2. La prise en compte du mérite individuel

Une annonce suscite la prudence de votre rapporteur spécial : celle de la prise en compte du « mérite individuel des personnels dans leur carrière et leur rémunération » . Il semble probable en effet que le mérite personnel joue déjà un rôle aujourd'hui dans la conduite de la carrière des agents du Minefi, du moins faut-il l'espérer. La création de nouvelles primes individuelles, si elle n'est pas contestable dans son principe, suscite de plus quelques difficultés quant à sa mise en oeuvre.

- L'idée n'est pas nouvelle : le décret du 6 août 1945 a en effet introduit dans le traitement des agents une prime de rendement, peut-être en réalité insuffisamment modulée ;

- S'il est vrai qu'à la direction générale des impôts par exemple, selon les réponses données par le ministère à votre rapporteur spécial, les indemnités ne sont en principe plus modulées depuis 1990 en fonction de la manière de service des bénéficiaires, il existe toujours une certaine individualisation des primes : les cadres supérieurs et titulaires d'emplois fonctionnels de responsabilité, qui représentent 25 % des effectifs des services déconcentrés, perçoivent une indemnité différente du taux moyen qui prend en compte l'efficacité professionnelle ;

- La refonte du système indemnitaire du ministère, qui a duré trois années, vient tout juste de s'achever. Elle a nécessité des négociations sans doute difficiles et on peut se demander s'il est opportun de rouvrir le chantier des primes. Les derniers décrets et arrêtés datent en effet du 2 mai 2002. L'un d'eux prévoit d'ailleurs qu'une allocation complémentaire de fonction est servie, prenant en compte la responsabilité, les sujétions et la technicité ;

- Enfin, compte tenu de l'enjeu que représente la réforme de Bercy, on peut se demander si ce chantier est prioritaire par rapport aux réformes de structure à mener et s'il ne risque pas de constituer la pierre d'achoppement des discussions à venir sur des sujets autrement plus importants.

3. L'abandon de l'imposition à la source

Enfin, une annonce ne peut que décevoir les partisans de la réforme de Bercy : l'abandon de l'imposition à la source . Cet abandon, qui dissimule peut-être des gages donnés à certaines organisations syndicales pour mieux négocier d'autres points, tempère l'impression de mouvement que souhaite dégager la nouvelle équipe ministérielle. Le chantier de l'imposition à la source, pourtant déjà engagé début 2002, est abandonné en cinq mois, à la légère, et sans réflexion stratégique sur les missions de l'administration fiscale. L'abandon de la retenue à la source est annoncé de façon lapidaire par le ministre : « Une solution est fréquemment évoquée : la retenue à la source. Elle présente incontestablement de nombreuses séductions. Mon prédécesseur l'avait étudiée. Avec Alain Lambert nous avons repris ces réflexions. Ce système, très répandu en Europe, a l'avantage principal de supprimer pour l'usager le décalage d'un an entre l'impôt et le revenu sur lequel il est assis. Mais il ne dispense pas de la déclaration annuelle, il ne simplifie pas l'impôt dont il transfère la perception aux entreprises, et les études techniques révèlent l'extrême complexité de sa mise en place. Ce changement n'est donc pas à l'ordre du jour. »

En lieu et place de cette réforme cruciale est annoncée la mise en oeuvre de mesures d'incitation à la mensualisation et au prélèvement à échéance et des éléments de simplification de la déclaration de revenus. L'argument selon lequel ces mesures pourraient entraîner un gain de 1.000 emplois laisse sceptique votre rapporteur spécial, ce gain étant en tout état de cause bien plus limité que celui attendu par la mise en place de la retenue à la source : 4.000 emplois 14 ( * ) .

Il est certain que la mensualisation de l'impôt est encore trop peu développée comme l'indiquent les statistiques ci-dessous :

Statistiques de mensualisation de l'impôt établies au 30 juin 2002

Impôt sur le revenu

Taxe d'habitation

Taxes foncières

Taxe professionnelle

Taux d'adhésion

55,76 %

26,93 %

19,11 %

2,61 %

Il est exact également que la retenue à la source exige, sur le plan technique, la réalisation d'un identifiant fiscal unique. En effet, pour des raisons liées à la loi « informatique et liberté », l'identifiant « INSEE » ne peut être utilisé. La réalisation d'un identifiant unique ne peut cependant constituer un objectif ultime de la réforme de Bercy. Il doit servir à moyen terme une ambition, celle de la retenue de la source. La déclaration d'impôt préremplie constitue un enjeu bien peu mobilisateur tant pour les services que pour le contribuable. A l'inverse de la retenue à la source, il ne change pas la culture de l'impôt sur le revenu en France, il n'atténue pas le caractère « passionnel » de cet impôt, il allège peu le travail des agents.

Le rapport sur la retenue à la source publié en février 2002 soulignait que la France était le seul pays développé à ne pas prélever à la source l'impôt sur le revenu , considérant que la retenue à la source pourrait présenter des avantages pour le contribuable et pour l'économie dans son ensemble. Le Conseil des impôts a de même estimé que « l'imposition des revenus de l'année courante constituerait un réel avantage pour les contribuables, en premier lieu pour ceux dont les revenus baissent » et que « l'instauration d'une retenue à la source constituerait une modernisation du paiement de l'impôt ».

C'est une telle réforme, promise par l'actuel Président de la République, qui vient d'être abandonnée.

* 14 Le ministre du budget a chiffré ce gain dans les deux cas à 2.000 emplois.

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