Art. 14
(Titre premier, article premier, premier-1 nouveau et 5 ; titre II, articles 2 et 12 ; titre III, article 13 et titre IV de la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989)
Réforme de l'accueil familial à titre onéreux de personnes âgées ou handicapées

Objet : Cet article vise à moderniser le régime de l'accueil à titre onéreux des personnes âgées ou handicapées adultes par des particuliers à leur domicile.

En première lecture, le Sénat avait adopté vingt-cinq amendements à cet article.

Vingt-trois amendements avaient pour objet d'effectuer les coordinations rendues nécessaires par l'entrée en vigueur du nouveau code de l'action sociale et des familles .

Un amendement précisait que la rémunération versée aux accueillants familiaux obéit au même régime de cotisations obligatoires que les salaires.

Enfin, le Sénat avait adopté un amendement, sous-amendé par le Gouvernement, ouvrant la possibilité aux institutions sociales et médico-sociales concernées de conclure, avec l'accord du conseil général, des contrats de travail distincts du contrat d'accueil avec des personnes accueillant des personnes âgées ou adultes handicapées.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'a émis aucune réserve à l'encontre de ces amendements et a adopté un amendement afin de maintenir en vigueur l'actuel article L. 442-3 du code de l'action sociale et des familles relatif au placement familial d'une personne handicapée sous la responsabilité d'un établissement ou d'un service social et médico-social.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 14 quater A
(art. L. 132-8, L. 245-6 et L. 344-5 du code de l'action sociale et des familles)
Conditions d'exercice des recours en récupération
au titre de l'aide sociale

Objet : Cet article, introduit par le Sénat en première lecture, a été substantiellement atténué par l'Assemblée nationale en deuxième lecture : alors que le Sénat avait adopté un dispositif général visant à assouplir les conditions dans lesquelles sont effectués des recours en récupération sur l'aide sociale perçue par les personnes handicapées au moment de leur décès ou de celui de leurs parents, l'Assemblée nationale a seulement accepté que le sommes versées au titre de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) ne fassent pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Le Sénat avait introduit cet article additionnel, à la suite d'un large débat, afin de rétablir plus d'équité, en matière de récupération de l'aide sociale, entre le régime des personnes handicapées et celui des personnes âgées dépendantes, tel qu'il ressort du projet de loi relatif à l'allocation personnalisée d'autonomie actuellement en cours d'examen par le Parlement 11 ( * ) .

Il s'agissait également de moderniser un dispositif qui ne prend pas actuellement en compte les situations créées par l'allongement de la durée de vie des personnes handicapées.

A. Le régime actuel

Il convient de rappeler que l'aide sociale est un ensemble d'aides légales auxquelles les personnes ont droit lorsqu'elles se trouvent dans le besoin ; l'article L. 111-1, qui est le premier article du nouveau code de l'action sociale et des familles , dispose ainsi que « toute personne résidant en France bénéficie, si elle remplit les conditions légales d'attribution, des formes de l'aide sociale telles qu'elles sont définies par le présent code. »

L'aide sociale se différencie de l'action sociale stricto sensu qui correspond à des prestations facultatives.

Elle se différencie également des prestations non contributives qui sont gérées par les organismes de sécurité sociale alors même qu'elles ne correspondent à aucune cotisation antérieure (minimum vieillesse, allocation aux adultes handicapés). Il s'agit le plus souvent de minima sociaux alors que l'aide sociale est calculée en fonction des besoins de la personne.

L'aide sociale est versée à des personnes dans le besoin. Depuis l'origine, le principe a été posé que l'aide sociale pouvait être récupérée soit lorsque le bénéficiaire « revient à meilleure fortune », soit lorsqu'il décède et qu'il laisse une succession. La récupération de l'aide sociale aux personnes âgées ou handicapées est principalement une ressource des départements.

L'aide sociale est un droit subsidiaire : elle intervient en dernier ressort lorsque l'intéressé ne dispose plus de ressources personnelles provenant ou de son activité, ou de ses biens, lorsqu'il a épuisé ses droits à la sécurité sociale et, enfin, lorsque la solidarité familiale ne peut plus jouer.

