CHAPITRE II

Examen des caractéristiques génétiques et identification
d'une personne par ses empreintes génétiques

Article 2
Examen génétique des caractéristiques d'une personne

Objet : Cet article fixe les conditions dans lesquelles il peut être procédé à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne.

I - Le dispositif proposé

Le I du présent article propose de modifier le chapitre III du titre premier du livre premier du code civil relatif à « l'étude génétique des caractéristiques d'une personne et de l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques » afin :

- dans son intitulé, de remplacer les termes « études génétiques des caractéristiques » par les termes « examens des caractéristiques génétiques » ( ) ;

- de mettre en conformité partielle la rédaction de l'article 16-10 du code civil avec l'article 16 de la Convention d'Oviedo qui prévoit que « pour la protection des personnes se prêtant à une recherche », le consentement est « consigné par écrit » , précision que ne comportait pas cet article. Est en outre harmonisée, conformément à l'intitulé du chapitre, la rédaction relative à l' examen des caractéristiques génétiques qui est substitué à l' étude génétique des caractéristiques . La disposition essentielle de l'article 16-10, précisant que ces recherches ne peuvent être menées que dans une finalité thérapeutique ou scientifique, demeure inchangée ( ).

Le II modifie la terminologie figurant dans le code de la santé publique en substituant, pour l'intitulé du titre III du livre premier de sa première partie, les mots « examens des caractéristiques génétiques, identification et recherche génétique » à la notion de médecine prédictive , cette dernière étant trop étroite car elle n'autorise pas le diagnostic d'une maladie déjà déclarée. Son remplacement par la notion indiquée ci-dessus permet de recouvrir une notion plus large.

Le III propose cette même harmonisation pour le code pénal :

- le modifie l'intitulé de la section VI du chapitre VI du titre II du livre II du code pénal qui réprime les atteintes aux personnes résultant de l'examen génétique de leurs caractéristiques qui deviendrait « Des atteintes à la personne résultant de l'examen de ses caractéristiques génétiques ou de l'identification par ses empreintes génétiques » ;

- le propose deux modifications pour l'article 226-25 du même code. La première est l'harmonisation terminologique décrite ci-dessus, c'est-à-dire le remplacement du terme « étude » par le terme « examen ». La seconde prévoit la modification du renvoi initialement prévu à l'article L. 1131-1 du code de la santé publique : il est proposé que le code pénal fasse une référence directe à l'article 16-10 du code civil ;

- le prévoit le remplacement du mot « étude » par le mot « examen » au sein de l'article 226-26 du code pénal.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Sur proposition de sa commission spéciale, l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements :

- le premier prévoit que le consentement est « exprès » ;

- le deuxième prévoit que la personne qui se prête à un examen est préalablement informée sur la finalité de ce dernier ;

- le troisième vise à inscrire dans le code civil que le consentement écrit comporte la finalité de l'examen ;

- le dernier propose une nouvelle rédaction pour l'article 226-25 du code pénal qui punit le fait de se livrer à un examen des caractéristiques génétiques à des fins de recherches scientifiques hors des conditions prévues par les textes en vigueur, ou à d'autre fins quelles que soient les conditions. Aux termes de cet article dans sa rédaction précédente, seuls les examens réalisés à des fins médicales, lorsqu'elles ne respectaient pas le régime juridique qui les régit, étaient incriminés.

III - La position de votre commission

Le débat terminologique

L'origine de l'harmonisation proposée par cet article tient à la grande diversité des rédactions figurant dans les trois codes traitant du régime juridique de l'examen -ou des recherches- des caractéristiques génétiques d'un individu.

Le code de la santé publique fait, pour sa part, référence à trois notions : la médecine prédictive , l'examen des caractéristiques génétiques , qui figure déjà à l'article L. 1131-1 et est pris pour pivot de l'harmonisation, et l'étude des caractéristiques génétiques qui figure au troisième alinéa de ce même article et qui sera, pour sa part, harmonisée à l'article 3 du présent projet de loi.

Le code civil retient, quant à lui, l'expression « étude des caractéristiques d'une personne » dans son article 16-10, expression qui figure également à l'article 226-25 du code pénal.

Cette harmonisation a suscité un véritable débat lors de l'examen du projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale, la commission spéciale proposant la rédaction « examen génétique des caractéristiques de la personne » à laquelle le Gouvernement préférait la rédaction « examen des caractéristiques génétiques de la personne » .

En effet, M. Bernard Kouchner, alors ministre délégué à la santé, estimait 39 ( * ) :

« Le terme « examen génétique des caractéristiques de la personne » apparaît trop restrictif. Il ne permet pas de garantir la protection de la personne à l'égard d'une éventuelle utilisation abusive d'informations génétiques obtenues à l'occasion d'investigations médicales diverses non spécifiquement génétiques, comme par exemple une biopsie musculaire chez un myopathe de Duchêne, l'électroforèse de l'hémoglobine pour le diagnostic de la drépanocytose ou des thalassémies, ou encore de l'HLA 27. Le terme utilisé dans le projet de loi vise à encadrer l'ensemble des examens de caractère génétique. Ce terme est plus large et plus adapté à l'objectif de l'encadrement fixé » .

