EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi en première lecture du projet de loi portant diverses dispositions statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes et modifiant le code des juridictions financières.

Ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en séance publique le 30 mars 2000, poursuit trois objectifs : assurer la pérennité d'un recrutement de qualité et renforcer les moyens des chambres régionales des comptes ; accroître les liens entre les magistrats de la Cour et ceux des juridictions régionales ; mettre en place une gestion plus concertée du corps.

L'adoption par le Parlement en 1997 de la revalorisation du statut des magistrats administratifs 1 ( * ) a été suivie de l'annonce, dès 1998, d'un projet de réforme visant à faire bénéficier les magistrats des chambres régionales des comptes des mêmes avancées statutaires.

Le retard pris par le Gouvernement dans l'inscription à l'ordre du jour du présent projet de loi est regrettable . Il a conduit à une situation de malaise dans les chambres régionales des comptes.

Votre rapporteur exposera tout d'abord le contexte dans lequel travaillent actuellement les magistrats financiers. Ceux-ci ne bénéficient pas d'un statut 2 ( * ) adapté à leurs fonctions, tandis que le " pyramidage " du corps est de plus en plus défavorable aux évolutions de carrière. Or, les chambres régionales sont confrontées à un alourdissement sensible de leurs tâches, qui met aussi en exergue l'inadaptation de leurs procédures.

Puis, votre rapporteur présentera les orientations du projet de loi, tendant à restructurer le corps des magistrats des chambres régionales des comptes et à renforcer les liens entre la Cour des comptes et les chambres régionales, ainsi que les travaux de l'Assemblée nationale, qui élargissent le champ du texte, à l'origine exclusivement statutaire. Il rappellera aussi les termes de la proposition de loi, adoptée le 11 mai 2000 par le Sénat et toujours en instance à l'Assemblée nationale, relative aux procédures applicables en matière de contrôle de la gestion des collectivités territoriales, ce volet étant le complément utile de la réforme statutaire.

Considérant que la réforme des missions et des procédures des chambres régionales des comptes et celle du statut de leurs membres sont tout aussi nécessaires l'une que l'autre pour améliorer les conditions d'exercice du contrôle financier des collectivités locales et de leurs établissements publics, votre commission des Lois vous proposera d'adopter, sous réserve de quelques modifications, le présent projet de loi, qui est très attendu des magistrats, et de l'enrichir des dispositions contenues dans la proposition de loi sénatoriale tendant à réformer les conditions d'exercice des compétences locales et les procédures applicables devant les chambres régionales des comptes.

LE FONCTIONNEMENT ACTUEL DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES SUSCITE UN CERTAIN MALAISE CHEZ LES MAGISTRATS COMME CHEZ LES ÉLUS

LES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES ONT CONNU UNE MONTÉE EN PUISSANCE PROGRESSIVE

Les vingt-quatre chambres régionales et les deux chambres territoriales des comptes forment, avec la Cour des comptes, les juridictions financières.

Leurs compétences s'étendent, à titre principal et de façon obligatoire, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics ainsi qu'aux groupements de collectivités situés dans leur ressort géographique. D'autres organismes, tels que les sociétés d'économie mixte et les associations subventionnées, sont soumis à un contrôle facultatif.

La Cour des comptes, quant à elle, est tenue de contrôler l'Etat, les établissements publics nationaux, les entreprises publiques (depuis 1976) et les organismes de sécurité sociale (depuis 1950). Dans tous les cas, sa saisine résulte de la loi, elle est donc automatique.

A titre facultatif, sa compétence s'étend aux organismes de droit privé dont la majorité des voix ou du capital est détenue par des organismes soumis obligatoirement à son contrôle ou dans lesquels ces organismes ont un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion, aux organismes de droit privé (les associations, notamment) bénéficiaires de concours financiers d'origine publique, aux organismes d'intérêt général faisant appel à la générosité publique (depuis 1991), et aux organismes bénéficiant de concours financiers de l'Union européenne (art. 45 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996).

Depuis leur création en 1982, les chambres régionales des comptes ont connu une extension progressive de leurs compétences, conduisant à un alourdissement sensible de leur charge de travail. Elles exercent leurs mission en toute indépendance mais conservent des liens étroits avec la Cour des comptes.