C'est pourquoi il y a un lien fort à l'origine entre l'aide sociale et :

- la récupération sur succession : l'aide sociale est consentie à titre d'avance à celui qui dispose d'un patrimoine : l'intéressé n'est pas obligé de s'en dessaisir mais il est procédé à une récupération à son décès ;

- l'obligation alimentaire prévue par le code civil : les époux ont l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants et les enfants doivent des aliments à leurs père et mère et autres ascendants qui sont dans le besoin.

Toutefois le lien s'est distendu soit pour favoriser l'hébergement des personnes âgées à domicile, soit pour tenir compte de la gravité et de la durée d'un handicap irréversible.

En matière de récupération, il faut distinguer deux cas :

- soit le bénéficiaire décède et il y a un recours en récupération sur son héritage,

- soit le bénéficiaire « revient à meilleure fortune » - du fait d'un héritage à la suite du décès de ses parents - et il peut y avoir un recours sur l'héritage qu'il perçoit.

Le cas le mieux réglementé est celui de la récupération sur la succession de l'héritier, du donataire ou du légataire.

La situation de la personne âgée diffère de celle de la personne handicapée.

- Si la personne âgée est en établissement, sans prestation spécifique dépendance, la récupération est effectuée sur l'intégralité de l'actif net successoral, pour les sommes versées à compter du premier franc.

- En revanche, pour les personnes âgées hébergées à domicile ou bénéficiant de la prestation spécifique dépendance (PSD) (à domicile ou en établissement), il n'y a récupération que sur la partie de l'actif net successoral qui dépasse 300.000 francs.

Les règles ne sont pas les mêmes pour les personnes handicapées :

- Pour les personnes handicapées en établissement, il n'y a pas récupération lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants ou la personne qui s'est occupée constamment de lui ( art. L. 344-5 du code de l'action sociale et des familles ). Mais cette disposition n'est pas applicable en cas de donation 12 ( * ) du vivant de la personne handicapée, y compris aux personnes précitées. Par ailleurs, elle ne joue pas si la personne handicapée a dépassé l'âge de 60 ans et qu'elle a été transférée dans un établissement pour personnes âgées.

- Pour les handicapés qui perçoivent l'aide compensatrice d'une tierce personne à domicile, il est prévu le même dispositif : il n'y a pas de récupération sur les enfants, le conjoint, ou la tierce personne en charge lorsque ces derniers sont héritiers.

En revanche, il n'y a pas aujourd'hui de réglementation claire sur la mise en oeuvre du recours en cas de « retour à meilleure fortune » lorsque l'un des parents décède. La question ne se pose pas pour les personnes âgées mais pour les personnes handicapées qui vivent maintenant de plus en plus longtemps.

Les pratiques sont très diverses selon les départements : certains récupèrent, d'autres pas. Un avis préalable de la commission d'aide sociale est requis sur le seuil qui déclenche le recours ; il n'existe pas de réglementation nationale de référence.

Votre rapporteur avait souligné en première lecture que les personnes handicapées ressentaient comme une injustice le recours sur succession en cas de « retour à meilleure fortune ». Les dispositions prévues en matière de RMI ne prévoient pas de dispositions de recours en cas de retour « à meilleure fortune ». Quant au recours sur succession en matière de RMI il n'a jamais été appliqué parce que le décret d'application n'a jamais été pris.

Par ailleurs, le titulaire handicapé de l'ACTP a consommé son allocation « au mois le mois » : l'idée d'une récupération sur des sommes effectivement dépensées au titre d'une prestation effectuée n'est plus comprise par les intéressés. Ils ont le sentiment que la récupération a pour effet -sinon pour but- de les maintenir indéfiniment dans le régime d'aide sociale .