Au contraire, pour l'actuel ministre de la santé, alors député, M. Jean-François Mattei, c'est la rédaction proposée par le Gouvernement qui était trop restrictive :

« Je ne crois pas qu'on puisse s'en tenir à l'expression : « caractéristiques génétiques ». Un simple examen clinique ou biologique permet de distinguer des caractères génétiques. Lors d'une numération sanguine, vous savez, par la forme des globules rouges, s'il y a ou non une anomalie de l'hémoglobine. Je pourrais multiplier les exemples. Un groupage sanguin, un groupage HLA ne sont pas des études génétiques mais peuvent aboutir à observer et apprécier des données génétiques. Ce sur quoi je croyais que nous voulions légiférer, c'était sur l'utilisation des examens génétiques, et notamment la génétique moléculaire. Or, avec l'expression : « caractéristiques génétiques », nous incluons à la fois les caractéristiques génétiques par l'examen clinique, par l'examen biologique traditionnel et par les études moléculaires. Voilà pourquoi j'ai souhaité que nous précisions: « examen génétique ». Ce sont les techniques génétiques qui vont nous permettre d'étudier les caractères de la personne ».

Finalement, le débat entre les membres de l'Assemblée nationale et le Gouvernement a convergé afin que la protection la plus large des personnes soit assurée.

« M. Jean-François Mattei. Je ne crois pas que le débat soit tranché. A « examen des caractéristiques génétiques », on devait substituer « examen génétique des caractéristiques ». Vous reviendriez donc à l'expression « examen des caractéristiques génétiques » ?

« M. le ministre délégué à la santé. Oui !

« M. Jean-François Mattei. En sous-entendant : clinique, biologique et, spécifiquement, par les techniques de la génétique ? C'est bien cela ?

« M  le ministre délégué à la santé. Absolument !

« M. Jean-François Mattei. Je n'entends pas, en insistant ainsi, vous mettre en difficulté. Je veux simplement que cela figure au Journal officiel pour éclairer une éventuelle interprétation devant la justice et pour que nous soyons bien d'accord : lorsque nous parlons de caractéristiques génétiques, nous entendons, d'abord et avant tout, la mise en oeuvre des nouvelles techniques...

« M. le ministre délégué à la santé. Sur le noyau !

« M. Jean-François Mattei.... mais, naturellement, cela n'exclut pas totalement les analyses génétiques par le biais des examens conventionnels, y compris l'étude clinique.

« M. Bernard Charles, président de la commission spéciale . Tout à fait !

« Mme la présidente. Les choses me semblent claires. »

Cette convergence méritait d'être rappelée afin d'éclairer l'interprétation du présent article.

La protection des personnes se prêtant à l'examen de leurs caractéristiques génétiques

Dès 1995, dans son avis n° 46, le Comité consultatif national d'éthique rappelait que « tout autant et même plus qu'un autre examen médical, un test génétique comporte une entrée dans l'intimité d'une personne, à savoir son intimité corporelle et les significations qu'elle y attache en rapport à son identité psychique » . Aussi préconisait-il, dans sa première recommandation, que la conduite de ces tests s'insère dans une démarche susceptible de garantir le respect de la personne qui s'y est livrée.


Recommandation n°1 du CCNE, avis n° 46, 1995

L'examen des caractéristiques génétiques d'un individu peut avoir, quel que soit son résultat, de profondes répercussions sur la vie du sujet qui s'y prête. Le respect de son autonomie exige qu'il ait une compréhension aussi complète que possible des conséquences de sa décision de se soumettre ou non à cet examen.

Cette compréhension implique une information sur la nature de l'examen, la signification des résultats, l'existence éventuelle d'une prévention et d'une thérapie ainsi que leurs contraintes. Cette information doit être donnée par un professionnel ayant une bonne connaissance de la génétique médicale et être directe et orale pour permettre un dialogue, puis consignée dans un document écrit.

Toute détermination de caractères du génotype d'un individu ne doit être entreprise qu'à des fins médicales sur prescription ou à des fins scientifiques et que si le sujet a donné spécifiquement son consentement écrit.

Les résultats de l'examen doivent être communiqués directement par un médecin, qui, de par sa compétence, pourra expliquer aux sujets testés la signification de ces résultats. Un suivi du sujet testé devra être assuré, pour pallier les éventuelles répercussions psychologiques du résultat, que celui-ci soit positif ou négatif.

Certaines informations peuvent avoir un effet potentiellement néfaste pour l'individu. Celui-ci peut donc refuser de connaître les résultats de l'examen et son droit de ne pas savoir doit toujours être respecté.

La Convention d'Oviedo 40 ( * ) prévoit, pour sa part, à ses articles 5 et 16 une série de protections en faveur de la personne humaine.

L'article 5 prévoit en effet qu'aucune intervention ne peut avoir lieu dans le domaine de la santé sans que la personne ait donné son « consentement libre et éclairé » , qu'elle ait reçu une information claire au sujet de cette information et qu'elle peut « à tout moment, librement retirer son consentement » .

L'article 16, relatif à la protection des personnes se prêtant à une recherche prévoit expressément l'application des dispositions prévues par l'article 5.

L'Assemblée nationale a complété les dispositions prévues par cet article pour l'article 16-10 du code civil, en prévoyant que le consentement à la recherche des caractéristiques génétiques est exprès et que la personne reçoit préalablement une information claire et détaillée.

Toutefois, ne figure pas le principe prévu par la Convention d'Oviedo du retrait possible, à tout moment, de ce consentement. Aussi votre commission vous propose-telle d'adopter un amendement prévoyant cette précision.

