élaboration de différents codes sectoriels tels que le code de l'éducation.

Par ailleurs, depuis plusieurs années, la prolifération des normes techniques -dont votre rapporteur pour avis a déjà souligné le coût financier pour les collectivités locales- constitue une source importante d'instabilité juridique. Le comité des finances locales a mis en place, sur ce thème, un groupe de travail animé par notre collègue  Philippe Adnot.

Les réflexions menées par l'inspection générale de l'administration, à la demande du ministre de l'intérieur, ont ainsi mis en évidence que le stock de normes établies par l'AFNOR -qui certes ne concernent pas toujours les collectivités locales- s'élève à 20.000 et s'enrichit de 1.800 normes nouvelles chaque années. 85 % des nouvelles normes de l'AFNOR ont une origine européenne ou internationale. Il apparaît indispensable, qu'outre une meilleure évaluation préalable de leur coût préalable , l'élaboration des normes donne lieu à une concertation accrue avec les collectivités locales, lesquelles en supportent le coût financier.

La responsabilité pénale des élus locaux pour des faits d'imprudence ou de négligence susceptibles d'avoir été commis dans le cadre de la gestion locale constitue, dans ce contexte, un motif de préoccupation majeure auquel le Sénat a entendu répondre depuis plusieurs années déjà.

Issue des réflexions menées au sein de votre commission des Lois, la loi du 13 mai 1996 a prévu que cette responsabilité ne pourrait être engagée que s'il est établi que l'élu " n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie ".

S'il est encore trop tôt pour mesurer l'impact sur la jurisprudence de ces nouvelles règles, il paraît néanmoins envisageable de préciser mieux encore les conditions de mise en jeu de la responsabilité pour des faits d'imprudence ou de négligence, notamment en exigeant que la faute soit caractérisée . Tel est l'objet de la proposition de loi (n° 9 rectifié, 1999-2000) déposée récemment par notre collègue Pierre Fauchon dont M. le Président du Sénat a indiqué qu'elle serait inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat le 27 janvier prochain.

Remédier à l'insécurité juridique de l'action publique locale suppose également d'autres mesures destinées à clarifier le rôle des différents acteurs de la vie publique locale, à renforcer l'information des élus locaux, à prévenir le procès pénal par une revalorisation de la voie civile ou encore à remédier aux contradictions résultant de la superposition des différents contrôles. Le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes a en particulier formulé des propositions équilibrées pour moderniser les conditions d'exercice du contrôle financier et veiller à sa complémentarité avec le contrôle de légalité. La proposition de loi (n° 8, 1999-2000) déposée par MM. Jacques Oudin, Jean-Paul Amoudry et plusieurs de nos collègues tend à donner une traduction législative à l'ensemble de ces propositions.

Outre par la recherche d'une plus grande sécurité juridique, les conditions d'exercice des mandats locaux doivent être améliorées par d'autres mesures. La diversification de plus en plus grande des tâches qui incombent aux élus locaux s'est en effet opérée dans un contexte marqué par une dégradation des conditions dans lesquelles ils exercent leur mandat.

Le cadre juridique en vigueur -très largement issu de la loi du 3 février 1992- ne paraît plus garantir l' égal accès de tous les citoyens à un mandat local , comme en témoigne la forte progression de la représentation des retraités et des agents de la fonction publique parmi les maires, à l'issue des élections municipales de 1995.

Des mesures doivent donc être envisagées pour assurer la compatibilité entre un mandat local et l'exercice d'une activité professionnelle, améliorer le régime indemnitaire et de protection sociale ou encore renforcer la formation des élus locaux.

La Livre blanc élaboré au sein de l'Association des Maires de France a formulé plusieurs propositions qui ont été présentées lors du 82 è congrès de l'Association. La mission d'information du Sénat sur la décentralisation a fait de cette question un thème prioritaire de réflexion.

Le Sénat a d'ores et déjà souhaité apporter plusieurs modifications au droit en vigueur en adoptant, sur le rapport du président Jacques Larché, plusieurs amendements au projet de loi ordinaire relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives. Le Sénat a ainsi généralisé à l'ensemble des maires et adjoints salariés qui exercent leur activité professionnelle, quelle que soit la taille de la commune, les mesures relatives à la suspension du contrat de travail avec garantie de réintégration. Il a par ailleurs décidé de revaloriser les indemnités de fonction des maires et -sur la proposition de votre rapporteur pour avis- de mieux définir leur nature juridique afin d'établir clairement qu'elles n'ont le caractère ni d'un salaire, ni d'un traitement, ni d'une rémunération quelconque.