RÈGLES APPLICABLES EN MATIÈRE DE RECOURS SUR SUCCESSION

Aide sociale aux personnes âgées

Prestations

Obligation alimentaire

Récupérable sur succession

Toutes les aides à l'hébergement : maisons de retraite, long séjour, logement-foyer, placement familial, aide médicale hospitalière

oui

En totalité dans la limite de l'actif net de la succession

- Aides à domicile : toutes les formes d'aide ménagère, l'aide aux repas

- Forfait journalier hospitalier

- Aides en espèces : allocation simple aux personnes âgées et allocation supplémentaire du FSV : allocation représentative de services ménagers

non

oui

oui 13 ( * )

Récupérable à partir de 5.000 francs sur la partie nette de l'actif successoral qui dépasse 300.000 francs

PSD à domicile ou en établissement

non

Idem ci-dessus

Allocation personnalisée d'autonomie 14 ( * )

non

Pas de récupération sur l'héritier, le donataire ou le légataire 2

Aide sociale aux personnes handicapées (moins de 60 ans)

Prestations

Obligation alimentaire

Récupérable sur succession

Aides à l'hébergement : foyers de rééducation professionnelle et d'aide par le travail ; foyers et logements-foyers réservés aux personnes handicapées 15 ( * )

non

Oui sur la donation ou le legs

Oui sur l'héritage familial sauf si l'héritier est le conjoint , un enfant , ou la personne ayant assuré la charge du handicapé

Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP)

non

Idem ci-dessus

Enfin, lors de la discussion du projet de loi relatif à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) le 19 avril dernier, l'Assemblée nationale a adopté avec l'accord du Gouvernement un amendement prévoyant que « les sommes servies au titre de l'APA ne font pas l'objet d'un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou le donataire ».

Les personnes handicapées ont eu le sentiment d'un traitement discriminatoire. L'émotion a été telle qu'une manifestation a été organisée le 24 avril 2001 devant le Sénat.

Il est exact que le problème de la récupération de l'aide sociale est complexe à la fois pour des raisons liées à la philosophie des dispositifs d'aide sociale, mais aussi parce que les sommes résultant des recours en récupération sont une recette des budgets départementaux.

Votre rapporteur se demande si le maintien strict des règles de récupération en matière d'aide sociale ne présente pas un contraste trop fort, aux yeux des intéressés, avec l'absence de récupération concernant les prestations de solidarité versée par l'Etat (AAH, RMI, allocation veuvage, etc.). En définitive, c'est le mécanisme lui-même qui menace de porter préjudice à une bonne perception de la décentralisation en matière sociale.

B. Le contenu du présent article

Tenant compte à la fois de la nécessité d'adapter la législation en matière de récupération d'aide sociale aux contraintes particulières des personnes handicapées et de la situation nouvelle créée par l'allongement de leur durée de vie, le Sénat avait adopté un dispositif global et novateur, respectueux de l'équilibre financier des départements.

Dans la rédaction adoptée par le Sénat, en première lecture -issue de deux amendements identiques déposés par les membres du groupe de l'union centriste et les membres du groupe RPR- 16 ( * ) , le présent article avait cinq conséquences :

- fixer le principe d'un seuil réglementaire en matière de recours à meilleure fortune c'est-à-dire en cas d'accroissement du patrimoine du bénéficiaire de l'aide sociale et suppression du recours lorsque le retour à meilleure fortune résulte de la perception d'un héritage ou d'une libéralité provenant du conjoint, d'un ascendant ou descendant direct ;

- mettre en place un seuil de récupération sur succession au titre des frais d'hébergement pour personnes handicapées à l'instar de ce qui est prévu en matière de PSD : actuellement ces frais d'hébergement sont récupérables au premier franc lorsque les héritiers sont les frères et soeurs, parents et grands-parents de la personne handicapée ;

- prévoir que les sommes versées au titre de l'ACTP à des personnes handicapées de moins de 60 ans ne peuvent faire l'objet d'aucun recours sur succession ni sur l'héritier, ni sur le donataire, ni sur le légataire ; cette disposition a été retenue par analogie à la disposition votée par l'Assemblée nationale le 19 avril dernier puis confirmée par le Sénat le 16 mai dernier pour l'allocation personnalisée à l'autonomie (APA) ;

- garantir que les donations effectuées par des personnes handicapées ne donnent pas lieu à recours en récupération lorsque les donataires sont le conjoint, les enfants ou la personne qui a assumé de façon effective et constante la charge du handicapé ;

- compenser exactement aux départements le coût de la diminution de recettes entraînée par la révision des règles de récupération dans le cadre de la DGF.