La question d'un changement de finalité des tests réalisés n'est guère abordée. La personne s'étant livrée à un test à finalité médicale doit-elle consentir expressément et préalablement à ce que ces tests soient, le cas échéant, utilisés à des fins de recherches scientifiques ? Votre commission ne l'envisage pas autrement.

Ces principes et précautions rappelés, votre rapporteur formulera deux interrogations.

Ainsi qu'il a été dit précédemment (cf. commentaire ci-dessus de l'article premier) , M. Claude Huriet a mis en lumière, lors de son audition par notre commission, la difficulté soulevée par la généralisation des tests génétiques. Peut-on et doit-on organiser l'émergence d'un marché libre des tests génétiques en France, rendu possible par l'amélioration des techniques qui d'ailleurs permettent déjà, via un simple test sanguin, de faire réaliser sa carte génétique à l'étranger ?

Le Conseil d'Etat propose, pour sa part, que ce développement s'inscrive dans une politique de prévention cohérente dans le cadre duquel pourrait être amélioré le dépistage de maladies génétiques ou de certains cancers. « Les professionnels de santé, au coeur de ce dispositif, seraient en mesure de garantir les conditions de prescription et d'utilisation des tests, qui, en tant que produits de santé, devraient obtenir une autorisation de mise sur le marché » 41 ( * ) .

Ce meilleur encadrement est également réclamé par les praticiens les plus éminents, à l'instar du professeur Arnold Munnich qui déclarait devant votre commission que « des décrets encadrent effectivement les tests génétiques, mais cinq ans après leur promulgation, ils n'ont pas été accompagnés des circulaires devant mettre en application les règles de bonnes pratiques. Ce problème concerne, non la poignée de couples concernés par les maladies dont nous avons discuté, mais des centaines de milliers de Français. Les conditions réglementaires des tests génétiques restent d'un flou total et nous sommes à la veille d'une dérive retentissante . Nous ne savons pas qui prescrit le test, comment il est pratiqué, rendu, et si une consultation génétique intervient préalablement à la prescription. Des catastrophes arrivent dans la mesure où, en France, des résultats d'examens prescrits à la légère, parfois par téléphone, sont rendus par courrier sans être accompagnés de la moindre explication . Ils sont transmis par le médecin généraliste, qui n'y connaît rien, à des patients qui comprennent encore moins. S'agissant d'un grand nombre de Français, j'appelle votre attention sur la nécessité de l'adoption de circulaires d'application des dispositions réglementaires 42 ( * ) » .

Un tel développement traduit bien l'inquiétude que suscite la potentielle dérive issue de la mise à disposition de chacun de sa carte génétique et de l'insuffisance de l'encadrement en vigueur. C'est à juste titre que le Conseil d'Etat note que :

- le principe général de non-discrimination figurant à l'article 225-1 du code pénal ne mentionnait pas les caractéristiques génétiques d'une personne parmi les sources de discrimination qu'il énumère -cet oubli a été corrigé par l'article premier du présent projet de loi repris par la loi relative aux droits des malades ;

- rien n'interdirait un assureur -ou un employeur- de solliciter des tests réalisés à des fins médicales ou scientifiques afin de « discriminer » les bons et les mauvais risques car « la communication spontanée par un individu des données génétiques le concernant au médecin de l'assureur pourrait être analysée par les tribunaux comme ne constituant ni une dérogation au secret médical -l'assureur n'ayant communication par son service médical que d'une barémisation du risque, et non d'une information couverte par le secret médical- ni le détournement de finalité sanctionné par l'article 226-26 du code pénal » 43 ( * ) .

Ces difficultés sont sans doute appelées à se poser, dans les années qui viennent, avec une acuité accrue.

Sous réserve de l'amendement sus-mentionné, et d'un amendement de précision à la rédaction qu'il propose pour l'article 226-25 du code pénal, votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 3
Identification d'une personne par ses empreintes génétiques

Objet : Cet article précise le régime juridique de l'identification des personnes par empreintes génétiques.

I - Le dispositif proposé

Le I du présent article propose deux modifications pour l'article 16-11 du code civil qui prévoit le régime juridique de l'identification par empreintes génétiques.

Le 1 ° complète cet article pour préciser le régime d'identification post mortem dans le cadre d'une procédure civile. La position de principe qu'il est proposé de retenir est que seule l'opposition expresse exprimée du vivant de la personne fait obstacle à une telle identification.

Le prévoit que le consentement à l'identification génétique réalisée à des fins médicales ou de recherche scientifique est exprimé par écrit.

Le II procède à une réécriture de l'article L. 1131-1 du code de la santé publique.

Tel qu'en vigueur aujourd'hui, cet article prévoit :

- au premier alinéa , les règles régissant les examens des caractéristiques génétiques ou leur identification. Seuls les examens ou identifications dans le cadre d'une procédure judiciaire dispensent du consentement de la personne ;

- au deuxième alinéa , la nécessité du consentement écrit, et la mise sous la protection des dispositions de la loi Huriet de 1988, pour les recherches et identifications effectuées à des fins médicales ou thérapeutiques ;

- au troisième alinéa , le cas de dispense de consentement lorsque, exceptionnellement, celui-ci ne peut être recueilli. Il fallait pour cela que l'étude envisagée soit réalisée dans le respect de la confiance de la personne , et bien sûr dans son intérêt .

