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Rapport n° 304 (2002-2003) de M. Bernard SEILLIER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 21 mai 2003

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N° 304

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 mai 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité ,

Par M. Bernard SEILLIER,

Sénateur.

Tome I :

Exposé général et Commentaire des articles

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Sénat : 282 et 305 (2002-2003)

Action sociale et souveraineté nationale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

« Ce projet est animé par la volonté de conjuguer la solidarité collective et la responsabilité individuelle. Il est fondé sur la valorisation du travail. Il mise sur la proximité de gestion ». 1 ( * )

Les analyses et les propositions que votre rapporteur a l'honneur de présenter entendent confirmer jusqu'à la plénitude de sa logique, dans toute sa cohérence, cette philosophie exprimée dans l'exposé des motifs du projet de loi.

Conjuguer d'abord la solidarité collective et la responsabilité individuelle. L'instauration du RMI en 1988 reposait déjà sur cette conjugaison concrétisée dans la signature d'un contrat d'insertion. Autrement dit, la solidarité collective ne se bornait pas à instaurer une allocation de solidarité, mais entendait inscrire la démarche dans un échange de volontés, celle du bénéficiaire faisant effort pour s'affranchir de la bouée de sauvetage par une autonomie retrouvée, et celle de la communauté nationale appuyant l'assistance financière sur un accompagnement personnalisé et une offre d'insertion avec une double dimension : sociale et professionnelle.

Cette démarche d'insertion n'est que la traduction des principes constitutionnels solennellement affirmés dans le Préambule de 1958 reprenant celui de 1946, appuyés eux-mêmes sur la Déclaration de 1789 :

« Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. (...)

« Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »

Il est impossible d'isoler dans ce texte solennel, pour la traiter à part, une seule des trois composantes de la cohésion sociale qui y est magistralement exprimée. Il est essentiel de respecter le jeu de cette dynamique existentielle, véritable clef d'une juste réciprocité entre responsabilité personnelle et responsabilité de la société dans son ensemble.

Le devoir de travailler peut, d'un côté, être rappelé à tout un chacun, quelle que soit sa condition, comme exigence de sa dignité personnelle et exigence de sa participation à la construction de la société, indispensable pour son épanouissement et le développement de la collectivité .

Mais la rigueur de l'exigence doit aussi être proportionnée à la capacité de la collectivité publique à satisfaire son obligation de fournir un emploi à qui le demande.

On comprend donc aisément que cette dialectique des devoirs réciproques entre la personne et la collectivité publique ne saurait être mise en jeu d'une manière mécanique. Si les obligations de ce type atteignent dans leur énoncé même la plénitude de leur puissance, c'est qu'elle est essentiellement d'ordre moral. Mais il en va différemment sur le plan pratique.

L'existence d'un nombre important d'offres d'emploi non satisfaites, et d'un nombre encore plus vaste de demandes d'emploi non satisfaites, prouve à l'évidence que l'ajustement entre ceux qui sont disposés à travailler et ceux qui cherchent à recruter n'est pas automatique.

Que dire au surplus de ceux qui sont dans une situation de particulière faiblesse pour faire valoir leurs qualités au coeur de cette confrontation des offres et des demandes de travail.

On se doit donc d'être encore plus attentif à la situation de ceux qui bénéficient de minima sociaux pour vivre, singulièrement du RMI, et qui sont invités à fournir la preuve de leur volonté de travailler avec une rigueur plus importante que celle qui est demandée à ceux qui ont la chance d'être titulaires d'un contrat de travail ou le privilège de bénéficier d'un statut protecteur.

Il faut, avant de commencer à considérer ce lancinant problème de l'insertion des allocataires du RMI, ne pas oublier cette caractéristique sociologique universelle qui veut que plus la situation d'une personne est précaire, plus l'exigence de la société à son égard risque d'être forte. Inversement, plus la position sociale est assurée, plus elle a de chances de bénéficier d'un crédit indiscuté et peu soumis à évaluation quant à sa légitimité.

Face à ce devoir, l'obligation qui pèse sur la collectivité de fournir un emploi, réclame également une lucidité attentive pour ne pas verser dans l'idéalisme. L'expérience des ateliers nationaux n'est plus d'actualité. Mais les recrutements imprévoyants sont une menace pour les collectivités publiques nationale ou locales. Sensés satisfaire cette obligation de fournir un emploi, ils conduisent facilement vers des difficultés économiques ruineuses à terme, en matière d'emplois.

Ces considérations ne visent pas à renoncer par avance à maintenir cette exigence de travail qui concerne le bénéficiaire d'un revenu minimum d'insertion. Elles entendent seulement rappeler qu'il ne s'agit pas, comme on pourrait être tenté de le croire, d'une contrepartie de l'allocation mais d'une exigence constitutionnelle attachée à la dignité humaine. La nuance est importante car devoir de travailler, droit d'obtenir un emploi, et droit de recevoir de la collectivité des moyens convenables d'existence en cas d'incapacité à travailler, sont trois facettes des droits de l'Homme et du Citoyen, trois facettes d'un même prisme qui est celui de la dignité humaine et de la cohésion sociale.

Il en résulte que le constat de carence dressé par tous à propos des contrats d'insertion associés à l'attribution du RMI, ne saurait conduire à des propositions simplistes stigmatisant unilatéralement les allocataires, sans mettre en cause la responsabilité des cocontractants des contrats d'insertion.

Pire serait encore la tentation d'introduire des formes de contrats d'insertion de type léonin, conduisant à de véritables pièges d'exclusion durable pour la personne en difficulté, à la place d'un espoir authentique d'insertion, tandis que le cocontractant s'exonérerait à bon compte et de manière purement formelle de l'obligation de conduire à l'emploi qui pèse sur lui par mandat de la société.

Contre de telles dérives clairement écartées dès la législation créatrice du RMI et encore plus à l'occasion de la loi d'orientation du 27 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, les explications avaient été clairement fournies.

Votre rapporteur se plaît ici à rappeler les propos du rapporteur au Sénat du projet de loi portant création du RMI en 1988, son ami Pierre Louvot, dont il salue la mémoire avec une grande émotion :

« Il s'agit à terme, non point d'adoucir un malheur répandu, au risque de s'en accommoder, mais bien d'extirper patiemment et inlassablement les racines qui l'établissent et l'entretiennent.

« Il y faut avec le temps, l'engagement d'une société univoque, mais aussi celui des personnes qui sont en situation d'exclus. Elles doivent être reconnues dans la dignité, avec respect et considération, comme partenaires. Un tel partenariat est la condition même d'un progrès sur un long chemin. Car il ne s'agit pas seulement de reconnaître un droit. Encore faut-il qu'il traduise une volonté d'être et d'agir, de la part des personnes et des familles concernées par cet engagement fondamental qui conduit progressivement d'un droit révélé à une responsabilité vécue. Tel doit être l'objectif du RMI.

« Aussi bien, l'insertion ne saurait être la « contrepartie » d'un minimum de sauvegarde et de survie, mais l'expression même d'une dignité au bout du compte assumée en termes de droits et de devoirs. » 2 ( * )

Cette approche est toujours valable.

Elle a été vigoureusement rappelée en 1998, lors de l'examen de la loi de lutte contre l'exclusion. Outre la promotion de cette lutte au rang d'obligation nationale, toute l'ingénierie attachée au concept de parcours d'insertion a été précisée.

Il y a lieu d'y rester fidèle car elle est caractéristique d'une méthode universelle, qu'on observe aussi bien dans une pépinière d'entreprise que dans une démarche de lutte contre l'exclusion. Il s'agit de tirer toutes les conclusions des pratiques fructueuses expérimentées chaque fois qu'un objectif à atteindre ne peut l'être qu'avec du temps, une consolidation de la personnalité des intéressés, et un effort collectif d'accueil et d'accompagnement.

Car, qu'est-ce en définitive que l'insertion, si ce n'est la construction d'un réseau de relations source de revenus, de liens d'amitié, et d'échange ?

C'est cette ligne directrice qui inspire l'approche adoptée par votre commission dans l'examen de ce projet de loi qui doit constituer, dans une situation économique fragile, un nouvel espoir d'élargissement de l'offre d'insertion grâce à une mobilisation générale conjuguant coordination des acteurs, compétence territoriale de proximité, et accompagnement personnalisé.

I. QUINZE ANS APRÈS SA CRÉATION, LE RMI SEMBLE DANS L'IMPASSE

A. LE PARI DU RMI : UN ENGAGEMENT RÉCIPROQUE ENTRE LA COLLECTIVITÉ ET LE BÉNÉFICIAIRE

1. Un double objectif de lutte contre la pauvreté et de lutte contre l'exclusion

Lors de sa création, en 1988, le RMI devait représenter une rupture par rapport à la logique traditionnelle de l'assistance , en luttant, dans un même effort, contre la pauvreté d'une part, et contre l'exclusion sociale et professionnelle d'une frange croissante de la population d'autre part. Ce qui explique le large consensus qui a prévalu lors de son adoption, c'est bien le fragile équilibre que tentait d'instaurer le RMI entre deux principes constitutionnels : le droit à un minimum de ressources et le devoir de travailler.

La loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion a donc assigné deux objectifs au RMI :

- apporter une solution à la grande pauvreté en garantissant aux personnes les plus démunies un minimum de ressources et l'accès aux droits sociaux que sont la santé et le logement : à cet effet, la prise en charge par le département des cotisations d'assurance personnelle à l'assurance maladie est rendue obligatoire pour les bénéficiaires du RMI et l'accès aux aides au logement leur est facilité ;

- demander au bénéficiaire d'entrer dans une démarche d'insertion , dans laquelle la collectivité s'engage à l'accompagner, à travers un dispositif d'insertion mis en place à cet effet.

Contrairement à une logique de « workfare », où le droit à l'allocation lui-même est conditionné par la participation du bénéficiaire à une activité d'intérêt général, le droit au RMI est accordé dans le cadre d'un engagement réciproque : un engagement à proposer une offre d'insertion suffisante de la part de la collectivité, un engagement à agir de la part du bénéficiaire.

Cette philosophie originelle du RMI apparaît de manière très claire dans le rapport 3 ( * ) de notre ancien collègue, M. Pierre Louvot, sur le projet de loi relatif au RMI : « l'insertion ne saurait être la « contrepartie » d'un minimum de sauvegarde et de survie, mais l'expression même d'une dignité au bout du compte assumée en termes de droits et de devoirs ».

2. L'architecture retenue en 1988

Il est important de rappeler la genèse de l'architecture institutionnelle qui s'est mise en place autour du dispositif, car elle montre que les interrogations qui conduisent à envisager aujourd'hui la décentralisation du RMI étaient déjà contenues dans les débats de 1988.

L'architecture adoptée à l'époque pour la mise en oeuvre du RMI tient en effet au moins autant au caractère original de l'allocation qu'à des préoccupations liées aux particularités du public visé et aux capacités des différents acteurs à maîtriser la gestion des dossiers engendrés par ce nouveau droit.

a) Le financement du RMI par l'Etat : un choix lourd de conséquences

L'attribution de la responsabilité du RMI à l'Etat posait question, au regard des lois de décentralisation qui, moins de cinq ans auparavant, avaient attribué aux départements l'ensemble des compétences en matière d'aide sociale. Ce choix était tout autant motivé par l'idée selon laquelle le RMI, prestation de solidarité nationale, devait être assumé par l'Etat que par une volonté de prudence face aux incertitudes liées à la montée en charge du dispositif.

Pour autant, votre commission s'était à l'époque émue d'une telle entorse à l'esprit des lois de décentralisation et avait plaidé, dès 1988, pour son attribution aux départements, au terme d'une période d'expérimentation alors évaluée à cinq ans.


Financement de l'allocation par l'Etat : des interrogations anciennes

« Cet article met à la charge de l'Etat le financement de l'allocation du RMI.

« Cette position de principe, qui se justifie sans doute par le caractère national et général du dispositif mis en place, conditionne pourtant toute l'économie du système et le type d'organisation prévue dans la suite du projet de loi (...).

« Aucun transfert n'est prévu de l'Etat aux départements après une période d'expérimentation, en violation absolue des efforts de décentralisation engagés depuis maintenant 5 ans. Il n'est en effet pas concevable qu'un système de lutte contre la pauvreté-précarité puisse être parfaitement efficace et perdurer dans le temps s'il se fonde sur des principes et des mécanismes qui sont aussi directement opposés à tout ce qui constitue l'action sociale dans ce pays depuis 1983.

« Il est vrai que le coût en pleine charge est d'ores et déjà évalué à 9,12 milliards de francs, départements d'outre-mer exclus, ce qui est d'ailleurs sensiblement plus élevé que les estimations rendues publiques à la fin de l'été et qui avoisinaient 8 milliards de francs.

« Néanmoins, il faut dès à présent envisager le moment où, l'expérience faite et les imperfections constatées en voie d'être corrigées, un mouvement de décentralisation interviendra comme cela s'est déjà passé pour la quasi-totalité des autres formes d'actions sociales. »

Extrait du rapport de M. Pierre Louvot, sénateur, sur la loi n° 88-1088
du 1 er décembre 1988 relative au RMI

Le rapport sur l'évaluation du RMI 4 ( * ) , en mars 1992, fait lui-aussi état des inquiétudes liées aux conséquences du choix effectué lors de la création du RMI : « Le RMI a aussi contredit l'esprit des lois de décentralisation en pratiquant d'abord une certaine inversion des compétences : l'Etat verse une allocation qui n'est pas étrangère à l'aide sociale, et le département est invité à intervenir dans le soutien à l'insertion - qui passe surtout par l'emploi, compétence revenant à l'Etat. Surtout, il est en contradiction avec la théorie des « blocs de compétences » en mettant en oeuvre une compétence cogérée, l'insertion, dans laquelle l'Etat est un partenaire « obligé » du conseil général, alors que l'objectif d'autonomie des différentes collectivités - avec son corollaire : « qui décide paie » - était essentiel dans les lois de décentralisation ».

La problématique de la décentralisation du RMI n'est donc pas nouvelle. Mais l'échec du dispositif d'insertion qui, du fait de ce choix initial, est cogéré par l'Etat et le département donne aujourd'hui à cette question une acuité particulière.

b) La gestion de l'allocation : un dispositif largement dicté par les circonstances

S'agissant de la gestion de l'allocation elle-même, l'architecture adoptée visait à répondre à plusieurs objectifs qui ne tiennent d'ailleurs pas seulement à la spécificité du RMI.

La multiplicité des « guichets » auprès desquels les allocataires peuvent déposer une demande de RMI a effectivement été une démarche consciente, justifiée par une volonté de faciliter l'accès des bénéficiaires potentiels dont la situation précaire pouvait être un obstacle au repérage du « bon interlocuteur ».

Il reste que la complexité d'un tel système avait été soulignée dès l'origine par votre commission : « La nécessité (...) de rapprocher les institutions qui recueillent les demandes et les instruisent des bénéficiaires potentiels du RMI tant pour qu'aucun de ces derniers ne puisse y prétendre faute d'en avoir eu la possibilité matérielle, que pour garantir une instruction aussi performante que possible, n'induit pas nécessairement une telle multiplication des « guichets ». Au contraire, elle peut même être un facteur de désordre et de confusion très préjudiciable aux intéressés et au bon fonctionnement du dispositif ».

Le choix d'un lien entre instruction administrative et instruction sociale est également né du souci de lier, dès l'origine, allocation et insertion. C'est la raison pour laquelle la conclusion du contrat d'insertion, qui formalise l'engagement réciproque de l'allocataire et de la collectivité était placée au coeur du dispositif.

S'agissant en revanche du dispositif de liquidation et de versement de l'allocation confié aux caisses d'allocations familiales (CAF) et aux caisses de mutualité sociale agricole (CMSA), le choix a davantage été guidé par la nécessité de bénéficier de compétences reconnues en matière de prestations . Il reste que cette compétence des CAF, notamment, était loin d'être une évidence, s'agissant d'une allocation totalement étrangère à la branche famille et dont les règles, en matière de conditions de ressources et de subsidiarité, étaient particulièrement complexes.

c) Le dispositif d'insertion

L'engagement réciproque supposait également la capacité, pour la collectivité, de proposer une offre d'insertion adaptée.

Cet aspect, insuffisamment pris en compte dans la loi de 1988 , a été renforcé en 1992 par un élargissement du rôle des commissions locales d'insertion (CLI) qui se sont vu confier, en sus de leurs responsabilités d'examen des contrats individuels d'insertion, le recensement des besoins et de l'offre locale d'insertion.


Les missions des CLI après la réforme de 1992

« La loi du 29 juillet 1992 a très sensiblement élargi les missions de la commission locale d'insertion en lui confiant notamment la responsabilité d'élaborer un programme local d'insertion et d'animer la politique locale d'insertion. (...)

« La commission locale d'insertion est donc appelée à jouer un rôle plus important dans l'équilibre institutionnel. Elle est la mieux placée pour évaluer les besoins d'insertion des bénéficiaires, recenser l'offre disponible, formuler des propositions pour le développement d'actions nouvelles. (...)

« Prolongement de la définition du programme local d'insertion, le nouveau rôle d'animation confié à la commission locale devrait induire un infléchissement sensible des pratiques antérieures des présidents et des membres de CLI : leur fonction devrait être davantage tournée vers les partenaires de l'insertion de l'insertion en vue d'impulser, de faciliter et de coordonner le développement local de l'offre d'insertion. (...)

« La commission locale conserve la mission d'examiner et de valider les contrats d'insertion (...) Cette fonction peut désormais être déléguée au bureau de la commission »

Circulaire DIRMI n° 93-04 du 27 mars 1993 relative à la mise en oeuvre du RMI et au dispositif d'insertion .

Grâce au travail des CLI, l'effort d'insertion dans le département et les améliorations à apporter au dispositif devaient ainsi être recensés et intégrés dans un programme départemental d'insertion, adopté par l'ensemble des partenaires représentés au sein des conseils départementaux d'insertion, et servant de base aux actions engagées conjointement par l'Etat et par le département.

Le financement de l'insertion était assuré par l' obligation pour les départements d'affecter aux dépenses d'insertion un crédit au moins égal à 20 % 5 ( * ) des sommes versées par l'Etat dans le département au titre de l'allocation .

L'ensemble du dispositif devait enfin faire l'objet d'un copilotage , justifié par le souci de conjuguer la responsabilité de l'Etat non seulement en matière d'allocation mais plus largement en matière de politique de l'emploi et celle du département, en charge de l'action sociale et donc de l'insertion.

B. LE RMI DÉNATURÉ : LA DÉRIVE VERS UNE PRESTATION DE MASSE

Quinze ans après sa création et cinq ans après la loi d'orientation de lutte contre les exclusions, le bilan du RMI ne peut pas être qu'un constat d'échec : il est indubitable qu'il répondait à un véritable besoin et son rôle est aujourd'hui incontournable dans notre dispositif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Mais les craintes concernant les fragilités intrinsèques du dispositif , liées non seulement à l'articulation entre allocation et insertion mais également aux choix de répartition des compétences, se sont révélées fondées.

1. Des besoins largement sous-estimés

L'augmentation continue du nombre de bénéficiaires dépasse de loin les prévisions initiales : alors que le ministère des affaires sociales avait estimé, en 1988, à 570.000 le nombre des allocataires potentiels, on recensait près de 1,1 million d'allocataires au 31 décembre 2002, soit plus de 2 millions de personnes vivant du RMI.

L'évolution des effectifs a été particulièrement forte jusqu'en 1994, avec une croissance annuelle moyenne de 15 % par an, liée d'abord à la montée en charge du dispositif puis à la réforme de l'assurance chômage qui a conduit à une diminution du nombre de chômeurs indemnisés.

Nombre d'allocataires du RMI par régime

Caisses de métropole

Régime agricole

Caisses des DOM

Ensemble

Evolution annuelle en %

Décembre 1989

324.593

10.921

71.567

407.081

Décembre 1990

408.241

13.860

88.044

510.145

25,3

Décembre 1991

473.617

14.805

93.939

582.361

14,2

Décembre 1992

558.434

16.600

96.208

671.242

15,3

Décembre 1993

678.448

18.141

96.355

792.944

18,1

Décembre 1994

783.435

19.868

105.033

908.336

14,6

Décembre 1995

820.115

20.724

105.171

946.010

4,1

Décembre 1996

882.047

21.757

106.668

1.010.472

6,8

Décembre 1997

933.998

22.598

111.305

1.067.901

5,7

Décembre 1998

969.039

24.247

118.822

1.112.108

4,1

Décembre 1999

993.075

24.772

127.176

1.145.023

3,0

Décembre 2000

940.587

24.593

131.671

1.096.851

- 4,2

Décembre 2001

916.738

21.721 (*)

134.987

1.073.446

- 2,1

Décembre 2002

929.268

21.425 (*)

139.655

1.090.348

1,6

Source : CNAF Fichier FILEAS et MSA

(*) Depuis juin 2001, les allocataires du RMI affiliés à la MSA sont dénombrés à partir d'un nouveau système (SISPREFAL).

Cette augmentation est d'autant plus inquiétante que les effets de la croissance restent peu visibles sur les effectifs des allocataires : il a ainsi fallu près de trois ans pour enregistrer ses effets sur le nombre de bénéficiaires et la dégradation de la conjoncture économique depuis plus d'un an s'est traduite par un coup d'arrêt brutal dans la réduction des effectifs entamée depuis deux ans.

Les sorties du dispositif ont, en particulier, chuté de 15 % en un an. Si cette chute s'explique partiellement par des entrées moins nombreuses, elle est en grande partie due à la dégradation de la situation de l'emploi, qui n'a pas permis de d'atteindre le noyau dur des bénéficiaires.

Dans ces conditions, le RMI, qui devait être une allocation versée à titre temporaire dans l'attente d'une réinsertion sur le marché du travail, est devenu une prestation de masse, dont le coût atteint en décembre 2001, 4,32 milliards d'euros . Le rapport de notre ancien collègue, M. Pierre Louvot faisait état, en 1988, d'une dépense prévisionnelle en pleine charge de 9,12 milliards de francs, soit environ 1,4 milliard d'euros...

2. Une gestion peu optimale de l'allocation

L'augmentation du nombre des bénéficiaires, qui n'avait pas été anticipée, a également mis en lumière les faiblesses du dispositif de gestion de l'allocation.

a) Un dispositif d'instruction débordé

La multiplicité des guichets, voulue par le législateur en 1988, a rapidement montré ses limites, non pas qu'elle soit par nature contraire à une gestion saine de l'allocation, mais parce que les organismes instructeurs se sont trouvés dépassés par la charge de travail représentée par l'instruction d'un nombre très élevé de demandes.

Aujourd'hui encore, alors que les nouvelles demandes d'allocation ne tournent plus qu'autour de 20.000 par an, les délais de traitement des dossiers sont souvent très longs : si le traitement interne aux CAF a aujourd'hui trouvé un rythme de croisière, permettant la mise en paiement de l'allocation en moins de 10 jours, la mauvaise qualité des dossiers qui leurs sont transmis entraîne des aller-retour entre les organismes instructeurs et les caisses qui peuvent entraîner des délais supérieurs à un mois. Comme l'observait la Cour des Comptes dans son rapport public pour 1995, les taux de rejet des dossiers présentés aux caisses sont souvent supérieurs à 10 %, ce qui témoigne sans aucun doute d'une défaillance des services instructeurs .

Il est vrai que les travailleurs sociaux, à qui il revenait d'assister les demandeurs dans l'établissement de leur dossier n'étaient pas formés pour gérer la complexité des règles relatives au RMI, notamment en matière de subsidiarité. Dans la plupart des cas, l'instruction a donc été déléguée à des services administratifs et le lien, voulu par le législateur entre instruction administrative et sociale est resté lettre morte .

b) La gestion de l'allocation par les CAF : une responsabilisation défaillante

La problématique des insuffisances de la gestion du RMI recouvre plusieurs dimensions et ne concerne pas uniquement les CAF. Ces dernières constituent toutefois un maillon essentiel de la chaîne de traitement de l'allocation et, en tant que telles, ont fait l'objet de critiques.

Il convient de rappeler que la gestion du RMI par les CAF a nécessité à bien des égards une évolution culturelle pour ces organismes qui ont été confrontés à l'obligation de payer très vite et de façon fiable, une prestation à des bénéficiaires d'un genre nouveau.

Certes, la pauvreté n'était pas inconnue des CAF dans la mesure où elles géraient déjà des prestations sous condition de ressources et consacraient une action sociale non négligeable en faveur des personnes démunies. Mais, une partie de la population bénéficiaire du RMI est caractérisée par un degré élevé de précarité, ce qui a rendu nécessaire d'apprendre à organiser l'accueil physique de ces personnes, à gérer l'urgence des situations et à mettre en place un nouveau mode de contact avec des personnes peu familiarisées au langage et aux procédures administratifs.

• La question récurrente des frais de gestion du RMI

Au coeur de la gestion du RMI par les CAF réside un paradoxe : en dépit de délégations de compétences très larges - et parfois à la limite de la légalité - en matière de décisions individuelles, l'Etat refuse de reconnaître à sa juste valeur, et donc de rémunérer, la responsabilité qui est ainsi confiée aux caisses.


La gestion par la CNAF des prestations pour le compte de tiers :
l'Etat « mauvais payeur »

La gestion des prestations versées pour le compte de l'Etat, dont le RMI est l'une des plus importantes, engendre des coûts pour la branche famille. A l'instar de l'Etat qui prélève une compensation sur le recouvrement des recettes, la CNAF devrait donc légitimement facturer le prix des services qu'elle rend. Or, en matière de prestations gérées pour compte de tiers, il n'est pas de règles uniformes.

Rémunération pour services rendus selon les organismes financeurs

Prestation

Organisme financeur

Rémunération des sommes versées

ALS et ALT (prestations logement)

FNAL

2 %

APL (prestation logement)

FNH

4 %

AAH

Etat

0 %

RMI

Etat

0 %

Allocation spécifique d'attente

Etat

0 %

Source : Cour des comptes

Comme le montre le tableau présenté ci-dessus, l'Etat est en quelque sorte le « mauvais payeur » de la branche famille puisqu'il ne lui rembourse par les frais occasionnés par les services qu'elle lui rend, notamment en ce qui concerne le RMI.

Pour l'Etat, l'absence de comptabilité analytique permettant de connaître précisément les coûts supportés par la branche famille est la raison qui l'empêche de rembourser à la CNAF ses frais de gestion.

On peut toutefois estimer que cette lacune ne saurait dédouaner l'État de ses responsabilités : en effet, c'est hors de toute comptabilité analytique que l'État facture, arbitrairement, le concours de ses services fiscaux pour le recouvrement des recettes de la sécurité sociale. La Cour des comptes constate également qu'« indépendamment d'une comptabilité analytique, les éléments dont dispose la CNAF devraient permettre, ne serait-ce qu'à titre provisoire, que l'État lui verse une rémunération approchée du service qu'elle rend ».

• Une mission de contrôle imparfaitement remplie

Le contrôle des bénéficiaires du RMI est une mission particulièrement lourde pour les CAF. Outre les contrôles sur pièces ou par échanges automatisés, cette tâche mobilise pratiquement un tiers des agents de contrôle de l'institution (564 au total), fréquemment sur demande des services du préfet, et notamment en raison d'une instruction défectueuse, de conditions d'attribution du RMI imprécises ou d'une absence de proposition de contrat d'insertion.

Les modalités de contrôle des allocataires du RMI ont fait l'objet de critiques, notamment par la Cour des comptes. Ainsi, cette dernière, dans son Rapport public 2001, faisait-elle le constat suivant : « s'agissant du contrôle des bénéficiaires du RMI, dont la Cour avait préconisé les renforcements, la délégation interministérielle faisait encore état en septembre 1999 d'objectifs de contrôle plus que de résultats mesurés. Après le contrôle effectué en 1999 dans quatre départements par l'Inspection générale des affaires sociales, le ministère estimait que la situation appelait une « réaction énergique ». La concertation entre l'Etat et les caisses d'allocations familiales était jugée quasi inexistante ; le taux de contrôle avait chuté de 22 % en 1997 à 15,5 % en 1998, depuis le début de l'implantation du logiciel Cristal ».

3. Les faiblesses de l'insertion

Les effets pervers du partage des compétences effectué en 1988, et notamment l'effet déresponsabilisant de la dilution des responsabilités, sont enfin apparus de façon manifeste dans le domaine de l'insertion. Car s'il est, à mon sens, un échec du RMI, c'est bien celui du dispositif d'insertion.

a) La défaillance du pilotage de l'insertion

« Le RMI souffre (...) d'un défaut de pilotage local. Ceci est souvent masqué par une bonne collaboration technique entre les chargés de mission du RMI relevant de l'Etat et ceux du département. (...) Le dispositif peut ainsi fonctionner correctement dans ses aspects quotidiens. Pour autant, le RMI ne bénéficie pas d'un pilotage local dégageant des orientations prioritaires lisibles, au service d'objectifs précis. »

Cette remarque de l'IGAS 6 ( * ) , dans son rapport annuel pour 2002, illustre parfaitement le fonctionnement local du RMI.

Si le principe du copilotage est bien posé, l'Etat s'est largement déchargé de la politique d'insertion des bénéficiaires du RMI sur les départements , dans la mesure où ceux-ci sont les financeurs de l'insertion, mais sans pour autant lui confier les outils nécessaires pour faire face à cette mission.

Telle était d'ailleurs l'analyse de la mission commune d'information sur la décentralisation 7 ( * ) , en 2000 : « Le département est ainsi trop souvent placé dans la situation paradoxale d'être impliqué au coeur des difficultés de l'insertion sur le terrain, tout en ayant des moyens et les prérogatives trop réduits pour jouer un rôle véritablement efficace. »

Le secteur de l'insertion suppose que les départements interviennent dans un domaine où l'Etat dispose d'une large maîtrise des instruments, qu'il s'agisse de la formation professionnelle, de la politique de l'emploi ou de la politique du logement social.

Cette difficulté d'articulation devait être résolue au sein des instances de copilotage que sont les conseils départementaux d'insertion (CDI) et les commissions locales d'insertion (CLI). Mais ces instances sont aujourd'hui défaillantes : les CDI constituent des instances souvent pléthoriques dont le fonctionnement est difficilement compatible avec leur rôle de réflexion, de programmation, d'évaluation et d'animation de la politique locale d'insertion. De même, les CLI, dont la répartition géographique est fréquemment déséquilibrée ou irrégulière, restent souvent cantonnées dans le rôle formel d'enregistrement des contrats individuels.

Le plan départemental d'insertion, quand il est adopté, reste le plus souvent un document formel, qui ne joue pas son rôle d'articulation entre l'Etat et le département : le plus souvent, seules les actions à la charge de ce dernier y figurent. Les actions entreprises par d'autres acteurs sont simplement ignorées par ce document qui se voulait central dans le dispositif, puisqu'il sert de base à l'engagement des crédits obligatoires d'insertion.

Dans ces conditions, même les départements les plus concernés par les phénomènes d'exclusion ont du mal à utiliser l'ensemble des crédits inscrits à leur budget . Si le taux de consommation des crédits obligatoires d'insertion atteint désormais plus de 90 %, les reports de crédits non consommés représentaient, en 2001, 66 % de l'obligation légale au titre de cette même année.

La mauvaise volonté des départements, souvent mise en avant pour expliquer ce phénomène, ne saurait expliquer les reports constatés. Il paraît évident qu'il est avant tout imputable au manque de souplesse dans les possibilités d'utilisation de ces crédits , notamment en matière de suivi ou de prévention.

b) Un grand absent : le contrat d'insertion

Dans ces conditions, alors que le contrat d'insertion devait précisément assurer le lien entre l'allocation et l'engagement de l'allocataire à entrer dans une démarche d'insertion, le taux de contractualisation oscille, depuis 10 ans, autour de 50 %, avec des disparités départementales importantes.

Taux de contractualisation des bénéficiaires du RMI

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

51 %

53 %

52 %

50 %

49 %

49 %

50 %

Lorsqu'un contrat existe, il brille souvent par son manque de contenu concret. C'est d'ailleurs ce que soulignait la Cour des Comptes dans son rapport public de 2001 : « trop souvent (...), le contrat n'est que formel, soit que l'accompagnement du bénéficiaire revête un caractère purement administratif, soit que les contrats d'insertion se caractérisent par leur imprécision. »


Le contenu des contrats d'insertion en 2000

Une enquête de la DREES auprès de 2.000 ménages qui étaient allocataires du RMI en février 2000 dans cinq départements permet de mieux connaître les actions inscrites dans les contrats d'insertion :

- la très grande majorité (80 %) des contrats signés mentionnent une ou deux actions, 7 % environ en prévoient au moins trois et 13 % n'ont pas d'action inscrite.