B. LE DÉVELOPPEMENT D'UNE INTERCOMMUNALITÉ DE PROJET DANS UN CADRE JURIDIQUE CLARIFIÉ

Au cours des dernières années, le Sénat s'est fait régulièrement l'écho des légitimes préoccupations des élus locaux face à la complexité excessive du cadre juridique de l'intercommunalité. Telle fut notamment sa démarche lors de l'examen de la loi d'orientation du 4 février 1995 relative à l'aménagement et au développement du territoire dont l'article 78 a défini les pistes de réflexion en vue d'une réduction du nombre des catégories et d'une simplification du régime juridique de l'intercommunalité.

Le Sénat a également veillé à ce que face à la forte progression du poids financier des groupements au sein de la dotation globale de fonctionnement, les critères de répartition de celle-ci encourage une véritable intercommunalité de projet. Tel fut l'objet de la loi n° 93-1436 du 31 décembre 1993 complétée par la loi n° 96-241 du 26 mars 1996. Le Sénat a, de même, apporté sa pleine contribution à une première remise en ordre des textes applicables aux structures intercommunales, lors de l'adoption, en 1996, de la partie législative du code général des collectivités territoriales.

Le groupe de travail sur la décentralisation a par la suite mis en évidence le " maquis " actuel de la coopération intercommunale et défini les voies et moyens d'une nécessaire simplification . Ses propositions ont trouvé un écho dans le projet de loi relatif au développement de la coopération intercommunale, déposé sur le Bureau du Sénat le 23 avril 1997 par M. Dominique Perben, alors ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Tout en s'en distinguant sur certains aspects non négligeables, la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 -adoptée définitivement après qu'un accord fut intervenu au sein de la commission mixte paritaire présidée par M. Jacques Larché- reprend néanmoins pour une bonne part les conclusions des travaux antérieurs, notamment pour ce qui est de l'objectif de simplification .

A cet effet, elle recherche une rationalisation des structures se traduisant notamment par la suppression des districts et des communautés de villes et par une harmonisation des règles de fonctionnement des différentes structures intercommunales.

La loi du 12 juillet 1999 cherche en outre à promouvoir l'intercommunalité en milieu urbain à travers la création d'une nouvelle structure, la communauté d'agglomération qui bénéficiera de fortes incitations financières par le biais de la dotation globale de fonctionnement.

Répondant à votre rapporteur pour avis, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a estimé qu'il n'était pas exclu que trente communautés d'agglomération soient créées au 1 er janvier 2000 (contre vingt initialement prévues).

La loi aménage parallèlement le régime des communautés urbaines et des communautés de communes . En conséquence, la communauté urbaine sera la formule la plus intégrée s'adressant aux grandes agglomérations. La communauté d'agglomération concernera davantage les communes de taille moyenne tandis que la communauté de communes, dont la création n'est subordonnée à aucun seuil démographique, est destinée au milieu rural. Parallèlement, les syndicats de communes (à vocation unique ou multiple) et les syndicats mixtes continueront à prendre en charge une intercommunalité de services.

Sur le plan financier et fiscal , la loi du 12 juillet 1999 a organisé la promotion de la taxe professionnelle unique qui constituera le régime obligatoire des nouvelles communautés d'agglomération. Elle modifie par ailleurs les règles de répartition de la dotation globale de fonctionnement, en corrigeant le mode de calcul du coefficient d'intégration fiscale et le régime de la garantie des groupements éligibles.

Rappelons que l'impact financier des nouvelles communautés d'agglomération sur la dotation globale de fonctionnement a été atténué par un abondement annuel maximum de 500 millions de francs, prélevé sur les recettes de l'Etat, jusqu'en 2004.

Tout au long de l'examen de cette loi, le Sénat a souhaité veiller à ce que le succès de l'intercommunalité soit fondé sur une démarche progressive et volontaire . Il a en outre corrigé le dispositif qui lui était soumis afin d'éviter toute dichotomie entre l'urbain et le rural , et assurer une meilleure prise en compte des réalités locales , notamment dans la définition des compétences des structures intercommunales. Il a également veillé à ce que le renforcement de l'intercommunalité ne se traduise pas par un alourdissement des prélèvements obligatoires et par une pénalisation financière des communes au sein de la dotation globale de fonctionnement ou par le biais d'une ponction sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Ainsi a-t-il limité la faculté de prélever sur cette dotation les ressources qui seraient nécessaires au financement des communautés d'agglomération à 2000 et 2001, date d'échéance du " contrat de croissance et de solidarité ".

Si la loi du 12 juillet 1999 est d' application immédiate , plusieurs textes réglementaires devront néanmoins être pris pour préciser les conditions d'application de certaines dispositions ou procéder à un " toilettage " de la réglementation en vigueur. 13 décrets en cours de préparation pourraient, selon les indications fournies à votre rapporteur pour avis, être publiés d'ici la fin de l'année. En outre, l'abrogation de certaines dispositions réglementaires pourrait être envisagées dans le cadre de la codification de la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales.