Liste et effectifs réels
des chambres régionales et territoriales des comptes

Chambres régionales
et territoriales
des comptes

Présidents
de section

Hors classe

1 ère classe

2 ème classe

Total

Effectifs théori-ques

Rappor-teurs

Alsace

1

7

0

2

10

10

Aquitaine

2

9

2

2

15

17

1

Auvergne

1

5

1

0

7

9

Bourgogne

1

8

1

0

10

10

Bretagne

2

10

2

1

15

17

Centre

2

6

2

1

11

13

Champagne-Ardenne

1

4

1

1

7

9

1

Corse

0

0

1

4

5

5

France-Comté

0

4

2

1

7

7

Ile-de-France

8

27

4

7

46

49

3

Languedoc-Roussillon

2

8

1

2

13

13

Limousin

0

4

0

0

4

5

Lorraine

2

4

1

5

12

15

1

Midi-Pyrénées

2

8

1

3

14

15

2

Nord-Pas-de-Calais

3

6

6

3

18

22

1

Basse-Normandie

1

6

0

1

8

9

Haute-Normandie

1

7

0

1

9

10

Pays-de-la-Loire

2

7

3

4

16

18

Picardie

1

8

0

1

10

10

Poitou-Charentes

0

8

0

0

8

10

Provence-Alpes-Côte d'Azur

3

16

3

2

24

25

1

Rhône-Alpes

3

18

3

2

26

28

1

Guadeloupe-Guyane-Martinique

0

8

0

0

8

8

La Réunion

0

2

2

1

5

5

Nouvelle-Calédonie

0

3

0

1

4

4

Polynésie française

2

2

2

TOTAL

38

195

36

45

314

345

11

Effectifs budgétaires

39

121

83

106

349

Source : Cour des comptes - 2 avril 2001.

L'extension progressive des compétences des chambres régionales des comptes s'est traduite par un alourdissement de leur charge de travail

Les missions initiales des chambres régionales des comptes

La loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, a confié trois grandes attributions aux chambres régionales des comptes :

- le jugement des comptes , qui est susceptible d'appel devant la Cour des comptes et qui est leur seule attribution juridictionnelle ;

- le contrôle des actes budgétaires , qui les conduit à émettre des avis non susceptibles de recours (sauf dans le cas d'une décision déclarant une dépense non obligatoire) ;

- l' examen de la gestion , donnant lieu à des observations qui, en l'état actuel du droit, sont réputées ne pas faire grief.

L'extension et le renforcement de leurs compétences

Plusieurs textes législatifs sont venus préciser ou adapter le régime initial des chambres régionales des comptes, afin de mieux affirmer les garanties de procédure offertes aux collectivités locales mais aussi de renforcer et d'étendre les compétences des juridictions financières.

La loi n° 88-12 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation a cherché à lever la confusion induite par la loi du 2 mars 1982 qui, pour définir le jugement des comptes, incluait la vérification du " bon emploi " des crédits et ouvrait la voie à un contrôle d'opportunité. Elle a remplacé cette notion par celle d'" emploi régulier " des crédits et institué une procédure spécifique d'examen de la gestion.

La loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative au financement des partis et des campagnes électorales a posé le principe de la communication à l'assemblée délibérante des observations définitives formulées par les chambres régionales des comptes dans le cadre de l'examen de la gestion des collectivités locales. Cette innovation majeure a conduit à une médiatisation parfois excessive de ce qui avait été essentiellement conçu comme une aide à la bonne gestion.

La loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques a renforcé et précisé certaines règles de procédure applicables devant les chambres régionales des comptes, notamment en posant l'obligation de joindre le texte des lettres d'observations définitives à la convocation de la séance de l'assemblée délibérante au cours de laquelle celles-ci doivent être communiquées.

Enfin, la loi n° 95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et aux délégations de service public a renforcé les pouvoirs de contrôle des juridictions financières sur les services publics délégués.

L'alourdissement de leur charge de travail

Les chambres régionales des comptes ont ainsi connu un accroissement sensible de leur charge de travail.

En 1997, elles ont rendu 16 927 jugements sur les comptes des comptables publics, soit une augmentation de 6 % par rapport à 1992, et émis 1 314 avis budgétaires (+ 5 % par rapport à 1992). Elles ont également adressé 995 lettres d'observations définitives sur la gestion (+ 22 % par rapport à 1992).

En 1999, le nombre des avis budgétaires s'est élevé à 1 245 et celui des jugements rendus sur les comptes des comptables publics à 17 555. Les observations portant sur la gestion des organismes contrôlés ont donné lieu à 2 514 communications aux ordonnateurs ou autorités administratives, 875 lettres d'observations provisoires et 807 lettres d'observations définitives.

Juridictions indépendantes, les chambres régionales des comptes entretiennent des liens organiques et fonctionnels avec la Cour des comptes.

Chaque chambre régionale des comptes constitue une juridiction indépendante et autonome qui règle librement les conditions de ses activités de contrôle au sein de son domaine de compétence.