- quel que soit le nombre d'actions prévues, 60 % environ des contrats portent sur un seul des domaines suivants : emploi, formation, santé, logement, suivi social, autre action sociale. 27 % portent sur des champs combinés, associant principalement l'emploi et la formation ou l'emploi et l'action sociale (le reste, 13,1 % n'a pas de champ connu).

- près d'un contrat enregistré sur deux propose au moins une action en lien avec l'emploi . Pour près d'un tiers des contrats il s'agit d'une recherche d'un emploi avec un accompagnement spécifique ou de l'orientation vers un emploi aidé.

- 14,2 % de l'ensemble des contrats proposent une action de formation, alphabétisation ou acquisition des savoirs de base. Viennent ensuite les contrats ayant au moins une action de suivi médical (13,1 %) ou social, familial et éducatif (12,4 %).

Globalement, l'emploi et la formation semblent avant tout envisagés pour les allocataires âgés de moins de 40 ans et dont l'ancienneté au RMI est inférieure à 3 ans . Ceux âgés de moins de 30 ans sont plutôt orientés vers un emploi non aidé alors que leurs aînés se voient plutôt proposer une recherche d'emploi accompagnée ou un emploi aidé.

La nature de l'action « emploi » engagée semble liée à l'ancienneté de présence dans le RMI : les allocataires inscrits depuis moins d'un an se voient proposer plus souvent une recherche d'emploi sans accompagnement particulier ; lorsque la durée de perception du RMI s'échelonne entre un an et trois ans, l'orientation vers la recherche d'emploi accompagnée devient proportionnellement plus importante ; enfin, pour les allocataires plus anciens, l'orientation vers l'emploi, sans disparaître tout à fait, est relayée par des interventions relevant du champ de l'action sociale dont la part relative s'accroît sensiblement.

Pour une part de la population des bénéficiaires du RMI, il y a bien concordance entre contrat et accompagnement ; pour une autre part il peut y avoir contrat sans que l'accompagnement soit perçu ou réalisé ou à l'inverse, que l'accompagnement effectif n'ait pas été formalisé dans le contrat.

Votre rapporteur souhaite insister sur l'un des enseignements de l'étude de la DREES : dans plus d'un cas sur dix, aucune action n'est inscrite au contrat . Par ailleurs, si pour une part de la population des bénéficiaires du RMI, il y a bien concordance entre contrat et accompagnement, dans de nombreux cas, malgré l'inscription d'une mesure d'accompagnement, celui-ci n'est en réalité pas mis en oeuvre.

Votre rapporteur insiste ici sur le fait que la faiblesse du taux de contractualisation n'est pas seulement due aux déficiences de l'instruction des dossiers. Il est largement imputable à une carence de l'offre d'insertion : c'est alors la collectivité qui ne remplit pas sa part du contrat.

c) Les difficultés du retour à l'emploi des bénéficiaires

Ces carences du dispositif d'insertion expliquent pour partie les difficultés d'accès ou de retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI.

L'enquête de référence sur les conditions de retour à l'emploi des allocataires du RMI 8 ( * ) - déjà ancienne puisqu'elle a été réalisée en 1998 - a souligné les difficultés, même si ses résultats sont finalement assez contrastés.

Ainsi, 26 % des allocataires suivis dans cette enquête avaient retrouvé un emploi dans l'année, qu'il s'agisse d'un emploi aidé ou d'un emploi « ordinaire ». L'entrée dans le RMI n'est donc pas forcément synonyme d'exclusion durable.

Si les perspectives de retour à l'emploi existent, elles concernent principalement des personnes proches du marché du travail et qui ne sont guère confrontées à de graves difficultés d'ordre social.

A l'inverse, ces perspectives deviennent très restreintes pour des publics plus en difficulté : 60 % des allocataires sont au RMI depuis au moins deux ans et plus de 4 % le sont depuis l'origine du dispositif.

Votre commission considère, pour sa part, que ces difficultés d'accès à l'emploi sont loin de s'expliquer avant tout par un effet de « trappe à inactivité ». Elle souligne en effet que les gains financiers ne sont pas le seul déterminant du retour à l'emploi . Le souci de retrouver un statut social reconnu, apporté par le travail, joue notamment un rôle important quand bien même ce travail « rapporterait » peu.

L'enquête sur le devenir des personnes sorties du RMI

« L'enquête sur le devenir des bénéficiaires du RMI a été réalisée par l'INSEE en partenariat avec le délégation interministérielle au RMI (DIRMI), la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) et la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère de l'Emploi et de la solidarité, la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et le conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts (CSERC). Elle s'est déroulée en trois vagues. En septembre 1997, une enquête légère s'est déroulée auprès de 10.000 allocataires représentatifs des 882.047 allocataires du RMI inscrits dans les CAF métropolitaines au 31 décembre 1996. En janvier 1998, 3.415 allocataires parmi les 7.953 répondants de la première vague ont été interrogés, notamment sur leur emploi. Une nouvelle interrogation des mêmes individus (3.022 répondants) neuf mois plus tard, en septembre 1998, permet, d'une part, de suivre l'insertion professionnelle des employés de janvier et, d'autre part, de mettre en relation les modes de recherche utilisés en janvier par les chômeurs et la situation de ces derniers sur le marché de l'emploi en septembre : au chômage, en emploi aidé (CES, CEC) ou en stage rémunéré, en emploi non aidé (CDI ; CDD, intérim, indépendants). D'autre part, un calendrier d'activité sur 21 mois (de janvier 1997 à septembre 1998) permet de suivre mois par mois les allers et retours entre l'emploi et le chômage. Dans le cas de foyers composés de plusieurs personnes en âge de travailler, seule l'activité de l'allocataire est prise en compte.

« L'enquête permet ainsi d'observer, 13 mois après, la situation des personnes allocataires qui étaient au RMI en décembre 1996 (schéma ci-dessous). La proportion d'entre elles qui ont un emploi, sont au chômage ou inactifs, ne représente pas la probabilité pour les allocataires qui entrent au RMI de trouver un emploi en bout d'un an, ou d'être au chômage, ou inactifs. Cette mesure sous-estime la probabilité d'accès à l'emploi au bout d'un an de RMI, car elle sous-estime les passages courts par le RMI, caractéristiques des personnes qui occupent rapidement un emploi. Et la différence est de taille : ainsi, la probabilité de sortie du RMI au bout d'un an peut être estimée à 43 %, alors que la proportion d'anciens allocataires sortis au bout d'un an n'est que de 29 %  ; mais on n'étudie ici les situations d'emploi, de chômage, ou d'inactivité que des personnes qui étaient au RMI en décembre 1996. Par rapport à un raisonnement en probabilité d'accès à l'emploi au bout d'un an de RMI, on sous-estime beaucoup l'emploi, on surestime le chômage, et surtout l'inactivité, caractéristique des personnes au RMI depuis longtemps. Il est également probable qu'on sous-estime le niveau des salaires de ceux qui ont un emploi : plus l'ancienneté au RMI est importante, plus la rémunération, dans le cas d'une (re)prise d'emploi, est faible (en raison, principalement, d'un effet de structure : les plus jeunes, les plus diplômés, ceux qui ont le plus d'atouts sur le marché du travail sortent plus vite du RMI et obtiennent de meilleures rémunérations). De plus, plus la rémunération est faible, plus on a de risque de rester, ou de revenir, au RMI. »

Pour 100 allocataires

sortis du RMI
29

toujours au RMI
71

emploi
15

chômage
9

inactifs
5

emploi
11

chômage
48

inactifs
12

intéressement
7

travailleurs
très pauvres
4

Source : santé et solidarité, n° 1, 2002

L'enquête précitée a montré en effet que les trois quarts des allocataires au chômage recherchent activement un emploi 9 ( * ) , mais leurs démarches échouent faute de demande de la part des employeurs 10 ( * ) .

Parmi ceux ayant retrouvé un emploi, 15 % perçoivent un revenu d'activité trop faible pour sortir du RMI, plus de 30 % n'y gagnent pas, voire y perdent financièrement. Malgré tout, plus de 80 % déclarent se sentir mieux après la reprise d'un travail.

Certes, il existe encore des freins financiers à la reprise d'activité. Mais les réformes intervenues ces dernières années ont permis de les limiter en grande partie, s'agissant notamment des nouvelles modalités d'exonération de la taxe d'habitation, de la réforme des aides au logement, de la création de la prime pour l'emploi et de la possibilité d'un « intéressement » introduite en 1998.


Les possibilités de cumul d'un revenu d'activité et d'un minimum social

Afin d'encourager et d'aider le retour à l'activité des allocataires de minima sociaux, ceux-ci peuvent cumuler temporairement leur revenu avec leur allocation en cas de reprise d'activité. D'abord appliquée seulement au RMI à l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et à l'allocation d'insertion (AI), cette mesure a été étendue en 1998 à l'API et à l'allocation veuvage et plus récemment, en avril 2002, à l'AER (allocation équivalent retraite qui n'est pas un minimum social). Simultanément, les possibilités de cumul intégral de l'allocation et du revenu d'activité ont été renforcées fin 1998 après l'adoption de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, et plus récemment à la suite du programme de lutte contre les exclusions de juillet 2001. Depuis le 1 er décembre 2001, les titulaires du RMI peuvent cumuler intégralement leur allocation et leur revenu d'activité jusqu'à la deuxième déclaration trimestrielle de ressources qui suit leur reprise d'activité. Les règles de cumul concernant les autres minima sociaux n'ont pas changé. Un régime particulier demeure appliqué aux personnes qui reprennent un contrat emploi-solidarité en métropole ou un contrat d'incitation à l'activité dans les départements d'outre-mer.

Source : solidarité et santé, n° 4, 2002

Sur ce dernier point, votre commission que l'intéressement reste peu répandu : seuls 13 % des allocataires en bénéficient, cette proportion étant stable ces dernières années. Il est vrai que ce dispositif est complexe et peu connu des intéressés et mériterait à ce titre une sérieuse rénovation.

Dans ces conditions, votre commission a la ferme conviction que les difficultés du retour à l'emploi tiennent plus aux carences de l'offre - celle des employeurs - qu'à la faiblesse de la demande - celle des allocataires.

Certes, on peut comprendre les réticences des employeurs à recruter des personnes en situation souvent très difficile et dont la productivité est, au moins dans un premier temps, faible.

Il reste que les dispositifs de la politique de l'emploi n'ont pas, jusqu'à présent, permis d'offrir une solution d'insertion à ces personnes, faute avant tout d'un ciblage pertinent.

Ainsi, s'agissant des contrats aidés qui visent pourtant les publics considérés comme « prioritaires » pour la politique de l'emploi, ils ne bénéficient finalement qu'assez marginalement aux bénéficiaires du RMI. Ceux-ci ne représentent que 27 % des bénéficiaires des contrats initiative-emploi (CIE) et 36 % des bénéficiaires des contrats emploi-solidarité (CES) en 2001, leur part respective dans les entrées étant d'ailleurs en diminution ces dernières années (- 1,8 % pour les CES, - 1 % pour les CIE en 2001) 11 ( * ) .

II. LA DÉCENTRALISATION DU RMI DOIT ÊTRE UNE CHANCE POUR L'INSERTION

Votre rapporteur tient à rappeler, à titre liminaire, que le RMI reste et doit rester une prestation de solidarité nationale : son montant, son barème et ses conditions d'attribution restent fixés par l'Etat. Comme toutes les prestations d'aide sociale légales, il constitue une obligation pour la collectivité publique et un droit pour l'individu , conformément au principe fixé par l' article L. 111-1 du code de l'action sociale et des familles : « toute personne résidant en France bénéficie, si elle remplit les conditions légales d'attribution, des formes d'aide sociale telles qu'elles sont définies par le présent code ».

La décentralisation ne remet pas en cause ce droit objectif. Elle vise simplement à en améliorer la mise en oeuvre, en rapprochant sa gestion et celle, indissociable, du dispositif d'insertion des bénéficiaires. Votre rapporteur estime en effet que cette réforme est une chance pour l'insertion, qui a été la grande absente du RMI depuis sa création.

A. LE PROJET DE LOI S'INSCRIT DANS UNE DÉMARCHE DE REDYNAMISATION DES ACTIONS D'INSERTION

La décentralisation du RMI constitue la première application de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République qui dispose que les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences susceptibles de mieux être mises en oeuvre à leur échelon.

L'objectif de cette décentralisation est de renforcer la cohérence d'un dispositif aujourd'hui partagé, à titre principal, entre l'Etat et le département. En clarifiant les responsabilités de chacun, elle vise également à renforcer l'efficacité des politiques d'insertion, en mobilisant chaque acteur sur ce qu'il sait réellement faire.

Le projet de loi fait le choix de confier au département, en même temps que le pilotage de l'insertion, la gestion de l'allocation de l'allocation elle-même. Le pari qui est fait est celui de la responsabilité : responsable des allocations versées, le département l'est aussi de l'amélioration de l'insertion et donc de la sortie des bénéficiaires du dispositif.

1. La décentralisation de l'allocation elle-même : le défi de la responsabilité

a) Les conditions du transfert au président du conseil général de la gestion de l'allocation

La décentralisation de l'allocation elle-même comporte deux aspects : le transfert au président du conseil général de l'ensemble des décisions individuelles relatives à l'allocation et celui du pilotage du dispositif d'instruction des demandes.

La décentralisation des décisions individuelles relatives au RMI

S'agissant de l'attribution, de la prorogation, du renouvellement, de la suspension ou de la radiation bénéfice de l'allocation, le président du conseil général devient désormais seul compétent, sous réserve de l'avis de la CLI pour les décisions de suspension de l'allocation.

Le transfert au président du conseil général des pouvoirs en matière de décisions individuelles ne soulève en lui-même pas de question particulière : il s'inscrit dans la logique de la décentralisation et se conforme principe selon lequel « décide qui paye ».

Votre rapporteur s'interroge en revanche sur les raisons du régime dérogatoire dans les départements d'outre-mer : en effet, dans ces départements, les décisions individuelles ne sont pas transférées au président du conseil général mais à l'agence départementale d'insertion.

Si l'exception consistant à unifier le pilotage de l'insertion au profit de l'agence se justifie, du fait de l'organisation particulière du dispositif d'insertion dans ces départements, et notamment en raison du rôle de l'agence dans la mise des contrats d'insertions par l'activité (CIA) spécifiques aux DOM, elle paraît moins évidemment fondée concernant la décentralisation de l'allocation elle-même.

Le projet de loi ne tire d'ailleurs pas toutes les conséquences de cette particularité ultramarine, notamment en ce qui concerne le financement de l'allocation.

Toutefois, considérant que la navette sur le projet de loi de programme pour l'outre-mer, qui ratifie le statut des agences départementales d'insertion, se poursuit, votre rapporteur n'a pas voulu anticiper sur ses conclusions. Il estime en effet qu'il revient de préférence à ce texte, de portée plus générale, sur l'outre-mer de préciser les adaptations nécessaires à la mise en oeuvre de la décentralisation du RMI dans ces départements .

La maîtrise du dispositif d'instruction

Le projet de loi donne également aux départements la possibilité d'organiser librement le dispositif d'instruction des demandes d'allocation. Le département peut ainsi :

- ouvrir aux CAF et aux caisses de MSA volontaires, à travers des procédures d'agrément, la possibilité d'instruire les demandes de RMI ;

- déléguer aux CAF et aux caisses de MSA certaines décisions individuelles relatives à l'allocation. Le champ de cette délégation est plus large qu'actuellement et doit permettre d'accélérer le traitement des dossiers.

Il reste que la participation des CAF et des caisses de MSA à ces deux aspects de l'instruction administrative qui sortent de leur domaine traditionnel de compétence donne une acuité nouvelle à la question de la compensation aux caisses des frais de gestion de l'allocation . Les conventions qui seront passées entre les départements et les caisses au titre de leur participation à l'instruction et à la prise de décision devront sans doute prévoir une rémunération de leurs services.

b) L'enjeu financier : « le grand flou »

Pourtant essentiels, les aspects financiers de la décentralisation du RMI ne sont guère abordés par le texte qui ne les évoque qu'à deux reprises pour renvoyer, soit à la loi de finances, soit au décret, les conditions de leur réalisation.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a néanmoins précisé, en substance, devant votre commission que cette décentralisation s'inscrivait dans les principes posés par la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 : en contrepartie d'une compétence nouvelle (RMA) et d'une compétence transférée (RMI), les départements percevront une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP).

L'étude d'impact précise que « le transfert des crédits (...) sera basé sur la dépense réelle en 2003 » . Cette dernière n'est pas encore connue mais, d'après les informations dont dispose votre rapporteur, elle serait sensiblement supérieure aux montants évalués en loi de finances initiale.

Prévisions dépenses de RMI en 2003

(en milliards d'euros)

LFI

4,46

Estimation DGAS

4,845

A ce montant, il conviendra d'ajouter afin de préciser la dépense engagée par l'Etat au titre du RMI pour 2003 :

- les crédits nécessaires au paiement de la « prime de Noël » si le Gouvernement entend la pérenniser ;

- les crédits correspondant aux personnels chargés de la gestion administrative du RMI dans les administrations centrales et déconcentrées.

Enfin, les crédits nécessaires à la mise en oeuvre du RMA devront faire l'objet d'une juste et préalable compensation.

L'impact financier de la décentralisation du RMI ne saurait être mesuré à long terme, dépendant à la fois de l'évolution des déterminants naturels de la recette et de la dépense (croissance économique, marché de l'emploi, marché des hydrocarbures, etc.).

Pour mémoire, un différentiel annuel moyen de deux points dégrade « les termes de l'échange » de 20 % au bout de 10 ans.

Si le RMI avait été décentralisé en 1993...

Tout au plus, votre rapporteur peut-il réaffirmer ici que toute modification intentionnelle des termes de l'échange - l'Etat conservant le pouvoir de détermination des paramètres de la recette et de la dépense - devra faire l'objet d'une compensation (« coup de pouce » à la revalorisation du RMI, modification du taux et de l'assiette de la TIPP, etc.).

c) Les relations financières entre les départements et les caisses : l'importance de la neutralité

L'instauration de relations financières entre la sécurité sociale et les collectivités locales est rendue inéluctable par le maintien des CAF (et des caisses de MSA) comme organismes payeurs du RMI. Le législateur doit avant tout s'assurer que ces relations nouvelles seront préservées des frictions récurrentes opposant aujourd'hui la CNAF et l'Etat quant à la gestion de cette prestation.

Une convention liera le département et la CAF afin de préciser les modalités de remboursement des prestations versées. En l'absence de signature de cette dernière, les départements verseront, chaque mois, une somme représentant un douzième des dépenses engagées l'année précédente. Ces relations devront respecter la plus grande neutralité pour les finances sociales et locales. Le projet de loi prévoit dans les grandes lignes ce principe mais ne résout pas deux questions :

- l'articulation de ce nouveau schéma financier avec le principe posé par l'article L. 225-1 du code de la sécurité sociale d'unité de trésorerie du régime général ;

- la mise en oeuvre concrète de la neutralité financière d'une part pour l'ACOSS qui, sans être partie aux conventions, pourrait se trouver en position de réaliser une avance de trésorerie, et d'autre part pour l'ensemble des intervenants dans le régime transitoire de « versements par douzièmes » ;

En précisant leur portée 12 ( * ) , votre commission souhaite lever ces difficultés.

2. Une volonté : donner un véritable contenu aux contrats d'insertion

a) De nouveaux outils en faveur de la redynamisation de la démarche d'insertion

Le bilan en demi-teinte de la mise en oeuvre des contrats d'insertion avec les bénéficiaires du RMI rendait nécessaire une remise à plat tant du contenu de ces contrats que de leur mode d'élaboration et de leur suivi.

A cette fin, et en amont de l'attribution de l'allocation, le projet de loi renforce l'information des bénéficiaires sur les droits et obligations liés à l'allocation. Il paraît, en effet, nécessaire de mieux faire connaître la signification et l'intérêt du contrat d'insertion qui, s'il constitue une obligation légale, n'en est pas moins une chance pour le bénéficiaire.

Il apparaît, en effet, qu'un grand nombre d'allocataires peine à comprendre la signification de ce document. Tel était en tout cas le constat que dressait la Cour des comptes en 1995 : « Le sens même de ce document échappe souvent aux bénéficiaires, malgré l'effort d'explication des instructeurs. Ainsi, dans un département métropolitain parmi les plus engagés dans les actions d'insertion, on estimait à 20 % la proportion d'allocataires qui n'en comprenaient pas la signification. »

Le projet de loi donne ensuite un rôle plus actif au bénéficiaire dans la définition de son contrat d'insertion : il ne s'agit plus de proposer au bénéficiaire un contrat « clé en main », mais au vu d'un bilan global de sa situation, de l'aider à formuler un projet d'insertion.

Pour l'aider dans cette démarche, le projet de loi prévoit, en outre, la désignation d'un référent. Celui-ci serait chargé de la formalisation du contrat d'insertion et du suivi des démarches d'insertion effectuées par l'allocataire. Il agirait sous la responsabilité du président du conseil général et pourrait, le cas échéant, actionner les procédures de suspension de l'allocation.

Votre rapporteur estime que cet accompagnement est particulièrement important : il ne s'agit pas tant de contrôler la mise en oeuvre d'un contrat - même si cet aspect doit être pris en compte -, que de permettre un bilan régulier des actions engagées, afin de faire évoluer le contrat.

Il convient de rappeler que l'obligation de désigner une personne chargée de coordonner les différents aspects de l'insertion du bénéficiaire n'est pas une disposition entièrement nouvelle, puisque les organismes instructeurs y étaient déjà soumis. Il reste que cette obligation était très diversement mise en oeuvre, ainsi que le soulignait la Cour des comptes dans son rapport public pour 2001. Ainsi la Cour notait que le département de Paris par exemple n'était « pas en mesure d'indiquer à la Chambre régionale des comptes ni le délai moyen entre l'entrée du bénéficiaire dans le dispositif et son premier contact avec les services sociaux (...), ni le délai moyen entre l'entrée dans le dispositif et la signature du premier contrat d'insertion. Un rapport d'audit, validé par le département, a noté pourtant des délais d'attente souvent supérieurs à deux ans ».

Le texte s'attache également à définir de manière plus concrète les actions qui peuvent être inscrites dans le contrat d'insertion et adopte une orientation résolument professionnelle des contrats d'insertion. A cet effet, il pose le principe de l'inscription obligatoire d'une mesure orientée vers le retour à l'emploi, les autres types de mesures et, notamment, les mesures d'accès aux droits, venant éventuellement compléter le contrat.

Enfin, dans un souci de simplification des démarches, il donne à l'attestation délivrée par l'employeur, le formateur ou l'accompagnateur la valeur de contrat d'insertion.

b) Une définition sans doute trop restrictive du contrat d'insertion

Si votre rapporteur ne peut que se féliciter de cette volonté de mettre fin à l'imprécision et à la vacuité des contrats d'insertion, la nouvelle définition du contrat d'insertion, telle qu'elle figure dans le projet de loi, lui semble comporter trois risques :

- un risque d'appauvrissement du contrat : donner à une simple attestation valeur de contrat d'insertion revient à donner au contrat de travail suivi par le bénéficiaire cette valeur. Or, il est, en effet, difficile de demander à l'employeur de mobiliser autour de la personne l'ensemble des mesures d'accompagnement dont il pourrait avoir besoin ;

- un risque d'éviction des plus démunis : le projet de loi adopte une vision très professionnelle du contrat d'insertion, au détriment d'autres actions qui, pour les publics les plus fragiles et les plus désocialisés, paraissent devoir être prioritaires. Inscrire d'office une mesure orientée vers le retour à l'emploi serait, dans un certain nombre de cas, prématuré et démobilisateur pour la personne, qui risquerait de se voir sanctionnée pour n'avoir pas tenu un engagement d'emblée irréaliste, compte tenu de sa situation ;

- enfin et surtout, un changement de nature du contrat d'insertion : le contrat deviendrait un engagement à suivre une action précise, et ne constituerait pas une mobilisation de la personne et de la collectivité pour atteindre un objectif. Dans ces conditions, la responsabilité de la réussite ou de l'échec du contrat reposerait sur les seules épaules de l'allocataire et l'engagement réciproque disparaît.

Au total, le contrat ne s'inscrirait plus dans un parcours d'insertion à plus long terme . C'est la raison pour laquelle votre rapporteur estime que certains aménagements sont nécessaires afin de concilier cette volonté de donner un contenu concret au contrat, tout en affermissant son caractère d'« engagement réciproque ».

3. La fin du copilotage de l'insertion

a) L'unification au profit du département du pilotage de l'insertion

Le projet de loi consacre la responsabilité pleine et entière du département à l'égard du dispositif local d'insertion.

Cette responsabilité se traduit tout d'abord par une liberté accrue pour le département dans l'organisation des instances départementales que sont le conseil départemental d'insertion et les commissions locales d'insertion : liberté dans la composition de ces instances, mais aussi dans la définition de leur ressort.

Comme le souligne le rapport annuel de l'IGAS pour 2002, les différences de zonage entre la politique d'insertion, aujourd'hui copilotée par l'Etat et le département, et la politique de l'emploi, sont des freins à la mise en oeuvre des politiques locales en faveur de l'ensemble des publics en situation de précarité ou d'exclusion.

La disparition des contraintes liées au copilotage devrait permettre un maillage plus cohérent des CLI et, par conséquent, ouvrir la voie à une adéquation avec les territoires de la politique de l'emploi.


Les incohérences du zonage des CLI :
des sources d'inefficacité du dispositif local d'insertion

« A l'origine, les CLI n'ont pas été conçues comme déterminant un territoire pérenne de déploiement d'une politique. Il s'agissait seulement de créer des structures légères d'action et de gestion, ouvertes au partenariat, co-animées par l'Etat et le conseil général avec l'objectif de traiter, au cas par cas, des situations individuelles de dénuement. Dans ce contexte, la question de la pertinence du territoire à déterminer ne se posait pas en tant que telle : le préfet et le président du conseil général devaient d'abord déterminer le nombre de CLI en fonction de l'effectif départemental du RMI, un nombre pair permettant de garantir la parité des présidences. Ainsi, nées d'une concertation administrative et d'ajustements politiques, les CLI constituent des structures institutionnelles largement dépourvues de cohérence territoriale. (...)

« Dans ces conditions, les CLI ne peuvent être adoptées pour la mise en oeuvre de la politique de lutte contre le chômage de longue durée dont les territoires doivent être aussi proches que possible des réalités du marché du travail. (...)

« La juxtaposition de dispositifs insuffisamment coordonnés et l'imbrication non cohérente des territoires administratifs ne sont pas sans conséquences : elles pèsent sur l'efficacité administrative, nuisent à la lisibilité de l'action publique par les acteurs locaux et, dans certains cas, peuvent imposer d'inutiles contraintes aux bénéficiaires.

« Pour ces derniers, l'impact peut être plus profond qu'il n'y paraît et aller au-delà de la gêne occasionnée par des démarches supplémentaires. Relever d'une CLI, d'une agence locale pour l'emploi ou d'un centre médico-social dépendant de zonages différents accroît pour le bénéficiaire du RMI le risque de convocations redondantes, ou, au contraire, d'abstentions pénalisantes. (...)

« Dans une approche plus administrative, l'absence de cohérence ente le périmètre des CLI et celui des territoires de la politique locale de l'emploi nuit à l'efficacité de l'action. Elle constitue en effet un frein au développement de partenariats dès lors qu'elle oblige les mêmes acteurs à participer, sur deux territoires différents, à une réflexion et un travail collectif identiques (...)

« De manière générale, le suivi et l'accompagnement social dont doivent bénéficier les allocataires du RMI inscrits à l'ANPE ne constituent pas les points forts du dispositif. Ils deviennent des plus aléatoires lorsque, pour les réaliser, la CLI doit s'adresser à deux agences locales pour l'emploi différentes. »

Extrait du rapport annuel de l'IGAS pour 2002 « Politiques sociales de l'Etat et territoires »

L'adoption par le conseil général lui-même du programme départemental d'insertion devrait conduire à la définition d'un programme plus précis et en adéquation avec les crédits disponibles. De même, l'examen des programmes locaux d'insertion par le conseil général et la possibilité de déléguer leur mise en oeuvre aux communes ou à leurs groupements devrait favoriser des programmes plus réalistes et plus efficaces.

Le projet de loi recentre enfin les commissions locales d'insertion sur leur rôle initial de définition de l'offre locale d'insertion , en les déchargeant de leurs attributions en matière d'approbation des contrats d'insertion. Elles ne conservent donc plus que leurs compétences en matière de suspension des contrats.

Votre rapporteur s'étonne toutefois de la faible place laissée par le projet de loi au monde associatif au sein du dispositif local d'insertion . S'il est bien conscient que la décentralisation ne saurait s'accompagner de prescriptions tatillonnes à l'égard des départements, leur enjoignant de travailler avec tel ou tel, il lui semble malgré tout que, sans entraver la liberté du département, le projet de loi pourrait davantage insister sur le rôle des associations, notamment au sein des CDI et des CLI.

b) Un nécessaire débat sur l'avenir des crédits obligatoires d'insertion

La logique de la décentralisation voudrait que, s'appuyant sur une responsabilisation des départements, l'obligation pour les départements de consacrer une part fixe de leur budget aux actions d'insertion soit supprimée : la charge de l'allocation elle-même devrait, en effet, être un moteur suffisant pour les départements pour les inciter à s'engager plus fortement en faveur de l'insertion .

Votre rapporteur est toutefois conscient qu'il existe une crainte forte, exprimée par le monde associatif, que la suppression de cette obligation se traduise par un recul de l'effort d'insertion et par un creusement des inégalités entre départements, préjudiciable aux bénéficiaires.

Il est vrai, également, que le transfert de l'allocation au département constitue déjà un bouleversement important. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur a estimé que le débat sur une éventuelle suppression devait se poursuivre.

Une telle mesure est inséparable de la définition de l'ensemble de l'équilibre financier de la décentralisation du RMI, et notamment de la question de savoir si le mécanisme de compensation qui sera adopté permettra de responsabiliser les départements quant à d'éventuels dérapages des charges liées à l'allocation.

En tout état de cause, si la suppression était acquise, elle devrait nécessairement avoir pour corollaire une obligation de transparence renforcée pour les départements et une évaluation accrue de l'application de la loi de la part de l'Etat.

B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission souscrit totalement à la logique d'ensemble de ce projet de loi car elle a la conviction que la décentralisation peut être une chance pour la politique d'insertion, en donnant enfin aux départements la capacité d'animer, de mettre en cohérence et de planifier - notamment au niveau financier - les multiples initiatives qui, depuis la création du RMI, ont émergé au niveau local en faveur de l'insertion des bénéficiaires du RMI.

Les évolutions et les précisions qu'elle propose doivent donc s'entendre donc comme un enrichissement et une diversification des outils en faveur de l'insertion et comme un prolongement de la même volonté de rénovation de ce dispositif.

Ces propositions s'articulent autour de trois axes.

1. Passer d'un contrat d'insertion à un parcours d'insertion

S'agissant du contrat d'insertion , les améliorations proposées par votre commission visent tout à la fois à enrichir le contenu des contrats d'insertion et à conforter leur valeur d'engagement réciproque entre les bénéficiaires et la collectivité.

Ainsi, votre commission a tout d'abord souhaité inscrire le contrat d'insertion dans une logique de parcours à plus long terme, tant il est vrai que, pour un certain nombre de bénéficiaires, l'insertion ne saurait être envisagée que dans la durée.

C'est la raison pour laquelle elle propose d' élargir la palette des actions qui peuvent être inscrites au contrat d'insertion , afin de pouvoir proposer au bénéficiaire des mesures adaptées à sa situation au regard de l'insertion : prendre la personne au stade où elle se trouve suppose en effet de disposer, au-delà des outils axés sur un retour rapide vers l'emploi que sont l'orientation vers le service public de l'emploi et les stages de formation professionnelle, de mesures plus adaptées à une première étape dans un parcours d'insertion. Dans cette optique, le contrat d'insertion pourrait également s'articuler, à titre principal, autour d'un emploi aidé - et notamment d'un contrat d'insertion-revenu minimum d'activité (CIRMA) - ou d'un accompagnement vers l'autonomie sociale, pour les personnes les plus désocialisées.

Votre commission a également souhaité développer le rôle d'accompagnement social du référent à l'égard de l'allocataire : il s'agit de lui ouvrir la possibilité d'adapter le contrat à l'évolution de la situation du bénéficiaire, et notamment de demander une révision de celui-ci. Cette mesure permettra également de prévenir des suspensions de l'allocation, et donc des ruptures de droit préjudiciables au bénéficiaire dans son parcours d'insertion.

