2. Une diversité des régimes européens mais une convergence des pratiques

a) Une grande diversité des régimes de dévolution du nom en vigueur à l'étranger

La France, tout comme la Belgique et l'Italie, possède un statut original, eu égard à l'ensemble des pays européens. La prééminence paternelle en matière de dévolution du nom patronymique constitue une exception en Europe où coexiste une grande diversité de règles.

Au Royaume-Uni, tout comme dans certains États des États-Unis, la liberté du nom transmis à l'enfant est totale , quelle que soit l'origine de sa filiation. Le mineur, comme l'adulte, peut porter le nom de son choix et en changer quand il le souhaite. Ce nom est inscrit sur les documents officiels et figure sur la liste électorale 53 ( * ) . Aucun extrait d'actes de l'état civil, ni papier d'identité ne sont exigés. Le mariage n'a légalement aucune conséquence sur le nom des époux.

En Allemagne, les parents ont la possibilité de choisir le nom de famille de leur enfant, qui pourra être soit le nom conjugal 54 ( * ) , soit un de leurs deux noms , sous réserve du principe d'unité de la fratrie. L'entrée en vigueur de la loi du 16 décembre 1997 a rapproché le statut des enfants nés hors mariage de celui des enfants légitimes en leur permettant de ne plus porter automatiquement le nom maternel. Si l'autorité parentale est exercée conjointement, les parents auront le choix de transmettre un de leurs deux noms. Si l'autorité parentale n'est exercée que par un seul parent, c'est son nom qui sera transmis 55 ( * ) .

Au Danemark, les règles sont analogues au système germanique , avec la possibilité de donner à l'enfant un ou plusieurs noms intermédiaires placés entre le prénom et le nom 56 ( * ) .

L'Espagne connaît un régime de dévolution tout à fait spécifique, le nom de famille d'un enfant est double, constitué du nom paternel et du nom maternel , qui peuvent être reliés par la conjonction de coordination « et » (« y »). Traditionnellement, ce nom est d'abord composé du nom paternel. Mais cet ordre peut être inversé à la demande conjointe des parents ou de l'enfant devenu majeur. Le mariage n'a pas d'effet sur le nom des époux qui conservent leur nom d'origine. Cependant, seul le premier des deux noms est transmissible à la génération suivante. La filiation d'un enfant naturel établie à l'égard d'un seul parent ne fait pas échec à la règle du double nom, l'enfant portant les deux noms de ce dernier 57 ( * ) .

b) Le paradoxe des pratiques en Europe

Il est frappant de constater que, dans la plupart des pays où existe une grande liberté dans le choix du nom conjugal et du nom transmis à l'enfant, les pratiques convergent en faveur du nom du père et du mari. Les femmes mariées portent massivement le nom de leur mari en Grande Bretagne (94 %), en Allemagne (95 %), ainsi qu'au Danemark (71 %) 58 ( * ) . Le poids de la tradition joue donc un rôle fondamental dans les modalités de dévolution du nom au sein des familles légitimes. Les opinions recueillies ne s'éloignent pas des pratiques qui semblent profondément ancrées dans les mentalités. L'opinion selon laquelle il est préférable pour une femme d'utiliser le nom du mari domine : 71 % en Grande Bretagne, 64 % en Allemagne.

Dans les pays dans lesquels le nom de l'enfant fait l'objet d'un mode de dévolution automatique, les opinions ont en revanche tendance à s'écarter de la pratique. C'est le cas au Luxembourg où 54 % des personnes interrogées estiment que les femmes mariées doivent conserver leur nom de naissance ou porter un double nom, en Belgique (73 %), et en Italie (84 %) 59 ( * ) .

Le régime espagnol est cependant spécifique et combine à lui tout seul le paradoxe européen. En effet, bien que l'enfant porte le double nom de ses parents, le premier nom, seul nom transmissible à la génération suivante, est majoritairement celui du père. Derrière l'égalité des filiations se profile donc toujours une certaine forme de prééminence paternelle. Relevons en outre que le matronyme transmis à l'enfant n'est le plus souvent que le nom de son grand-père maternel, premier des noms transmis à la mère de l'enfant. Ce n'est d'ailleurs qu'en 1999 que les parents ont été autorisés à modifier l'ordre des noms à accoler et il est encore trop tôt pour mesurer l'impact d'une telle réforme. Néanmoins, il est fort probable qu'à l'instar des pays où le libre choix est possible, la priorité accordée au nom paternel restera encore profondément ancrée dans les comportements. Malgré l'absence d'obligation pour la femme qui se marie de changer de nom, plus de 30 % des Espagnols estiment préférable que cette dernière porte le nom du mari, soit par substitution, soit par adjonction.

Erreur ! Liaison incorrecte. Source : Revue Population et Sociétés, n° 367 - avril 2001.

* 53 Cf. Arrêt de la Cour européenne des Droits de l'homme Cossey contre Royaume-Uni du 27 septembre 1990.

* 54 Aux termes de l'article 1355 du code civil, les époux doivent choisir d'un commun accord un nom conjugal qui peut être indifféremment le nom de naissance de la femme ou du mari. A défaut, ils continuent à porter le nom qu'ils avaient avant leur mariage.

* 55 Ce dernier peut néanmoins décider de donner à l'enfant le nom de l'autre parent, s'il a l'assentiment de ce dernier.

* 56 Il est d'ailleurs possible que ce nom intermédiaire soit le nom du parent qui n'a pas été transmis.

* 57 Il est également possible dans ce cas d'inverser l'ordre des noms portés par l'enfant.

* 58 Cf. Enquête Eurobaromètre 1995 portant sur des hommes et des femmes mariées, âgés de 18 ans et plus, publiée dans la revue Population et Sociétés n° 367, avril 2001.

* 59 En France, en Belgique et en Italie, le nom transmis à l'enfant légitime est le nom paternel. Notons qu'en Italie et en Belgique, contrairement à la France, la femme mariée porte majoritairement les deux noms accolés (64 % en Italie et 57 % en Belgique).

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