Le texte proposé pour cet article L. 1131-1 vise à simplifier la rédaction en vigueur , en renvoyant aux dispositions du code civil et du titre III du code de la santé publique les conditions de réalisation des examens des caractéristiques génétiques d'une personne ou son identification. Il est, en outre prévu, que, désormais, seul l'intérêt du patient permettra de recueillir le consentement de la personne.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a tout d'abord adopté, à l'initiative de MM. Jean-François Mattei et plusieurs de ses collègues, un amendement au 1° du I du présent article renversant le régime de l'identification post mortem prévue par le projet de loi. Cette identification ne sera désormais possible que si la personne décédée y avait consenti expressément de son vivant.

Elle a ensuite adopté trois amendements à l'initiative de sa commission spéciale :

- elle a, en premier lieu, inséré un 3° nouveau dans la rédaction proposée pour l'article 16-11 du code civil. Cet article aligne les conditions du recueil du consentement d'une personne à son identification à des fins médicales ou scientifiques par empreintes sur celles prévues pour l'examen des caractéristiques génétiques ;

- elle a, en second lieu, au II de cet article, adopté deux amendements à la rédaction proposée pour l'article L. 1131-1 du code de la santé publique. Le premier rappelle que l'examen ou l'identification précités demeurent soumis aux dispositions de la loi du 20 décembre 1988, figurant dans le titre II du même code. Le second prévoit la consultation d'un proche ou de la personne de confiance si la personne qui doit subir cet examen dans son intérêt n'est pas en état d'exprimer son consentement.

III - La position de votre commission

1°) L'identification d'une personne dans le cadre d'une procédure civile

Le droit fait appel à la science pour l'identification par utilisation des empreintes génétiques dans deux domaines particuliers : la procédure pénale et la procédure civile, la première n'étant pas soumise au consentement de la personne identifiée tandis que la seconde l'est. En matière civile, l'article 16-11 de ce code ne prévoit que deux cas de recours à cette identification : l'établissement de la filiation et l'obtention ou la suppression de subsides. Or, cette rédaction prévoit expressément le consentement de la personne sur laquelle l'identification est conduite. Cette règle du consentement s'applique-t-elle aussi lorsque la personne à identifier est décédée ?

La question de l'identification post mortem en matière civile

Est-il possible de recourir à l'exhumation d'un corps, dans une procédure civile de recherche en paternité, dès lors que la personne décédée n'a pas clairement fait connaître son opposition à un tel test, voire même lorsqu'elle l'a fait connaître de son vivant ?

La rédaction de l'article 16-11 du code civil ne le permettrait a priori pas, le consentement devant être à la fois préalable et exprès. Pour autant, dans le contentieux entre vifs, le juge peut tirer « les conséquences » du refus d'une personne qui refuserait de se soumettre à un tel test et, déclarer d'office la paternité, ce qu'il ne peut pas faire pour un mort.

En 1996, la Cour d'appel d'Aix a autorisé une personne à faire procéder à une mesure d'expertise par empreintes génétiques sur un individu décédé, bien que ce dernier n'ait pas expressément consenti à cet examen de son vivant. Pour écarter l'application de l'article 16-11 du code civil, la Cour d'appel avait alors fait référence au « silence de la loi » .

Le Conseil d'Etat, pour sa part, appelait de ses voeux un encadrement plus strict de l'identification d'une personne dans le cadre d'une enquête judiciaire.

« Saisie d'une action en établissement de paternité d'Yves Montand, la Cour d'appel de Paris a cependant cru pouvoir écarter ces dispositions (art. 16-11 du code civil), au motif qu'il n'était plus possible de recueillir le consentement de l'artiste qui était décédé, alors même que l'intéressé avait manifesté de son vivant une opposition à une telle mesure.

« Si elle devait être renouvelée par un juge, cette interprétation volontariste fragiliserait le texte et le choix qu'il traduit de donner le pas à la liberté de garder le secret sur une filiation sur le droit ou l'aspiration d'un enfant à connaître ses origines. En effet, la reconnaissance à la personne, de son vivant, d'une possibilité de refus de consentement à l'expertise de filiation irait de pair avec le fait que cette mesure pourrait être imposée sans restriction après le décès de l'intéressé. Ce risque d'incohérence pourrait être prévenu par l'adjonction à la fin du second alinéa de l'article 16-11 du Code civil de la phrase suivante : « L'opposition clairement manifestée de son vivant par une personne à une telle mesure d'instruction fait obstacle à la mise en oeuvre de celle-ci après le décès de l'intéressé. ». Une telle mesure assurerait le respect du principe du consentement par-delà le décès de la personne.

« Il convient néanmoins de souligner qu'elle sera à l'origine d'une dissymétrie entre les morts et les vivants. Lorsque la personne qui refuse de se soumettre à une expertise de filiation est vivante, en effet, le juge peut tirer les conséquences de ce refus et procéder à une affirmation judiciaire de la paternité sur la base de présomptions. Cette faculté résulte notamment de l'article 11 du nouveau code de la procédure civile, aux termes duquel « les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus ».

« Certains ont pu souligner en outre que si la mort écarte toute appréciation du juge civil, l'équilibre qui sera consacré entre le principe de l'intégrité du corps humain et le principe du droit de l'enfant à connaître sa filiation ne va pas de soi 44 ( * ) . »

Pour sa part, votre rapporteur prend acte de la position prise par l'Assemblée nationale qui a renversé la rédaction prévue initialement par le présent projet de loi pour affirmer la nécessité d'un consentement exprès de la personne décédée, formulé de son vivant.