Il lui a enfin paru nécessaire de supprimer la possibilité de donner aux attestations de l'employeur valeur de contrat d'insertion . Elle a en effet estimé qu'il était dangereux de limiter un contrat d'insertion à une seule action, conclue avec l'employeur, et non le département : le contrat y perdrait du même coup sa richesse et son caractère d'engagement réciproque.

2. Préciser les conditions du pilotage par le département du dispositif local d'insertion

Si votre commission tient à rappeler son attachement à la liberté d'organisation des départements, sans laquelle une décentralisation du RMI n'aurait aucun sens, elle a toutefois souhaité aménager les conditions du pilotage par le département du dispositif local d'insertion.

A cet égard, elle a souhaité réaffirmer le rôle essentiel du monde associatif dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et par conséquent préciser la place de ce secteur dans la mise en oeuvre des actions d'insertion.

C'est pourquoi elle a tenu à définir un socle minimal de collectivités et organismes devant être représentés au sein des commissions locales d'insertion et à prévoir la manière dont ceux-ci peuvent être associés à la mise en oeuvre des actions d'insertion.

Elle propose également de préciser la portée du programme départemental d'insertion en définissant les grandes lignes de son contenu - évaluation des besoins mais aussi de l'offre locale d'insertion - et les conditions de sa mise en oeuvre.

3. La contrepartie de la responsabilité : renforcer l'évaluation

L'évaluation des moyens et des résultats du RMI apparaît aujourd'hui très limitée et la dernière enquête nationale à ce sujet date de 1992. Seules quelques études ont été réalisées depuis lors. Il convient de mentionner à ce sujet le rapport 2001 de l'Observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS). Ce constat est d'autant plus paradoxal que l'administration centrale recueille 108 indicateurs statistiques sur le RMI et dispose par là même d'informations denses.

S'agissant du nombre de bénéficiaires, la Cour des comptes relevait ainsi, dans son Rapport public 2001, que « les statistiques sur les allocataires sont fournies par la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), mais le ministère estimait en 2000 que les données transmises mensuellement par la CNAF sur le RMI ne permettent pas une lecture fiable de l'évolution des effectifs » . Elle souligne également la difficulté, pour l'administration centrale, d'obtenir à temps les remontées d'informations des préfectures.

Votre commission observe que les carences du système actuel justifient à elles seules, la mise en oeuvre d'un dispositif plus efficace. La décentralisation du RMI conforte cet impératif d'évaluation , comme le besoin de disposer d'outils de comparaison et la nécessité, le cas échéant, de diffuser les « bonnes pratiques ». Il s'agit en fait de la contrepartie de la responsabilité

Le projet de loi propose d'organiser un nouveau dispositif, partagé entre tous les acteurs concernés, de façon à pouvoir informer le Parlement et à alimenter la réflexion générale des pouvoirs publics. Ces dispositions introduisent plusieurs circuits complémentaires dans la remontée et la circulation des informations et prévoient des obligations parallèles de transmission.

Votre commission souhaite conforter cette démarche. Elle propose donc de mieux définir le contenu des informations à transmettre et, d'autre part, d'introduire l'obligation, pour le Gouvernement, d'adresser au Parlement, avant le 1 er juillet 2006, un rapport d'évaluation sur l'application de la présente loi.

III. LA CRÉATION DU REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ DOIT FOURNIR AUX DÉPARTEMENTS ET AUX ACTEURS DE L'INSERTION UN NOUVEL OUTIL ADAPTÉ POUR DYNAMISER LEUR POLITIQUE D'INSERTION

Le second volet du présent projet de loi concerne l'insertion professionnelle. Il vise à favoriser le retour à l'activité des bénéficiaires du RMI en instituant un nouveau dispositif d'insertion qui puisse jouer le rôle d'une première étape vers un emploi durable.

La philosophie du revenu minimum d'activité (RMA) est à cet égard relativement simple : il s'agit d'une « activation » des dépenses d'allocation en contrepartie d'un accompagnement renforcé du bénéficiaire vers l'emploi.

A. LE PROJET DE LOI PROPOSE UNE « ACTIVATION » DES DÉPENSES DE RMI POUR FAVORISER LE RETOUR À L'EMPLOI DES PERSONNES LES PLUS EN DIFFICULTÉ

Si le présent projet de loi institue un dispositif à bien des égards innovant, il convient de rappeler que, depuis la création du RMI, différentes tentatives d'activation du RMI ont été entreprises, sans qu'aucune ne parvienne à être mise en oeuvre, hormis le mécanisme de l'intéressement.

1. Des précédents inaboutis

Dès 1988, l'Assemblée nationale avait adopté un amendement de sa commission des Affaires culturelles tendant à préciser que « l'allocation de RMI pourra, avec l'accord du bénéficiaire, être versée à l'organisme agréé qui l'emploie si cet organisme lui verse une rémunération supérieure à un montant déterminé, ceci afin de permettre la conversion du RMI en une fraction de salaire et de faciliter ainsi la sortie du RMI » 13 ( * ) . Cet amendement, qui avait fait l'objet d'un avis défavorable du Gouvernement, ne figure toutefois pas dans la version finale de la loi instituant le RMI.

L'article 93 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social avait, elle, institué, à titre expérimental, un « contrat pour l'emploi des bénéficiaires du RMI » depuis plus de deux ans. Ce contrat n'a cependant jamais été mis en oeuvre, la loi du 4 août de la même année l'ayant supprimé au profit du CIE.

En 1997, lors des débats sur le projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale présenté par M. Jacques Barrot, deux amendements similaires, l'un présenté par notre collègue, M. Jean-Paul Virapoullé alors député, l'autre par le Gouvernement, proposaient, à titre expérimental, d'autoriser le cumul temporaire entre l'allocation de RMI et un revenu d'activité. Mais ce texte n'a pas eu de suite compte tenu de la dissolution de l'Assemblée nationale.

En 1998, lors des débats sur le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions , votre commission avait à son tour présenté un dispositif intitulé « convention de revenu minimum d'activité ». Mais le Gouvernement de l'époque avait alors souhaité l'écarter au profit du dispositif d'intéressement aujourd'hui en vigueur dont votre commission a souligné les limites.


Convention de revenu minimum d'activité

« Votre commission vous propose dans cet article additionnel de prévoir qu'à titre expérimental et à partir du 1 er juillet 1998, tout bénéficiaire du RMI peut, dans le cadre d'un contrat initiative-emploi (CIE) à mi-temps, bénéficier d'une convention de revenu minimum d'activité conclue entre le employeur, la mission locale d'insertion et le bénéficiaire. Il est précisé que pendant la durée de la convention, le bénéficiaire a droit au maintien d'une fraction de l'allocation de revenu minimum d'insertion calculée en excluant la moitié du montant de sa rémunération du montant des ressources servant au calcul de l'allocation.

« Cet amendement vise à relancer l'insertion des titulaires de RMI dans l'économie marchande. Il s'agit d'une alternative au dispositif d'intéressement examiné à l'article 5 bis ci-dessus et dont la durée devrait être limitée par décret à un an maximum. Le principe retenu est de permettre aux personnes qui sont au RMI depuis plus de deux ans de prendre un CIE à mi-temps et de bénéficier, pendant la durée du contrat, d'une allocation complémentaire versée par l'Etat et qui serait à peu près égale à la moitié de l'allocation de RMI prévue pour une personne seule, soit environ 1.200 francs.

« Cet amendement permettrait d'inciter au retour dans le monde du travail, de personnes qui ne souhaitent pas, dans un premier temps, prendre un emploi à temps complet. Il s'agit d'un mécanisme de dynamisation des dépenses passives au titre de RMI, d'où l'appellation qui lui est donnée ».

Source : Rapport Sénat, n° 450, 1997-1998, tome I, p. 119

Plus récemment, en 2001, le Sénat a adopté la proposition de loi portant création d'un revenu minimum d'activité de MM. Alain Lambert et Philippe Marini.


Extrait du dossier de la Conférence de presse de la commission des Finances du 7 octobre 1999 sur « les dossiers d'actualité économique »

Un constat : il faut mettre fin à cette spirale de l'inactivité mise en place par le RMI et développer grâce au RMA un cercle vertueux de l'activité.

En effet, le niveau élevé de certaines prestations sociales en font souvent un frein puissant à la reprise du travail et à la réinsertion sociale. Par exemple, le bénéficiaire du RMI hésite à accepter un poste relativement précaire qui le conduirait à abandonner son allocation et les exonérations diverses qui y sont associées. Ceci nourrit l'exclusion sociale et a un coût élevé pour l'Etat : même le Conseil d'analyse économique (CAE) placé auprès du Premier ministre, l'a récemment admis.

Lutter contre le chômage et l'exclusion sociale

Le revenu minimum d'activité (RMA) a pour buts principaux :

de favoriser la reprise d'activité des bénéficiaires du RMI et des chômeurs de longue durée, s'agissant des personnels les moins qualifiés ;

d'augmenter le niveau de l'emploi et de réduire l'exclusion sociale.

Une prestation sociale résolument tournée vers l'activité

Le niveau des prestations délivrées aux titulaires du RMI et aux chômeurs en fin de droit contraste avec leur faible retour à l'activité : les prestations ne servent plus qu'à l'assistance. On peut dès lors se demander si le RMI n'est pas désormais « un revenu minimum d'inactivité ». Il est au demeurant frappant de rappeler que la charge du RMI pour l'Etat a augmenté de 30 % depuis 1996, lorsque nous connaissions une période de vive croissance de l'économie.

Par ailleurs, de nombreux gisements d'emplois existent mais ne sont pas occupés pour deux raisons : trop coûteux pour les entreprises (poids des charges sociales sur les bas salaires) ; trop faiblement rémunérateurs pour les bénéficiaires de prestations d'assistance et notamment du RMI (leur revenu augmente, mais leur pouvoir d'achat peut diminuer en raison de la perte du bénéfice de certaines prestations ou bien des impositions nouvelles auxquelles ils deviennent assujettis, comme les taxes locales).

Le RMA veut donc renverser ces effets pervers en proposant une solution servant les intérêts des exclus comme des entreprises par une réorientation totale des aides publiques.

Un mécanisme simple

Le bénéficiaire du RMI ou le chômeur indemnisé de longue durée devenant salarié perçoit un RMA. Celui-ci correspond d'une part au salaire qui est versé par l'entreprise, et d'autre part à un complément de ressources payé par l'Etat. Cela doit lui assurer un gain net de revenu par rapport à sa prestation d'origine. Il y a un intérêt objectif pour le bénéficiaire à travailler.

Par souci de simplification, le RMA est versé par l'entreprise qui touche également de l'Etat le complément de ressources. Celui-ci n'est pas soumis aux charges sociales.

Ceci se fait dans le cadre d'un contrat de longue durée (cinq ans) qui assure au salarié une stabilité de ses revenus et qui définit les engagements auxquels souscrit l'entreprise vis-à-vis de l'Etat. Le niveau du RMA tient compte de la prestation d'origine et pourrait par exemple se situer à 1,2 RMI, c'est-à-dire de 20 % le montant de la prestation antérieure.

Le RMA profite à tous

Pour l'ancien bénéficiaire de prestations d'assistance : il retrouve un emploi ; il est assuré de ne pas perdre de ressources ; il jouit d'une forte stabilité (cinq ans) qui lui permet de faire des projets personnels et professionnels et de véritablement sortir de l'exclusion sociale ;

Pour les entreprises : cette aide de l'Etat diminue singulièrement le coût du travail pour les bas salaires et permet, ainsi, de rendre rentables certaines activités qui ne l'étaient pas toujours ; elle sera donc créatrice de nouveaux emplois marchands ;

Pour l'Etat : meilleure utilisation des sommes consacrées aux personnes défavorisées : perspective de voir ces dépenses se réduire en cas d'emploi durable des bénéficiaires : mise en oeuvre d'une politique contractuelle de l'emploi avec les entreprises ;

Pour la société : il est préférable de favoriser le retour à l'activité plutôt que de se cantonner dans une simple assistance sans lendemain.

Bien évidemment, de nombreux points restent à préciser, à commencer par le chiffrage, les seuils de ressources, etc. avec le souci de proposer un mécanisme aussi simple que possible pour les entreprises comme les exclus, et avec celui d'éviter les effets d'aubaines.

Le RMA signifie moins de charges pour les entreprises, plus de stabilité, de revenu, de perspectives d'avenir pour les bénéficiaires, une dépense mieux orientée pour l'Etat et l'UNEDIC. On passerait ainsi de l'insertion, devenue simple assistance déresponsabilisante, à la promotion de l'emploi, de l'activité, productive et profitable à tous. Nous avons tous à y gagner !

Le présent dispositif s'inscrit dans la continuité de ces différentes propositions, même s'il possède ses propres particularités. Sans être expérimental, il constitue un dispositif incontestablement innovant, tirant notamment les conséquences de la décentralisation du RMI en offrant aux départements un nouvel instrument pour la conduite des politiques d'insertion : le « contrat insertion - revenu minimum d'activité » (CIRMA).

2. L'économie générale du dispositif

Le projet de loi autorise, sous conditions, à verser directement à l'employeur une somme équivalente à l'allocation de RMI, diminué du forfait logement, en contrepartie de l'embauche d'un bénéficiaire du RMI et de la mise en oeuvre d'actions d'insertion individualisées définies conjointement par le salarié, le département et l'employeur.

Le salarié bénéficiera donc d'un travail, d'un salaire au moins égal au SMIC et d'un accompagnement pour la réalisation de son projet professionnel dans le cadre de son parcours d'insertion.

L'employeur bénéficiera, lui, d'une aide substantielle, permettant de réduire significativement les coûts salariaux et de mettre en oeuvre les actions d'insertion.

Enfin, le département, qui finance le RMI, peut espérer, par cette activation des dépenses de RMI, voir diminuer progressivement le nombre d'allocataires grâce à leur retour progressif à l'emploi.

Au-delà de cette économie générale, ce dispositif repose sur trois principales caractéristiques qui en font toute sa force.

Il s'agit d'abord d'un dispositif ciblé puisqu'il ne vise que les bénéficiaires du RMI qui rencontrent de réelles difficultés d'accès à l'emploi auxquelles ne peuvent répondre qu'imparfaitement les contrats aidés actuels. Le Gouvernement a ainsi d'ores et déjà annoncé que « le revenu minimum d'activité sera accessible aux allocataires du RMI le percevant depuis au moins deux ans » 14 ( * ) .

Il s'agit ensuite d'un contrat de travail spécifique ouvert aux secteurs marchand et non marchand. C'est un contrat à durée déterminée renouvelable deux fois dans la limite de 18 mois. Sans être un « sas » obligatoire, il a, en effet, vocation à constituer une première étape dans un processus de retour durable à l'emploi. C'est aussi un contrat à temps partiel d'une durée hebdomadaire de 20 heures. Dans la mesure où il vise des personnes très en difficulté, le retour direct à un emploi à temps plein n'est en effet pas immédiatement envisageable. Comme tout contrat de travail, il ouvre droit à un salaire versé par l'employeur qui ne finance directement que le « différentiel » entre l'aide du département, équivalente au montant de l'allocation de RMI versée à une personne isolée et diminuée du « forfait logement », et le salaire.

Il prévoit enfin un dispositif d'accompagnement renforcé vers l'emploi . La conclusion d'un CIRMA est en effet soumise à la signature préalable d'une convention entre le département et l'employeur. Cette convention détermine, au vu du projet professionnel du bénéficiaire, les actions d'insertion qui devront être réalisées dans le cadre du contrat. Ces actions concernent l'orientation professionnelle, le tutorat, le suivi individualisé et la formation nécessaires à son insertion durable. Ces actions seront mises en oeuvre soit directement par l'employeur, soit par des organismes extérieurs compétents en la matière (on peut notamment songer à la nécessaire implication du service public de l'emploi). Leur financement relèvera principalement du département, au titre de sa mission d'insertion, mais aussi de l'employeur et également de l'Etat, dans le cadre d'une convention qui devrait être conclue avec le département ou d'autres partenaires.

La conjonction de ces trois caractéristiques en fait un dispositif qui présente de sérieux gages d'efficacité .

Pour le salarié , il lui offre à la fois un statut social, un complément de rémunération significatif (au moins 180 euros 15 ( * ) par mois 16 ( * ) quelle que soit sa situation de famille), un retour dans la sphère professionnelle et le bénéfice d'actions d'insertion adaptées à sa situation. Il lui est en outre garanti le maintien du montant de l'allocation de RMI au niveau antérieur à l'entrée dans le dispositif et le maintien des droits connexes.

Le revenu minimum d'activité

En € / mois

RMA (20 h)

Salaire brut

594,21

Dont 362,30 (RMI)*

assiette

= 231,91

Cotisations salariales

49,16

Net salarié

182,75

+ 362,30

= 545,05

Coût total employeur (rémunération brute)

Après déduction de l'aide départementale :

+ cotisations patronales

256,96 avec exo**

326,97 sans exo**

* aide départementale = allocation forfaitaire de RMI

** exonération des cotisations patronales de sécurité sociale

Source : dossier de presse du 7 mai 2003

Se pose cependant la question de l'« attractivité » comparée du dispositif pour le bénéficiaire par rapport à d'autres contrats de travail compte tenu de l'intéressement.

Pour une durée de travail hebdomadaire de 20 heures, le RMA apparaît financièrement moins intéressant qu'un CES ou un contrat de droit commun pour un bénéficiaire du RMI, au moins pendant les premiers mois. Il devient toutefois plus rémunérateur que le CES à l'issue d'une période de trois mois et qu'un contrat de droit commun à l'issue d'un an, du fait de l'extinction de l'intéressement.

Cette question de l'« attractivité » reste cependant largement théorique, la difficulté principale du public visé étant justement l'accès à l'emploi.

Pour l'employeur , il constitue une réelle incitation à l'embauche de ce public. Compte tenu de l'aide départementale, le coût total mensuel pour l'employeur est de 257 euros dans le secteur non marchand et de 327 euros dans le secteur marchand. Cette différence tient au fait que le « différentiel » financé directement par l'employeur est exonéré de cotisations sociales pour le secteur non marchand. Il n'en reste pas moins qu'en contrepartie l'employeur sera nécessairement largement sollicité pour la mise en oeuvre des actions d'insertion, même si leur charge financière sera en grande partie supportée par le département, l'Etat et les autres partenaires de l'insertion.

Coût mensuel d'un CIRMA pour l'employeur

(en euros)

Situation au 1 er mai 2003 (en €)

Coût du SMIC horaire brut

6,83

Aide du département

362,30

Supplément employeur brut

231.91

Cotisations salariales

49,16

Supplément employeur net

182,75

Cotisations patronales

95,06

Dont sécurité sociale

70,01

Et hors sécurité sociale

25,05

Coût total employeur

689,27

Coût total employeur après déduction de l'aide

326,97

Coût total employeur secteur non marchand après déduction de l'aide et de l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale

256,96

Coût total aide à l'emploi secteur non marchand (aide du département + compensation de l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale)

432,31

RMA brut

594,21

RMA net

545,05

Source : étude d'impact

Là encore se pose la question de l'« attractivité » comparée du RMA par rapport à d'autres contrats aidés comme le CES ou le CIE.

Pour une durée de travail équivalente, le CIE revient à l'employeur à 535 ou 498 euros par mois (selon le taux de prise en charge par l'Etat) alors que le RMA ne lui coûte que 257 ou 357 euros.

En revanche, le RMA ne semble pas en mesure de « concurrencer » le CES dont le coût final pour l'employeur varie actuellement de 30 à 231 euros par mois selon le taux de prise en charge.

Mais là encore, cette comparaison s'apparente largement à un faux débat dans la mesure où les contrats aidés de l'Etat sont contingentés et où le contrat RMA suppose de toute façon un investissement lourd de l'employeur : l'embauche d'un salarié en CIRMA ne peut se fonder sur un simple souci de limiter le coût du travail.

Pour le département enfin, et dans la mesure où le présent projet de loi lui confie le pilotage et la charge du RMI, le CIRMA constitue l'un des instruments indispensables à la conduite de sa politique d'insertion. Celui-ci aura en effet tout intérêt à mener une politique dynamique en ce domaine afin de limiter la charge budgétaire liée au RMI. Il ne peut donc qu'être fortement incité à utiliser ce nouvel instrument au maximum de ses possibilités.

Il est vrai que le RMA aura un coût immédiat pour le département supérieur à la simple charge du RMI.

Votre commission observe ainsi que le mode de calcul de l'aide du département n'est pas totalement neutre pour les finances départementales.

Dans la mesure où le RMI est une allocation différentielle et où le RMA est une aide forfaitaire et dans la mesure où le projet de loi garantit, toutes choses égales par ailleurs, le maintien de l'allocation de RMI perçue avant l'entrée dans le dispositif, il existe donc un surcoût potentiel à la charge du département lié à la transformation d'une allocation différentielle en aide forfaitaire. 32 % des allocataires du RMI bénéficient en effet de revenus supplémentaires qui sont pris en compte par le calcul de l'allocation de RMI, mais qui ne seraient plus pris en compte pour l'aide du département qui est forfaitaire. Le montant moyen de ces revenus supplémentaires (hors prestations versées par les CAF) est en moyenne de 138 euros par allocataire. Le coût direct du RMA est donc potentiellement plus élevé que celui du RMI.

Votre commission estime également que le RMA ne sera efficace que si sa mise en oeuvre s'accompagne de réelles actions d'insertion, dont la charge pèsera principalement sur le département.

Mais, ces coûts immédiats seront sans doute largement compensés par les perspectives d'économies à venir.

3. Des interrogations qui subsistent

Le dépôt du présent projet a suscité certaines interrogations, voire certaines craintes, notamment au sein du monde associatif.

Aussi, votre rapporteur a-t-il souhaité, malgré des délais limités, organiser un large programme d'auditions permettant de recueillir l'appréciation sur ce texte de l'ensemble des parties prenantes à la politique d'insertion.

Ces auditions lui ont permis d'identifier non une opposition totale à la philosophie de ce texte, mais quatre types de préoccupations principales.

Première préoccupation : l'articulation du nouveau contrat avec les autres dispositifs d'insertion et plus largement avec la politique de l'emploi qui reste de la responsabilité de l'Etat.

Sur ce point, votre commission reste persuadée que le nouveau dispositif introduit plus de complémentarité que de concurrence. Il s'adresse en effet à un public qui ne bénéficie pas des contrats d'insertion classiques (CIE, CES, CEC...) et comble ainsi une faille dans nos politiques d'insertion.

Il est vrai que la lisibilité de l'ensemble du dispositif est pour l'instant un peu brouillée par la perspective d'une réforme prochaine des autres dispositifs, et notamment de la fusion entre le CES et le CEC dans un contrat unique d'insertion dont l'architecture n'est pas encore définitivement établie.

Il reste que l'articulation du dispositif avec les actions menées par les structures d'insertion par l'activité économique mériterait d'être précisée. Votre rapporteur ne manquera pas d'interroger le Gouvernement à ce sujet et de formuler des propositions le moment venu.

Il ne faudrait pas non plus que ce nouveau dispositif piloté et financé par les départements ne conduise l'Etat à contingenter plus drastiquement les contrats aidés qu'il continuera à financer, au risque de fragiliser les perspectives de « sortie » du RMA et de faire supporter de fait au département la charge de la politique de l'emploi.

Deuxième préoccupation : la « rigidité » du dispositif

Nombreux sont ceux qui craignent que le paramétrage du dispositif (condition d'ancienneté de deux ans au RMI, 20 heures par semaine, durée maximale de 18 mois) ne soit trop strict pour prendre en compte la diversité des situations et l'hétérogénéité des besoins d'insertion.

Il est vrai que ces différentes conditions peuvent apparaître contraignantes au moment même où le pilotage de l'ensemble du dispositif RMI est confié au département pour permettre justement son adaptation au plus près du terrain.

Troisième préoccupation : les garanties offertes aux salariés, notamment en matière de protection sociale.

Le Gouvernement a fait le choix, pour garantir l'attractivité du dispositif, de retenir une assiette dérogatoire au droit commun pour le calcul des cotisations et contributions sociales. Seul le « différentiel » pris en charge directement par l'employeur serait ici pris en compte. Dès lors, les droits sociaux différés seraient réduits d'autant, notamment en matière d'assurance vieillesse et d'assurance chômage.

Mais votre commission observe aussi que le projet de loi prévoit parallèlement le maintien des droits connexes au RMI, à savoir principalement la CMU et la CMU complémentaire. Elle observe également qu'il prévoit une couverture maladie et accidents du travail plus avantageuse que le droit commun : le salarié aura en effet droit au maintien de la totalité de son salaire dès le premier jour de congé, l'employeur prenant alors à sa charge ce qui ne sera pas financé directement par la sécurité sociale.

Il reste effectivement que l'accès à l'assurance vieillesse et à l'assurance chômage sera moins favorable que le droit commun du fait d'une contribution, il est vrai, inférieure.

Sur ce point, il n'a pas paru possible à votre commission d'élargir l'assiette retenue au risque de déséquilibrer le bouclage financier du dispositif. Toutefois, par la modification d'un des paramètres du contrat, il lui est apparu possible d'augmenter l'effort contributif et par là même de majorer le montant de ces prestations différées.

Dernière préoccupation : la sortie du dispositif

Se pose en effet la question de l'avenir des salariés à l'issue des 18 mois de contrat.

Sur ce point, votre commission insiste sur le fait que le RMA ne constitue pas une fin en soi, mais doit marquer la première étape d'un processus d'insertion professionnelle. Il est donc nécessaire de l'articuler avec les autres dispositifs de la politique de l'emploi. Des pistes, qui ne relèvent pas du domaine législatif, peuvent ainsi être utilement explorées.

Il pourrait être prévu, par exemple, que soit menée, avant la fin du CIRMA, une orientation professionnelle qui prépare alors très en amont la sortie du dispositif et qui pourrait être réalisée par l'ANPE.

A l'issue du RMA, et en l'absence de solution trouvée en amont, le salarié devrait pouvoir bénéficier d'un bilan de compétences. Au vu de ce bilan, il pourrait se voir proposer soit un contrat aidé de la politique de l'emploi dans le secteur marchand (CIE, contrat de qualification adulte) ou dans le secteur non marchand (CES, CEC) ou dans une structure d'insertion par l'activité économique, soit une formation qualifiante ou préqualifiante.

Il est donc clair que la réussite du RMA exigera une mobilisation particulière des moyens de la politique de l'emploi.

Il reste que, sans offrir nécessairement de garanties totales, le dispositif constitue pour beaucoup un préalable indispensable au retour à l'emploi, sans lequel les perspectives d'une insertion professionnelle durable seraient très faibles.

B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Si ces préoccupations sont donc toutes loin d'être entièrement fondées, elles ont néanmoins le mérite de mettre en évidence certaines imprécisions, voire certaines faiblesses du dispositif.

Aussi, tout en souscrivant très largement à l'économie globale du dispositif qui ressemble d'ailleurs beaucoup à des propositions qu'elle avait pu formuler en son temps, votre commission a souhaité, sans modifier l'architecture générale de ce volet consacré au RMA, en préciser la portée, en prolonger la logique et en renforcer l'efficacité en matière d'insertion. Il lui a ainsi semblé nécessaire de mieux articuler le dispositif avec la rénovation du RMI prévue au titre premier du présent projet de loi et de tirer les conséquences de sa décentralisation.

Ses propositions s'articulent autour de trois axes.

1. Mieux inscrire le RMA dans le parcours d'insertion

L'efficacité du dispositif dépendra avant tout de son contenu effectif en accompagnement et des conditions de mise en oeuvre des actions d'insertion qui lui sont liées.

Or, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi comporte encore des incertitudes tant sur l'articulation entre le CIRMA et le contrat d'insertion conclu par le bénéficiaire du RMI lors de son entrée dans le dispositif que sur le contenu et les conditions de mise en oeuvre des actions d'accompagnement.

Lier CIRMA et contrat d'insertion

Le CIRMA ne peut être déconnecté du contrat d'insertion signé entre le département et l'allocataire lors de son entrée dans le RMI. C'est ce contrat d'insertion qui doit permettre de définir en commun, au vu d'un diagnostic individualisé, le parcours d'insertion de la personne et donc de déterminer l'opportunité d'utiliser l'instrument RMA. Le CIRMA ne peut s'y substituer au risque de perdre de vue la dimension sociale de l'insertion. Il ne peut non plus l'ignorer au risque de devenir un contrat aidé comme un autre.

Il a donc semblé nécessaire à votre commission de lever toute ambiguïté en prévoyant que le CIRMA s'inscrit bien dans le cadre du parcours d'insertion dont il constitue une composante.

Il ne faudrait pas en effet que le CIRMA devienne un simple instrument destiné à augmenter, de manière quelque peu artificielle, le taux de contractualisation.

Préciser et amplifier les actions d'insertion

Mais cela impose aussi de préciser et de renforcer les actions d'insertion qui seront mises en oeuvre dans le cadre du contrat RMA.

A cet égard, la convention conclue entre le département et l'employeur jouera un rôle décisif puisque c'est elle qui définira les actions d'insertion et qui déterminera les modalités de leur mise en oeuvre.

Or, le projet de loi n'est sans doute pas suffisamment explicite, ni sur le contenu des actions d'insertion, ni sur leur finalité, ni sur les conditions de leur mise en oeuvre, ni sur celles de leur suivi et de leur renouvellement.

Votre commission vous proposera donc de préciser tous ces points.

2. Mieux adapter le contrat RMA à la situation des bénéficiaires.

Votre commission a déjà souligné l'extrême hétérogénéité de la situation des personnes au RMI. Dès lors, les solutions d'insertion qui doivent leur être proposées doivent nécessairement être individualisées pour être pleinement efficaces.

Dans ce cadre, elle craint que le CIRMA ne manque un peu de souplesse et propose alors de mieux l'adapter à la situation des bénéficiaires.

Moduler la durée du travail

Il lui semble d'abord nécessaire que la durée du travail puisse, dans le cadre de la convention entre le département et l'employeur, être modulée en fonction des capacités de la personne et de son projet professionnel. Aussi, fixer une durée hebdomadaire uniforme de 20 heures semble inutilement restrictif, alors même, de surcroît, qu'en permettant une augmentation de la durée du travail, la couverture sociale sera renforcée d'autant, notamment pour les droits à l'assurance vieillesse.

Assouplir les conditions d'entrée dans le dispositif

De la même manière, la condition d'ancienneté de 2 ans au RMI ne paraît pas être le critère le plus pertinent pour apprécier les difficultés particulières d'accès à l'emploi. Il appartiendra en outre au département de définir, au regard de sa politique d'insertion et de la situation locale, le ciblage du dispositif. Dans ces conditions, votre commission croit donc souhaitable de ramener ce critère d'ancienneté à un an, condition qui lui semble à la fois suffisante pour prévenir tout effet d'aubaine et nécessaire pour maximiser l'efficacité du dispositif.

Sur ces deux points, il lui semblerait d'ailleurs paradoxal, au moment où l'on décentralise le RMI au motif que les départements sont les plus à même de piloter le dispositif dans une logique de proximité, de leur lier parallèlement les mains en définissant trop strictement le cadre du CIRMA.

3. Clarifier le financement du dispositif

Le paysage est loin d'être clair en la matière, notamment s'agissant des interventions respectives de l'Etat et du département.

L'allègement du coût du travail est financé à la fois par le département qui verse une aide équivalente au RMI et par l'Etat qui compense l'exonération de charges sur le « différentiel » financé directement par l'employeur dans le secteur non marchand. Le département finance donc l'allègement du coût du travail à hauteur de 84 % dans le secteur non marchand et à hauteur de 100 % dans le secteur marchand.

Parallèlement, les actions d'insertion sont principalement à la charge des départements, mais l'Etat est également sensé y contribuer dans le cadre d'une convention Etat-département.

Au regard de ces financements imbriqués et peu lisibles, votre commission a fait le choix de clarifier le financement du dispositif pour en renforcer l'efficacité. Il lui a semblé nécessaire d'affecter les financements publics plus à la conduite des actions d'insertion qu'à l'allégement du coût du travail.

Ne pas faire porter l'ensemble de l'effort financier sur l'allégement du coût du travail

Aussi, et alors que le Gouvernement vient d'annoncer son intention d'harmoniser et de réduire le nombre de dispositifs d'allègements de charge, votre commission vous proposera de supprimer l'exonération de cotisations sociales prévue par le projet de loi qui risque d'être peu lisible, complexe à gérer et finalement peu incitative pour l'employeur (70 euros par mois).

La suppression de cette exonération apparaît d'ailleurs incontournable à partir du moment où votre commission propose de lever le « verrou » des 20 heures. La souplesse conférée au dispositif ne saurait se traduire par un droit de tirage des départements sur le budget de l'Etat au titre de la compensation des exonérations.

