B. LES CONDITIONS DE LA RESTRUCTURATION D'INTELSAT

L'évolution du secteur des télécommunications a également conduit à réviser l'organisation et le fonctionnement d'Intelsat.

Sur un plan général, la compétitivité du satellite comme vecteur de télécommunications s'est amenuisée dans certains domaines. En effet, que ce soit pour les transmissions longue distance ou pour les réseaux domestiques, la transmission par satellites présente moins d'intérêt dès lors que progressent les technologies optiques et le câble. Dans le domaine de la téléphonie, la baisse du coût des communications internationales du fait de la libéralisation des marchés a réduit la rentabilité des systèmes à satellites, alors que s'est fortement développée la téléphonie mobile terrestre (GSM). Les projets de constellations de satellites en vue de la mise en place d'un système de communication téléphonique s'affranchissant des réseaux terrestres (projets Iridium et Globalstar) ont fortement pâti de ce contexte.

Les perspectives commerciales les plus intéressantes pour les technologies spatiales se concentrent désormais dans des secteurs bien particuliers tels que la diffusion « point à multipoint » (un point d'émission pour de nombreux points de réception) de la télévision, de la radio ainsi que des données multimédias pour le réseau Internet, ou encore les créneaux complémentaires aux grandes infrastructures terrestres, en particulier les liaisons à haut débit dans les régions où les techniques terrestres (câble, ADSL) ne sont pas accessibles ou rentables.

Ces évolutions imposent une adaptation rapide des opérateurs. Pour sa part, Intelsat entend se réorienter vers les nouveaux services par satellite les plus porteurs , comme la réception directe de la télévision, la transmission Internet et les terminaux à très petite ouverture ( VSAT : Very small aperture terminal ) pour les entreprises, permettant de relayer des données numériques pour une multitude de services.

Intelsat se trouve désormais dans un environnement de plus en plus concurrentiel , principalement face à des opérateurs satellitaires américains comme Panamsat (groupe privé détenu à 80 % par le fabricant de satellites Hughes), GE Americom (filiale de General Electric) et Orion/Skynet (filiale du groupe Loral).

Sans remettre en cause la mission principale d'interconnexion complète des communications internationales qui incombe à Intelsat, ses organes directeurs ont entrepris depuis 1994 une réflexion sur une évolution de la structure de l'organisation et de ses méthodes de gestion et de commercialisation.

Une restructuration par étapes successives a été privilégiée avec, en particulier, la décision adoptée en avril 1998 de créer la filiale New Skies Satellite , basée aux Pays-Bas, et qui s'est vu transférer cinq satellites précédemment exploités par Intelsat.

Si la plupart des membres de l'organisation s'accordaient sur la nécessité de franchir un pas supplémentaire dans une réforme de structure, un débat s'est toutefois engagé entre les partisans d'une privatisation totale (en particulier les Etats-Unis et Royaume-Uni, dont le poids est traditionnellement fort dans l'organisation) et les pays souhaitant conserver un cadre intergouvernemental .

La France, dont la place au sein d'Intelsat reste modeste par rapport aux opérateurs américains et britanniques, était notamment préoccupée par les enjeux commerciaux pour l'industrie et les services de télécommunications comme pour le secteur des lanceurs et des satellites, domaines où nos intérêts économiques sont importants. Il faut en effet préciser que la quasi-totalité des lancements effectués ces dernières années par Intelsat ont été confiés à Arianespace. Par ailleurs, si l'américain Loral a construit les satellites de la série Intelsat 9, les deux premiers exemplaires de la génération Intelsat 10 ont été attribués à Astrium, filiale du groupe EADS.

Par ailleurs, notre pays tenait également au respect de certains principes dans la politique de diffusion audiovisuelle et de raccordement au réseau téléphonique international d'Intelsat, afin notamment de tenir compte de la situation des pays dépendants. En effet, près de 70 pays d'Afrique, d'Amérique et d'Asie, ont recours au segment spatial d'Intelsat pour la totalité de leurs communications internationales par satellite, en particulier pour les services de téléphonie internationale reliés au réseau public commuté et, pour la plupart d'entre eux, pour les services de radiodiffusion. Il importait, selon les autorités françaises, de ne pas pénaliser ces pays pour des considérations de rentabilité à court terme.

S'inspirant des expériences d'Inmarsat et d'Eutelsat, la France et plusieurs de ses partenaires ont ainsi soutenu le principe d'une restructuration en profondeur d'Intelsat, indispensable pour en assurer la viabilité à long terme, tout en s'opposant à une privatisation totale mise en oeuvre dans les délais les plus courts. Ils ont énoncé une série de principes à préserver quelle que soit la structure future retenue, et parmi eux, trois principes fondamentaux : l'obligation de connexité et de couverture mondiale, le maintien du principe d'accès non discriminatoire et la protection des usagers dépendants.

Sur la base de ces principes fondamentaux, plusieurs options de restructuration étaient envisageables, l'objectif étant de ne pas totalement priver les Etats parties de leur rôle de régulation.

Les négociations ont abouti en novembre 2000 à Washington. La création d'une société sous tutelle , solution préconisée par la France, a été retenue.

Aux yeux des autorités françaises, cette option présente l'avantage de préserver la double nature politique et commerciale de l'organisation , en combinant :

- le maintien, aussi longtemps que les Parties la jugeront utile, d'une structure intergouvernementale leur permettant de veiller au respect de certaines obligations, notamment celle de service universel ;

- la création d'une société commerciale à laquelle sont transférées les activités opérationnelles et les actifs correspondants d'Intelsat, pour donner à l'organisation les moyens d'une optimisation de l'utilisation de son secteur spatial et un nouveau potentiel de croissance.

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