Certes, on pourrait arguer, en s'appuyant sur l'analyse du Conseil d'Etat, qu'une telle précision induit une inégalité entre les requérants, entre ceux qui auront eu la possibilité de formuler leur requête du vivant de leur parent putatif, et qui in fine bénéficieront d'une réponse au moins présumée 45 ( * ) , et ceux qui seront confrontés à la barrière de la mort.

Cela étant, le législateur devait trouver une conciliation entre deux principes également respectables : celui des vivants à connaître leurs origines et la paix des morts . La position retenue par le texte tel qu'issu des travaux de l'Assemblée nationale rend en définitive raison au poète pour qui « le silence est le meilleur avocat des morts » 46 ( * ) .

Le cantonnement de l'identification génétique à la procédure civile de filiation

L'identification par empreintes génétiques ne peut être conduite, dans le cadre d'une procédure civile, qu'en matière de filiation. Cette restriction est-elle pertinente ?

Elle pourrait, en effet, être développée afin de permettre d'éclairer le juge au cours de litiges divers. Sur proposition de M. Jean François Mattei, député, l'Assemblée nationale a examiné un amendement visant à étendre le champ du premier alinéa de l'article 16-11 du code civil.

Le rapporteur de la commission spéciale, M. Alain Claeys 47 ( * ) , a éclairé cette proposition d'un exemple concret :  « Il y a quelques années, une jeune femme dont le mari était décédé dans un accident de voiture s'est vu refuser le bénéfice de l'assurance au motif que les examens sanguins pratiqués sur le mort montraient des traces d'alcool. La jeune femme les a contestés en faisant valoir que son mari ne buvait pas d'alcool. Elle pensait qu'il y avait eu confusion de flacons. Elle demandait au juge des référés d'ordonner une mesure d'identification par empreintes génétiques pour établir la comparaison des sangs des flacons, mesure que le juge des référés refusa, décision confirmée en appel sur le fondement de l'article 16-11 du code civil » .

Le Gouvernement 48 ( * ) a, pour sa part, souhaité que ne soit pas étendue la faculté prévue pour la seule recherche en filiation au motif « qu'il ne faut pas rompre cet équilibre en autorisant le juge à prescrire cette mesure, quelle que soit la nature de l'action dont il est saisi. Une expertise génétique pourrait ainsi être demandée, par exemple, dans le cas d'un litige successoral, lors d'une contestation devant le juge de l'identité des bénéficiaires d'une assurance sur la vie, voire lors de procédures qui ne présentent pas un caractère contradictoire. Au surplus, cette extension comporterait sans nul doute des risques de contrariété de jurisprudence. De surcroît, un tel élargissement des possibilités de mise en oeuvre des mesures civiles d'empreintes génétiques serait contraire à l'orientation d'ensemble d'un texte qui, dans un souci de protection des droits fondamentaux, tend à restreindre les conditions dans lesquelles peut être autorisée une mesure d'empreintes génétiques sur une personne décédée ».

La question reste, là encore, ouverte.

2°) La réécriture de l'article L 1131-1 du code de la santé publique

L'amélioration des garanties

La réécriture de l'article L. 1131-1 du code de la santé publique se justifie par le souci de simplifier le régime des garanties entourant la réalisation d'examens ou d'identification génétique.

Le droit en vigueur prévoit en effet qu'à titre exceptionnel, le consentement de la personne peut ne pas être recueilli lorsque cet examen ou identification est réalisé à des fins médicales, qu'il est dans l'intérêt du patient et est effectué dans le respect de sa confiance.

La rédaction proposée par le présent projet de loi est plus protectrice puisque cette dérogation sera désormais limitée aux seuls cas où les personnes ne peuvent matériellement manifester leur consentement. Deux conditions expresses sont prévues : l'examen est à finalité médicale et est mené dans l'intérêt du patient.

L'Assemblée nationale est allée plus loin en prévoyant, c'est heureux, la consultation obligatoire de la « personne de confiance » , notion introduite en droit positif par la loi du 4 mars 2002 relatif au droits des malades.

Votre commission souscrit à cette nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 1131-1 du code de la santé publique, sous une double réserve justifiant deux amendements :

- elle vous propose de corriger une erreur matérielle, car la personne de confiance visée par l'Assemblée nationale est mentionnée à l'article L. 1111-6 du présent code et non à l'article L. 1111-5 ;

- elle vous propose d'apporter une précision en remplaçant, au troisième alinéa le terme « patient » par le terme « personne » . Il est manifeste que dans l'esprit de l'article, la personne constitue le patient mais il peut se trouver certains cas où cette identité n'est pas vérifiée. Puisque l'article prévoit expressément que la recherche ou l'identification ne peuvent être faits en l'absence de consentement, que dans l'intérêt de la personne sur laquelle elles sont pratiquées, il ne faudrait pas qu'elles puissent être pratiquées dans l'intérêt d'un tiers lui-même « patient » .