Améliorer le financement des actions d'insertion

En contrepartie, il lui semble nécessaire d'amplifier l'effort financier en faveur des actions d'insertion. Elle vous proposera donc d'introduire le principe d'une aide à l'employeur pour l'accompagnement financée par le département. Cette aide, dont le département fixera le montant, pourra être modulée afin de prendre en compte la situation de l'employeur et les difficultés d'accès à l'emploi des bénéficiaires. Il s'agit donc ici d'introduire une corrélation entre l'effort d'insertion de l'employeur et le montant de l'aide départementale.

Dans ce cadre, il serait légitime que l'Etat abonde largement le financement départemental des actions d'insertion, au moins à hauteur des économies qu'il réaliserait du fait de la suppression des exonérations, soit 70 millions d'euros.

*

* *

« La simplicité et la souplesse, la recherche de l'efficacité doivent orienter la démarche du législateur en même temps que la volonté qu'il veut affirmer. La mise en oeuvre d'une étape nouvelle de la lutte contre la pauvreté et les précarités qui la fondent, oblige à éclairer les choix de l'avenir. Il faut, en ce domaine, progresser avec autant de modestie que de détermination. »

Ces mots de notre ancien collègue, Pierre Louvot, dans l'avant-propos de son rapport de 1988 sur le projet de loi relatif au RMI 17 ( * ) , n'ont eu de cesse d'éclairer la démarche de votre rapporteur.

Il déclarait aussi :

« La tâche est immense, difficile, semée d'écueils. Une approche constructive et interactive du Parlement et du Gouvernement peut améliorer ce projet de loi. »

Tel est le voeu que formule aujourd'hui votre commission, à la veille de l'examen de ce texte en séance publique.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE I
-
DÉCENTRALISATION EN MATIÈRE
DE REVENU MINIMUM D'INSERTION

Article premier
(art. L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles)
Périodicité de la revalorisation du montant du RMI

Objet : Cet article, qui modifie l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, vise à entériner la pratique actuelle de la revalorisation annuelle, et non plus bisannuelle du RMI.

I - Le dispositif proposé

La loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion avait posé le principe d'une revalorisation bisannuelle du montant de l'allocation de RMI. Cette disposition était motivée par un souci de préserver au maximum, compte tenu des faibles revenus des allocataires, le pouvoir d'achat de l'allocation, en l'adaptant plus fréquemment que les autres prestations sociales à l'évolution des prix.

Dans la pratique, et depuis l'origine, le montant du RMI n'a jamais été revalorisé qu'une seule fois par an, comme l'ensemble des autres minima sociaux.

S'agissant de ces derniers, si les dates de revalorisation ne coïncident pas toujours, la revalorisation annuelle est la règle : ainsi l'allocation adulte handicapé (AAH) est revalorisée une fois par an, au 1 er juillet. En l'absence de disposition précise, le minimum vieillesse l'est également une seule fois par an, au 1 er janvier.

Le projet de loi entérine cette revalorisation annuelle, afin notamment de mettre fin au risque juridique lié à la méconnaissance de la règle de revalorisation bisannuelle.

II - La position de votre commission

La revalorisation du RMI est déterminée par l'inflation prévisionnelle telle qu'exprimée par le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, sur le modèle adopté pour les prestations familiales.

La comparaison de l'évolution du montant du RMI et de l'évolution effective des prix montre que les revalorisations annuelles ont, par le passé, suffi à garantir le pouvoir d'achat de l'allocation. Ainsi, depuis la création du RMI, les revalorisations successives de celui-ci ont permis un gain de pouvoir d'achat d'environ 6 %.

Evolution comparée 1989 - 2002

Indice des prix et revalorisation du RMI (base 100 1990)

Il semble donc que, dans un régime d'inflation modérée comme celui que connaît notre pays depuis maintenant plus de 10 ans, une revalorisation annuelle permette de garantir le pouvoir d'achat de l'allocation.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 2
Transfert du financement de l'allocation de RMI aux départements

Objet : Cet article vise, en supprimant la compétence dérogatoire de l'Etat en matière de financement du RMI, à mettre l'allocation à la charge des départements, au titre de leurs compétences générales en matière d'aide sociale.

I - Le dispositif proposé

L'attribution à l'Etat, par la loi du 1 er décembre 1988 précitée, du financement de l'allocation de RMI reposait à la fois sur des raisons de principe et sur des motivations d'ordre pratique :

- prestation de solidarité nationale constituant un droit objectif pour son bénéficiaire, le RMI devait être mis en oeuvre de façon uniforme sur l'ensemble du territoire, de façon à garantir l'égalité de traitement pour le bénéficiaire, quel que soit son lieu de résidence ;

- les incertitudes quant à la montée en charge financière du dispositif et au fonctionnement de cette allocation d'un type nouveau conduisaient à privilégier une mise en oeuvre par l'Etat qui paraissait mieux à même de maîtriser les aléas du dispositif.

Mais le financement par l'Etat du RMI (article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles) conduisait à prévoir son inscription parmi les dépenses d'aide sociale qui, par dérogation au principe général fixé par les lois de décentralisation, étaient à la charge de l'Etat.

La suppression du 3° de l' article L. 121-7 et de l' article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles met donc fin à la compétence de l'Etat en matière de financement de l'allocation de RMI. Celle-ci relèverait donc désormais du droit commun des prestations d'aide sociale légales, à la charge des départements aux termes de l' article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles.

II - La position de votre commission

Comme l'a déjà indiqué votre commission, il est incontestable que la pratique de partage de la responsabilité entre le département et le préfet, qui caractérise actuellement le pilotage du dispositif d'insertion des bénéficiaires du RMI n'est pas satisfaisante.

Ainsi, les critiques adressées dès l'origine à cette répartition des compétences se sont révélées fondées. Les différents partenaires de l'Etat n'ont pas été suffisamment responsabilisés : les CAF n'ont pas été intéressées aux résultats du contrôle et les départements ont vu, à travers le mécanisme d'inscription obligatoire des crédits d'insertion, leurs dépenses totalement contraintes.

Au-delà de ces critiques liées à l'architecture adoptée en 1988 et que votre commission a déjà largement développées 18 ( * ) , il convient de rappeler que le caractère dérogatoire de l'attribution d'une prestation d'aide sociale légale à l'Etat avait été critiqué dès l'origine par votre commission, qui dénonçait l'entorse faite à l'esprit des lois de décentralisation adoptées à peine cinq ans auparavant. C'est la raison pour laquelle M. Pierre Louvot, rapporteur, précisait : « il faut dès à présent envisager le moment où, l'expérience faite et les imperfections constatées en voie d'être corrigées, un mouvement de décentralisation interviendra comme cela s'est déjà passé pour la quasi-totalité des autres formes d'actions sociales. » 19 ( * )

Votre commission s'est toutefois interrogée sur la nécessité d'aller au-delà de l'unification souhaitable du pilotage de l'insertion, en transférant la gestion de l'allocation elle-même au département.

La clarification des responsabilités aurait pu, par exemple, prendre la forme d'une responsabilisation accrue des CAF et des caisses de MSA dans le processus d'attribution du RMI et d'un transfert intégral du seul dispositif d'insertion au département, ainsi que le suggérait le rapport de l'Observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS) 20 ( * ) .

Face aux inquiétudes légitimes d'inégalités de traitement des allocataires du RMI selon leur lieu de résidence, on ne peut que rappeler que le RMI est et reste une prestation de solidarité nationale, qui traduit un droit inscrit dans la Constitution : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état de santé physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'impossibilité de travailler, a droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » 21 ( * ) . L'Etat doit rester le garant de ce droit et conserver, à ce titre, un droit de regard sur la mise en oeuvre de la gestion du RMI par le département. Consciente de cette responsabilité, votre commission s'attache par ailleurs à renforcer ce rôle d'évaluation, en précisant les obligations de transparence à la charge des départements et les outils de contrôle de l'Etat 22 ( * ) .

Il reste que, dans la logique de la décentralisation, le maintien d'une séparation entre la gestion de l'allocation elle-même et le pilotage de l'insertion ne peut que nuire à la responsabilisation des départements.

Dans la mesure enfin où l'Etat conserve la responsabilité de fixer tant le montant de l'allocation que ses règles d'attribution, les objections à une décentralisation de l'allocation sont en réalité davantage liées à la capacité des départements à faire face aux dépenses qu'à une opposition de principe.

Sous les réserves formulées ci-après à l'article 3, s'agissant des modalités de la compensation aux départements des charges liées au RMI, votre commission vous propose donc d'adopter cet article sans modification.

Article 3
Conditions financières de la décentralisation des RMI et RMA

Objet : Cet article a pour objet de définir les conditions dans lesquelles les départements disposeront de recettes nouvelles pour financer la décentralisation du RMI et du RMA.

I - Le dispositif proposé

Le présent article prévoit les conditions financières entourant la décentralisation du RMI et la création du RMA.

Il dispose que les charges financières résultant des « transferts et création de compétences » , réalisés par le présent projet de loi, seront compensés par l'attribution aux départements « de ressources équivalentes constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'Etat ».

Les conditions de cette « attribution » sinon de cette compensation sont renvoyées à la loi de finances, dont on peut déduire qu'il s'agit de la loi de finances pour 2004, le présent dispositif devant entrer en vigueur au 1 er janvier 2004.

La portée du présent article, au demeurant très flou, a été utilement complétée par M. François Fillon lors de son audition par votre commission. Ainsi, et en joignant ces informations à celles contenues dans l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, est-on en mesure de préciser :

- que la ressource consisterait en l'attribution d'une quote-part fixe de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), dont le produit suivrait l'évolution du rendement de la taxe ;

- que le montant de cette quote-part, c'est-à-dire « le transfert des crédits sera basé sur la dépense réelle de l'Etat en 2003 » 23 ( * ) .

Cette « dépense réelle » ne sera connue qu'une fois arrêtée l'exécution du budget de 2003. Les crédits RMI inscrits en loi de finances initiale (4,46 milliards d'euros) ne représentent que le montant des prestations versées. La « dépense réelle » devrait, en outre, tenir compte d'autres dépenses (charges administratives, etc.).

II - La position de votre commission

Un transfert de compétences conforme aux nouveaux canons de la décentralisation

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a posé, dans son article 6, un certain nombre de garanties financières pour la dévolution de compétences aux collectivités territoriales et notamment :

- que tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. De même, toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ;

- que la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales.

Ces dispositions renforcent, par leur nature et leur portée, les garanties déjà inscrites dans la loi, aux articles L. 1614-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.

Le présent transfert de compétences se fera donc sur le fondement de ces dispositions :

- le transfert du RMI sera compensé par l'attribution d'une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) à due concurrence des sommes qui étaient consacrées par l'Etat au financement de l'allocation ;

- la création du RMA doit constitutionnellement être accompagnée des recettes nécessaires à son financement - vraisemblablement une fraction additionnelle de TIPP ;

- les transferts de fiscalités seront à considérer comme « solde de tout compte » , c'est-à-dire que les départements seront désormais les seuls responsables de la charge financière du RMI. Un tel mécanisme crée une forme d'intéressement des départements à la gestion du RMI et au succès de la politique d'insertion.

Un défi financier pour les départements

Le transfert de la compétence du RMI et du RMA en contrepartie d'une fraction de fiscalité constitue les « termes d'un échange » .

Ce faisant, les départements s'exposent au double risque d'une modification de ces termes.

- L'appréciation ou la dégradation des termes de l'échange

Le transfert recettes/dépenses sera équitable si le dynamisme de ces deux flux financiers est équivalent.

Or, en l'état, il n'est guère possible de prévoir avec précision les évolutions des dépenses de RMI et des recettes de TIPP, qui dépendent toutes deux de la croissance économique 24 ( * ) .

Tout au plus, votre rapporteur peut-il considérer l'évolution des termes de l'échange selon des évolutions divergentes par le passé de chacune des variables.

Evolution des termes de l'échange
en fonction d'une évolution annuelle de X % pendant 5 ans

(en %)

Recettes TIPP

Dépenses RMI

- 5

- 2

0

2

5

- 5

0

15

22

30

60

- 2

- 15

0

10

20

30

0

- 22

- 10

0

10

22

2

- 30

- 20

- 10

0

15

5

- 60

- 30

- 22

- 15

0

Ainsi, si au bout de 5 ans, les recettes de TIPP ont augmenté de 2 % par an et les dépenses de RMI de 5 % par an, la valeur de la compensation sera dégradée de 15 %.

Le tableau, assez fruste, a le mérite de démontrer la dynamique d'un échange compétences/recettes.

- La modification des termes de l'échange

En effet, l'Etat demeure l'autorité compétente pour fixer l'essentiel des critères relatifs à la recette et à la dépense : assiette et taux de la TIPP, critères d'éligibilité à la prestation, ainsi qu'un éventuel « coup de pouce » à son montant.

A titre d'exemple, votre rapporteur a procédé à une simulation rétrospective de l'évolution recettes/dépenses sur la base d'un transfert fictif du RMI en 1993.

Si le RMI avait été décentralisé en 1993...

(en millions d'euros)

RMI prestations versées 1 (1)

TIPP
(2)

Perte départementale (3 = 1 - 2)

Perte départementale cumulée

1993

2.411

2.411

1994

2.898

20,2 %

2.692

11,64 %

206

206

1995

3.175

9,6 %

2.734

1,55 %

441

697

1996

3.407

7,3 %

2.830

3,52 %

577

1.225

1997

3.699

8,6 %

2.869

1,40 %

830

2.054

1998

4.153

2,3 %

2.935

2,30 %

1.218

3.272

1999

4.337

4,4 %

3.084

5,05 %

1.254

4.525

2000

4.319

-0,4 %

3.036

- 1,53 %

1.283

5.808

2001

4.323

0,1 %

2.928

- 3,55 %

1.395

7.203

2002

4.460

9,6 %

2.998

2,36 %

1.462

8.665

1 Hors prime de Noël et coût de gestion

Ainsi, si le transfert avait été réalisé il y a dix ans, il en aurait coûté 8,6 milliards d'euros aux départements, notamment du fait des revalorisations du RMI et de l'aménagement de l'assiette de TIPP.

Ainsi doit-il être acté que toute modification, dégradant les termes de l'échange, par le biais d'une revalorisation de la prestation supérieure à l'indice des prix ou la modification de l'assiette ou du taux de TIPP, devra être compensée aux départements, ces derniers restant in fine responsables sur leurs deniers de l'évolution du nombre de RMIstes. Il leur appartient d'en réduire le nombre progressivement mais il s'agit là d'un défi tout autant humain que financier.

Les interrogations en suspens

Au-delà de ces observations, votre rapporteur se bornera à formuler trois observations :

- la question de la « prime de Noël » désormais traditionnelle. Cette prime, attribuée en fin d'année hors de toute base légale, fait l'objet d'une régularisation en collectif budgétaire. L'étude d'impact précise que « les transferts de crédits représentatifs seront basés sur la dépense réelle de l'Etat pour 2003 » . Une prime de fin d'année sera-t-elle décidée en 2003 ? Cette somme sera-t-elle comptabilisée ? Votre rapporteur ne saurait en l'état présumer d'une décision qu'il appartient au Gouvernement de prendre en fin d'année. Pour mémoire, le coût de cette prime en 2002 s'est élevé à 228 millions d'euros. Si cette pratique devait être pérennisée, alors l'Etat devra en compenser le montant aux départements ;

- le coût de la charge administrative . Des personnels dans les administrations centrales et surtout les DDASS sont en charge de la gestion du dispositif. Cette charge administrative se traduira, par un surcoût financier, pour les départements. Aussi, les crédits relatifs à ces personnels, dont le montant exact est inconnu puisqu'ils ne sont pas isolés dans les crédits des ministères sociaux, devront être transférés aux départements à défaut de pouvoir transférer physiquement les personnels concernés. Votre rapporteur entend ici préciser que cette charge se rattache aux « charges financières » mentionnées au présent article ;

- la question de la péréquation entre les départements . Le présent article ne prévoit aucun mécanisme de solidarité destiné à, selon l'article 72-2 de la Constitution, « favoriser l'égalité entre les départements ».

Cette disposition est-elle en l'espèce contraignante ? Au regard du caractère récent de cette disposition, introduite voici deux mois par la révision constitutionnelle précitée, votre rapporteur ne saurait répondre.

Sous le bénéfice de ces observations, et sous la réserve des observations et propositions d'amendements formulées par la commission des finances saisie pour avis de cet article, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 4
(art. L. 262-14, L. 262-17, L. 262-19, L. 262-21, L. 262-23, L. 262-24,
L. 262-27, L. 262-28, L. 262-35, L. 262-36 et L. 262-44
du code de l'action sociale et des familles)
Attribution au président du conseil général des pouvoirs de décisions individuelles en matière de RMI

Objet : Cet article vise à transférer l'ensemble des pouvoirs du préfet en matière de décisions individuelles relatives à l'allocation de RMI au président du conseil général.

I - Le dispositif proposé

Cet article organise le transfert des compétences en matière de décisions individuelles relatives à l'allocation de RMI qui, conformément à la répartition des compétences établie par la loi précitée du 1 er décembre 1988, appartenaient aux préfets.

Le président du conseil général devient ainsi seul compétent pour :

- l'attribution initiale de l'allocation (premier alinéa de l'article L. 262-19) ;

- pour sa prorogation au-delà des trois premiers mois (deuxième alinéa de l'article L. 262-19) ;

- sa suspension (articles L. 262-19, L. 262-21 et L. 262-23) ;

- la reprise du versement après une période de suspension (article L. 262-24) ;

- pour la radiation définitive des bénéficiaires (article L. 262-28) .

Il devient également seul compétent pour accorder une dispense de créance d'aliment (article L. 262-35) , un acompte ou des avances sur droits supposés (article L. 262-36) et organiser, avec l'accord du bénéficiaire, le mandatement de l'allocation auprès d'un organisme agréé (article L. 262-44) .

C'est encore à lui qu'il revient désormais, sans préjudice de l'initiative du bénéficiaire, de demander une révision du contrat d'insertion (article L. 262-23) . S'agissant de la révision du montant de l'allocation, celle-ci peut être demandée par le bénéficiaire, l'organisme payeur ou le président du conseil général (article L. 262-27) .

Au-delà de ces pouvoirs en matière de décisions individuelles et afin de permettre au département de piloter l'ensemble du dispositif d'instruction des demandes de RMI, l'agrément des associations et des organismes à but non lucratif habilités à instruire les demandes de RMI est également transféré au département (article L. 262-14) .

Enfin, c'est dorénavant le président du conseil général qui est destinataire des informations relatives aux ressources et à la situation de famille des demandeurs recueillies par les centres communaux d'action sociale (article L. 262-17) .

II - La position de votre commission

Le transfert au président du conseil général du pouvoir de prendre les décisions individuelles relatives à l'allocation est, avec le financement de l'allocation elle-même, le coeur du processus de décentralisation du RMI.

Votre commission tient à rappeler que ce processus est en totale conformité avec les nouvelles dispositions issues de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République qui dispose que : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon. »

L'échelon départemental paraît particulièrement pertinent en matière d'attribution de l'allocation car il permet à la fois la proximité indispensable pour apprécier la situation de la personne au regard de son environnement familial et social et la connaissance du tissu local et de l'offre d'insertion nécessaire à une définition réaliste et adaptée des actions d'insertion pour chaque individu, ainsi qu'au contrôle de la démarche d'insertion.

Sans revenir sur l'économie d'ensemble de la décentralisation du RMI, il convient également de souligner plus spécialement les gains attendus en termes de simplification et d'efficacité dans la gestion de l'allocation elle-même, tant du point de vue des services sociaux que de l'allocataire.

Ainsi que le mentionne l'étude d'impact du projet de loi, « les résultats attendus résident dans la simplicité et la lisibilité du nouveau dispositif grâce à la réduction du nombre d'interlocuteurs des allocataires (les DDASS n'intervenant plus sur les situations individuelles). »

Sur cet article, votre commission vous propose un amendement rédactionnel visant à rectifier une erreur matérielle.

Elle observe par ailleurs que le présent article n'épuise pas le « balayage » du chapitre du code de l'action sociale et des familles consacré au RMI pour y substituer le président du conseil général au représentant de l'Etat dans le département. Les autres articles du présent projet de loi y contribuent en tant que de besoin à travers des abrogations et de nouvelles rédactions.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 5
(art. L. 262-9 et L. 262-9-1 du code de l'action sociale et des familles)
Règles applicables aux ressortissants de l'Union européenne
et de l'Espace économique européen en matière de RMI

Objet : Cet article vise à adapter les règles relatives à l'accès des étrangers au bénéfice du RMI au cas particulier des ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen.

I - Le dispositif proposé

Le présent article a pour objet d'adapter les conditions d'attribution du RMI aux modifications intervenues en droit communautaire en matière de liberté de circulation.

Le paragraphe I exclut ainsi les ressortissants de l'Union européenne et des Etats parties à l'accord sur l'espace économique européen des dispositions applicables à l'ensemble des étrangers en matière de conditions de séjour.

L' article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles prévoit en effet, pour les ressortissants étrangers une condition spécifique, en sus des conditions de résidence, d'âge, de ressources et d'engagement à suivre une action d'insertion, liée à la nature de leur séjour en France.


Titres de séjour nécessaires pour bénéficier du RMI

Sous réserve des conditions de résidence, d'âge, de ressources et d'engagement à suivre une action d'insertion, peuvent demander le bénéfice du RMI les étrangers titulaires :

- d'une carte de résident ;

- d'une carte de séjour temporaire, à validité professionnelle, justifiant d'au moins 3 ans de résidence régulière en France ;

- d'une carte de séjour temporaire avec mention « vie privée et familiale » ;

- d'un certificat de résidence de ressortissant algérien de 10 ans, soit d'une durée d'un an à validité professionnelle justifiant d'au moins 3 ans de résidence régulière en France ou d'un récépissé de demande de l'un de ces titres ;

- d'un récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour portant la mention « reconnu réfugié » d'une durée supérieure à 6 mois ou d'un récépissé portant la mention « reconnu réfugié » d'une durée supérieure à 3 mois ;

- d'un certificat de réfugié ;

- d'un titre d'identité andorran ;

- d'un passeport monégasque ;

- d'un titre équivalent.

Les ressortissants de l'Union européenne et des Etats parties à l'accord sur l'espace économique européen étaient jusqu'ici soumis à la même obligation, même si les conditions de délivrance de ces titres de séjour sont simplifiées à leur égard.

Or, dans un souci de simplification et conformément aux engagements pris par la France, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie dans la déclaration de Marseille du 29 juillet 2000, le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France 25 ( * ) , présenté en conseil des ministres le 30 avril dernier, prévoit de supprimer l'obligation, pour ces ressortissants, de détenir un titre de séjour.

C'est la raison pour laquelle l' article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles doit désormais préciser que les conditions liées à la détention d'un titre de séjour ne sont pas applicables aux ressortissants de l'Union européenne et des Etats parties à l'accord sur l'espace économique européen.

Le paragraphe II (article L. 262-9-1) est de coordination : il prévoit que les ressortissants européens devront remplir « les conditions exigées pour bénéficier d'un droit au séjour » .

La dispense de titre de séjour envisagée n'équivaudrait en effet pas à un droit au séjour inconditionnel : il s'agirait seulement d'une simplification administrative et d'un allégement des tâches pour les services chargés de la délivrance des titres de séjour.

En l'absence de titre de séjour formalisé, les ressortissants européens devront malgré tout remplir un certain nombre de conditions pour séjourner en France :

- exercer une activité professionnelle ou salariée, avoir exercé une telle activité pendant 10 ans ou être le conjoint, l'enfant de moins de 21 ans ou l'ascendant à charge d'une personne répondant à ces conditions ;

- s'agissant des pensionnés, retraités et des inactifs, disposer de ressources suffisantes et d'une carte d'assuré social.

L'articulation de ces nouvelles dispositions avec les conditions générales d'attribution du RMI conduit, de fait, à restreindre le bénéfice d'allocation aux seuls ressortissants communautaires ayant exercé en France une activité professionnelle ou salariée et aux personnes à leur chargée âgées de plus de 25 ans.

II - La position de votre commission

La disparition d'un titre de séjour matérialisé ne change en réalité en rien la situation des ressortissants communautaires et des Etats parties à l'accord sur l'espace économique européen au regard du droit au RMI. La modification proposée par le présent article est donc de pure coordination avec l'allégement des formalités en matière d'immigration : le titre de séjour disparaissant pour ces ressortissants, il devient impossible de s'y référer pour l'attribution du RMI.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 6
(art. L. 262-13 du code de l'action sociale et des familles)
Information des allocataires du RMI

Objet : Cet article rend obligatoire une information du demandeur sur les droits et obligations de l'allocataire du RMI lors du dépôt de sa demande.

I - Le dispositif proposé

L' article L. 262-13 du code de l'action sociale et des familles se bornait jusqu'ici à prévoir l'obligation pour le demandeur de s'engager, dès le dépôt de sa demande, à participer par la suite à une démarche d'insertion.

Afin de permettre au demandeur de s'engager en toute connaissance de cause, le présent article dispose que cet engagement est précédé d'une information complète sur les droits et les obligations liés au statut d'allocataire du RMI.

Cette information sera dispensée par les organismes auprès desquels le demandeur aura déposé son dossier, à savoir le centre communal d'action sociale (CCAS) de sa commune de résidence, les services sociaux départementaux, les associations agréées comme lieu de dépôt des demandes de RMI et, désormais, les caisses d'allocations familiales et les caisses de mutualité sociale agricole ayant reçu l'agrément du président du conseil général (cf. article 7 ci-après) .

II - La position de votre commission

L'intuition initiale du RMI, ainsi que le soulignait M. Pierre Louvot, rapporteur, lors du vote de la loi relative au revenu minimum d'insertion en 1998, reste le « lien qui doit nécessairement exister entre l'attribution de l'allocation et l'insertion sociale ou professionnelle du bénéficiaire » . C'est la raison qui avait conduit à exiger de l'intéressé, dès le dépôt de sa demande, un engagement à suivre les actions d'insertion qui seraient convenues avec lui après l'attribution de l'allocation.

Il reste que, comme le rappelait M. Bruno Dulac, volontaire permanent d'ATD Quart-Monde entendu par votre rapporteur, beaucoup d'allocataires n'ont pas une vision claire de l'engagement réciproque que comporte l'allocation de RMI.

Votre commission ne peut que se féliciter qu'un accent soit mis sur l'information des bénéficiaires. Elle souligne d'ailleurs le caractère primordial de cette information initiale, qui conditionne, pour une large part, l'adhésion de l'allocataire à la démarche qui lui sera ultérieurement proposée.

Reste à savoir quelle forme prendra cette information. Il convient notamment de rappeler la fréquence élevée de l'illettrisme parmi les bénéficiaires du RMI. Une information accessible suppose donc un engagement des organismes instructeurs qui soit autre chose que la mise à disposition d'un simple dépliant. Compte tenu de l'engorgement des divers interlocuteurs concernés, il est à craindre que celle-ci soit réduite à son strict minimum.

L'efficacité de cette mesure dépendra in fine des moyens mobilisés par les organismes instructeurs pour diffuser cette information.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 7
(art. L. 262-14 du code de l'action sociale et des familles)
Liste des organismes habilités à instruire les demandes de RMI

Objet : Cet article ouvre aux demandeurs la possibilité de déposer leur demande d'allocation auprès des caisses d'allocations familiales et des caisses de la Mutualité sociale agricole.

I - Le dispositif proposé

Dès l'origine, le dispositif adopté a fait le choix de la multiplicité des guichets auprès desquels le demandeur peut déposer sa demande d'allocation. Au dépôt auprès des services sociaux départementaux et des CCAS, lesquels accueillaient déjà les demandes d'admission à l'aide sociale, avait été ajoutée la possibilité de déposer son dossier auprès d'une association agréée à cet effet.

Cette multiplicité des guichets était motivée par une volonté de rapprocher les institutions des bénéficiaires potentiels dont la mobilité pouvait être réduite du fait d'une situation précaire et qui pouvaient avoir des difficultés à situer le bon interlocuteur parmi l'ensemble des guichets publics existants.

Le présent article va donc dans le même sens, en ajoutant aux organismes précités les CAF et les caisses de MSA. Pour participer à l'instruction des dossiers de RMI, celles-ci devront toutefois être agréées par le président du conseil général.

Il est à ce jour difficile d'estimer la proportion des dossiers qui pourront être ainsi directement instruits par les CAF et les caisses de MSA. On notera toutefois que près de 60 % des allocataires du RMI touchent d'autres prestations gérées par les caisses, au premier rang desquelles les allocations logement. Pour ces bénéficiaires, les caisses pourront jouer le rôle d'un interlocuteur unique et faciliter leurs démarches.

II - La position de votre commission

La possibilité ouverte aux CAF et aux caisses de MSA, sous réserve de leur agrément par le président du conseil général, de procéder à l'instruction administrative des dossiers est sans aucun doute un gage de simplification pour les allocataires, d'autant plus que celles-si sont par ailleurs confirmées dans la gestion de la liquidation et du versement de l'allocation.

Elle pourrait également permettre un traitement plus rapide et plus efficace des demandes. Le traitement de celles-ci, tant par les services sociaux que par les CCAS et les associations, fait en effet l'objet de critiques récurrentes.

La Cour des comptes, dans son rapport public de 1995, relevait en effet « de fréquentes déficiences des services chargés de mettre en forme les demandes d'allocation ». Elle ajoutait que « les instructeurs manquent à leur obligation d'assistance dans les démarches liées à l'exploration des droits potentiels des demandeurs à d'autres prestations » et que « des taux de rejet des dossiers présentés aux caisses, souvent supérieurs à 10 %, témoignent de défaillances des services locaux sur des points essentiels comme la période de référence des ressources, le nombre de personnes à charge, le contrôle de la subsidiarité ».

Il est évident que les CAF et les caisses de MSA, du fait des prestations qu'elles versent par ailleurs, peuvent traiter plus facilement l'instruction d'une allocation sous condition de ressources comme le RMI.

Toutefois, si la caisse centrale de la MSA semble prête à s'investir dans le domaine de l'instruction des demandes de RMI, la CNAF, elle, reste plus prudente : les caisses s'engageraient au cas par cas avec les départements, au vu notamment de leurs effectifs et de la configuration de leurs locaux. En tout état de cause, les caisses demandent à être rémunérées pour ce service qui sort de leur attribution légale de liquidation et de versement de l'allocation. On observera que cette dernière attribution (cf. article 13 ci-après) s'inscrit elle-même dans le cadre d'une convention avec le département.

Votre commission approuve cette prudence et plaide davantage pour une amélioration des circuits d'échange d'information avec les autres organismes instructeurs.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 8
(art. L. 262-15 du code de l'action sociale et des familles)
Instruction administrative des dossiers de RMI

Objet : Cet article consacre la séparation entre l'instruction administrative et l'instruction sociale des demandes de RMI.

I - Le dispositif proposé

Le présent article comporte une nouvelle rédaction de l'article L. 262-15 du code de l'action sociale et des familles qui établit une distinction entre instruction administrative et instruction sociale des demandes de RMI : désormais, seule l'instruction administrative demeure du ressort des organismes auprès desquels la demande est déposée.

En conséquence, l'obligation pour l'organisme instructeur, que comportait l'actuelle rédaction de l'article L. 262-15 , de désigner en son sein un référent chargé de coordonner les différents aspects des actions d'insertion à engager par le bénéficiaire est supprimée. Elle relèvera du président du conseil général, dorénavant chargé de l'instruction sociale des demandes, et notamment de l'élaboration, avec les demandeurs, du contrat d'insertion 26 ( * ) .

Le présent article confirme l'obligation pour les organismes payeurs que sont les CAF et les caisses de MSA d'apporter leur concours à l'instruction administrative des dossiers, en particulier pour ce qui concerne l'appréciation des ressources des demandeurs.

Ce « concours à l'instruction administrative » apporté par les organismes payeurs ne vise naturellement que les situations où ces organismes n'ont pas eux-mêmes instruit le dossier au titre de l'agrément accordé par le président du conseil général en application de l'article L. 262-14 du code de l'action sociale et des familles dans la rédaction résultant de l'article 7 (cf. ci-dessus).

II - La position de votre commission

Lors de l'instauration du RMI en 1988, le choix de lier instruction administrative et sociale des demandes de RMI avait été fait pour instaurer une relation instantanée entre allocation et insertion.

Or, si l'objectif était louable, il a, en pratique, été rapidement dévoyé, du fait que l'instruction des dossiers, loin d'être assurée, comme le législateur l'avait imaginé, par des travailleurs sociaux capables d'établir ce lien, a été très vite confiée à des services administratifs, davantage à même de gérer la complexité des règles de calcul des ressources et de mettre en oeuvre le caractère subsidiaire de l'allocation.