Les textes réglementaires requis concernent les questions suivantes :

- liste des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans lesquels le directeur ou le directeur-adjoint peut avoir délégation de signature (dispositions applicables au 1 er janvier 2000 - article 111 de la loi) ;

- fixation du taux des indemnités maximales pour les fonctions de président ou de vice-président de communauté d'agglomération (modification du décret n° 93-732 du 29 mars 1993 relatif aux indemnités de fonction des présidents et vice-présidents d'EPCI) ;

- frais de déplacement des élus des EPCI ne bénéficiant pas d'indemnités de fonction (conditions de remboursement à préciser par référence au décret n° 90-437 du 28 mai 1990 relatif aux frais de déplacement des fonctionnaires) ;

- nomination d'un liquidateur en cas de dissolution d'un EPCI et en cas d'annulation de l'arrêté de création ;

- commission départementale de la coopération intercommunale : modalités de désignation des membres appelés à siéger en formation restreinte et fonctionnement de ladite formation (dispositions applicables au 1 er janvier 2000 - article 112 ) ;

- abrogation d'articles réglementaires relatifs aux communautés urbaines ( article R 165-6 à 14 du code des communes) ;

- modification des conditions d'application du régime de crédit d'heures prévu pour les élus municipaux désignés pour siéger au sein des EPCI ;

- suppression de la qualité d'ordonnateur secondaire des délégués régionaux du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ; incidence sur le régime administratif, budgétaire et financier de l'établissement ;

- modification des conditions d'évaluation des dépenses d'investissement transférées aux EPCI à taxe professionnelle unique (TPU) ;

- modification du prélèvement et versement des ressources du fonds de solidarité des communes de la Région d'Ile de France (FSRIF) ;

- modification de la composition du Comité des finances locales (CFL) ;

- nouvelles dispositions concernant le potentiel fiscal ;

- suppression de la dotation de développement rural (DDR) des communes de moins de 20 000 habitants des départements d'outre-mer et de celle de la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon.

C. L'AVENIR DU SYSTÈME DE FINANCEMENT LOCAL

Lors de l'examen des crédits de la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances 1999, votre commission des Lois s'était inquiété des très fortes incertitudes qui pèsent désormais sur l'avenir du système de financement local, notamment à la suite de la réforme fiscale voulue par le Gouvernement.

Votre rapporteur pour avis a déjà souligné les limites du " contrat de croissance et de solidarité " régissant les concours de l'Etat aux collectivités locales. Traduisant insuffisamment la contribution majeure de ces dernières à la croissance, il ne prend pas en compte l'évolution de leurs charges. Ces limites sont sanctionnées par la pratique des abondements exceptionnels qui viennent combler l'insuffisante progression des concours de l'Etat.

En outre, cette situation est aggravée par la réforme fiscale décidée l'an passée qui tend progressivement à remplacer la fiscalité locale par une généralisation des dotations de l'Etat.

En outre, en ne choisissant pas de compenser les allégements fiscaux par la voie du dégrèvement , la réforme a privé les collectivités locales du bénéfice du dynamisme des bases et de la liberté de fixer les taux pour la part salariale de la taxe professionnelle. Alors qu'un mécanisme de dégrèvement aurait permis aux ressources des collectivités de continuer à évoluer comme les anciennes bases, le mécanisme de compensation qui a été retenu, prend en compte les bases de 1999 (c'est à dire en pratique les salaires versés en 1997) et les taux de 1998. Les situations économiques étant ainsi figées, les initiatives locales en faveur du développement risque d'être découragées .

Cette réforme a pu également susciter des interrogations exprimées l'an passé par votre rapporteur pour avis, quant à sa conciliation avec la volonté de promouvoir la taxe professionnelle unique dans le cadre d'une intercommunalité de projet. Les mécanismes de compensation n'ont pas non plus manqué de soulever des difficultés pour le calcul des contributions fiscalisées versées aux établissements publics de coopération intercommunale qui ne sont pas dotés d'une fiscalité propre.

La fiscalité locale est désormais de plus en plus acquittée par le contribuable local. La prise en charge de la fiscalité locale dépasse les 100 milliards de francs, soit un montant proche de la dotation globale de fonctionnement pour 2000.

Au total, paraît se concrétiser le risque d'une mise en cause des principes fondateurs de la décentralisation sous le double effet d'une étatisation progressive de la fiscalité locale et de ressources locales dépendant entièrement de dotations consenties par l'Etat et elles-mêmes soumises à des mécanismes complexes bridant leurs évolutions.

Votre commission des Lois entend au contraire réaffirmer son attachement à une rénovation de la fiscalité locale qui permette de l'adapter aux évolutions économiques et qui préserve l' esprit d'initiative des collectivités locales.

*

* *

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des lois a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation, inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

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