La difficile conciliation du secret médical et des tests ou examens génétiques

Lors de son audition par votre commission, le professeur Arnold Munnich 49 ( * ) a soulevé les difficultés posées par le secret médical au regard du statut génétique des sujets :

« Nous avons, encore tout récemment, été confrontés à des difficultés liées à ce secret . Ces maladies ne sont pas seulement celle d'un individu, elles éclaboussent toute la famille. Au regard du droit, le respect de la vie privée des gens l'emporte sur l'assistance à personne en danger . Il n'est malheureusement pas exceptionnel, j'en ai fait la douloureuse expérience samedi dernier, qu'une mésentente intrafamiliale aboutisse à la maladie et à la mort de plusieurs enfants apparentés éloignés. Lorsque nous nous retournons vers les personnes qui auraient pu, ou dû, prévenir leurs apparentés, elles se retranchent derrière le respect de la vie privée et du secret médical . J'attire donc votre attention sur le fait -nous y avons été confrontés avec la contamination intraconjugale dans le SIDA- que ce problème réglementaire est extraordinairement douloureux. Le législateur pourrait envisager une disposition selon laquelle, lorsque la vie des apparentés est en danger, une obligation est formulée d'aller au-devant des personnes à risques » .

Cette difficulté a déjà été évoquée par le Comité consultatif national d'éthique qui, dans la deuxième recommandation jointe à son avis n° 46 du 30 octobre 1995, ne pouvait se résoudre à proposer cette exception au secret médical :

« Le secret médical doit être respecté vis-à-vis des tiers, y compris les autres membres de la famille . Lorsque la découverte d'une anomalie génétique de caractère familial conduit à envisager un prélèvement biologique sur l'ensemble des membres de la famille, ceux-ci devront être sollicités directement par le sujet demandeur et non par le médecin. Si le sujet refuse de faire connaître aux membres de sa famille le risque révélé par l'examen génétique qu'il a subi, le médecin sera dans l'impossibilité de les prévenir du risque éventuel qu'ils ont de développer une maladie ou de la transmettre à leur descendance. Le médecin devra informer le sujet testé de sa responsabilité et tout faire pour le convaincre d'informer ses proches. En cas d'échec, le devoir de confidentialité et le secret médical seront en contradiction avec le devoir d'informer les sujets et les familles, d'un risque qui peut être l'objet d'une prévention. Le médecin sera confronté à un grave conflit éthique sur lequel la société devra se prononcer, en tenant compte du caractère inacceptable de la non-assistance à personne en danger, particulièrement lorsque des enfants sont concernés. »

Votre commission ne saurait purement et simplement écarter l'application du secret médical.

Pour autant, l'existence d'une affection génétique grave, non décelée et inconnue de la personne qui en est atteinte peut avoir une incidence importante sur la conduite de soins prodigués à cette personne.

Convaincue de l'intérêt potentiel qu'il existerait à ce qu'une personne, se sachant atteinte d'une telle affection génétique grave, soit sensibilisée par son médecin à la nécessité d'en informer sa parentèle, lorsque cette information permettrait des mesures efficaces de prévention ou de soins, votre commission vous proposera d'adopter un amendement prévoyant la faculté pour le médecin d'informer le patient de la nécessité de prévenir les membres de sa famille potentiellement concernés.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 4
(art. L. 1131-4, L. 1131-6 et art. L. 1131-7
et L. 1132-6 nouveaux du code de la santé publique)
Echantillons biologiques humains

Objet : Cet article précise les conditions auxquelles sont soumises la constitution et l'utilisation de collections d'échantillons biologiques humains à des fins de recherche.

I - Le dispositif proposé

Le du présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 1131-4 du code de la santé publique en soumettant la constitution et l'utilisation de collections d'échantillons biologiques humains à des fins de recherche génétique au régime d'encadrement de droit commun prévu pour la conservation et l'utilisation des tissus et cellules. Ce régime est prévu notamment aux articles L. 1243-3 et L. 1243-4 du code de la santé publique, que l'article 8 du présent projet de loi modifie substantiellement.

En effet, dans leur rédaction nouvelle, ces deux articles définissent un régime juridique unique pour les établissements qui manipulent les tissus, cellules et leurs dérivés, régime comportant le principe d'une obligation de déclaration et d'une autorisation préalable du ministre de la recherche qui dispose d'une faculté d'opposition. Le ministre recueille l'avis du comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé . Ces dispositions s'appliqueront aux collections d'échantillons biologiques humains prévues par le nouvel article L. 1131-4.

Le prévoit de supprimer le 3° du L. 1131-6 du code de la santé publique, devenu superfétatoire du fait des modifications prévues par le 1°. La disparition d'un régime spécifique pour les collections d'échantillons rend inutile le maintien d'un dispositif réglementaire ad hoc .

Le introduit une dérogation. Les examens visant à vérifier la compatibilité avant le don, qui seront soumis aux dispositions du livre II, première partie, relative « aux don et utilisation des éléments et produits du corps humain » ne relèvent pas du régime décrit ci-dessus. S'appliquent à ces examens les conditions relatives au recueil du consentement appliquées au prélèvement.

Le introduit en la reproduisant dans le code de la santé publique une disposition du code pénal qui concerne la responsabilité des personnes morales en matière d'infraction à la législation relative à l'examen et identification par les caractéristiques génétiques.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement remplaçant dans le 3° de cet article les mots « préalablement en vue du don » par les mots « dans le contexte du don ».

La nécessité d'utiliser des échantillons à tout moment antérieurement au don mais également postérieurement pour faciliter le suivi justifiait cette modification.

III - La position de votre commission

Votre rapporteur souhaite formuler un certain nombre de considérations sur le 1° du présent article.

La genèse de l'article L. 1131-4 du code de la santé publique

Cet article a été introduit dans la loi n° 96-452 du 28 mai 1996, par un amendement déposé à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Jean-François Mattei.

Examinant cette disposition, M. Claude Huriet, rapporteur de votre commission, avait préconisé de ne pas l'adopter au motif que la superposition des régimes juridiques applicable à la collection d'échantillons biologiques rendrait difficile, voire impossible, leur application.