Au demeurant, comme le soulignait le rapport précité de l'ODAS en mars 2003 27 ( * ) : « lorsque ce sont des professionnels du social qui s'impliquent dans l'instruction du dossier, ils sont moins disponibles pour effectuer un véritable accompagnement individualisé, et encore moins pour participer à la construction d'une offre collective d'insertion. »

Le recentrage opéré sur l'aide à la constitution du dossier initial et sur l'instruction administrative devrait ainsi permettre une meilleure qualité des dossiers transmis aux CAF ou aux caisses de MSA et, par conséquent, un délai de traitement et de mise en paiement des allocations plus rapide, pour le plus grand bénéfice des demandeurs.

Dans ces conditions, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 9
(art. L. 262-18 du code de l'action sociale et des familles)
Domiciliation des demandeurs de RMI

Objet : Cet article modifie les règles applicables en matière de domiciliation des demandeurs de RMI sans domicile ni résidence fixe.

I - Le dispositif proposé

Le bénéfice de l'allocation de RMI est subordonné à une condition de résidence qui détermine l'ouverture du droit et le lieu de dépôt de la demande.

Les personnes sans résidence stable doivent donc élire domicile auprès d'une association agréée pour pouvoir demander le bénéfice de l'allocation.

Les modifications apportées par le présent article à l'article L. 262-18 du code de l'action sociale et des familles portent sur quatre points :

- conformément à la logique de la décentralisation de la gestion de l'allocation, l'agrément conjoint du préfet et du président du conseil général qui était nécessaire aux associations pour recevoir les élections de domicile devient un agrément prononcé par le seul président du conseil général (a] du paragraphe 1° du I) ;

- les CCAS deviennent des lieux possibles d'élection de domicile au titre du RMI. Il convient de souligner que, contrairement aux associations, ces derniers n'ont pas besoin d'être agréés pour recevoir ces demandes (b] du paragraphe 1° du I) ;

- il reviendra dorénavant au président du conseil général de désigner, dans le ressort de chaque commission locale d'insertion (CLI), un organisme tenu de recevoir toute déclaration de domicile. Le présent article (paragraphe 3 du I) prévoit, par ailleurs, un pouvoir de substitution du préfet, en cas de carence du président du conseil général dans la désignation de cet organisme ;

- les personnes sans domicile ni résidence fixe, c'est-à-dire les personnes exerçant une activité ambulante et plus largement les gens du voyage, pourront désormais élire domicile auprès d'un organisme ou CCAS situé dans une commune autre que leur commune de rattachement.

La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe prévoit en effet une obligation, pour ces personnes, de choisir une commune de rattachement afin de pouvoir obtenir le titre de circulation nécessaire à l'exercice de leur activité. Le rattachement à une commune produit les effets attachés au domicile pour un certain nombre de formalités, comme la célébration du mariage ou les obligations fiscales.

Lorsqu'elles demandent le bénéfice de l'aide sociale dans un département autre que celui dans lequel est située leur commune de rattachement, les personnes sans domicile ni résidence fixe doivent actuellement s'adresser directement à la commission départementale d'aide sociale (CDAS), qui statue sur ces demandes à titre dérogatoire, au terme d'une procédure longue. La compétence des CDAS n'est d'ailleurs pas sans poser de problème au regard du droit européen, dans la mesure où cette instance est également compétente à titre contentieux en matière d'aide sociale.

S'agissant de demandes d'aide sociale, la complexité de ces procédures est sans aucun doute une limite à l'accès aux droits. C'est la raison pour laquelle l' article 79 de la loi n° 2002-73 de modernisation sociale a d'ores et déjà prévu la possibilité d'élire domicile auprès d'un organisme agréé ou d'un CCAS pour l'accomplissement des obligations liées à la législation relative à la sécurité sociale et aux travailleurs sans emploi.

Le présent article (paragraphe 2° du I) étend donc aux demandes de RMI la possibilité pour ces personnes d'élire domicile auprès d'organismes situés hors de leur commune de rattachement.

II - La position de votre commission

L'élargissement aux CCAS de la possibilité de recevoir des déclarations d'élection de domicile va incontestablement dans le sens de l'amélioration de l'accès aux droits pour les bénéficiaires. Compétents pour instruire l'ensemble des demandes d'aide sociale, ils sont sans doute le guichet le plus connu des publics en situation de précarité.

Votre commission observe par ailleurs que la désignation par le préfet d'un organisme tenu de recevoir les déclarations d'élection de domicile pourrait sembler superflue, dans la mesure où seul l'agrément, auquel ne sont pas soumis les CCAS, peut préciser les conditions dans lesquelles les organismes peuvent refuser de recevoir ces déclarations. Les CCAS seraient donc a contrario tenus de les recevoir.

Cette procédure viserait donc à désigner, en sus des CCAS, un organisme associatif tenu de recevoir les déclarations d'élection de domicile. Dans la mesure où le public visé par ces dispositions est souvent un public très désocialisé, la désignation d'une association spécialisée, plus proche des personnes concernées, peut en effet être nécessaire.

Malgré la fin de l'agrément conjoint, votre commission estime que les départements devraient veiller, dans la mesure du possible, à désigner cet organisme, en tenant compte des agréments délivrés au titre de la CMU ou encore de la législation relative à la sécurité sociale. L'amélioration de l'accès aux droits passe en effet aussi par une simplification et une unification de ces dispositifs, afin d'éviter qu'une même personne puisse être amenée à avoir un domicile différent pour chaque prestation, faute d'avoir accès à un organisme habilité pour l'ensemble des dispositifs.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 10
(art. L. 262-20 du code de l'action sociale et des familles)
Renouvellement du droit à l'allocation

Objet : Cet article définit les conditions du renouvellement du droit à l'allocation et supprime l'avis de la commission locale d'insertion à l'occasion de ce renouvellement.

I - Le dispositif proposé

Le présent article, qui pose une nouvelle rédaction de l'article L. 262-20 du code de l'action sociale et des familles , tire les conséquences du recentrage des commissions locales d'insertion (CLI) sur leur rôle de définition de l'offre d'insertion, en supprimant leur avis sur la mise en oeuvre du contrat d'insertion nécessaire au renouvellement du droit à l'allocation.

La suppression de l'avis de la CLI sur la mise en oeuvre du contrat entraîne la suppression d'un des cas de suspension de l'allocation : en effet, le défaut de transmission de l'avis de la CLI entraînait jusqu'ici un différé dans la décision de renouvellement et l'impossibilité pour celle-ci de rendre un tel avis, du fait de la mauvaise volonté de l'allocataire, pouvait conduire à la suspension du versement de l'allocation.

Au total, la décision de renouvellement de l'allocation est désormais prise par le seul président du conseil général, au vu de la mise en oeuvre du contrat d'insertion ou d'un nouveau contrat, dont il apprécie lui-même la mise en oeuvre.

II - La position de votre commission

L'examen, par les CLI, de l'ensemble des contrats individuels a très vite conduit à un engorgement de ces instances qui a nui tant à leur rôle d'animation de l'offre locale d'insertion qu'à la qualité de l'appréciation portée sur les contrats. Ainsi que le soulignait la Cour des comptes dans son rapport public de 2001 28 ( * ) , « les CLI se sont dès lors souvent cantonnées (...) à l'enregistrement des contrats. »

Le transfert de cette compétence au président du conseil général permettra une décision de renouvellement plus rapide, pour le plus grand bénéfice de l'allocataire qui restait dans l'incertitude quant à l'avenir de son droit à l'allocation.

Il reste que la rédaction adoptée ne fait plus apparaître explicitement le lien qui existe entre l'appréciation portée sur la mise en oeuvre du contrat et la procédure de suspension qui peut être engagée lorsqu'une anomalie est constatée par le président du conseil général. Cette rédaction pourrait dès lors donner l'impression d'un droit automatique au renouvellement. Votre commission vous propose donc de rappeler ce lien.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 11
(art. L. 262-20 du code de l'action sociale et des familles)
Révision du contrat d'insertion

Objet : Cet article supprime l'initiative du président de la commission locale d'insertion en matière de révision du contrat d'insertion.

I - Le dispositif proposé

En cas de non-respect du contrat d'insertion par le bénéficiaire, l' article L. 262-23 du code de l'action sociale et des familles prévoyait une révision du contrat d'insertion, à la demande du président de la CLI, du représentant de l'Etat dans le département ou du bénéficiaire lui-même. Cette procédure n'était pas exclusive d'une suspension de l'allocation lorsque le non-respect du contrat incombait au bénéficiaire.

L'article 4 du projet de loi (cf. ci-dessus) remplace d'ores et déjà le pouvoir du préfet en matière de révision et de suspension de l'allocation par une compétence du président du conseil général qui, désormais, est responsable de l'attribution de l'allocation.

Le présent article précise les personnes qui peuvent demander cette révision, en supprimant cette possibilité pour le président de la CLI, dans la mesure où celui-ci n'intervient plus dans la conclusion du contrat.

II - La position de votre commission

La possibilité de réviser le contrat d'insertion est une disposition particulièrement importante, car elle permet d'adapter le contrat à la situation du bénéficiaire et à l'évolution de ses capacités et de ses objectifs.

Il a paru nécessaire à votre commission de préciser cette procédure de révision sur deux points :

- elle a voulu ouvrir au référent, prévu à l'article 19 du projet de loi (cf. ci-après) , qui suit de manière plus particulière l'allocataire, la possibilité de demander la révision du contrat d'insertion. Le référent est en effet certainement la personne qui, en dehors de l'allocataire lui-même, est la plus à même d'apprécier l'adéquation du contrat avec le projet du bénéficiaire ;

- elle a tenu à préciser la nécessité de prendre en compte, pour apprécier l'opportunité d'une suspension de l'allocation, les situations dans lesquelles le non-respect du contrat d'insertion incombe certes au bénéficiaire mais où ce non-respect est dû à des motifs légitimes tels que des raisons de santé ou de situation familiale ou le caractère irréaliste du contrat initialement signé.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 12
(art. L. 262-24 et L. 262-28 du code de l'action sociale et des familles)
Reprise du versement de l'allocation

Objet : Cet article modifie la définition de la date de reprise de versement de l'allocation à la suite d'une suspension.

I - Le dispositif proposé

Le présent article modifie deux articles du code de l'action sociale et des familles :

- il fixe la date à partir de laquelle le versement de l'allocation est repris à la date de signature d'un nouveau contrat d'insertion : prévoir, conformément à la rédaction actuelle de l' article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles , une reprise du versement soit à la date de la signature du nouveau contrat, soit à la date de l'avis de la CLI est incohérent dans la mesure où l'avis de la CLI intervient toujours avant la décision de suspension ;

- il supprime, aux articles L. 262-24 et L. 262-28, la référence à une procédure de suspension devenue sans objet, dans la mesure où elle est supprimée par l'article 10 du présent projet de loi.


Les avis de la CLI : bilan des modifications apportées par le présent projet de loi

L'avis de la CLI est actuellement sollicité pour toutes les décisions individuelles relatives à l'allocation mettant en jeu une appréciation du contrat d'insertion :

- approbation du contrat d'insertion (article L. 262-37) ;

- renouvellement de l'allocation (article L. 262-20) ;

- suspension de l'allocation (articles L. 262-19, L. 262-20, L. 262-21 et L. 262-23) .

Le présent projet de loi ne laisse subsister l'avis de la CLI que dans les cas de suspension de l'allocation pour absence de contrat d'insertion (article L. 262-19) , non-renouvellement du contrat d'insertion (article L. 262-21) et non-respect du contrat (article L. 262-23) .

L'article L. 262-20 concerne, quant à lui, le cas particulier où la suspension de l'allocation est liée à l'impossibilité pour la CLI de rendre son avis préalablement au renouvellement du droit à l'allocation : dans la mesure où, dans ce cas, cet avis n'est plus requis, les dispositions de l'article L. 262-20 relatives à la suspension deviennent sans objet.

II - La position de votre commission

La définition de la date de reprise du versement de l'allocation est importante car elle conditionne le point de départ de l'appréciation des ressources entrant en compte pour le calcul du montant du RMI. Il paraissait donc nécessaire de lever l'ambiguïté du texte, qui semblait ouvrir un avis supplémentaire de la CLI sur une reprise du versement, même en l'absence de contrat.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 13
(art. L. 262-32 du code de l'action sociale et des familles)
Service de l'allocation

Objet : Cet article consacre le rôle des caisses d'allocations familiales et des caisses de mutualité sociale agricole comme organismes payeurs du revenu minimum d'insertion.

I - Le dispositif proposé

Le présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 262-30 du code de l'action sociale et des familles. Il confirme tout d'abord, pour le service de l'allocation du RMI, le rôle des CAF et des CMSA Cette intervention s'inscrira dans le cadre de conventions qui seront passées par ces organismes avec le département.

Le premier alinéa du nouvel article L. 262-30 précise tout d'abord la compétence générale des CAF en limitant expressément le champ d'intervention des CMSA à leurs seuls ressortissants. La rédaction actuelle, issue de l'article 19 de la loi n° 88-1088 en date du 1 er décembre 1988, est très proche dans la mesure où elle prévoit l'intervention de ces dernières « le cas échéant ».

Ce premier alinéa précise que les CAF et de CMSA se voient attribuer la compétence du service de l'allocation du RMI en vertu d'une convention passée avec le département. Cette convention pourra, en tant que de besoin, déterminer les conditions dans lesquelles les compétences du président du conseil général peuvent être déléguées aux organismes payeurs (cf. article 15 ci-après) . Pour mémoire, il convient de rappeler que le cadre juridique actuellement applicable prévoit déjà l'existence de telles conventions, mais celles-ci sont signées par les organismes payeurs avec le représentant de l'Etat dans le département.

Le second alinéa du nouvel article L. 262-30 dispose que les conventions passées entre le département d'une part, les CAF et les CMSA d'autre part, devront respecter des règles générales qui seront déterminées par décret.

II - La position de votre commission

Les dispositions du présent article tendent à apporter deux précisions et une coordination à la rédaction actuelle de l'article L. 262-30, d'une part. Il s'agit de la délimitation précise des champs de compétences respectifs des CAF et des CMSA et, d'autre part, de la définition, par voie réglementaire, du contenu minimum de règles devant figurer dans les conventions précitées. La coordination consiste, conformément à la nouvelle architecture du RMI que propose le projet de loi, à attribuer aux départements la compétence pour signer ces conventions.

Dans la pratique, le paiement de 97 % des allocations du RMI est assuré actuellement par les CAF et, pour 3 %, par les CMSA. L'origine de ce dispositif remonte à la création du RMI, en 1988. Il convient de souligner que le service du RMI est aujourd'hui réalisé gratuitement par ces organismes payeurs. Mme Nicole Prud'homme, présidente de la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) a précisé, lors de son audition par votre commission, que le coût de gestion correspondant pouvait être évalué, pour son organisme, à 193 millions d'euros par an.

Votre commission approuve le choix de confirmer les CAF et les CMSA dans leur rôle d'organismes payeurs du RMI. Il s'agit en effet d'un système éprouvé et la décision de le conserver devrait faciliter la mise en oeuvre des autres aspects de la réforme.

Elle observe toutefois que l'équilibre résultant du présent article est, à bien des égards, subtil. L'attribution du service de l'allocation de RMI aux CAF et caisses de MSA est établie par la loi. Mais elle s'inscrit dans le cadre de conventions signées avec les départements dont les règles générales sont déterminées par décret.

Votre commission vous propose d'adopter en l'état le présent article sans modification.

Article 14
(art. L. 262-31 du code de l'action sociale et des familles)
Neutralisation des flux de trésorerie entre les départements
et les caisses d'allocations familiales

Objet : Cet article pose le principe de la neutralité des flux en trésorerie entre le département et les caisses d'allocations familiales, ainsi que les caisses de mutualité sociale agricole. Il prévoit également les dispositions transitoires applicables en cas d'absence de signature de la convention entre le département et ces mêmes organismes payeurs.

I - Le dispositif proposé

Le présent article prolonge les dispositions de l'article 13 examiné ci-dessus et complète sur deux points les dispositions applicables à la convention signée entre le département et les CAF et les CMSA. Il introduit pour cela une nouvelle rédaction de l'article L. 262-31 du code de l'action sociale et des familles. Ce dernier, dans sa version actuelle, attribue à la convention nationale signée entre l'Etat, la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et la caisse centrale de mutualité sociale agricole le rôle de définir le cadre du service de l'allocation du RMI.

Le présent article propose d'abroger cette convention nationale, devenue incompatible avec l'architecture d'un dispositif décentralisé. Il introduit en contrepartie des précisions quant aux jeux de trésorerie entre le département et les organismes payeurs.

Le premier alinéa de l'article L. 262-31 pose le principe de la neutralité des flux en trésorerie pour les parties à la convention signée entre le département et les CAF ou CMSA. S'agissant des conditions d'application, il renvoie au décret mentionné à la nouvelle rédaction de l'article L. 262-30 du code de l'action sociale et des familles qui détermine « des règles générales » de ces conventions issues de l'article 13 du présent projet de loi.

Le second alinéa de l'article L. 262-31 vise à définir les dispositions applicables en cas d'absence de signature de la convention précitée. Il dispose que, dans cette hypothèse, les organismes payeurs, c'est-à-dire les CAF et les CMSA, effectuent les paiements, dans le respect des dispositions générales qui seront édictées par le décret susmentionné. Il instaure également un mécanisme reposant sur le principe d'un versement mensuel, par douzième, du département aux organismes payeurs. Ce versement sera déterminé sur la base des sommes versées l'année précédente.

II - La position de votre commission

Il était essentiel de préciser dans la loi que les relations financières entre les organismes de sécurité sociale et les départements ne généreront de charge de trésorerie pour aucune des parties. Néanmoins, le texte proposé conserve quelques imprécisions qui ont sans doute motivé la réserve formulée par le conseil d'administration de la CNAF 29 ( * ) , saisie pour avis du projet de décentralisation par le Gouvernement.

L'articulation du projet de loi et du principe d'unité de trésorerie du régime général

La combinaison des textes proposés par le présent article et par l'article 13 pour les articles L. 263-30 et L. 262-31 du code de l'action sociale et des familles, aux termes desquels les conventions passées entre les CAF 30 ( * ) et les départements garantissent la neutralité des flux financiers pour les parties, laisse entendre indirectement que ces dernières détiennent une trésorerie propre.

Or l'article 2 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale dispose que l'ACOSS « est chargée d'assurer la gestion commune de la trésorerie des différentes branches gérées par la CAF, la CNAM et la CNAV » . Le conseil d'administration de cette agence, saisi pour avis de ce projet de loi, a réaffirmé son attachement à ce principe d'unité.

En l'état, le schéma que, par voie réglementaire, retiendra le Gouvernement pour organiser ces flux financiers n'est pas connu. Plusieurs alternatives sont envisageables : les départements pourraient verser les fonds sur le compte de trésorerie des CAF directement à l'ACOSS ou de manière déconcentrée via les URSSAF, ces deux solutions demeurant respectueuses du principe d'unité mentionné.

La neutralité financière à parachever

Aux termes du présent article, les relations financières CAF-départements sont organisées :

- de manière pérenne, dès la conclusion des conventions susmentionnées ;

- de manière provisoire, dans l'attente de ces conventions dont la signature est impérative, au moyen de versements par douzième.

Cette première configuration pose une difficulté potentielle à la trésorerie du régime général.

En effet, un décalage dans les dates de versement par les départements, ou une sous-estimation de la charge pourrait conduire les CAF, en l'absence des fonds nécessaires pour assurer le versement des allocations, à effectuer des tirages affectant la trésorerie du régime général. Ainsi l'ACOSS pourrait être conduite à pallier la défaillance financière des acteurs locaux, sans être partie aux conventions, c'est-à-dire sans être assurée de la neutralité du dispositif sur la trésorerie dont elle assure la gestion.

La seconde configuration, c'est-à-dire le recours aux versements par douzième, ne prémunit que très modestement les CAF contre les risques de trésorerie qu'engendre un tel système.

Le nombre de bénéficiaires du RMI peut évoluer fortement d'un exercice à l'autre. Les CAF se trouveraient en situation de devoir assurer le service de prestations alors même qu'elles ne disposeraient pas du financement nécessaire de la part des départements. Ainsi qu'il a été vu ci-dessus, sauf à admettre le risque d'une rupture dans le paiement des prestations, les CAF devront procéder à des tirages sur la trésorerie du régime général. Si, en 2004, le nombre de bénéficiaires du RMI augmentait de 5 % par rapport à 2003, le tirage sur la trésorerie commune s'élèverait à 225 millions d'euros entraînant un financement intercalaire pour l'ACOSS de l'ordre de 11 millions d'euros.

En outre, l'hypothèse où les sommes versées par les départements seraient insuffisantes pour couvrir la totalité des dépenses (c'est-à-dire simplement le scénario d'une augmentation des bénéficiaires) n'est pas prévue. L'application du principe de neutralité des flux de trésorerie à ces versements par douzième n'est pas effectives.

La présidente de la CNAF, Mme Nicole Prud'homme, a rappelé les inquiétudes du conseil d'administration de la CNAF sur la capacité des départements à mettre à disposition les fonds le 5 du mois civil, jour de versement du RMI.

Pour résoudre l'ensemble de ces difficultés, votre commission vous propose, en conséquence, d'adopter deux amendements ayant pour objet :

- de prévoir que les principes relatifs à la neutralité des flux financiers s'appliqueront à la « période transitoire » ;

- d'étendre le bénéfice de cette neutralité à la trésorerie du régime général qui sera vraisemblablement sollicité pour assurer en temps et en heure le paiement des prestations ; à cette fin, il est nécessaire que l'ACOSS, non partie aux conventions précitées, détienne des moyens d'information propres à lui permettre de vérifier le respect de ce principe.

En outre, devant notre commission, Mme Nicole Prud'homme a rappelé que la gestion du RMI était effectuée gratuitement par les CAF, alors même que celle-ci a un coût estimé par la caisse nationale entre 1 % et 2 % des sommes versées.

Votre commission n'ignore rien du différend opposant l'Etat et la CNAF quant à la rémunération des frais de gestion occasionnés par cette allocation, dont un bilan précis avait été dressé par M. Jean-Louis Lorrain dans son rapport relatif au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, consacré à la famille 31 ( * ) .

Elle estime toutefois que la décentralisation renforce la nécessité de parvenir à un accord. Appartenant désormais à l'aide sociale décentralisée, le RMI pourrait, aux termes de l'article L. 121-4 du code de l'action sociale et des familles, faire l'objet d'améliorations par le conseil général. Le coût de gestion s'en trouverait accru. Aussi, votre commission plaide-t-elle pour qu'un compromis soit trouvé sur cette question.

Sous le bénéfice de ces informations, elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé .

Article 15
(art. L. 262-32 du code de l'action sociale et des familles)
Délégation aux organismes payeurs des décisions individuelles

Objet : Cet article a pour objet d'ouvrir la possibilité aux départements de déléguer aux caisses d'allocations familiales et aux caisses de mutualité sociale agricole les compétences du président du conseil général en matière de décisions individuelles relatives au revenu minimum d'insertion, à l'exception des décisions de suspension du versement de celui-ci.

I - Le dispositif proposé

Le présent article comporte une nouvelle rédaction de l'article L. 262-32 du code de l'action sociale et des familles qui traduit le transfert de compétences réalisé au profit du département. L'actuelle rédaction de cet article traite en effet d'une délégation des compétences du préfet en matière de RMI qui n'a plus lieu d'être.

La nouvelle rédaction de l'article L. 262-32 prévoit désormais que le département peut déléguer, aux organismes payeurs, c'est-à-dire les CAF et les caisses de la MSA, les compétences du président du conseil général à l'égard des décisions individuelles relatives à l'allocation de RMI à l'exception toutefois des décisions de suspension du versement de celle-ci.

Les conditions de mise en oeuvre et de contrôle de cette délégation sont incluses dans la convention qui lie le département et les organismes payeurs (CAF et CMSA) dont les « règles générales » sont elles-mêmes déterminées par décret (cf. article 13 ci-dessus) .

On observera que la rédaction actuelle de l'article L. 262-32, elle-même issue de l'article 20-1 de la loi n° 88-1088 en date du 1 er décembre 1988, fait apparaître de façon moins nette le champ de cette délégation qui porte sur « certaines compétences » attribuées au représentant de l'Etat dans le département.

Cette dernière délégation renvoie également à une convention conclue entre le représentant de l'Etat et les organismes payeurs, mais surtout à des « conditions prévues par voie réglementaire » . Le décret n° 93-508 du 26 mars 1993 définit le champ de cette délégation et en précise les exceptions qui visent l'ensemble des décisions de suspension de l'allocation.


Présentation du système actuel de délégation de compétences du préfet
aux caisses d'allocations familiales et aux caisses de mutualité sociale agricole
(décret n° 93-508 du 26 mars 1993)

Le préfet peut déléguer ses compétences :

1° En matière d'attribution et de révision de l'allocation de revenu minimum d'insertion, sauf en ce qui concerne les décisions prises en application :

- de l'article L. 262-19 du code de l'action sociale et des familles : le versement de l'allocation est suspendu par le préfet si le contrat d'insertion n'est pas établi, du fait de l'intéressé et sans motif légitime, dans le délai de trois mois à compter de la demande d'allocation ;

- de l'article L. 262-20 du code de l'action sociale et des familles : hypothèse où le versement de l'allocation est suspendu par le préfet si la CLI est, du fait de l'intéressé et sans motif légitime, dans l'impossibilité de donner son avis ;

- de l'article L. 262-21 du code de l'action sociale et des familles : le préfet peut suspendre, après avis de la CLI, le versement de l'allocation, lorsque le contrat est arrivé à échéance ou n'a pas été renouvelé et ce, du fait de l'intéressé et sans motif légitime ;

- de l'article L. 262-23 du code de l'action sociale et des familles : le préfet peut suspendre le versement de l'allocation en cas de non-respect du contrat d'insertion incombant au bénéficiaire ;

- de l'article L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles : le préfet statue sur une demande tendant à dispenser un bénéficiaire de faire valoir ses droits aux créances d'aliments et aux pensions alimentaires qui lui sont dues ;

- de l'article L. 262-44 du code de l'action sociale et des familles : le préfet peut demander à l'organisme payeur, après avis de la CLI et avec l'accord du bénéficiaire, de mandater l'allocation au nom d'un organisme agréé à cet effet, à charge pour celui-ci de la reverser au bénéficiaire, éventuellement de manière fractionnée et le cas échéant d'acquitter le montant du loyer restant imputable à l'allocataire ;

- du deuxième alinéa de l'article 13 du décret n° 93-508 du 26 mars 1993 : le préfet décide de ne pas prendre en compte d'autres prestations ou revenus d'activité perçus pendant les 3 derniers mois ;

- de l'article 16 du décret n° 93-508 du 26 mars 1993 : attribution du RMI par le préfet à titre exceptionnel ;

- de l'article 27 du décret n° 93-508 du 26 mars 1993 : le préfet procède à la désignation de l'allocataire au sein du couple.

2° En matière de radiation du droit au revenu minimum d'insertion ;

3° En matière d'attribution d'acomptes et d'avances ;

4° En matière de remise ou de réduction de l'indu portant sur une somme inférieure à trois fois le montant du revenu minimum d'insertion fixé pour un allocataire.

La rédaction de l'article L. 262-32 issue du présent article est donc plus précise, en introduisant expressément, dans le domaine législatif, l'interdiction pour le président du conseil général de déléguer sa compétence en matière de suspension. Il s'agit, en effet, de l'hypothèse potentiellement la plus préjudiciable pour un bénéficiaire, ce qui justifie un traitement particulier.

En revanche, la délégation que peut consentir le département apparaît plus large que celle à laquelle pouvait procéder le préfet, s'agissant par exemple de la désignation de l'allocataire au sein du couple.

II - La position de votre commission

Le présent article encadre davantage la délégation aux organismes payeurs tout en en ouvrant le champ. Il comporte à ce titre un équilibre satisfaisant entre la souplesse nécessaire qui relèvera de la convention conclue entre chaque département et les CAS ou CMSA et les garanties dont doivent bénéficier les allocataires.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 16
(art. L. 262-33 du code de l'action sociale et de la famille)
Informations visant à permettre de vérifier
les déclarations des bénéficiaires

Objet : Cet article de coordination a pour objet de supprimer la référence à la distinction entre organismes payeurs et organismes instructeurs en ce qui concerne les informations demandées pour identifier les demandeurs du RMI.

I - Le dispositif proposé

Le présent article vise à modifier l'article L. 262-33 du code de l'action sociale et des familles. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit notamment :

- en son premier alinéa : le droit pour les organismes payeurs de demander aux administrations publiques toutes les informations nécessaires pour vérifier les déclarations des bénéficiaires ;

- en son second alinéa : la limitation des informations demandées, tant par les organismes payeurs que par les organismes instructeurs, aux données nécessaires à l'identification du demandeur, en vue de l'attribution de l'allocation et de la conduite des actions d'insertion ;

- en son troisième alinéa : le fait que le personnel des organismes payeurs et des organismes instructeurs ne puisse communiquer les informations recueillies dans l'exercice de leur mission qu'au représentant de l'Etat dans le département, au président du conseil général et au président de la commission locale d'insertion.

Le présent article propose, au second alinéa de l'article L. 262-33 du code de l'action sociale et des familles, de supprimer la référence aux « organismes payeurs mentionnés à l'article L. 262-30 » . Ainsi, désormais, seules les informations demandées par « les organismes instructeurs mentionnés aux articles L. 262-14 et L. 262-15 du code l'action sociale et des familles » , seront soumises à la limitation que comporte cet alinéa.

La rédaction actuelle des articles L. 262-14, L. 262-15 et L. 262-30 du code de l'action sociale et des familles établit une séparation nette entre, d'une part, les organismes payeurs (caisse d'allocations familiales et caisse de mutualité sociale agricole) et, d'autre part, les organismes instructeurs (centre communal d'action sociale, service départemental d'action sociale, associations et organismes à but non lucratif agréés) du RMI.

Les articles 7 et 8 du projet de loi (cf. ci-dessus) atténuent cette stricte séparation, sans aller pour autant jusqu'à une assimilation. Les CAF et les CMSA pourront, en effet, exercer ce rôle d'organisme instructeur. Il leur faudra, pour cela, avoir reçu l'agrément du président du conseil général.

Par ailleurs, dans le cas où ces mêmes caisses demeureraient de simples organismes payeurs, il est prévu qu'elles apportent leur concours à l'instruction administrative. Cette disposition a été conservée de la rédaction actuelle de l'article L. 262-15.

Il semble, en définitive, que la suppression de la référence aux organismes payeurs serait de coordination au motif que la seule référence aux «organismes instructeurs mentionnés aux articles L. 262-14 et L. 262-15 du code l'action sociale et des familles » couvrirait désormais l'ensemble des intervenants.

II - La position de votre commission

Votre rapporteur s'interroge sur la portée et l'utilité de cette coordination. La possibilité désormais ouverte aux organismes payeurs d'être agréés par le président du conseil général en qualité d'organismes instructeurs, peut être, d'une certaine façon, la justification du maintien en l'état du deuxième alinéa de l'article L. 262-33.

En second lieu, votre rapporteur s'interroge sur le maintien, au troisième alinéa de l'article L. 262-33, du représentant de l'Etat dans le département comme destinataire des informations recueillies par les organismes payeurs et instructeurs. Certes, cette information n'est pas illégitime. Toutefois, il semble que l'article 40 du projet de loi, qui, au demeurant, abroge par coordination le dernier alinéa du présent article L. 262-33, puisse répondre à cette préoccupation.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose, à ce stade, d'adopter cet article sans modification.

Article 17
(art. L. 262-35 du code de l'action sociale et de la famille)
Mise en oeuvre du caractère subsidiaire de l'allocation

Objet : Cet article a pour objet de confier aux seuls organismes instructeurs le soin d'assister les demandeurs de l'allocation dans les démarches visant à faire valoir leurs droits.

I - Le dispositif proposé

Le présent article a pour objet d'apporter deux modifications d'ordre technique à l'article L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles.

Le I concerne le troisième alinéa de l'article L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles. Elle est identique, dans son esprit, à celle proposée à l'article 16 du présent projet de loi (cf. ci-dessus) .

Dans sa rédaction actuelle, cet article L. 262-35 dispose que « les organismes instructeurs mentionnés aux articles L. 264-14 et L. 264-15 du code de l'action sociale et des familles » , comme « les organismes payeurs mentionnés à l'article L. 262-30 » assistent les demandeurs de l'allocation dans les démarches visant à faire valoir leurs droits.

Le présent paragraphe I prévoit de supprimer à cet article la référence aux organismes payeurs mentionnés à l'article L. 262-30, c'est-à-dire aux caisses d'allocations familiales et de mutualité social.

