PROPOSITION DE RÉSOLUTION

(texte adopté par la commission des lois en application
de l'article 73 bis du règlement du Sénat)

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le Livre vert de la Commission européenne sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un procureur européen (E 1912),

Constate que l'augmentation des formes graves de criminalité transnationale, telles que le terrorisme international, le trafic de drogue ou le trafic des êtres humains, constitue un véritable défi pour l'Union européenne, qui rend plus que jamais urgente la création d'un « espace de liberté, de sécurité et de justice », en raison du morcellement actuel de l'espace pénal européen, qui ne pourra que s'aggraver et se complexifier avec le prochain élargissement de l'Union,

Considère que seules la constitution d'une autorité responsable des poursuites et l'unification des règles et procédures pénales nécessaires à la mise en oeuvre efficace des poursuites et des enquêtes constitueraient une réponse adaptée face à ces formes graves de criminalité transfrontalière,

Rappelle, à cet égard, les termes de sa résolution n° 67, adoptée le 29 mars 2001, en particulier son dernier paragraphe où il est demandé au Gouvernement « d'agir au sein du Conseil afin qu'une Convention composée de parlementaires nationaux et européens, ainsi que de représentants des Gouvernements et de la Commission européenne soit réunie pour étudier, dans les matières relevant de la compétence d'Eurojust, les conditions de l'unification des droits pénaux et de la création d'un ministère public européen (...) »,

Considère que le renforcement de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, qui passe notamment par l'octroi de compétences opérationnelles à Eurojust et à Europol, ainsi que par la ratification des instruments déjà existants, ne fait pas obstacle à la création d'un « ministère public européen », spécifiquement chargé de lutter contre la fraude aux intérêts financiers de la Communauté, étant donné la responsabilité particulière de la Communauté dans ce domaine et les entraves créées par le morcellement de l'espace judiciaire européen à la répression efficace de ce type spécifique de criminalité transnationale, qui constitue une atteinte à la crédibilité même de l'Europe,

Approuve le principe de la création d'un « ministère public européen » compétent en matière de protection des intérêts financiers de la Communauté, telle qu'elle a été suggérée par la Commission européenne dans sa contribution à la dernière Conférence intergouvernementale, ainsi que les orientations générales du Livre vert, sous les réserves suivantes :

- la création d'un « ministère public européen » devrait s'accompagner, dans le domaine considéré, d'une unification des incriminations et des procédures pénales, la plus complète possible. Cette unification devrait en particulier porter sur la définition des incriminations, y compris la tentative ou la complicité, les circonstances aggravantes et atténuantes, ainsi que les régimes de prescription. A défaut d'unification, et uniquement en matière de sanctions et de procédures pénales, il serait envisageable de recourir à l'harmonisation et au principe de reconnaissance mutuelle ;

- la création du procureur européen devrait s'accompagner de la création au niveau européen d'une instance juridictionnelle seule chargée de contrôler les actes du procureur susceptibles de porter atteinte aux libertés ainsi que l'acte de renvoi en jugement ;

- à terme, la création au niveau européen d'une juridiction de jugement compétente pour juger les affaires poursuivies par le procureur européen devra être envisagée notamment pour assurer l'homogénéité des décisions prises sur le territoire de la Communauté ;

Considère qu'une instance comprenant notamment des délégués des parlements nationaux et du Parlement européen, telle qu'elle avait été proposée dans le rapport d'information sur « la construction d'un espace judiciaire européen » de la délégation pour l'Union européenne du Sénat de 1997, pourrait utilement préparer cette unification des règles de droit pénal et des procédures,

Souligne l'intérêt de recourir au mécanisme de la coopération renforcée, au cas où le dispositif proposé ne recueillerait pas l'unanimité au sein des Etats membres,

Souhaite que cette question soit inscrite à l'ordre du jour, tant de la Convention sur l'avenir de l'Europe que de la future Conférence intergouvermentale de 2004.

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