Les difficultés posées par l'article proposé par l'Assemblée nationale

Dans son rapport n° 285 du 26 mars 1996 relatif au projet de loi portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire, M. Claude Huriet justifiait la proposition de la commission des Affaires sociales de ne pas retenir cette rédaction en ces termes.

« L'article proposé indique clairement qu'il se superpose à la législation relative aux recherches biomédicales et à la loi dite « Fillon » de juillet 1994 ;

« - il laisse la possibilité, soit à une personne, soit à un organisme, de constituer une collection (...) ;

« - il fait référence, sans les définir, à l'« utilisation » des prélèvements et à l'« exploitation » de la collection (...) ;

« - il introduit des notions nouvelles (...). Ainsi, la notion de « bon usage » des données recueillies, sans autre précision ;

« - sa méconnaissance n'est pas assortie de sanctions pénales.

« La portée de ces changements est difficile à apprécier, les notions nouvelles n'étant pas plus définies que les précédentes.

« Si votre commission approuve la nécessité d'un texte législatif pour certaines collections qui n'en sont pas pourvues aujourd'hui, elle ne peut, en l'état, accepter cet article additionnel. Une législation concernant les collections d'échantillons doit répondre aux questions suivantes :

« - qui peut constituer une collection ?

« - que peut-on faire avec une telle collection ?

« - quelles données peut-on recueillir et à quelles fins ?

« En l'état, le dispositif proposé répond surtout à la troisième question.

« Il se superpose à des législations existantes :

« - le livre II bis sur les recherches biomédicales, dont l'article premier A ne reprend pas les catégories (investigateur-promoteur) comme l'avait fait l'article 8 undecies ;

« - la loi dite Fillon du 1 er juillet 1994 relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé, dont le mécanisme de contrôle s'appliquerait en addition de celui prévu par l'article premier A (...) ;

« - l'article L. 145-16 du code de la santé publique qui prévoit que « sont seules habilitées à procéder à des identifications par empreintes génétiques à des fins médicales ou de recherche les personnes ayant fait l'objet d'un agrément dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat » ;

« - l'article L. 672-10 du code de la santé publique qui prévoit que seuls des établissements de santé publics et des organismes à but non lucratif peuvent être autorisés à conserver des cellules et tissus.

« Considérant que la coordination des législations pourrait être mieux assurée et que des questions importantes sont malgré tout laissées sans réponse, votre commission , s'engageant à mener une réflexion active sur ce sujet qui le mérite, vous propose de supprimer cet article. »

Le Gouvernement avait invité le Parlement, au cours de la navette, à mieux définir l'articulation de ces régimes. La commission mixte paritaire avait in fine retenu cet article non sans avoir préalablement cherché à préciser certains points de son contenu.


Les conclusions de la commission mixte paritaire
sur les collections d'échantillons biologiques

« M. Jean-François Mattei, député, a rappelé que l'objectif de cet article, introduit à l'Assemblée nationale, était d'empêcher d'éventuelles dérives, notamment commerciales, susceptibles de se manifester dans le cadre de certaines recherches génétiques nécessitant la constitution de collections d'échantillons biologiques. Il a indiqué que grâce à cet article, un contrôle pourrait être institué, non seulement à l'occasion de la constitution initiale de la collection, mais aussi en cas de modification de l'objet de la recherche.

« M. Claude Huriet, rapporteur pour le Sénat, a estimé que les propos tenus par M. Jean-François Mattei, député, répondaient en large partie aux interrogations qui s'étaient exprimées au Sénat au cours de l'examen du projet de loi en deuxième lecture. Il lui a cependant demandé de préciser les termes « exploitation » et « autorité administrative compétente ».

« M. Jean-François Mattei, député, a indiqué que le terme exploitation devait être compris comme n'ayant aucun caractère industriel ou commercial et que l'autorité administrative compétente en matière de contrôle des collections d'échantillons biologiques devait être le ministre chargé de la santé, le ministre chargé de la recherche devant être invité à donner son avis.

« Sous le bénéfice de ces explications, la commission mixte paritaire a adopté cet article dans le texte de l'Assemblée nationale. »

Rapport de commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses mesures
d'ordre sanitaire, social et statutaire (rapport Sénat n° 351) session 1995-1996, p.9

Un dispositif à bien des égards insatisfaisant

La complexité du dispositif, dénoncée alors par M. Claude Huriet est clairement établie par le Conseil d'Etat qui, lors de son étude de 1999, s'est interrogé sur le statut des collections d'échantillons biologiques humains constituées à des fins scientifiques 50 ( * ) .