Il semble que cette suppression serait de coordination au motif que la seule référence aux «organismes instructeurs mentionnés aux articles L. 262-14 et L. 262-15 du code l'action sociale et des familles » couvrirait désormais l'ensemble des intervenants.

La seconde modification est introduite par le II du présent article. Elle précise, au quatrième alinéa de l'article L. 262-35 que l'organisme payeur est subrogé, dans la limite des prestations allouées, pour le compte du département et non plus pour celui de l'Etat, dans les droits du bénéficiaire vis-à-vis des organismes sociaux ou de ses débiteurs. Cette modification prend acte des compétences désormais transférées au département en matière de RMI.

II - La position de votre commission

Comme à l'article 16 (cf. ci-dessus) , votre rapporteur s'interroge sur la portée de la coordination proposée par le I du présent article. La suppression de la référence aux organismes payeurs parmi les organismes chargés d'assister les demandeurs d'allocation dans les démarches visant à faire valoir leurs droits ne lui semble pas résulter mécaniquement de la nouvelle architecture proposée par le projet de loi.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose, à ce stade, d'adopter cet article sans modification.

Article 18
(art. L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles)
Signature du contrat d'insertion

Objet : Cet article redéfinit les conditions dans lesquelles le contrat d'insertion entre le bénéficiaire et le président du conseil général est élaboré et conclu.

I - Le dispositif proposé

Le contrat d'insertion conclu entre l'allocataire et la collectivité est le coeur du dispositif original du RMI qui repose sur un engagement réciproque : engagement de la collectivité à proposer une offre d'insertion adaptée et engagement du bénéficiaire à agir en faveur de sa propre insertion. Afin de donner à ce contrat toute son efficacité, cet article adopte une nouvelle rédaction de l' article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles .

A cette fin, il redéfinit les rôles de chacune des parties au contrat :

- il donne tout d'abord un rôle plus actif au bénéficiaire lui-même dans l'élaboration et la conclusion du contrat d'insertion ;

- conformément à la logique de la décentralisation, il confie ensuite au président du conseil général, et non plus au président de la CLI, le rôle de représenter la collectivité.

Afin d'aider l'allocataire à définir son projet d'insertion, il est également prévu que le président du conseil général désigne, dès la mise en paiement de l'allocation, un « référent », chargé de coordonner les différents aspects économiques, sociaux, éducatifs et sanitaires des mesures nécessaires à son insertion.

Le président du conseil général peut confier ce rôle de référent soit à une personne relevant directement de ses services, soit à une autre collectivité territoriale, soit à l'un des organismes chargés de l'instruction des demandes de RMI. Ces deux dernières possibilités sont subordonnées à la signature d'une convention avec la collectivité ou l'organisme concerné.

Cette convention prendrait la forme d'une habilitation générale, permettant ensuite au président du conseil général d'adresser, selon la situation du bénéficiaire et son lieu de résidence, les allocataires à ces organismes, à charge pour eux de désigner en leur sein la personne physique qui tiendra le rôle de référent.

Le présent article prévoit enfin que l'allocataire est informé soit de l'identité du référent, lorsque celui-ci relève directement du conseil général, soit de l'organisme désigné pour tenir ce rôle.

II - La position de votre commission

Dans le dispositif actuel (article L. 262-15 du code de l'action sociale et des familles) , l'organisme instructeur désigne déjà un « accompagnateur » chargé de coordonner les différents aspects du contrat d'insertion. Mais cette obligation était jusqu'ici très inégalement remplie et, dans la mesure où les instructions administrative et sociale étaient menées de front, l'accompagnateur disposait rarement du temps nécessaire à une prise en charge réellement individualisée.

Le texte ne prévoyait par ailleurs aucune obligation d'informer le bénéficiaire de l'identité de son interlocuteur et sa désignation n'était encadrée par aucun délai. Comme le souligne le rapport public de la Cour des Comptes pour 2001, « nombreux sont les allocataires présents depuis plusieurs années dans le dispositif qui n'ont jamais rencontré de référent social. »

Votre commission estime que cet accompagnement est un élément essentiel du dispositif d'insertion. Elle observe d'ailleurs qu'une telle prise en charge individualisée et précoce a été mise en place à l'ANPE pour tout nouveau demandeur d'emploi, dans le cadre du PAP-ND, et que celle-ci donne de bons résultats.

Elle ne peut donc que se féliciter du renforcement de cet accompagnement, même s'il lui paraît nécessaire de préciser encore le rôle du référent. (cf. article 19 ci-après) Elle insiste également sur le fait qu'il sera de la responsabilité du département de contrôler l'effectivité de la désignation du référent par les organismes qu'il aura habilités.

A ce stade, votre commission vous propose un amendement rédactionnel, visant à améliorer la lisibilité de cet article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 19
(art. L. 262-38 du code de l'action sociale et des familles)
Contenu du contrat d'insertion

Objet : Cet article vise à renforcer le caractère concret et utile des actions inscrites aux contrats d'insertion, afin d'en améliorer l'efficacité au regard de l'insertion.

I - Le dispositif proposé

Le présent article, qui adopte une nouvelle rédaction pour l' article L. 262-38 du code de l'action sociale et des familles , a pour objet de donner un contenu plus concret et utile au contrat d'insertion conclu entre le bénéficiaire et le président du conseil général.

Il prévoit d'abord que le contrat est établi au vu d'un bilan de la situation professionnelle, sociale, financière et de santé, ainsi que des conditions d'habitat de l'intéressé.

Contrairement à la rédaction actuelle de l'article L. 262- 38, qui comportait une seule énumération des actions d'insertion, les actions susceptibles d'être inscrites dans le contrat d'insertion sont réparties en deux catégories :

- des mesures axées sur l'insertion professionnelle du bénéficiaire : il s'agit soit d'une orientation, précédée en cas de nécessité d'un bilan de compétences, vers le service public de l'emploi, soit d'activités ou de stages de formation professionnelle. L'inscription d'au moins une mesure de ce type est obligatoire ;

- des mesures orientées vers l'autonomie sociale et l'accès aux droits - accès au logement et accès aux soins - qui revêtent un caractère complémentaire.

II - La position de votre commission

Votre commission souscrit tout à fait à la démarche du présent article qui vise à mettre fin à l'imprécision et à la vacuité des contrats d'insertion. Il lui semble toutefois que la rédaction proposée comporte un risque à l'égard des bénéficiaires les plus fragilisés et désocialisés.

Le contrat d'insertion prend en effet dans cette nouvelle rédaction une orientation presque exclusivement professionnelle, qui contraste par ailleurs avec l'énumération des éléments entrant dans le bilan de la situation du bénéficiaire qui est préalable à sa conclusion.

Or, pour certains bénéficiaires, inscrire d'office dans le contrat d'insertion une mesure orientée vers le retour à l'emploi serait prématuré et démobilisateur. Ces derniers risqueraient alors de se voir sanctionnés pour n'avoir pas pu remplir un engagement qui était en réalité d'emblée irréaliste. Outre le fait qu'une interprétation restrictive de la loi pourrait conduire à une suspension de l'allocation à leur égard, il convient également de souligner les effets destructeurs pour la personne d'un échec de ce type.

Votre commission regrette par ailleurs l'absence de référence aux outils de la politique de l'emploi que sont les emplois aidés et les mesures d'insertion par l'activité économique et qui constituent une étape intermédiaire entre les stages de mise à niveau professionnels et l'emploi « ordinaire ». Il est également surprenant de constater que le présent article ne fait aucunement référence au nouveau contrat insertion-revenu minimum d'activité (CIRMA) créé par le présent projet de loi, dans la perspective d'une réinsertion dans l'emploi des bénéficiaires du RMI.

Il lui semble, d'une manière générale qu'il manque à cette définition du contrat d'insertion la perspective d'un parcours d'insertion : pour un grand nombre de bénéficiaires, l'insertion ne saurait en effet se résumer à une action précise et doit nécessairement comporter des actions de suivi à plus long terme.

C'est dans cet esprit que s'inscrivent les amendements proposés par votre commission au présent article :

- le premier vise à préciser que les mesures proposées à l'allocataire dans le cadre de son contrat d'insertion doivent prendre en compte le parcours d'insertion qu'il envisage ;

- le deuxième développe les outils mis à la disposition de l'allocataire au cours de ce parcours : le contrat pourra ainsi prévoir l'accès à un emploi aidé, au CIRMA, à une mesure d'insertion par l'activité économique ou encore, pour les populations les plus fragiles, l'accompagnement vers l'autonomie sociale ;

- le troisième vise à supprimer le caractère accessoire des mesures d'accès aux droits : celles-ci pourront constituer le coeur d'un contrat d'insertion, lorsque les besoins du bénéficiaire le justifient.

Votre commission vous propose également un amendement de coordination, qui prend acte du transfert des mesures d'accompagnement social au sein des mesures pouvant figurer à titre principal au contrat.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 20
(art. L. 262-38-1 et L. 262-38-2 du code de l'action sociale et des familles)
Mise en oeuvre et suivi des actions d'insertion

Objet : Cet article vise à renforcer le suivi des actions d'insertion suivies par les bénéficiaires du RMI.

I - Le dispositif proposé

Le présent article introduit deux nouveaux articles dans le code de l'action sociale et des familles.

L' article L. 262-38-1 prévoit que des conventions seront passées avec l'ANPE et les organismes de formation professionnelle, afin de déterminer les modalités de leur participation aux actions d'insertion en faveur des bénéficiaires du RMI.

Il s'agit notamment de préciser les conditions de l'accompagnement renforcé qui peut être proposé aux bénéficiaires ou encore le contingent de places à la disposition du conseil général pour les actions de formation envisagées en faveur des bénéficiaires.

La convention entre le conseil général et chacun de ces organismes doit également prévoir les conditions dans lesquelles le suivi des actions sera effectué, et donc la nature des informations nominatives qui peuvent être échangées, en vue de s'assurer du respect par le bénéficiaire du contrat d'insertion.

L' article L. 262-38-2 prévoit pour sa part que les employeurs, formateurs ou accompagnateurs d'un bénéficiaire du RMI sont tenus d'adresser tous les trois mois une attestation de suivi de l'action d'insertion. Afin de simplifier les démarches des allocataires, cette attestation vaudrait contrat d'insertion.

Si l'attestation fait apparaître que l'action d'insertion prévue n'est pas suivie, le référent doit convoquer l'allocataire. Il peut également faire suspendre le versement de l'allocation, si le non-respect de l'action d'insertion incombe au bénéficiaire.

II - La position de votre commission

S'agissant de l'attestation de suivi des actions d'insertion, votre commission approuve le souci du présent article de donner au président du conseil général les moyens de suivre la réalité de la démarche d'insertion des bénéficiaires car ce contrôle relève des mesures nécessaires à une gestion plus responsable de l'allocation.

Elle s'inquiète toutefois des effets pervers qui pourraient être engendrés par la possibilité de donner à l'attestation délivrée par l'employeur ou l'accompagnateur valeur de contrat d'insertion.

Au-delà du problème juridique posé par le fait que les signataires d'un contrat de travail ou de formation ne sont pas les mêmes que les signataires du contrat d'insertion, cette possibilité présente en effet plusieurs risques :

- un risque d'appauvrissement des contrats : donner à une simple attestation valeur de contrat d'insertion revient à donner au contrat de travail lui-même cette valeur. Or, il est difficile de demander à l'employeur de mobiliser autour de la personne l'ensemble des mesures d'accompagnement dont elle pourrait avoir besoin ;

- un changement de nature du contrat d'insertion : le contrat devient un engagement à suivre une action précise, et non une mobilisation de la personne et de la collectivité pour atteindre un objectif. L'engagement réciproque disparaît.

C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose de supprimer cette équivalence entre l'attestation et le contrat d'insertion.

Cette simplification pourrait enfin plus largement apparaître, si ce n'est comme une porte ouverte au désengagement du département, au moins comme un soulagement des services départementaux chargés de suivre les bénéficiaires, en leur permettant d'augmenter le taux de contractualisation sans en supporter le poids.

S'agissant du rôle du référent, votre commission observe que le rôle qui lui est dévolu pourrait, compte tenu de la rédaction adoptée par le présent article, paraître comme un rôle de simple contrôleur, chargé de sanctionner les manquements au contrat d'insertion : la seule mesure qui semble susceptible d'être prise par le référent en cas de non-respect de l'action d'insertion est en effet une suspension de l'allocation, même si celle-ci n'est pas automatique.

Il paraît nécessaire de donner également un rôle plus positif au référent pour prévenir une suspension de l'allocation. Votre commission vous propose donc de préciser, qu'au vu des motifs du non-respect de l'action d'insertion, le référent peut également demander une révision du contrat d'insertion, afin de l'adapter aux besoins et aux capacités de la personne.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 21
(art. L. 262-39 du code de l'action sociale et des familles)
Recours contentieux contre les décisions relatives à l'allocation

Objet : Cet article supprime la composition particulière de la commission départementale d'aide sociale lorsqu'elle statue sur un recours contre une décision relative au RMI.

I - Le dispositif proposé

Actuellement, lorsqu'elle statue sur les recours contre des décisions relatives au RMI, la commission départementale d'aide sociale (CDAS) se voit adjoindre deux représentants du conseil départemental d'insertion désignés conjointement par le préfet et le président du conseil général.

Le présent article vise à supprimer cette composition particulière prévue par le deuxième alinéa de l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles .

II - La position de votre commission

La composition actuelle des CDAS lorsqu'elles statuent sur des recours relatifs au RMI est contraire aux règles régissant le droit à un procès équitable, au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH).

L'article 6-1 de la convention stipule en effet que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi » .

Pour déterminer si un tribunal est impartial, la Cour européenne tient notamment compte d'un critère objectif : il faut que le tribunal donne toute apparence de garantie organique pour exclure tout doute légitime dans l'esprit du public.

En l'occurrence, le fait que siègent à la CDAS deux représentants du conseil départemental d'insertion, qui sont amenés à rendre un avis sur les décisions de suspension de l'allocation pourrait jeter un doute sur leur impartialité, dans la mesure où ils pourraient se prononcer à titre contentieux sur une décision qu'ils ont examinée auparavant dans le cadre de leur mission consultative 32 ( * )

Une telle composition paraît également inutilement dérogatoire par rapport aux règles existantes pour d'autres prestations sociales.

Votre commission vous propose donc d'adopter cet article sans modification.

Article 22
(art. L. 262-43 du code de l'action sociale et des familles)
Récupération des sommes servies au titre de l'allocation

Objet : Cet article tire les conséquences de la décentralisation en matière de récupération des sommes servies au titre du RMI.

I - Le dispositif proposé

Le RMI, comme toutes les prestations d'aide sociale, est soumis à une récupération des sommes servies au titre de l'allocation sur la succession du bénéficiaire ou sur la cession de son actif 33 ( * ) .

Mais la loi précitée du 1 er décembre 1988 avait prévu des règles particulières en matière de seuil de récupération et de modalités de recouvrement, fixées par décret. Il convient toutefois de souligner que ces dispositions n'ont jamais été appliquées faute de la parution dudit décret d'application.

Le présent article se limite à coordonner l'article L. 262-43 s'agissant des modalités de recouvrement de la récupération.

La décentralisation met en effet fin à la procédure dérogatoire de recouvrement pour le compte de l'Etat et place le RMI dans le droit commun du recouvrement des prestations d'aide sociale légales : son recouvrement est donc opéré comme en matière de contributions directes, c'est à dire par émission d'un titre de recette rendu exécutoire par arrêté du préfet.

II - La position de votre commission

Si le principe d'un recours sur la succession du bénéficiaire a été posé dès la création du RMI en 1988, il est vrai que l'Etat, en opportunité, n'a jamais cru bon de mettre en oeuvre ces dispositions.

Votre commission comprend les raisons qui ont pu conduire à renoncer à leur application, s'agissant d'une prestation de solidarité nationale à la charge de l'Etat et présentée comme un droit objectif et non comme une mesure d'assistance.

Il reste qu'à l'occasion de la décentralisation de l'allocation, le projet de loi maintient le dispositif et procède à sa coordination pour le rendre conforme à la récupération sur succession applicable à l'ensemble des prestations d'aide sociale.

Si les dispositions en matière de recouvrement sont désormais applicables, un décret reste par contre nécessaire pour fixer le seuil de récupération au regard de l'actif net du bénéficiaire.

Votre commission estime que, si l'Etat fait le choix du maintien de ce dispositif, il serait cohérent qu'il mette les départements en mesure de pouvoir l'appliquer et prenne en conséquence le décret d'application nécessaire.

Elle observe toutefois que la portée de ces dispositions ne doit pas être surestimée, compte tenu des caractéristiques de la population des bénéficiaires du RMI, dont on peut estimer que l'actif dépasserait rarement le seuil ouvrant la possibilité d'un recouvrement, et des règles de prescription que comporte l'article L. 262-43 34 ( * ) .

En tout état de cause, il lui semble que la question du recours sur succession doit être envisagée au sein du débat qui aura lieu à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, qui fixera les conditions financières de la décentralisation du RMI.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 23
(art. L. 262-44 du code de l'action sociale et des familles)
Mandatement de l'allocation au nom d'un organisme agréé

Objet : Cet article supprime l'avis de la commission locale d'insertion préalable à un mandatement de l'allocation.

I - Le dispositif proposé

La loi précitée du 1 er décembre 1988 a introduit la possibilité du mandatement de l'allocation à un organisme agréé, avec l'accord du bénéficiaire, à titre d'alternative avec la mesure, beaucoup plus lourde puisqu'il s'agit d'une mesure judiciaire, de tutelle aux prestations sociales. Comme l'ensemble des décisions relatives à l'allocation, ce mandatement est soumis à un avis préalable de la CLI.

Conformément à la philosophie globale du projet de loi, qui recentre les CLI sur leurs missions de définition de l'offre d'insertion et d'animation du dispositif local d'insertion, le présent article supprime cet avis

II - La position de votre commission

Le mandatement de l'allocation est voulu comme une mesure de protection de la personne, dans des situations où elle risquerait de compromettre son insertion par une mauvaise gestion de son allocation.

L'avis de la CLI était, dans ce cas précis, conçu comme une garantie d'impartialité de la décision pour l'allocataire, compte tenu de ses conséquences en matière de liberté individuelle.

Votre commission observe cependant que le président du conseil général ne peut prendre seul la décision de mandater l'allocation, puisque l'accord du bénéficiaire lui-même est obligatoire. La garantie apportée par la CLI apparaît donc superflue.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 24
(art. L. 263-1 du code de l'action sociale et des familles)
Fin du copilotage du dispositif local d'insertion

Objet : Cet article transfère au seul département le pilotage des actions d'insertion et prévoit le concours de l'Etat, des autres collectivités territoriales et des différents organismes oeuvrant dans le domaine de l'insertion aux actions envisagées par le département.

I - Le dispositif proposé

Le présent article, qui comporte une nouvelle rédaction de l'article L. 263-1 du code de l'action sociale et des familles , est le coeur du dispositif de décentralisation du pilotage de l'insertion. Il consacre la responsabilité du département dans la conduite des actions d'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RMI. En conséquence, l'Etat devient un partenaire ordinaire, parmi l'ensemble des acteurs qui apportent leur concours aux départements.

Cet article adopte également une expression plus générale pour désigner les organismes concourant à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion : les organismes « concourant à l'insertion sociale et professionnelle » désignent en effet tout à la fois les centres communaux et intercommunaux d'action sociale, les associations de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, mais également le service public de l'emploi et les organismes de formation professionnelle.

II - La position de votre commission

S'agissant du rôle de « chef de file » du département en matière d'insertion, votre commission ne peut que se féliciter qu'il soit mis fin au copilotage qui nuisait à la cohérence de la planification des actions d'insertion.

L'exercice effectif du copilotage semble d'ailleurs avoir toujours été largement incertain, au moins dans une partie des départements. Citant l'exemple du département du Nord, la Cour des comptes 35 ( * ) indiquait ainsi qu'entre 1991 et 2000, le programme départemental d'insertion n'avait pu être adopté qu'à trois reprises, en 1994, 1996 et 1998.

Il reste qu'au-delà de cette responsabilité affirmée, et qui se traduit par une responsabilité financière en cas de dérive des dépenses d'allocations, le département ne saurait agir seul et doit s'appuyer sur des partenariats rénovés.

A cet égard, votre commission observe notamment que le monde associatif, dont la compétence en matière de lutte contre les exclusions est reconnue, apparaît peu dans le texte proposé. Si elle est bien consciente que la décentralisation ne saurait s'accompagner de prescriptions tatillonnes à l'égard des départements, leur enjoignant de travailler avec tel ou tel, il lui semble pourtant que, sans entraver la liberté du département, le projet de loi pourrait davantage insister sur leur rôle.

C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose de mieux faire apparaître à la fois la nécessité d'un concours du service public de l'emploi et l'apport essentiel des associations de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Pour désigner ces dernières, votre commission vous propose de reprendre la qualification retenue par la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre l'exclusion.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 25
(art. L. 263-2 du code de l'action sociale et des familles)
Composition et rôle du conseil départemental d'insertion

Objet : Cet article précise la composition des conseils départementaux d'insertion et les modalités de désignation de leurs membres, ainsi que ses compétences

I - Le dispositif proposé

La rédaction proposée par le présent article pour l' article L. 263-2 du code de l'action sociale et des familles vise à donner une plus grande latitude aux départements dans la fixation de la composition des conseils départementaux d'insertion (CDI).

Elle se borne à définir le socle minimal des collectivités publiques et des organismes devant être représentés au sein des conseils : il s'agit des services de l'Etat, des collectivités territoriales - communes mais aussi région - et des organismes « concourant à l'insertion sociale et professionnelle » . Elle précise, en bonne logique, que les membres du CDI sont désignés par les collectivités ou les organismes auxquels ils appartiennent.

Cet article prévoit enfin que le CDI ne donne plus qu'un simple avis sur le programme départemental d'insertion et qu'il est informé de son exécution.

II - La position de votre commission

La décentralisation du pilotage de l'insertion suppose de laisser une certaine liberté au département pour choisir les partenaires qui lui semblent les plus à même de contribuer aux actions d'insertion en faveur des bénéficiaires du RMI.

C'est la raison pour laquelle votre commission approuve la méthode adoptée par le projet de loi consistant à ne préciser que les acteurs qui paraissent en tout état de cause indispensables à la bonne marche du dispositif.

Pour autant, elle estime qu'un rapprochement pourrait être envisagé, si ce n'est en termes de structures, au moins en termes d'échange d'informations et de réflexions, avec d'autres instances locales oeuvrant dans le domaine de l'insertion, et notamment les conseils départementaux de l'insertion par l'activité économique. Ce rapprochement est d'autant plus souhaitable que les actions développées par le secteur de l'insertion par l'activité économique doivent trouver leur place dans les programmes départementaux d'insertion, afin que ceux-ci puissent donner une vision réellement exhaustive des actions d'insertion au niveau du département.

S'agissant de la suppression de la compétence des CDI en matière d'approbation des programmes locaux d'insertion, il est vrai qu'alors que le projet de loi affirme vouloir recentrer les différentes instances - CDI et CLI - sur un rôle de définition de l'offre, cette suppression peut paraître paradoxale.

Elle ne peut en réalité s'analyser qu'en relation avec son transfert au profit du conseil général.

On ne peut en effet que constater la défaillance de ces instances, incapables, du fait de leur caractère souvent pléthorique, de parvenir à un consensus sur les actions à mener. Le transfert au conseil général de cette compétence s'analyse donc comme un gage d'une plus grande efficacité et également d'une meilleure planification budgétaire des actions à mener.

Votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement de coordination, visant à désigner de la même manière les organismes qui apportent leur concours au département pour l'insertion des bénéficiaires du RMI (mentionnés à l' article L. 263-1 ) et ceux qui participent au conseil départemental d'insertion prévu au présent article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 26
(art. L. 263-3 du code de l'action sociale et des familles)
Programme départemental d'insertion

Objet : Cet article précise les conditions dans lesquelles le conseil général adopte le programme départemental d'insertion.

I - Le dispositif proposé

Dans une volonté de laisser au département la plus grande latitude possible dans l'utilisation de l'outil de planification qu'est le programme départemental d'insertion, cet article ne comporte que deux dispositions :

- l'autorité compétente pour adopter le programme départemental d'insertion est le conseil général ;

- ce programme doit être adopté chaque année avant le 31 mars.

II - La position de votre commission

La décentralisation du pilotage de l'insertion a évidemment pour corollaire la liberté d'action du département dans la définition des orientations du programme d'insertion : l'adoption de celui-ci par le conseil général en est la meilleure expression.

Pour autant, votre commission ne saurait se contenter des deux seules précisions relatives à l'autorité compétente et aux délais dans lesquels le programme doit être adopté chaque année.

La nature et les modalités de mise en oeuvre du programme départemental d'insertion ne sont en effet définis nulle part. Or, la principale critique adressée aujourd'hui aux programmes départementaux d'insertion est justement leur imprécision : celui-ci reste souvent un ensemble de pétitions de principes ou alors omet de mentionner les actions menées par d'autres acteurs que le département. Les conséquences de cette imprécision sont importantes puisqu'elle empêche la définition d'une base juridique pouvant servir à l'engagement des crédits obligatoires d'insertion.

Votre commission estime donc qu'il est nécessaire, sans entraver de façon excessive la liberté d'action du département, de donner un cadre plus précis à ces programmes. Elle vous propose donc à cet article un amendement tendant à :

- définir le champ du programme départemental d'insertion : celui-ci doit recenser non seulement des besoins mais également de l'offre d'insertion ;

- viser, conformément à l'esprit de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, un public plus large que les seuls bénéficiaires du RMI ;

- préciser la manière dont les différents acteurs locaux peuvent, à travers des conventions laissées à la libre appréciation du président du conseil général, apporter leur concours à sa mise en oeuvre.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 27
(art. L. 263-4 et L. 263-14 du code de l'action sociale et des familles)
Programmes locaux d'insertion

Objet : Cet article transfère au conseil général l'examen des programmes locaux d'insertion et prévoit la possibilité d'en déléguer, par convention, la mise en oeuvre à une commune ou à un groupement de communes.

I - Le dispositif proposé

Le présent article prévoit deux séries de dispositions :

- le paragraphe I modifie l'article L. 263-4 du code de l'action sociale et des familles pour transférer au conseil général l'examen des programmes locaux d'insertion (PLI). La modification prévue de l'article L. 263-14 est de coordination : dans la mesure où l'autorité compétente pour adopter le programme départemental est désormais le conseil général, c'est également à lui qu'il doit revenir d'apprécier la conformité des programmes locaux avec les orientations fixées au niveau départemental ;

- le paragraphe II ouvre la possibilité pour le département de déléguer à des communes ou à leurs groupements la mise en oeuvre de tout ou partie d'un PLI.

II - La position de votre commission

La possibilité de déléguer à un échelon territorial inférieur la mise en oeuvre d'un PLI est dans la logique même du principe constitutionnel selon lequel « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences susceptibles de mieux être mises en oeuvre à leur échelon » .

La question pourrait se poser de la possibilité d'étendre explicitement cette délégation aux CCAS. Votre commission observe toutefois que ceux-ci constituent l'outil à la disposition des communes pour assurer cette mise en oeuvre. Il ne fait nul doute qu'ils seront associés par les communes à la mise en oeuvre de la délégation qui leur serait consentie.

Par ailleurs, la délégation prévue au présent article n'est pas exclusive des conventions que peut passer le département, au titre de l' article L. 263-3 du code de l'action sociale et des familles , pour la mise en oeuvre d'une action précise inscrite au programme départemental d'insertion.

Il reste que la rédaction proposée par le présent article ne tire pas toutes les conséquences du transfert au département de l'examen des PLI. C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose une nouvelle rédaction de cet article, tendant à :

- préciser que le conseil général peut affecter directement des financements aux PLI :  si le conseil départemental d'insertion ne pouvait que proposer d'affecter des moyens à un programme local d'insertion, tel n'est plus en effet le cas du conseil général qui dispose directement des financements ;

- prévoir une véritable approbation par le conseil général des PLI : dans la mesure où l'article 29 du projet de loi prévoit que la compétence des commissions locales d'insertion se limite désormais, en matière de programme local d'insertion, à un simple pouvoir de proposition, il est nécessaire d'en faire adopter le contenu par le conseil général.

Cette nouvelle rédaction conserve la possibilité pour les communes de déléguer la mise en oeuvre d'un programme d'insertion à une commune ou à un groupement, en améliorant la lisibilité du texte proposé par le projet de loi.

Toujours dans un objectif d'amélioration de la lisibilité du projet de loi, les modifications proposées pour l' article L. 263-14 sont renvoyées à un article additionnel, après l'article 32 (cf. ci-après) .

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 28
(art. L. 263-6 à L. 263-8 du code de l'action sociale et des familles)
Modalités d'utilisation des crédits départementaux d'insertion

Objet : Cet article abroge trois articles du code de l'action sociale et des familles qui définissent le régime des crédits départementaux d'insertion.

I - Le dispositif proposé

Le présent article abroge trois articles du code de l'action sociale et des familles prévoyant les modalités d'utilisation des crédits départementaux d'insertion. Il s'agit de :

- l'article L. 263-6 qui ouvre la possibilité pour les départements d'imputer, dans la limite d'un an et d'un cinquième de l'aide versée par l'Etat, une partie de ces crédits au financement d'emplois jeunes : la disparition de ce dispositif rend cet article sans objet ;

- l' article L. 263-7 qui prévoit la conclusion entre l'Etat et le département d'une convention sur les conditions, notamment financières, de mise en oeuvre du programme départemental d'insertion : la fin du copilotage de l'insertion rend également la conclusion de cette convention, sous sa forme actuelle en tout cas, sans objet.

Il convient toutefois de noter que l'abrogation de cet article entraîne également la disparition de la possibilité de passer des conventions complémentaires avec d'autres collectivités locales et organismes pour la mise en oeuvre de ce programme ;

- l' article L. 263-8 qui permet au ministre de l'intérieur et au ministre chargé de l'action sociale et de l'emploi de se substituer au préfet et au président du conseil général s'ils sont dans l'impossibilité de s'accorder sur l'exercice conjoint de leurs compétences en matière de pilotage de l'insertion : la décentralisation et, par conséquent, l'unification, au profit du département des compétences en la matière rendent enfin également cet article sans objet.

Le présent article maintient a contrario en vigueur les articles L. 263-5 et L. 263-9 dudit code.

Le premier fixe le principe d'une inscription obligatoire au budget du département d'un volume de crédits d'insertion calculé en proportion des allocations de RMI servies dans le département : « Pour le financement des actions inscrites au programme départemental d'insertion et des dépenses de structure correspondantes, le département est tenu d'inscrire annuellement, dans un chapitre individualisé de son budget, un crédit au moins égal à 17 % des sommes versées, au cours de l'exercice précédent, par l'Etat dans le département au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion. »

Le second prévoit les moyens de rendre effective cette obligation en prévoyant notamment le report intégral sur l'exercice suivant des crédits non consommés.

II - La position de votre commission

Si la loi fait obligation aux départements d'inscrire à leur budget une somme correspondant à 17 % des allocations versées l'année précédente dans le département afin de les consacrer à l'insertion des bénéficiaires du RMI, la faiblesse du taux de consommation de ces crédits, qui oscille depuis 10 ans autour de 50 %, réduit considérablement la portée de cette obligation.

Cette sous-consommation des crédits d'insertion tient pour une large part à l'insuffisance de l'offre d'insertion, mais également au manque de souplesse des règles permettant d'engager ces crédits. Si la Cour des comptes a pu relever des imputations parfois fantaisistes de dépenses sur ce chapitre budgétaire, la grande majorité des départements les emploient correctement mais voient leur initiative limitée par des interprétations restrictives de la part du préfet ou de l'échelon central.

Il paraît donc nécessaire de donner davantage de marge de manoeuvre au département pour affecter ces crédits aux actions qui lui semblent les plus à même d'améliorer l'insertion.

Au demeurant, la décentralisation concomitante de l'allocation elle-même et du pilotage de l'insertion pose la question du maintien de cette obligation.

La logique de la décentralisation voudrait en effet que, s'appuyant sur une responsabilisation des départements, cette obligation soit supprimée. Le seul fait que l'allocation soit à leur charge devrait conduire les départements à s'engager plus fortement en faveur de l'insertion.

Il reste cependant une crainte forte, exprimée par le monde associatif, d'un recul de l'effort d'insertion et surtout d'un creusement des inégalités entre départements, préjudiciable aux bénéficiaires. Le bouleversement que représente déjà le transfert de la gestion de l'allocation incite donc votre commission à la prudence sur cette question.

Aussi, entre la logique et la prudence, a-t-elle souhaité, dans le cadre de cette réflexion, prendre connaissance sur cet article des amendements proposés par la commission des finances saisie pour avis .