Comme votre rapporteur l'a déjà souligné, l'Assemblée nationale a sensiblement réduit la portée du dispositif.

Elle a adopté en séance publique un amendement rectifié de sa commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, sous-amendé par le Gouvernement, se limitant à prévoir que les sommes versées au titre de l'ACTP ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. En outre, elle a supprimé tout gage de nature à assurer une juste compensation aux départements.

Il est à noter que, lors de l'examen en commission du texte à l'Assemblée nationale, il n'était pas adopté d'amendement restreignant ou revenant sur les apports du Sénat.

II - La position de votre commission

Face à la position adoptée par l'Assemblée nationale, votre commission avait la possibilité de vous proposer de rétablir le dispositif adopté par le Sénat en première lecture qui représente un ensemble de mesures complet et cohérent.

Elle ne vous l'a pas proposé pour deux raisons.

Tout d'abord, il convient de prendre acte de l'effort consenti par la majorité à l'Assemblée nationale pour tenter d'apporter une réponse partielle aux problèmes que posent les recours en récupération, même si le Sénat aurait préféré apporter une révision plus complète.

Votre rapporteur se félicite de ce que la fermeté du Sénat en faveur des personnes handicapées ait permis une prise de conscience salutaire de nos collègues députés qui débouche sur une avancée modeste mais encourageante.

Par ailleurs, votre commission constate que l'Assemblée nationale, en levant le gage à la demande du Gouvernement, ne crée pas -de même que pour l'APA- les conditions d'un dialogue constructif entre le Gouvernement et les présidents de conseils généraux pour assurer l'équilibrage des budgets locaux.

Dans ces conditions, votre commission ne vous proposera pas de rétablir intégralement son texte de première lecture qui remaniait en profondeur le régime de la récupération sur succession.

En revanche, elle a souhaité que le Sénat continue de manifester sa volonté d'apporter une attention soutenue aux spécificités des contraintes que subissent les personnes handicapées.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter un amendement qui reprend, en fait, deux dispositions déjà votées.

Il s'agit tout d'abord de rétablir le paragraphe II du texte voté par le Sénat en première lecture qui prévoyait une identité de régime entre les titulaires de l'ACTP et ceux de la future APA. Il est donc prévu qu'il ne peut être exercé de recours ou récupération à l'encontre de l'héritier, du donataire ou du légataire du bénéficiaire de l'ACTP. Cette phrase est complétée par le dispositif adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture qui prévoit qu'il ne peut y avoir de recours en cas de retour à meilleure fortune du bénéficiaire de l'ACTP.

Le dispositif proposé par votre commission prévoit enfin une compensation des pertes de recettes, notamment pour les départements.

Il est intéressant de noter que nos collègues députés avaient adopté un amendement identique en commission avant de le modifier dans un sens plus restrictif sans doute sous la pression du Gouvernement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

* 11 Projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.

* 12 Datant de moins de dix ans à compter de l'admission à l'aide sociale.

* 13 Sauf titulaires de l'allocation veuvage.

* 14 Texte du projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.

* 15 Il n'y a pas de récupération sur les frais de fonctionnement en institut médico-éducatif (IME), en maison d'accueil spécialisé (MAS) et en centre d'aide par le travail (CaT) qui sont financés par l'aide sociale de l'Etat ou par l'assurance maladie.

* 16 Les membres du groupe RI avaient déposé sous l'impulsion de M. Nicolas About des amendements ayant le même objet.

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