B. UNE CONVERGENCE DES PRATIQUES EN FAVEUR DE LA TRANSMISSION DU NOM DU PÈRE

1. La transmission du nom du père, une pratique dominante en France

a) Le nom du père est largement choisi par les parents des enfants naturels au moment de la naissance

A l'heure actuelle, en application du principe de préférence chronologique, les parents non mariés peuvent choisir la règle régissant le nom attribué à leur enfant, soit en « jouant » sur l'ordre des reconnaissances, soit en reconnaissant simultanément ce dernier, contrairement aux parents mariés pour lesquels s'impose l'attribution automatique du nom du père à leur enfant 44 ( * ) . Le nom attribué aux enfants naturels peut donc constituer un excellent baromètre des pratiques françaises d'attribution du nom.

Il est frappant de constater que les comportements des parents non mariés sont fortement influencés par le modèle de la famille légitime . Jusqu'au début des années 1970, près des trois quarts des enfants nés hors mariage portaient le nom de leur mère à la naissance 45 ( * ) . Au contraire, en 1994, sept enfants nés hors mariage sur dix portaient le nom de leur père , le nom des trois autres enfants sur dix enregistrés sous le nom de leur mère étant en outre susceptible d'être modifié rapidement au profit du nom paternel.

Il convient de noter que les enfants nés hors mariage portant le nom maternel sont dans l'immense majorité des enfants dénués de filiation paternelle (soit 97 % en 1994) . Ceci signifie donc qu'à l'heure actuelle l'attribution du nom maternel ne fait que refléter l'absence de père.

Erreur ! Liaison incorrecte. Source : Rapport de l'INED - juillet 1999.

On constate en parallèle une recrudescence des reconnaissances prénatales effectuées conjointement par les deux parents (plus du tiers des enfants nés hors mariage en 1994), qui confirme que la plupart des naissances hors mariage surviennent dans des milieux stables. Jusque dans les années 70, a contrario, cette pratique était inexistante (1 %).

Erreur ! Liaison incorrecte.

Source : Rapport de l'INED - juillet 1999.

b) Le nom maternel transmis à l'enfant naturel, un nom instable susceptible de changer rapidement

Le nom maternel transmis à un enfant né hors mariage se caractérise par une grande instabilité , les parents utilisant largement les procédures légales de substitution. La fréquence des changements de nom visant à substituer le nom paternel au nom maternel donné dans un premier temps à l'enfant né hors mariage est élevée 46 ( * ) . Parmi les enfants portant le nom de la mère, plus de six enfants sur dix ont changé au moins une fois de nom dans les générations 1965 et 1970, plus de la moitié des enfants nés en 1975 et quatre enfants sur dix dans les générations nées en1980, 1985, cette tendance semblant se prolonger dans la génération née en 1990. La proportion d'enfants âgés d'un mois portant le nom paternel est encore plus élevée qu'à la naissance, tandis que corrélativement la proportion d'enfants âgés d'un mois portant le nom de la mère diminue.

Les causes de ces changements de nom sont diverses :

La légitimation est à l'origine de près de neuf changements sur dix dans la génération née en 1965 et en 1970, et de plus de huit sur dix dans celle de 1975 47 ( * ) . La moitié des changements de nom dans la génération née en 1990 résulte d'une légitimation, malgré une chute du nombre des légitimations principalement liée à la désaffection croissante à l'égard du mariage. Il n'en demeure pas moins que le nombre d'enfants naturels dont les parents se marient après la naissance s'accroît et devrait s'élever à 100.000 dans la génération née en 1994 48 ( * ) .

La déclaration conjointe des deux parents introduite par la loi du 3 janvier 1972 (article 334-2 du code civil) constitue une procédure utilisée assez fréquemment. Elle touchait peu les enfants nés en 1965 (3 % d'entre eux), moins de 6 % des enfants nés dans les années 1970. Mais on note un accroissement dans les générations suivantes avec 13 % dans la génération née en 1985 et 11 % dans celle née 1990.

Les demandes de dation du nom à un enfant naturel sont réduites 49 ( * ) .

Proportion d'enfants ayant changé de nom au moins une fois
à la suite d'une déclaration conjointe ou d'une dation de nom
(pour 100 enfants nés hors mariage portant le nom de leur mère
à un mois après reconnaissance par deux parents)

Année de naissance de l'enfant

Année

1965

1970

1975

1980

1985

1990

Effectif total

2,86

5,6

5,84

9,53

13,02

11,29

Source : Rapport de l'INED - juillet 1999 - p. 66.

• L'opportunité d'une substitution de nom d'un enfant naturel, en application de l'article 334-3 du code civil, est laissée à l'appréciation souveraine du juge 50 ( * ) . Il n'est pas rare que les juridictions rendent des décisions favorisant la prééminence paternelle dans l'attribution ou le maintien du nom de l'enfant. En effet, certaines juridictions paraissent soucieuses de préserver le modèle de la famille légitime et de conforter la place du père .

Dans un arrêt du 27 mai 1991, la Cour d'appel de Douai a estimé qu'il existait un avantage de principe à porter le nom du père. Des éléments comme la rupture des relations entre l'enfant et son père 51 ( * ) ou l'incarcération du père 52 ( * ) n'ont pas toujours été jugés déterminants pour autoriser une substitution du nom maternel au nom paternel, la jurisprudence cherchant souvent en ce domaine à préserver le lien qui unit le père et son enfant.

* 44 Cf. ci-dessus I-A-1-b.

* 45 Sources : rapport précité de l'INED.

* 46 Elle est sans commune mesure avec la fréquence des changements de nom des enfants portant le nom du père : entre 1,6 % et 2 % des enfants nés en1960 et 1970. Dans les générations suivantes, seuls 0,9 % des enfants nés en 1980 avaient changé de nom contre 0,4 % en 1985.

* 47 Dans la dernière décennie (1989-1999), on dénombre environ 250 à 300 légitimations par mariage et 90 à 150 légitimations par décision de justice (Rapport « rénover le droit de la famille » - 1999 - p. 32).

* 48 257.000 enfants sont nés hors mariage en 1994.

* 49 D'après l'annuaire statistique de la justice 1995-1999 (p. 77), le nombre de dations de nom s'élèvent à 60 en 1995, 97 en 1996, 62 en 1997, 28 en 1999.

* 50 En 1999, ont été enregistrées 7.765 demandes de changement de nom d'un enfant au titre de l'article 334-3 du code civil.

* 51 Cf. Arrêt de la Cour d'appel de Paris du 29 mai 1987

* 52 Cf.  Arrêt de la Cour d'appel de Paris du 20 septembre 1994

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