EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi n° 421 (2000-2001) portant réforme de la loi du 1 er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière, soumise à votre examen, est présentée par les Sénateurs des trois départements susvisés.

Les dispositions figurant dans cette proposition de loi sont le résultat d'une démarche concertée et font l'objet d'un large consensus. Un groupe de travail réunissant des représentants du Groupement pour l'informatisation du livre foncier d'Alsace et de Moselle (GILFAM), de l'Institut du droit local (IDL), du ministère de la justice et du notariat sous la présidence de M. Jean-Luc Vallens, président du GILFAM, les ont élaborées en réponse à une mission confiée à ce dernier par le Garde des Sceaux au mois de juillet 1999.

Cette mission était ainsi définie : « examiner les modifications juridiques à apporter au droit local de la publicité foncière ...[s'agissant]... des réformes qui seront rendues indispensables par l'informatisation décidée par le législateur, ou simplement souhaitables parce qu'une harmonisation des règles ou un «toilettage» des textes pourrait s'avérer utile » et notamment « expertiser les mentions susceptibles de figurer au livre foncier, les possibilités de saisine informatique du bureau foncier, les fonctions respectives du juge et du greffier, la présentation d'une requête aux fins d'inscription normalisée et les conditions d'accès à l'information ».

Les propositions élaborées par le groupe de travail ont enfin été approuvées, moyennant un certain nombre de modifications, par la Commission d'harmonisation du droit privé alsacien-mosellan, réunie le 7 avril 2000 sous la présidence de notre excellent collègue, Monsieur  Hubert Haenel.

Bien qu'ayant été traduites dans un avant-projet de loi, selon les informations délivrées à votre rapporteur, les propositions arrêtées par le groupe de travail n'ont pas à ce jour fait l'objet d'une initiative gouvernementale. Conscients de l'urgence et à l'instigation de leur collègue Hubert Haenel, sénateur du Haut-Rhin, les sénateurs des trois départements concernés ont repris à leur compte ces propositions, fruit d'un travail remarquable, en vue de les faire aboutir. Une proposition de loi a ainsi été déposée sur le Bureau du Sénat le 28 juin 2001 pour être inscrite à l'ordre du jour de la journée d'initiative parlementaire du 13 décembre.

Répondant à une situation d'urgence dans la mesure où la procédure d'informatisation du livre foncier d'Alsace-Moselle est en cours et nécessite, pour sa mise en oeuvre, un cadre légal , la présente proposition de loi tend à modifier le chapitre III du titre II de la loi du 1 er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle dont les dispositions fixent le régime spécifique de la publicité foncière sur leur territoire.

I. LE RÉGIME SPÉCIFIQUE DE LA PUBLICITÉ FONCIÈRE EN ALSACE-MOSELLE

Exemple de survivance du droit local , le régime de la publicité foncière dans les trois départements d'Alsace et de Moselle plonge ses racines dans l'Histoire et présente d'intéressantes spécificités en comparaison du régime juridique général applicable en matière de publicité foncière.

A. LE RÉGIME ALSACIEN-MOSELLAN DE LA PUBLICITÉ FONCIÈRE : UN PRODUIT DE L'HISTOIRE

1. Le droit applicable en Alsace-Moselle : un droit stratifié

La publicité foncière reste un domaine d'affirmation du droit local, lequel est composite et dispersé en raison de l'imbrication de ses origines normatives.

Le droit local s'est en effet constitué par strates successives . Comme l'explique M. Jean-Luc Vallens dans un article paru au recueil Dalloz 1 ( * ) , la séparation temporaire de la France et de l'Alsace-Lorraine, cédée à l'Allemagne par le Traité de Francfort de 1871 et réintégrée dans la souveraineté française par le Traité de Versailles de 1918, a entraîné l'application progressive des lois allemandes dans les territoires annexés : d'une part, les lois d'Empire et, d'autre part, les différents codes, mais aussi les règles locales adoptées par les organes représentatifs du « Reichsland » d'Alsace-Lorraine. Après le retour de l'Alsace et de la partie annexée de la Lorraine à la France, le législateur a introduit sans tarder les lois pénales du droit français (décrets du 25 novembre 1919), mais a pris le temps d'un examen attentif des autres textes locaux appliqués. Il décida d'abord de maintenir ces textes en vigueur à titre provisoire (loi du 17 octobre 1919) avant d'adopter des règles de conflit pour déterminer les critères d'application du droit français et du droit local (loi du 24 juillet 1921) et enfin d'énumérer les lois locales qui seraient maintenues en vigueur (lois du 1 er juin 1924 portant introduction des lois françaises en matière civile et commerciale). Le droit français fut ainsi introduit, sous réserve du maintien de certaines lois locales.

Ce maintien en vigueur devait concerner en particulier le régime de la publicité foncière, caractérisé par une supériorité technique par rapport au droit général applicable en la matière.

* 1 Recueil Dalloz 1998, 29 ème cahier, chronique, p. 275 à 279.

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