Toutefois, les chambres régionales, sans pour autant former avec la Cour des comptes un véritable ordre de juridiction, entretiennent avec cette dernière des relations organiques et fonctionnelles qui contribuent à l'harmonisation et à la coordination des activités des juridictions financières.

ORGANISATION DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES

Il établit le tableau d'avancement de grade des magistrats des chambres régionales des comptes et la liste d'aptitude aux emplois de président de chambre régionale des comptes.

Il est consulté sur les mutations et les modifications du statut des magistrats ainsi que sur toute question relative à l'organisation, au fonctionnement ou à la compétence des chambres.

MISSION PERMANENTE D'INSPECTION
DES CHAMBRES
RÉGIONALES DES COMPTES

Composée de cinq conseillers maîtres de la Cour des comptes, elle contrôle chaque chambre régionale des comptes tous les quatre ans environ.

COUR DES COMPTES
7 chambres

356 magistrats

(dont 181 ne travaillant pas à la Cour des comptes)

Commission consultative
de la Cour des comptes

24 CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES

2 CHAMBRES TERRITORIALES DES COMPTES
39 sections (chaque chambre comprend de une à huit sections)
405 magistrats (dont 91 ne travaillant pas dans une chambre régionale)

CONSEIL SUPÉRIEUR
DES CHAMBRES RÉGIONALES

DES COMPTES

Placée auprès du Premier président de la Cour des comptes, elle est consultée sur toute question déontologique ou intéressant l'organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes, sur les modifications du statut des magistrats et sur leur avancement.

Les liens organiques entre les chambres régionales et la Cour des comptes

La première des relations organiques unissant les chambres régionales et la Cour des comptes réside dans la saisine de la Cour en appel des jugements rendus par les chambres sur les comptes. Cet appel permet l'exercice d'une fonction régulatrice et " harmonisante " de la jurisprudence.

D'autre part, les présidents des chambres régionales des comptes, qu'ils soient issus ou non de la Cour des comptes, deviennent ès qualités membres de la Cour.

En revanche, aucune autre voie d'accès spécifique à la Cour des comptes n'existe actuellement pour les conseillers des chambres régionales des comptes.

Le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes , compétent en matière d' avancement et de discipline des magistrats du corps des chambres régionales des comptes, comprend des magistrats de la Cour dont un membre exerçant les fonctions de président de juridiction, et des magistrats des chambres régionales des comptes. Au-delà de ses compétences en matière d'avancement et de discipline, le Conseil est consulté sur toute question relative à l' organisation , au fonctionnement ou à la compétence des chambres.

Par ailleurs, depuis la loi du 5 janvier 1988, la Cour des comptes est chargée d'une mission permanente d'inspection à l'égard des chambres régionales des comptes. Composée de quatre ou cinq conseillers maîtres, cette mission permanente est chargée de s'assurer du bon fonctionnement des juridictions régionales grâce à des inspections périodiques.

Enfin, la gestion des ressources financières allouées aux chambres régionales est assurée par la Cour des comptes, qui délègue chaque année une dotation à chacune des juridictions.

Les liens fonctionnels entre les chambres régionales et la Cour des comptes

Les liens organiques qui unissent la Cour des comptes aux chambres régionales sont complétés par des relations fonctionnelles qui contribuent à l'harmonisation et à la coordination des activités des juridictions financières.

La coordination entre les programmes annuels de contrôle est confiée à un comité de liaison qui intervient pour définir des sujets d'enquêtes associant plusieurs chambres régionales, pour arrêter des thèmes de vérification communs et jouer un rôle d'alerte en sensibilisant l'ensemble des chambres régionales à des pratiques irrégulières relevées par certaines d'entre elles. Une fois les contrôles achevés, le comité sélectionne les observations des juridictions régionales susceptibles de figurer au rapport public de la Cour des comptes.

Par ailleurs, en 1996, le Premier président de la Cour des comptes a créé par arrêté une commission des méthodes , chargée de réfléchir sur la manière dont les chambres conduisent leurs contrôles.

Enfin, le ministère public exerce une fonction unificatrice , dans la mesure où des relations permanentes existent entre le parquet général de la Cour et les commissaires du Gouvernement des chambres régionales des comptes. Le procureur général près la Cour des comptes veille au bon exercice du ministère public, oriente et harmonise l'action des commissaires, au besoin " par des recommandations écrites " , et les note chaque année. Il exerce ainsi sur eux un quasi pouvoir hiérarchique.

* 1 Loi n° 97-276 du 25 mars 1997 portant dispositions statutaires relatives au corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

* 2 Les magistrats des chambres régionales des comptes sont des fonctionnaires de l'État dotés d'un statut particulier, composé d'une partie législative et d'une partie réglementaire.

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