Sous ces réserves, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 29
(art. L. 263-10 du code de l'action sociale et des familles)
Compétences des commissions locales d'insertion

Objet : Cet article adapte les compétences des commissions locales d'insertion à la fin du copilotage de l'insertion et recentre ces commissions sur leur rôle d'animation des acteurs locaux de l'insertion.

I - Le dispositif proposé

Le présent article modifie sur plusieurs points l' article L. 263-10 du code de l'action sociale et des familles relatif aux compétences des commissions locales d'insertion (CLI) :

- il tire d'abord les conséquences du transfert au département du pilotage du dispositif local d'insertion : les propositions des CLI en vue de l'élaboration du programme départemental d'insertion sont adressées au président du conseil général. De même, le nombre et le ressort de ces instances sont désormais fixés par le président du conseil général ;

- il donne au programme local d'insertion élaboré par les CLI la valeur d'une simple proposition, devant être approuvée par le président du conseil général ;

- il supprime la compétence des CLI en matière d'approbation des contrats d'insertion : seul subsiste donc leur pouvoir d'avis sur les décisions de suspension du versement de l'allocation ;

- il confie aux CLI un rôle de proposition pour favoriser ou conforter l'insertion : il s'agit notamment de développer les fonctions de prospective des CLI, en matière d'actions innovantes. C'est dans ce cadre que pourraient être élaborées des mesures en faveur des personnes sortant du RMI vers l'emploi.

II - La position de votre commission

L'abandon progressif par les CLI de leur rôle d'animation et de proposition est sans doute l'un des facteurs explicatif du déficit de l'offre d'insertion : la charge de travail représentée par l'examen des contrats d'insertion a accaparé ces instances qui ont perdu de vue leur rôle le plus important.

Votre commission est en effet persuadée que la faiblesse du taux de contractualisation est largement imputable à une carence de l'offre d'insertion. Elle ne peut donc qu'approuver le recentrage des CLI sur ce rôle de prospective.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 30
(art. L. 263-11 du code de l'action sociale et des familles)
Composition des commissions locales d'insertion

Objet : Cet article précise les conditions dans lesquelles la composition des CLI est arrêtée et ses membres nommés.

I - Le dispositif proposé

Le présent article adopte une nouvelle rédaction pour l' article L. 263-11du code de l'action sociale et des familles tendant à simplifier les règles régissant la composition des CLI et la désignation de leurs membres.

Dans sa rédaction actuelle, l' article L. 263-11 comporte des dispositions très détaillées sur la composition des CLI, dispositions liées au copilotage du dispositif d'insertion par l'Etat et le département. Il précise ainsi le principe de la parité entre les représentants de l'Etat et ceux du département, celui de la désignation conjointe des différents acteurs représentés au sein de la CLI : représentants des communes désignés sur proposition des maires des communes concernées et représentants du système éducatif, d'institutions, d'entreprises, d'organismes ou d'associations intervenant dans le domaine économique et social ou en matière de formation professionnelle.

La fin du copilotage rend ces dispositions sans objet. C'est la raison pour laquelle la rédaction proposée pour cet article se limite désormais à préciser que :

- l'autorité compétente pour arrêter la composition de la CLI est le président du conseil général ;

- ses membres sont désignés par la collectivité ou la personne morale qu'ils représentent ;

- son président est désigné par le président du conseil général.

II - La position de votre commission

L'entière liberté laissée aux présidents de conseils généraux pour déterminer la composition des CLI soulève de nombreuses inquiétudes, tant au sein du monde associatif que parmi les élus municipaux, qui craignent d'être écartés de ces instances en cas de désaccord politique avec le président du conseil général.

Comme elle l'a déjà rappelé, votre commission estime que la décentralisation doit nécessairement s'accompagner d'une certaine souplesse pour le département en matière de choix des acteurs locaux à même de contribuer aux actions d'insertion qu'il envisage.

Elle est persuadée que la réussite de l'insertion exige une mobilisation beaucoup plus large que celle des seuls département et elle ne doute pas que la nécessité de travailler avec les services de l'Etat, les communes et leurs groupements, ainsi qu'avec les associations oeuvrant dans le domaine de la lutte contre l'exclusion soit bien présente à l'esprit des présidents de conseils généraux.

Il reste qu'il a paru nécessaire à votre commission de préciser quelque peu la composition des CLI, afin de souligner la diversité nécessaire de leur composition, de rassurer les associations sur leur rôle indispensable dans la définition de l'offre locale d'insertion et de continuer à associer l'Etat et le service public de l'emploi à ces instances.

C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose une nouvelle rédaction de l' article L. 263-11 . Cette rédaction laisse bien entendu ouverte la possibilité pour le département d'élargir la composition des CLI au-delà de ce socle minimal. On peut notamment penser à l'apport très positif que constituerait par exemple l'engagement des partenaires sociaux et des entreprises au sein de ces instances.

Ainsi la précision apportée par votre commission doit s'entendre comme une reconnaissance de la richesse des partenariats locaux et non comme une volonté d'imposer le pluralisme des commissions.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 31
(art. L. 263-12 du code de l'action sociale et des familles)
Abrogation d'un article devenu sans objet

Objet : Cet article abroge les dispositions relatives à la désignation conjointe des présidents des commissions locales d'insertion par le préfet et le président du conseil général.

I - Le dispositif proposé

L' article L. 263-12 du code de l'action sociale et des familles prévoit les modalités de désignation des présidents de CLI et de fixation de la liste de ses membres. L'ensemble des dispositions relatives à la composition des CLI ayant été regroupées à l' article L. 263-11 , cet article, devenu sans objet, est abrogé.

II - La position de votre commission

Cet article étant de coordination, votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Article 32
(art. L. 262-44 du code de l'action sociale et des familles)
Fonctionnement des commissions locales d'insertion

Objet : Cet article modifie les règles de fonctionnement et d'organisation interne des CLI.

I - Le dispositif proposé

Le présent article tire d'abord les conséquences de la fin du copilotage de l'insertion en matière de règles de fonctionnement interne des CLI. Ainsi, la nouvelle rédaction proposée pour le premier alinéa de l'article L. 262-44 du code de l'action sociale et des familles ne précise plus la composition exacte du bureau de la CLI et se borne à prévoir une simple possibilité de constituer ce bureau.

Il coordonne ensuite la délégation qui peut être consentie au bureau de la CLI en matière de décisions individuelles avec la limitation de son pouvoir d'avis aux seules décisions de suspension du versement de l'allocation.

II - La position de votre commission

Cet article étant de coordination, votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Article additionnel après l'article 32
(art. L. 263-14 du code de l'action sociale et des familles)
Elaboration des programmes locaux d'insertion

Objet : Cet article additionnel, qu'il est proposé d'insérer, précise les modalités d'élaboration des programmes locaux d'insertion.

Le présent article additionnel, que votre commission vous propose d'insérer après l'article 32, est de coordination : il propose une nouvelle rédaction de l'article L. 263-14 du code de l'action sociale et des familles qui reprend et complète les modifications initialement prévues pour cet article par l'article 27 du projet de loi :

- dans la mesure où le programme local d'insertion élaboré par la CLI fait l'objet d'une simple proposition au conseil général, il est nécessaire de supprimer la mention de son adoption par la CLI : la rédaction proposée par le présent article ne mentionne donc plus qu'une simple transmission ;

- les dispositions relatives au financement des programmes locaux d'insertion figurent désormais à l' article L. 263-4 : il n'y a donc plus lieu de les préciser à cet article.

Votre commission vous propose d'insérer par voie d'amendement cet article additionnel.

Article 33
(art. L. 522-1, L. 522-2, L 522-3, L. 522-5, L. 522-6, L. 522-9, L. 522-11, L. 522-12, L. 522-13 et L. 522-17 du code de l'action sociale et des familles)
Décentralisation du RMI dans les DOM

Objet : Cet article, qui modifie dix articles du code de l'action sociale et des familles, adapte les règles particulières relatives au RMI à la décentralisation de l'allocation et du pilotage de l'insertion.

I - Le dispositif proposé

Le présent article adapte au cas particulier des départements d'outre-mer les nouvelles règles applicables à la gestion de l'allocation et au pilotage de l'insertion consécutives à la décentralisation du RMI.

Le paragraphe I modifie sur deux points l' article L. 522-1 du code de l'action sociale et des familles :

- dans la mesure où l'alignement du montant du RMI dans les DOM sur le montant applicable en métropole s'est achevé au 1 er janvier 2002, la participation de l'Etat, au titre de la créance de proratisation, à l'effort de construction de logements sociaux pour les bénéficiaires du RMI est supprimée : par conséquent, il n'y plus lieu de fixer les règles concernant la participation complémentaire des agences à cet effort ;

- les compétences en matière de décisions individuelles relatives à l'allocation sont transférées non pas aux présidents de conseils généraux mais aux agences départementales d'insertion (ADI).

Le paragraphe II supprime les commissaires du Gouvernement placés auprès des agences départementales d'insertion prévus à l' article L. 522-2 et transfère au président du conseil général, président de droit du conseil d'administration de l'agence, le rôle d'ordonnateur des dépenses et des recettes de l'agence, aujourd'hui dévolu aux directeurs.

Le paragraphe III (article L. 522-3) modifie la composition du conseil d'administration de l'agence : si les acteurs représentés en son sein - services de l'Etat, département, région, communes et groupements, personnalités qualifiées choisies au sein d'organismes oeuvrant dans le domaine de l'insertion sociale et professionnelle, représentant du personnel avec voix consultative - sont inchangés, leur poids respectif et les modalités de leur nomination sont adaptés au contexte de la décentralisation :

- les représentants du département doivent constituer la majorité des membres du conseil d'administration ;

- le président du conseil général fixe la composition exacte du conseil ;

- les différents membres sont désignés par la collectivité ou la personne morale qu'ils représentent.

Le paragraphe IV (article L. 522-5) met fin à la compétence conjointe de nomination des directeurs d'agence détenue par les ministres chargés des affaires sociales et de l'outre-mer : ils sont désormais nommés directement par les présidents de conseils généraux. Les directeurs perdent par ailleurs leur compétence d'ordonnateur au profit du président du conseil d'administration.

Le paragraphe V , qui adopte une nouvelle rédaction pour le deuxième alinéa de l' article L. 522-6 , modifie la composition du conseil d'orientation de l'agence :

- tirant les conséquences de la suppression des CLI dans les départements d'outre-mer, il ne prévoit plus la présence de leurs présidents au sein du conseil ;

- il met fin à la désignation conjointe des représentants des organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés par le préfet et le président du conseil général : ceux-ci sont désormais désignés par le seul président du conseil général ;

- il complète la composition du conseil d'orientation, en prévoyant la représentation en son sein des organismes de formation professionnelle.

Le paragraphe VI (article L. 522-9) tire les conséquences du rattrapage du montant du RMI dans les DOM et de l'extinction de la créance de proratisation, en supprimant la contribution de l'Etat aux actions d'insertion.

Le paragraphe VII (article L. 522-11) constitue l'application, dans les DOM, de la décentralisation de la gestion de l'allocation : c'est désormais le président du conseil général qui est compétent pour agréer les organismes instructeurs des demandes d'allocation. Par coordination, il est précisé que l'instruction du dossier est effectuée pour le compte du département et non plus de l'Etat.

Le paragraphe VIII abroge l' article L. 522-12 : cet article prévoyait l'obligation pour l'organisme instructeur d'informer le demandeur des droits et obligations liés au RMI, et notamment du caractère obligatoire de la démarche d'insertion, des conditions de suspension de l'allocation, ainsi que des sanctions pénales encourues en cas de fraude. Dans la mesure où l'article 6 du présent projet de loi étend cette obligation d'information à la métropole, il n'y a plus lieu de maintenir cette disposition particulière.

Le paragraphe IX (article L. 522-13) est de coordination : il tire les conséquences de la suppression du cas de suspension de l'allocation prévu à l' article L. 262-20 et il transfère au président du conseil général les décisions de suspension de l'allocation et de radiation du droit à l'allocation.

Le paragraphe X (article L. 522-17) est également de coordination : dans la mesure où la créance de proratisation des DOM s'est éteinte le 1 er janvier 2002, il n'y a plus lieu de prévoir par décret les modalités de son calcul et de son affectation.

II - La position de votre commission

Votre commission s'est interrogée sur les raisons d'un transfert aux agences et non au département des décisions individuelles relatives à l'allocation.

L'unification du pilotage de l'insertion en faveur des agences semble cohérente eu égard aux particularités du dispositif d'insertion dans les départements d'outre-mer et notamment à la possibilité ouverte aux agences d'employer directement, pour des tâches d'utilité sociale, des bénéficiaires du RMI dans le cadre d'un contrat particulier, le contrat d'insertion par l'activité. Mais, s'agissant du transfert de l'allocation elle-même, cette exception apparaît moins lisible.

Du reste, le projet de loi ne tire pas toutes les conséquences de cette particularité ultramarine, notamment en ce qui concerne le financement de l'allocation.

Il n'est en effet pas prévu de déroger, en matière de financement, à la compétence du département. La ressource fiscale prévue pour compenser le transfert de charges liées au financement de l'allocation revient donc au département. Il serait d'ailleurs difficile de prévoir l'attribution d'une ressource fiscale directement à un établissement public départemental.

Dans le cadre d'un pouvoir de l'agence en matière de décisions individuelles relatives à l'allocation, le département se verrait donc contraint de financer des allocations, dont l'attribution lui échappe.

Dans le contexte d'un examen concomitant du projet de loi de programme pour l'outre-mer (projet de loi n° 214 (2002-2003) adopté par le Sénat le 22 mai 2003) , votre commission n'a pas souhaité aller plus avant dans la définition du régime spécifique des départements d'outre-mer, estimant qu'il revenait sans doute à ce texte d'apporter, en cours de navette, les adaptations nécessaires. Elle souhaite cependant attirer l'attention du Gouvernement sur ce chevauchement du calendrier qui n'aide pas à la clarification de notre législation.

Sous ces réserves, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 34
(art. L. 531-5-1 du code de l'action sociale et des familles)
Décentralisation du RMI à Saint-Pierre-et-Miquelon

Objet : Cet article adapte les règles relatives aux crédits départementaux d'insertion, au conseil départemental d'insertion et aux commissions locales d'insertion, ainsi que celles relatives à l'adoption du programme départemental d'insertion, aux particularités institutionnelles de Saint-Pierre-et-Miquelon.

I - Le dispositif proposé

Le présent article supprime, en son paragraphe I , la dérogation en vertu de laquelle, compte tenu du maintien à Saint-Pierre-et-Miquelon des règles antérieures à la CMU en matière d'aide médicale, le montant des crédits obligatoires d'insertion restait fixé à 20 % des sommes versées l'année précédente par l'Etat au titre de l'allocation dans la collectivité territoriale.

Par conséquent, le montant de ces crédits d'insertion relève désormais du droit commun et est donc égal à 17 % des sommes versées au titre de l'allocation.

Le paragraphe II introduit un nouvel article L. 531-5-1 dans le code de l'action sociale et des familles qui prévoit la création d'une commission territoriale d'insertion qui se substitue à la fois au conseil départemental d'insertion et aux commissions locales d'insertion et assure l'ensemble de leurs missions. Sa composition est sensiblement identique à celle des conseils départementaux d'insertion en métropole et la désignation de ses membres s'effectue également de façon semblable.

Le rôle du bureau de la commission locale d'insertion, prévu à l' article L. 263-13 , est rempli par un comité technique. La rédaction de l'article soulève toutefois une ambiguïté, puisqu'il est fait référence à un examen des contrats d'insertion en général, alors que celui-ci est supprimé en métropole et que seul subsiste l'avis sur les décisions de suspension de l'allocation.

Par dérogation aux règles applicables en métropole, le programme territorial d'insertion , qui remplace le programme départemental d'insertion, est élaboré et adopté par la commission territoriale. Là encore, la rédaction de l'article est ambiguë : en effet, tout en confiant cette compétence à la commission territoriale d'insertion, l'article renvoie aux règles de droit commun pour les conditions d'élaboration et d'adoption du programme. Or, l' article L. 263-3, auquel il est fait référence, prévoit l'adoption par le conseil général.

II - La position de votre commission

Depuis 1988, les règles relatives au RMI s'appliquent à Saint-Pierre-et-Miquelon dans les mêmes conditions qu'en métropole. Mais l'architecture des instances intervenant dans le dispositif d'insertion est rapidement apparue inadaptée à la taille et à la configuration de l'archipel, ainsi qu'au petit nombre de bénéficiaires du RMI. La collectivité territoriale a décidé de regrouper le conseil départemental d'insertion et les commissions locales d'insertion en une seule commission, exerçant l'ensemble des responsabilités de ces deux instances.

Si l'expérience a été fructueuse, permettant un taux de contractualisation proche de 100 %, elle fonctionne aujourd'hui sans base juridique. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prend aujourd'hui acte de cette expérience locale.

Compte tenu de la situation très particulière de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon et de ses réussites en matière d'insertion, votre commission estime, elle aussi, qu'il est inutile d'en modifier une fois de plus le fonctionnement. Elle vous propose simplement d'adopter à cet article un amendement visant à rectifier une erreur matérielle.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

TITRE II
-
CRÉATION DU REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ

Article 35
(art. L. 322-4-15 à L. 322-4-15-9 nouveaux du code du travail)
Création du contrat insertion-revenu minimum d'activité

Objet : Cet article tend à introduire de nouvelles dispositions dans le code du travail afin de créer un nouveau contrat de travail spécifique, dénommé « contrat insertion-revenu minimum d'activité » et réservé aux bénéficiaires de l'allocation de RMI rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, et d'en préciser les modalités d'application.

Le présent article vise à modifier le code du travail pour instituer un nouveau contrat de travail : le « contrat insertion-revenu minimum d'activité » (CIRMA). Pour ce faire, il rétablit l'article L. 322-4-15 dans une nouvelle rédaction 36 ( * ) et introduit neuf nouveaux articles (articles L. 322-4-15-1 à L. 322-4-15-9) .

Il constitue le coeur du titre II du projet de loi, en définissant le régime de ce nouveau contrat d'insertion : publics visés, employeurs concernés, caractéristiques du contrat, actions d'insertion, nature des aides, rôle du département, gestion du dispositif.

Article L. 322-4-15 du code du travail
Institution du CIRMA

I - Le dispositif proposé

Cet article, de portée générale, institue un nouveau contrat d'insertion - le CIRMA - et en précise les objectifs.

Il précise tout d'abord la nature juridique du contrat d'insertion ainsi institué : il s'agit d'un contrat de travail « atypique », dont le régime spécifique est déterminé par les articles L. 322-4-15-1 à L. 322-4-15-9 nouveaux du code du travail.

A l'instar des autres dispositifs d'aide à l'emploi 37 ( * ) , il fixe également l'objet du nouveau contrat et, par conséquent, le public visé : faciliter l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires de l'allocation de RMI rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi. L'article L. 322-4-15-3 détermine plus précisément le champ des bénéficiaires, mais le présent article L. 322-4-15 apporte déjà une importante précision en retenant le terme de « bénéficiaire de l'allocation de RMI » : peuvent ainsi conclure un CIRMA non seulement l'allocataire du RMI, mais aussi l'ensemble des personnes du foyer susceptibles de conclure un contrat d'insertion.

II - La position de votre commission

A ce stade, votre commission se bornera à trois observations.

Elle se félicite tout d'abord que ce nouveau dispositif d'insertion prenne la forme d'un contrat de travail.

Il importait, en effet, de tirer les leçons de l'échec des dispositifs d'insertion mis en place dans les années 1980. Qu'il s'agisse du stage d'insertion à la vie professionnelle (SIVP) créé en 1983 ou de la formule des travaux d'utilité collective (TUC) mis en oeuvre en 1984 en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes, ou des programmes d'insertion locale (PIL) créés en 1987 pour l'insertion des chômeurs de longue durée, ces dispositifs n'ont pas eu l'efficacité escomptée, notamment du fait de l'absence de contrat de travail qui introduisait un biais souvent insurmontable dans les conditions de retour à l'emploi.

Cette exigence d'un contrat de travail, outre les garanties qui lui sont attachées, apparaît ici particulièrement nécessaire compte tenu du public visé. Il apporte, en effet, une reconnaissance « statutaire » d'autant plus indispensable que de nombreux bénéficiaires du RMI sont d'anciens salariés.

Votre commission prend également acte du fait que la mesure vise exclusivement les bénéficiaires du RMI et non ceux d'autres minima sociaux.

Elle s'écarte alors d'autres dispositifs de retour à l'emploi, comme les mécanismes d'intéressement, qui visent non seulement les bénéficiaires du RMI, mais aussi ceux de l' allocation de solidarité spécifique , ceux de l'allocation d'insertion, ceux de l' allocation d'assurance veuvage ou ceux de l' allocation de parent isolé .

Or, au 31 décembre 2001 38 ( * ) , le nombre total des allocataires de ces cinq minima sociaux s'élevait à 1.546.000 personnes, le RMI n'en couvrant, pour sa part, que 940.000. Ce sont donc plus de 600.000 allocataires d'autres minima sociaux qui ne pourront bénéficier de la mesure alors même qu'ils rencontrent également des difficultés pour revenir sur le marché du travail.

Certes votre commission comprend volontiers que le caractère innovant du dispositif et ses spécificités (il s'inscrit dans le processus de décentralisation du RMI et confie un rôle majeur aux départements pour sa gestion alors que ceux-ci n'ont aucune compétence s'agissant des autres minima sociaux) rendaient difficile, au moins dans un premier temps, son extension à l'ensemble des allocataires des minima sociaux.

Certes, votre commission observe que les allocataires des autres minima sociaux sont toujours considérés comme des publics prioritaires de la politique de l'emploi et bénéficient, à ce titre, des autres dispositifs d'insertion (contrats aidés comme le contrat initiative-emploi (CIE), le contrat emploi-solidarité (CIE) ou le contrat emploi consolidé (CEC) et mécanismes d'intéressement).

Il reste que votre commission juge indispensable, au vu d'une première évaluation de l'efficacité du dispositif et de ses possibilités d'élargissement, d'envisager l'extension du CIRMA aux allocataires de ces autres minima sociaux.

Votre commission souhaite enfin insister sur la spécificité du nouveau contrat qui exige à l'évidence de préciser son articulation avec les autres contrats aidés favorisant le retour à l'emploi et surtout avec le parcours d'insertion plus global de son bénéficiaire.

Le CIRMA, de par son objet (faciliter l'insertion des personnes bénéficiaires de l'allocation de RMI rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi) et ses caractéristiques (articulation d'une prestation de solidarité et d'un revenu du travail, importance du volet accompagnement, inscription dans une démarche progressive de retour à l'emploi...), ne doit pas s'assimiler aux autres contrats aidés (CES, CIE). Il s'agit, au contraire, d'un outil supplémentaire, destiné aux publics les plus éloignés de l'emploi, dans la palette des instruments d'insertion professionnelle. Il importe donc de le replacer dans le cadre plus global du parcours d'insertion déterminé par le contrat d'insertion conclu par le bénéficiaire à son entrée au RMI.

Votre commission observe à cet égard que les populations visées par le dispositif rencontrent des difficultés d'insertion professionnelle, mais aussi sociales. Dès lors, l'insertion professionnelle, seule forme d'insertion que peut valablement favoriser le CIRMA, ne peut constituer à elle seule la solution, quand bien même elle serait conjuguée à un accompagnement renforcé. Elle doit s'articuler avec les autres volets de son parcours d'insertion.

Aussi votre commission vous propose-t-elle deux amendements sur ce point : l'un précise que le CIRMA n'a pour vocation que de favoriser l'insertion professionnelle du bénéficiaire, l'autre prévoit que le CIRMA s'inscrit dans le cadre du parcours d'insertion défini entre le département et le bénéficiaire lors de la conclusion de son contrat d'insertion.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article L. 322-4-15-1 nouveau du code du travail
Employeurs concernés et convention
entre l'employeur et le département

I - Le dispositif proposé

Cet article détermine le champ des employeurs pouvant conclure un CIRMA et leur impose l'obligation préalable de conclure une convention avec le département.

Champ des employeurs concernés

La possibilité de conclure un CIRMA est ouverte aux employeurs des secteurs marchand et non marchand.

Ce principe de large ouverture est cependant accompagné de certaines exceptions dans chacun de ces deux secteurs et de certaines conditions applicables aux employeurs de ces deux secteurs.

S'agissant du secteur non marchand (1°), le présent article énumère les employeurs concernés : collectivités territoriales et leurs établissements publics, autres personnes morales de droit public, à l'exception des établissements publics à caractère industriel et commercial, personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public, organismes de droit privé à but lucratif.

Il est toutefois expressément prévu que des CIRMA ne peuvent être conclu pour des emplois dans les services de l'Etat, des départements et, dans les départements d'outre-mer, des agences d'insertion. Une telle exclusion apparaît au demeurant fort logique dans la mesure où l'Etat n'a pas à bénéficier de contrats aidés - a fortiori par le département - et où les départements et les agences d'insertion ne peuvent être à la fois gestionnaires et utilisateurs du dispositif.

Ainsi défini, et à la notable exception du département et des agences d'insertion, le champ des employeurs non marchands est alors identique à celui des employeurs de salariés en CES ou en CEC.

Il est également prévu que l'embauche de salariés en CIRMA doit avoir pour objet le « développement d'activités répondant à des besoins non satisfaits » . Cette exigence constitue une condition habituelle pour les contrats aidés dans le secteur non marchand - elle est ainsi déjà prévue pour les CES - afin de prévenir une éventuelle concurrence avec le secteur marchand. En l'espèce, compte tenu du public visé, il s'agirait avant tout d'une concurrence avec les entreprises d'insertion.

S'agissant du secteur marchand (2°), le champ est particulièrement ouvert puisqu'il est défini a contrario . Tous les employeurs sont donc concernés à ce titre, exception faite, bien entendu, des employeurs du secteur non marchand déjà visés au 1°.

Il n'est prévu qu'une seule exception : celle des particuliers employeurs. Ceux-ci bénéficient, en effet, de mesures spécifiques d'allégement du coût du travail, d'ordre fiscal notamment, et ne sont guère à même d'accompagner efficacement le salarié dans son parcours d'insertion.

Cet article pose, en outre, trois conditions à l'embauche d'un salarié en CIRMA, conditions applicables aussi bien aux employeurs du secteur marchand qu'à ceux du secteur non marchand.

Ces conditions, qui visent à prévenir d'éventuels effets d'aubaine ou de substitution et à assurer la « moralité » du dispositif, sont d'ailleurs celles traditionnellement posées pour le bénéfice des contrats aidés dans le secteur marchand.

Les deux premières conditions sont relatives à la situation de l'employeur au regard de l'emploi : il ne doit avoir procédé à aucun licenciement pour motif économique dans les six mois précédant l'embauche du salarié et celle-ci ne peut résulter du licenciement (pour motif personnel donc) d'un salarié en contrat à durée indéterminée.

La dernière condition est relative à sa situation vis-à-vis des organismes sociaux : il doit être à jour de ses cotisations et contributions sociales.

Convention entre le département et l'employeur

A l'instar de la plupart des autres contrats aidés (CIE, CES, emplois-jeunes...), le dispositif repose sur la conclusion d'une convention préalable entre l'autorité publique qui pilote le dispositif (en l'espèce le département) et l'employeur.

Cette convention, dont le contenu est précisé à l'article L. 322-4-15-2, fixe les engagements réciproques du département et de l'employeur pour l'insertion du bénéficiaire du contrat.

Compte tenu de l'importance du volet insertion du contrat et de sa nécessaire adaptation aux capacités et aux besoins de la personne, cette convention sera nécessairement individualisée : il y aura ainsi une convention par contrat.

II - La position de votre commission

S'agissant du champ des employeurs concernés , votre commission se félicite que le projet de loi ouvre le dispositif au secteur marchand, comme elle avait pu le proposer, en 1998, avec la convention de revenu minimum d'activité et, en 2001, avec la proposition de loi portant création d'un revenu minimum d'activité .

L'ouverture du dispositif au secteur marchand permet d'élargir les opportunités d'insertion professionnelle dans le secteur ordinaire, qui reste l'objectif final du parcours d'insertion. La diversification de l'offre d'insertion permettra en outre de tenir compte de l'orientation choisie lors de l'élaboration du contrat d'insertion et des possibilités d'offre d'insertion existantes au niveau local.

S'agissant de la convention entre le département et l'employeur , votre commission y voit un instrument indispensable à la maîtrise du dispositif et à la réussite des parcours d'insertion. Elle permettra d'abord au département de définir, avec l'employeur, le contenu des emplois et des actions d'insertion qui seront proposés. Elle lui permettra surtout de s'assurer des capacités de l'employeur à garantir un accueil adapté au parcours d'insertion défini dans le contrat d'insertion et à accompagner le bénéficiaire dans la construction de son projet professionnel.

Dans ces conditions, votre commission se bornera ici à proposer quelques amendements de précision. Il lui a paru notamment souhaitable que l'embauche d'un salarié dans ce cadre soit subordonnée à une condition d'affiliation de l'employeur à l'assurance chômage, ce qui constitue une protection importante en cas d'échec éventuel de la démarche d'insertion.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article L. 322-4-15-2 nouveau du code du travail
Contenu, mise en oeuvre et durée de la convention
entre le département et l'employeur

I - Le dispositif proposé

Cet article détermine le contenu de la convention entre le département et l'employeur, en fixe les modalités d'exécution et en précise la durée maximale.

Il fixe d'abord le contenu de la convention.

Elle doit ainsi comporter des dispositions relatives :

- aux objectifs d'insertion professionnelle du bénéficiaire ;

- aux modalités de son orientation professionnelle ;

- aux actions de tutorat, de suivi individualisé, d'accompagnement et de formation.

La convention a donc une double fonction. D'une part, elle formalise le projet d'insertion professionnelle du bénéficiaire. D'autre part, elle détermine les actions d'insertion qui vont être nécessaires à sa réalisation. De la sorte, la convention précise les engagements réciproques du département et de l'employeur pour l'insertion professionnelle du bénéficiaire.

Il détermine ensuite les modalités d'exécution de la convention , en confiant la mise en oeuvre de la convention à l'employeur.

Il précise également la durée maximale de la convention qui est de 18 mois.

Il renvoie enfin à un décret le soin de préciser le contenu de la convention et sa durée.

II - La position de votre commission

Votre commission tient ici à insister sur le rôle central qui revient à la convention dans le dispositif.

En déterminant et en formalisant les engagements réciproques du département et de l'employeur pour l'insertion du bénéficiaire, elle conditionnera largement la réussite du parcours d'insertion.

Au regard de ces enjeux, il n'est pas évident que la rédaction retenue par le présent article soit pleinement satisfaisante.

A cet égard, votre commission craint que cette convention ne devienne vite une simple formalité administrative et non plus l'occasion d'une définition commune et approfondie du projet professionnel à élaborer et des actions à mettre en oeuvre pour le réaliser.

Il est vrai que les précisions données par l'étude d'impact 39 ( * ) sur ce point ne sont pas sans soulever quelque inquiétude. Celle-ci semble en effet faire de la convention un simple document « attestant des renseignements portant sur la nature du poste et des activités exercées, les conditions d'accueil, d'accompagnement, d'encadrement et de formation ».

Aussi votre commission a-t-elle souhaité, par amendement, préciser le contenu de la convention afin de garantir l'effectivité des actions d'insertion professionnelle qu'elle prévoit et qui devront être réalisées dans le cadre du CIRMA.

Cet amendent tend d'abord à préciser que ces actions d'insertion se fondent sur un réel projet d'insertion professionnelle du salarié dans le cadre plus global de son parcours d'insertion. Ce projet doit lui permettre de préparer son retour durable à l'emploi dans les conditions ordinaires du marché du travail.

Il étend également le champ de ces actions d'insertion aux actions de validation des acquis de l'expérience. A cet égard, il convient de rappeler que les possibilités pour le bénéficiaire d'accéder directement à la formation professionnelle - et donc à une qualification - semblent relativement réduites, au moins dans un premier temps, compte tenu de ses difficultés. En revanche, une validation des acquis de l'expérience, quand bien même elle resterait limitée, lui permettrait de valoriser son expérience antérieure qui ne serait plus alors simplement assimilée à un échec.

Il précise la nature de l'accompagnement dont bénéficie le salarié : il s'agit d'un accompagnement dans l'emploi et non d'un accompagnement social au sens large que ne peut assumer l'employeur.