« Afin de concilier le respect de l'individu et l'efficacité scientifique, le législateur a mis en place un régime dont la complexité a pu être soulignée . L'intérêt des donneurs est préservé de deux manières. Tout d'abord, les personnes dont proviennent les échantillons doivent dans tous les cas consentir explicitement à participer à une étude, dont elles ont le droit de connaître les résultats, comme de les ignorer, et l'utilisation d'une collection doit, en outre, être limitée à ce à quoi ont initialement consenti les donneurs. D'autre part, la constitution de collections informatisées et l'utilisation des échantillons sont soumises à des procédures d'autorisation strictes. La loi du 1 er juillet 1994 relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé, a tout d'abord complété la loi « informatique et liberté » du 6 janvier 1978 en soumettant à autorisation de la CNIL le traitement automatisé de données génétiques -fichiers constitués dans le cadre de consultations d'onco-génétique, sérothèques ou cellulothèques. Deux textes prévoient ensuite des dispositifs différents selon que les échantillons sont destinés à une recherche génétique ou non. L'article L. 145-16-1 du code de la santé publique, issu de la loi du 28 mai 1996, instaure un régime de déclaration auprès de « l'autorité administrative » pour les collections d'échantillons biologiques humains constituées dans le cas de recherches génétiques. Pour celles qui sont utilisées à des fins de recherche non génétique, un système analogue de déclaration au ministre chargé de la recherche a été prévu par l'article 19 de la loi du 1 er juillet 1998 relative à la veille sanitaire, afin de ne pas les soumettre au régime d'autorisation prévu à l'article L. 672-10 du code de la santé publique.

« La CNIL et les organismes de recherche font valoir que la multiplicité de ces procédures administratives est difficile à gérer pour les chercheurs. Il n'est pas toujours aisé, en effet, de distinguer entre une recherche à fin génétique et une recherche à fin scientifique, et tout élément biologique est potentiellement génétique. Aussi une harmonisation des deux dispositifs est-elle souhaitable pour garantir le développement de la recherche dans les sciences de la vie, mais aussi sa transparence et sa légitimité. »

Devant ces difficultés, le Conseil d'Etat proposait une alternative.

La première solution avancée par la Haute juridiction était une simplification drastique du régime juridique de ces collections.

« Elle consisterait à supprimer toute déclaration auprès du ministre chargé de la recherche ou de la santé et à se contenter de soumettre à une autorisation de la CNIL la constitution, l'utilisation et la conservation de toutes les collections d'échantillons biologiques humains quel que soit le caractère de la recherche à laquelle ils sont destinés.

« Cette première solution souffrirait cependant de certaines insuffisances. En effet, s'il est souhaitable d'unifier le régime juridique des collections d'échantillons biologiques humains à des fins de recherche génétique et à des fins scientifiques, le maintien d'une déclaration de toutes les collections au ministre chargé de la recherche paraît nécessaire compte tenu de la diversité des enjeux en cause. »

En effet, le Conseil d'Etat constate que l'encadrement juridique de ces collections vise non seulement un premier but, la protection des personnes concernées, ce qui revient à la CNIL, mais également à s'assurer de la pertinence scientifique du projet et du respect des règles d'hygiène et de sécurité. Pour votre rapporteur, ces deux derniers rôles ne relèvent pas de la CNIL, mais bien des deux ministres en charge de ces secteurs.

Une seconde solution avait donc davantage la faveur du Conseil d'Etat.

« Aussi, afin de préserver les exigences scientifiques de transparence et d'évaluation, l'unification des régimes définis par les articles L. 145-16-1 (devenu l'article L.1131-4) et L. 672-11 (devenu l'article L. 1243-2) du code de la santé publique devra-t-elle s'accompagner du maintien d'une déclaration préalable de toutes les collections d'échantillons biologiques humains auprès du ministre chargé de la recherche. Celui-ci, après avis du comité consultatif des traitements de données dans le domaine de la recherche en santé, conserverait le pouvoir de s'opposer dans un délai de trois mois à l'exploitation d'une collection.

« L'adoption de cet encadrement juridique à la lisibilité plus grande serait de nature à permettre un contrôle plus efficace du développement de ces collections du point de vue du droit des personnes comme celui de la recherche scientifique. »

Le régime proposé, qui reprend la deuxième option présentée par le Conseil d'Etat, laisse subsister une interrogation.

La nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 1131-4 du code de la santé publique vise à soumettre les collections d'échantillons biologiques aux règles régissant la conservation et la transformation d'éléments du corps humain à des fins de recherche scientifique.

Ces règles définies à l'article 8 du présent projet de loi comprennent la faculté d'opposition du ministre de la recherche. Le souhait du Conseil d'Etat, rappelé ci-dessus, que subsiste une obligation générale de déclaration lors de la constitution de ces collections subsiste ainsi que la compétence du ministre de la recherche.

Si l'unification de ce régime était souhaitable, elle laisse subsister une interrogation qui était un point d'achoppement en 1996. En effet la commission mixte paritaire s'était interrogée sur la notion de « autorité administrative » qu'elle avait définie comme étant les ministres en charge de la recherche et de la santé. La nouvelle rédaction unifie le dispositif au bénéfice du ministre en charge de la recherche, le ministre de la santé n'étant désormais plus consulté.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

* 39 M. Bernard Kouchner, débats Assemblée nationale, 16 janvier 2002, JO, p. 581.

* 40 Convention d'Oviedo, référence précitée.

* 41 Conseil d'Etat, Etude précitée, p. 96.

* 42 Cf. compte rendu des auditions en annexe du présent rapport (c'est votre rapporteur qui souligne).

* 43 Etude précitée, p. 98.

* 44 Etude précitée, p 105-106.

* 45 Car confronté au refus de se livrer à un tel test, le juge pourra présumer la filiation.

* 46 Jules Supervielle, Shéhérazade.

* 47 M. Alain Clayes, débats Assemblée nationale, JO p. 585.

* 48 M. Bernard Kouchner, 16 janvier 2002, p. 585.

* 49 Cf. compte rendu des auditions annexé au présent rapport (c'est votre rapporteur qui souligne).

* 50 Etude précitée, p. 104. (c'est votre rapporteur qui souligne).

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