Il détermine enfin les conditions de mise en oeuvre de ces actions. Dans la rédaction actuelle du présent article, toutes ces actions semblent relever de la responsabilité de l'employeur. Or, autant celui-ci apparaît naturellement compétent pour organiser le tutorat ou la formation du salarié, autant il ne peut assurer seul la mise en oeuvre de l'orientation professionnelle, de l'accompagnement dans l'emploi et du suivi individualisé. Ces actions relèvent en effet plutôt de la responsabilité de structures spécialisées et notamment du service public de l'emploi, quand bien même il pourrait être parfois assuré directement par certains employeurs comme les structures d'insertion par l'activité économique.

Votre commission a également souhaité, par amendement , préciser les conditions de suivi et de contrôle de l'exécution de la convention.

S'il appartiendra, bien évidemment, au département d'assurer en pratique le suivi et le contrôle de l'exécution de la convention, il lui a semblé nécessaire de renvoyer au décret le soin de fixer un socle de règles minimales garantissant une possibilité pour le département de s'assurer des conditions d'exécution de la convention tout au long de sa mise en oeuvre, et pas seulement au moment de son renouvellement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article L. 322-4-15-3 nouveau du code du travail
Bénéficiaires du CIRMA

I - Le dispositif proposé

Le nouveau dispositif n'a pas vocation à concerner l'ensemble des bénéficiaires du RMI.

L'étude d'impact précise d'ailleurs que « le public cible pour le RMA représente (...) environ 50 % des allocataires du RMI (500.000) ».

De fait, le dispositif ne s'adresse ni aux personnes fortement désocialisées et très éloignées de l'emploi qui relèvent alors prioritairement de l'insertion sociale, ni aux personnes relativement proches de l'emploi qui n'ont pas forcément besoin d'un accompagnement très renforcé et qui relèvent alors soit des autres contrats aidés (CES, CIE), soit de l'emploi ordinaire.

Compte tenu du ciblage de la mesure, le présent article vise à fixer les règles juridiques autorisant une personne à conclure un CIRMA.

Il réserve ainsi le bénéfice de la mesure, conformément aux dispositions plus larges du nouvel article L. 322-4-15 du code du travail, aux « personnes remplissant les conditions pour conclure un contrat d'insertion défini à l'article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles », soit l'allocataire du RMI et les personnes de son foyer prises en compte pour la détermination du montant de l'allocation qui satisfont à une condition d'âge appréciée par les CLI .

Dès lors, dans la mesure où le dispositif inclut au-delà de l'allocataire les autres membres du foyer, la cible potentielle dépasse largement le chiffre de 1 million d'allocataires, même si 56 % des allocataires du RMI sont des personnes vivant seules.

Mais, afin d'apprécier les difficultés particulières d'accès à l'emploi, le présent article introduit un critère d'ancienneté minimale dans le dispositif RMI. Ce critère, qui sera déterminé par décret, est destiné à empêcher d'éventuels effets d'appel ou de substitution. Le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé que le CIRMA ne concernerait que les « bénéficiaires du RMI depuis au moins deux ans durant les trois dernières années » , comme l'indique d'ailleurs l'étude d'impact.

Au 31 décembre 2002, 59 % des allocataires du RMI en métropole - soit 550.000 personnes - avaient droit au RMI depuis au moins deux ans.

Il appartiendra toutefois au département, sur la base d'un diagnostic individualisé, d'apprécier la réalité des difficultés d'accès à l'emploi justifiant du bénéfice de la mesure.

II - La position de votre commission

Votre commission s'interroge sur le critère d'ancienneté retenu par le Gouvernement et sa pertinence à apprécier au plus près les bénéficiaires du RMI rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi.

Elle comprend volontiers que ce critère d'ancienneté vise à prévenir d'éventuels effets d'aubaine. La mesure doit effectivement être réservée aux personnes les plus en difficulté.

Il reste que cette condition peut apparaître restrictive.

Le versement du RMI peut en effet intervenir après plusieurs années de chômage, ramenant de la sorte la période minimale d'éloignement de l'emploi prévue par le présent article à 3, 4, voire 5 ans.

Il semble aussi nécessaire d'éviter que certaines personnes n'entrent dans une spirale d'exclusion accélérée et s'éloignent très rapidement de l'emploi.

Il semble surtout que la distinction posée par l'exposé des motifs du présent projet de loi entre les personnes à qui s'adresse le dispositif et celles « qui ne sont ni en très grande difficulté, et pour lesquelles une insertion sociale est prioritaire, ni proches du marché du travail auquel elles accèdent directement via l'ANPE », ne recouvre en pratique qu'assez imparfaitement la diversité des situations et ne puisse en tout cas se réduire à un simple critère d'ancienneté.

Votre commission rappelle en outre que les autres dispositifs de la politique de l'emploi destinés aux publics prioritaires s'adressent aux bénéficiaires de minima sociaux sans la moindre condition d'ancienneté. On peut alors craindre qu'un critère trop strict n'introduise une faille dans la complémentarité des dispositifs d'insertion.

Dans ces conditions, elle croit nécessaire de ramener cette condition d'ancienneté de 2 ans à 1 an, condition qui semble à la fois suffisante pour prévenir tout effet d'aubaine et nécessaire pour permettre au dispositif de répondre pleinement à sa vocation.

Compte tenu de la spécificité du dispositif, une telle précision semble devoir figurer dans la loi. Elle vous proposera donc un amendement visant à ouvrir le bénéfice de ce dispositif aux personnes ayant bénéficié du RMI pendant un an au cours des 18 derniers mois.

Il appartiendra ensuite aux départements de piloter le dispositif en fonction des situations individuelles, mais aussi des spécificités départementales de la population relevant du RMI et de son évolution. Rien ne les empêchera par exemple de moduler leur aide selon l'ancienneté dans le dispositif, l'aide pouvant alors être maximisée pour les allocataires qui le sont depuis le plus longtemps.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article L. 322-4-15-4 nouveau du code du travail
Régime du CIRMA

I - Le dispositif proposé

Cet article détermine la nature, les conditions de renouvellement et la durée du CIRMA. Il précise en outre la durée du travail hebdomadaire des salariés embauchés dans ce cadre et la durée de leur période d'essai.

Nature du CIRMA

Le CIRMA est un contrat de travail :

- à durée déterminée,

- à temps partiel.

En cela, il relève donc des règles régissant le contrat de travail à durée déterminée ( articles L. 122-1 et suivants du code du travail ) et le travail à temps partiel ( articles L. 212-4-2 et suivants dudit code ), sauf dispositions contraires fixées par la présente loi.

Mais il reste cependant un contrat de travail « atypique », son caractère de contrat aidé se traduisant par un régime dérogatoire au droit commun.

Ainsi, le présent article prévoit que le CIRMA contient, outre les clauses figurant habituellement au contrat de travail, les modalités de mise en oeuvre des actions d'insertion définies dans la convention entre le département et l'employeur.

Durée et conditions de renouvellement du CIRMA

L'article L. 122-1-2 précise les règles générales en matière de durée et de renouvellement d'un contrat à durée déterminée (CDD) :

- un CDD ne peut être renouvelé qu'une fois ;

- la durée maximale du CDD, renouvellement compris, ne peut excéder 18 mois.

Le CIRMA déroge sur ce point au droit commun : si sa durée maximale, renouvellement compris, est bien de 18 mois, il peut en revanche être renouvelé deux fois. Il en ressort que le CIRMA devrait prendre prioritairement la forme d'un contrat de 6 mois, le cas échéant renouvelable deux fois.

Le renouvellement du CIRMA reste toutefois logiquement subordonné au renouvellement de la convention entre le département et l'employeur.

Ce renouvellement de la convention est l'occasion, pour le département, d'examiner les conditions de sa mise en oeuvre et donc d'apprécier l'opportunité de poursuivre l'expérience du CIRMA, compte tenu d'une « évaluation des compétences professionnelles du salarié et de sa participation à l'activité de l'établissement ». Une telle évaluation pourrait en pratique être réalisée par l'ANPE ou par un organisme agréé à ce titre.

La décision du département de renouveler ou non la convention doit alors être notifiée à l'employeur et au salarié.

Durée du travail

La principale spécificité du CIRMA par rapport aux autres contrats aidés 40 ( * ) , est de définir strictement la durée du travail : elle est de 20 heures par semaine.

Période d'essai

L'article L. 122-3-2 du code du travail fixe une limite maximale à la période d'essai pour les CDD : elle est, sauf usages ou dispositions conventionnelles prévoyant une durée moindre, de 15 jours pour un CDD de 6 mois au moins.

Pour le CIRMA, le présent article s'écarte quelque peu du droit commun en ce domaine : il pose le principe d'une durée de 15 jours, mais autorise le contrat de travail ou la convention collective à fixer une durée moindre sans prévoir par ailleurs de plancher.

II - La position de votre commission

Votre commission considère que le régime du CIRMA doit répondre à un double impératif :

- il doit présenter toutes les garanties de protection nécessaires pour des salariés particulièrement fragiles ;

- il doit parallèlement offrir suffisamment de souplesse afin qu'il puisse s'adapter au mieux à la diversité des situations des personnes auxquelles il s'adresse.

Au regard de cette double exigence, votre commission n'est pas convaincue que la rédaction ici proposée soit véritablement optimale. Elle vous propose alors d'adopter plusieurs amendements .

S'agissant des conditions de renouvellement du CIRMA et de la convention

S'il est souhaitable de n'autoriser le renouvellement de la convention entre le département et l'employeur qu'à l'issue d'une évaluation des conditions de mise en oeuvre du parcours d'insertion, la rédaction proposée ne semble pas ici satisfaisante.

La notion de « compétence professionnelle » apparaît en effet trop restreinte - l'évaluation d'un parcours d'insertion ne peut se contenter de prendre en compte les compétences professionnelles de la personne qui ne sont qu'un élément parmi d'autres d'appréciation de sa progression - tandis que celle de « participation à l'activité de l'établissement » est trop floue.

L'évaluation qui doit permettre, le cas échéant, de modifier le projet professionnel et les actions définis par la convention, voire de mettre fin à celle-ci pour un dispositif plus adapté à la situation de la personne, doit porter plus généralement sur les conditions de mise en oeuvre des actions d'insertion. Il s'agit donc ici de faire un bilan intermédiaire du parcours d'insertion et de ses perspectives.

S'agissant de la durée hebdomadaire de travail

Même si on conçoit que le RMA ne puisse être un contrat à temps plein compte tenu des difficultés rencontrées par ses bénéficiaires, fixer la durée hebdomadaire de travail à 20 heures apparaît particulièrement restrictif.

Il est préférable d'adapter la durée du travail aux capacités de la personne et à son projet d'insertion professionnelle sur la base du diagnostic préalable.

L'accompagnement du salarié (tutorat, formation, suivi...) se fera largement pendant le temps de travail. Or, les besoins en la matière seront probablement importants. Dès lors, en limitant la durée du travail à 20 heures, le contrat risque de ne pas être très opératoire pour l'employeur

En outre, autoriser une durée du travail supérieure à 20 heures permettrait de majorer la rémunération du salarié sans entraîner pour autant une dépense publique supplémentaire (à l'exclusion de l'éventuelle exonération de charges) dans la mesure où l'aide du département est forfaitaire. Une hausse de la durée du travail n'a donc un coût que pour l'employeur.

Dans ces conditions, la durée de 20 heures doit plus constituer un plancher qu'une norme intangible.

A l'inverse, il n'est pas exclu que, dans certains cas, les difficultés particulières rencontrées par la personne ne lui permettent pas de travailler, au moins au départ, 20 heures par semaine.

Aussi, dans un souci de souplesse, il semble nécessaire d'ouvrir une possibilité de déroger pour une durée inférieure.

Une telle dérogation devra être prévue par la convention entre le département et l'employeur sur la base d'un diagnostic individualisé des capacités de la personne.

Il reste que de telles dérogations devront être exceptionnelles : la durée minimale du travail ne pourrait être valablement inférieure à 14 ou 15 heures sous peine de fragiliser l'insertion professionnelle du bénéficiaire et d'annuler toute attractivité financière. Il appartiendra à un décret de fixer un tel plancher

Sur la période de préavis

Il ne semble pas non plus souhaitable de pouvoir limiter, par une clause du CIRMA, la durée de la période d'essai à moins de 15 jours, compte tenu du type de public visé par le contrat.

On comprend volontiers que la période d'essai puisse être ressentie comme une période de grande incertitude pour le salarié.

Mais les personnes visées par le dispositif sont des personnes en grande difficulté qui doivent nécessairement disposer d'un laps de temps suffisant pour prendre toute la mesure du retour à l'activité.

L'expérience montre d'ailleurs que c'est seulement à partir de la deuxième semaine de retour à l'activité qu'il devient possible d'apprécier, tant pour l'employeur que pour le salarié, la probabilité d'une exécution du contrat dans de bonnes conditions.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article L. 322-4-15-5 nouveau du code du travail
Rupture du CIRMA et interdiction de cumul
avec une autre activité professionnelle rémunérée

I - Le dispositif proposé

Cet article précise les possibilités de suspension et de rupture anticipée du CIRMA à l'initiative du salarié et interdit tout cumul entre le CIRMA et une autre activité professionnelle rémunérée.

Suspension et rupture du CIRMA à l'initiative du salarié

Le CIRMA ayant vocation à ne constituer qu'une première étape dans un parcours d'insertion et à conduire à court ou moyen terme à une activité proche de l'emploi ordinaire, il apparaît souhaitable d'assouplir les conditions de droit commun en matière de rupture du CDD avant terme afin de permettre au salarié de pouvoir, le cas échéant, accélérer son passage vers l'emploi ordinaire.

Il est vrai que les conditions de droit commun de rupture d'un CDD, définies à l'article L. 122-3-8 du code du travail, apparaissent restrictives 41 ( * ) pour une telle situation : le salarié ne peut rompre unilatéralement un CDD avant son terme que s'il justifie d'une embauche en CDI, mais il reste tenu d'effectuer sa période de préavis.

Le présent article apporte alors un double assouplissement.

D'une part, il autorise la suspension du CIRMA, à la demande du salarié, afin de lui permettre d'effectuer la période d'essai afférente à une offre d'emploi.

D'autre part, il autorise la rupture du CIRMA avant son terme, à l'initiative du salarié, s'il justifie soit d'une embauche en CDI, soit d'une embauche en CDD d'une durée au moins égale à 6 mois, soit d'une formation qualifiante. Il n'est en outre pas tenu de respecter la période de préavis, en cas d'embauche, si son contrat de travail a été suspendu à sa demande et si sa période d'essai s'est révélée concluante.

On observera que ce régime particulier est bien plus souple pour les offres d'emploi que pour les offres de formation qualifiante, les premières pouvant justifier à la fois une suspension temporaire du contrat de travail et la non-exécution de la période de préavis. Mais il est vrai que ces formations sont de longue durée (plus de 6 mois généralement), ce qui rend alors difficile toute suspension temporaire du CIRMA.

Interdiction de cumul entre le CIRMA et une autre activité professionnelle rémunérée

Le présent article interdit tout cumul entre le CIRMA et une autre activité professionnelle rémunérée (emploi ou stage de la formation professionnelle rémunérée).

Il repose en cela sur le postulat que, si le salarié est en mesure de réaliser un tel cumul, il n'est sans doute pas dans une situation justifiant le bénéfice d'un CIRMA.

Il précise également les conséquences du non-respect par le salarié de cette règle de non-cumul.

Dans ce cas, le président du conseil général peut résilier la convention qu'il a conclue avec l'employeur et celui-ci peut alors rompre le CIRMA avant son terme sans avoir à verser des dommages et intérêts.

On observera ici que, si le principe de non-cumul apparaît strict, son application est finalement assez souple. C'est en effet au président du conseil général qu'il appartient de tirer les conséquences d'un éventuel cumul en décidant ou non de résilier la convention. S'il choisit de ne pas résilier la convention, le CIRMA ne peut alors être rompu par l'employeur.

II - La position de votre commission

S'agissant des possibilités de rupture anticipée du CIRMA, votre commission en conçoit volontiers l'intérêt : il importe que le salarié puisse réorienter son parcours vers toute activité susceptible de le rapprocher des conditions ordinaires du marché du travail.

Dans cette perspective, elle craint pourtant qu'autoriser une telle rupture pour un CDD de 6 mois ne présente pas les garanties d'insertion professionnelle durable suffisantes. Ouvrir une telle possibilité fragiliserait alors le parcours d'insertion.

Elle croit donc souhaitable, par amendement , de porter la durée minimale du CDD justifiant la rupture du contrat RMA de 6 mois à 9 mois.

S'agissant de l'impossibilité de cumul entre le CIRMA et une autre activité rémunérée, votre commission propose, par amendement , de substituer à l'interdiction de principe finalement peu contraignante prévue par le présent article une autorisation de cumul encadré.

Dans la mesure où le contrat RMA s'inscrit dans un parcours d'insertion vers l'emploi ordinaire, il n'est pas forcément illogique d'autoriser un tel cumul, à l'issue d'une période transitoire et à condition qu'un tel cumul s'inscrive effectivement dans le parcours d'insertion du bénéficiaire.

Les possibilités de cumul pourraient alors utilement être précisées par la convention entre le département et l'employeur en fonction de la situation du salarié et de son évolution.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé .

Article L. 322-4-15-6 nouveau du code du travail
Calcul du RMA, montant et modalités du versement de l'aide du département à l'employeur et maintien du salaire en cas d'arrêt de travail

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I précise le montant, le financement et les modalités de versement du RMA au salarié en CIRMA.

Le montant du RMA que reçoit le salarié est au moins égal au produit du salaire minimum de croissance (SMIC) par le nombre d'heures travaillées.

Pour un SMIC horaire de 6,83 euros et pour une durée du travail de 20 heures par semaine (soit 87 heures par mois), le RMA brut s'élève donc à au moins 594,21 euros pas mois.

Il reste que le RMA peut être supérieur à ce montant. Le présent article précisant qu'il lui est « au moins égal », il faut en déduire que l'employeur peut, le cas échéant, proposer un taux horaire supérieur au SMIC, voire que, si les conventions collectives prévoient un minimum salarial supérieur au SMIC, celui-ci peut s'appliquer.

Le RMA est versé directement par l'employeur.

En contrepartie, celui-ci perçoit du département une aide forfaitaire dont le montant est égal à l'allocation du RMI garanti à une personne isolée (soit 411,70 euros par mois) diminuée du montant du « forfait logement » (soit 49,40 euros). Au total, l'aide du département s'élève donc à 362,30 euros par mois.

L'aide du département peut être versée à l'employeur soit directement par le département, soit par un organisme de son choix avec lequel il a passé convention. Il pourrait ainsi s'agir des CAF ou des caisses de MSA (qui servent déjà l'allocation de RMI), mais d'autres organismes pourraient avoir également vocation à verser l'aide (on peut notamment songer au CNASEA, aux ASSEDIC ou aux URSSAF). En tout état de cause, il appartiendra au département de retenir la solution qui lui semble la plus adaptée.

Le paragraphe II prévoit le maintien du salaire par l'employeur lorsque le salarié est en arrêt de travail dans trois cas :

- en cas d'arrêt maladie ;

- en cas d'arrêt lié à un accident de travail ;

- en cas de congé légal de maternité, de paternité ou d'adoption.

Dans la mesure où l'assiette prise en compte pour le calcul des cotisations de sécurité sociale est moindre que le RMA perçu par le salarié 42 ( * ) , les droits différés du salarié en matière d'indemnités journalières maladie, accident du travail ou maternité versées par les caisses de sécurité sociale sont alors réduits d'autant.

Aussi, pour éviter au salarié de ne bénéficier que d'indemnités journalières réduites, le présent article prévoit donc le maintien du salaire en cas d'arrêt de travail dans ces trois cas.

Ce régime est alors doublement favorable pour le salarié. D'une part, il bénéficie du maintien intégral du salaire, ce que ne prévoit pas la législation sociale 43 ( * ) . D'autre part, il ne se voit pas opposer un éventuel délai de carence 44 ( * ) .

Mais, dans la mesure où l'employeur est tenu d'assurer le maintien du salaire, il lui appartiendra alors de prendre directement à sa charge ce que ne versera pas la sécurité sociale dans des conditions qui seront fixées par décret.

Le paragraphe III renvoie enfin à un décret le soin de fixer les modalités de détermination du montant du RMA et de l'aide du département et des modalités de leur versement.

II - La position de votre commission

Souscrivant largement au mécanisme du revenu minimum d'activité défini au présent article, votre commission se bornera à formuler trois observations.

D'une part, elle estime souhaitable, dans un souci de sécurité juridique, de lever toute ambiguïté sur la nature du RMA et vous propose donc un amendement en ce sens.

Elle observe que le RMA est la contrepartie du travail fourni par un salarié dans le cadre d'un contrat de travail et doit respecter la réglementation sur le SMIC. Il présente donc tous les éléments constitutifs d'un salaire. Le présent article le reconnaît d'ailleurs expressément à son paragraphe II, mais sans curieusement le qualifier de tel à son paragraphe I.

Et, quand bien même le présent projet de loi prévoirait des dispositions spécifiques en matière d'assujettissement aux cotisations sociales ou à l'impôt sur le revenu, la sécurité juridique veut qu'il soit clairement qualifié de salaire afin que puissent lui être attachées toutes les conséquences juridiques qui en découlent, notamment en termes de fixation, de paiement et de protection du salaire.

D'autre part, votre commission se félicite de la protection prévue en cas d'arrêt de travail, protection qui apparaît d'autant plus indispensable que la santé des bénéficiaires du RMI est souvent fragile et que ce sont parfois des difficultés de santé qui ont déclenché ou alimenté le processus d'exclusion.

Enfin, elle observe que le mode de calcul du RMA fait que le « différentiel » pris en charge directement par l'employeur est aujourd'hui relativement faible par rapport au coût total du travail (il représente 37 % du coût total du travail dans le secteur non marchand et 47 % dans le secteur marchand). Il devrait toutefois s'accroître relativement rapidement dans la mesure où la rémunération versée au salarié (qui est fonction du SMIC) progressera de manière plus dynamique que l'aide du département (qui est fonction de l'évolution des prix).

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article L. 322-4-15-7 nouveau du code du travail
Cotisations sociales applicables au RMA

I - Le dispositif proposé

Cet article détermine les conditions d'assujettissement du RMA aux cotisations de sécurité sociale et prévoit une exonération de leur paiement pour les employeurs du secteur non marchand.

Détermination de l'assiette des cotisations sociales

Par dérogation aux dispositions du code de la sécurité sociale, il est prévu que seul le « différentiel » directement pris en charge par l'employeur soit pris en compte pour la détermination de l'assiette des cotisations de sécurité sociale.

En conséquence, et en application du règlement annexé à la convention d'assurance chômage, la même assiette est retenue pour la détermination de la contribution à l'assurance chômage.

Au total, pour un coût total employeur de 689,27 euros par mois, l'assiette des cotisations sociales n'est donc que de 326,97 euros (une fois déduite l'aide du département de 362,30 euros).

Exonération de cotisations de sécurité sociale pour les employeurs du secteur non marchand

Le présent article prévoit une exonération de cotisations de sécurité sociale pour les employeurs du secteur non marchand.

Cette exonération, dont le coût est estimé à 70,8 millions d'euros en 2003-2004 par l'étude d'impact sur la base de 70.000 contrats conclus dans le secteur non marchand, est compensée par l'Etat à la sécurité sociale, conformément à l'article 131-7 du code de la sécurité sociale.

II - La position de votre commission

Votre commission s'est interrogée sur l'opportunité de maintenir une assiette de cotisation sociale dérogatoire au droit commun pour le RMA.

Elle a bien conscience qu'un tel choix, au-delà des seules questions de principe, est loin d'être sans conséquence pour les droits sociaux différés des salariés en CIRMA, notamment en matière d'assurance vieillesse et d'assurance chômage.

Ainsi, s'agissant de l'assurance vieillesse, le salarié ne pourra valider, au titre de ses droits à la retraite, que deux trimestres par année travaillée.

De même, s'agissant de l'assurance chômage, pour un salaire brut de 594 euros, l'assiette ne sera que de 232 euros et l'allocation chômage sera de 75 % de cette somme, soit 174 euros par mois. Si la totalité du salaire avait été prise en compte, l'allocation chômage aurait atteint 446 euros. Il en résulte que, dans le premier cas, la personne retourne dans le dispositif RMI, alors que, dans le second cas, elle n'y serait pas retournée s'il s'agit d'une personne isolée.

Pour autant, elle considère qu'un tel choix constitue un élément essentiel de l'économie générale du dispositif en permettant de diminuer significativement le coût du travail, de favoriser ainsi l'attractivité du CIRMA et d'offrir in fine un maximum de solutions d'insertion.

Elle observe également que le dispositif garantit, par d'autres aspects, une couverture sociale plus favorable grâce au maintien des droits connexes au RMI, que sont la CMU et la CMUC, et aux dispositions applicables aux indemnités journalières.

Elle constate enfin que le RMA ne devrait constituer qu'une période brève (entre 6 et 18 mois) au regard de la durée de la vie active permettant de surcroît de favoriser l'accès ultérieur de personnes en situation difficile à une couverture sociale de droit commun.

Pour ces raisons, elle n'a pas choisi de modifier le dispositif sur ce point. Mais elle relève toutefois qu'en proposant d'autoriser une durée hebdomadaire de travail supérieure à 20 heures, elle élargit l'assiette des cotisations sociales et majore donc de la sorte les droits sociaux différés. Ainsi, une durée de travail hebdomadaire de 28 heures permettrait de valider quatre trimestres pour l'assurance vieillesse.

Validation de trimestres à l'assurance vieillesse pour un salarié en RMA

Nombre de trimestres validés dans l'année

Assiette minimale annuelle de cotisation ouvrant droit à validation

RMA brut mensuel équivalent

Durée de travail hebdomadaire équivalente

2

2.732 €

594 €

20 heures

3

4.098 €

713 €

24 heures

4

5.464 €

832 €

28 heures

Source : commission des Affaires sociales

A défaut, il conviendrait toutefois d'ouvrir par décret les possibilités de rachat des cotisations d'assurance vieillesse afin de rétablir ces personnes dans leurs droits au regard de l'assurance vieillesse.

Votre commission s'est également interrogée sur l'opportunité d'introduire une nouvelle mesure d'exonération de cotisations sociales .

Au moment où le Gouvernement annonce son intention d'harmoniser et de réduire le nombre de dispositifs d'allégements de cotisations sociales 45 ( * ) , il n'est pas forcément opportun d'introduire ici un nouvel allégement au demeurant peu lisible, complexe à gérer et finalement peu incitatif pour l'employeur (70 euros par mois).

Plus fondamentalement, se pose une question de principe : le département peut-il prescrire unilatéralement des exonérations de charges, financées par l'Etat, sans que ce dernier ne soit en mesure de les contrôler ?

Certes, on conçoit volontiers que le coût du travail reste un obstacle à l'embauche dans le secteur non marchand et notamment dans les associations.

Il reste que le dispositif est déjà largement subventionné (l'aide représente 63 % du coût total) et peut bénéficier d'une aide supplémentaire du département sur ses crédits d'insertion, voire d'une aide complémentaire de l'Etat ou d'autres partenaires.

Surtout, dans la mesure où votre commission propose de supprimer la limite de 20 heures hebdomadaires, le dispositif d'exonérations n'est pas sans poser de problèmes. Ainsi, le montant global de l'aide deviendrait fonction du temps de travail. Au-delà du surcoût budgétaire occasionné pour l'Etat, la nature du RMA serait profondément modifiée car l'aide publique à ce contrat doit être fonction des besoins de la personne et non de sa capacité de travail.

Votre commission estime d'ailleurs qu'en matière d'insertion, c'est finalement moins le coût du travail qui est discriminant que la difficulté de financement des actions d'insertion. Elle considère dès lors que les quelque 70 millions d'euros affectés par l'Etat au financement de l'exonération de charges seraient en définitive mieux utilisés s'ils permettaient de cofinancer les actions d'insertion mises en oeuvre par les départements dans le cadre du présent dispositif.

Aussi, après avoir exploré la voie d'un plafonnement des exonérations de charges à hauteur d'un RMA à 20 heures, a-t-elle jugé finalement préférable de supprimer, par amendement , la présente exonération.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article L. 322-4-15-8 nouveau du code du travail
Mise en oeuvre et financement des actions d'insertion

I - Le dispositif proposé

Cet article précise les conditions de mise en oeuvre et le financement des actions d'insertion en faveur des bénéficiaires du CIRMA.

Il pose d'abord le principe d'une intervention conjointe du département, de l'Etat, des collectivités territoriales et des associations en faveur du retour à l'emploi des bénéficiaires du CIRMA, intervention dont le département est le chef de file.

Plus concrètement, il prévoit la conclusion entre l'Etat et le département d'une convention déterminant les modalités de la participation de l'Etat à la mise en oeuvre, au financement, au suivi et à l'évaluation des actions d'insertion professionnelle définis dans la convention conclue entre le département et l'employeur.

De la même manière, il prévoit la possibilité pour le département de conclure une convention avec l'ANPE pour la mise en oeuvre des CIRMA. A cet égard, l'ANPE pourrait notamment contribuer à élargir l'offre d'insertion, à réaliser la préorientation vers le dispositif, à définir les parcours d'insertion et à accompagner les bénéficiaires du CIRMA jusqu'à la sortie vers l'emploi en mobilisant ses compétences en matière d'orientation professionnelle, d'évaluation des compétences professionnelles et d'offre d'emplois.

Il appartiendra à un décret de déterminer les modalités d'application, il est vrai guère explicites en l'état, du présent article.

II - La position de votre commission

Votre commission estime que les résultats d'ensemble du dispositif RMA reposeront avant tout sur l'efficacité des actions d'insertion.

Dans ce cadre, cela suppose une mobilisation et une étroite collaboration de l'ensemble des acteurs autour du département au titre de leurs responsabilités respectives : Etat au titre de la politique de l'emploi, régions au titre de la formation professionnelle, communes et établissements publics de coopération intercommunales au titre de leur connaissance du tissu local, associations et notamment celles du secteur de l'insertion par l'activité économique au titre de l'accompagnement, service public de l'emploi au titre de l'orientation et du placement...

Il reste que cette mobilisation a nécessairement un coût qui reposera avant tout sur le département.

Dans ces conditions, il a semblé prioritaire à votre commission, pour garantir l'efficacité du dispositif, d'insister sur l'accompagnement dans l'emploi.

L'embauche d'un salarié en CIRMA a en effet un coût pour l'employeur qui dépasse de beaucoup sa simple rémunération puisqu'il doit mettre en oeuvre des actions d'accompagnement dans l'emploi (tutorat, formation, suivi individualisé).

Votre commission juge donc nécessaire d'introduire, par amendement , le principe d'une aide à l'accompagnement qui serait versée par le département au titre de ces compétences en matière d'insertion.

Cette aide, qui sera fixée par le département, pourra être modulée afin de prendre en compte la situation de l'employeur et la gravité des difficultés d'accès à l'emploi des bénéficiaires.

Pour l'employeur du secteur non marchand, cette aide permettra de compenser la suppression proposée de l'exonération de charges sociales (qui n'était de surcroît pas modulable) et donc de voir ses financements complémentaires mieux adaptés à l'importance de son effort d'insertion. Elle permettra également de prendre en charge tout ou partie des coûts afférents à l'embauche.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article L. 322-4-15-9 nouveau du code du travail
Prise en charge par le département des coûts afférents à l'embauche
et des formations complémentaires et interdiction de cumul
entre aide du département et aide de l'Etat à l'emploi

I - Le dispositif proposé

Le présent article autorise le département à prendre en charge tout ou partie des coûts :

- afférents à l'embauche des salariés du CIRMA : il s'agit ici des coûts liés à la visite médicale obligatoire et aux frais pouvant être par exemple engagés pour l'acquisition de matériel de sécurité ;

- liés aux « formations complémentaires » dispensées pendant le temps de travail : il s'agit là par exemple des actions de lutte contre l'illettrisme ou d'acquisition de savoirs de base.

Il interdit également le cumul de l'aide du département à l'employeur et de toute aide de l'Etat à l'emploi, pour un même poste de travail, à l'exception des deux aides de l'Etat prévues par le présent article 35 : compensation de l'exonération de charges sociales et financement par l'Etat d'actions d'insertion dans le cadre de la convention conclue à cet effet.

II - La position de votre commission

S'agissant de la possibilité pour le département de prendre en charge tout ou partie des coûts afférents à l'embauche ou à une formation complémentaire, votre commission vous propose de supprimer, par amendement , cette disposition dans la mesure où elle est satisfaite par sa proposition d'instituer une aide à l'accompagnement.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

*

* *

Votre commission vous propose d'adopter l'ensemble du présent article 35 ainsi amendé.

Article 36
(art. L. 322-4-2, L. 322-4-14, L. 422-1 et L. 432-4-1 du code du travail)
Ouverture du contrat initiative-emploi aux personnes ayant bénéficié d'un CIRMA, non-prise en compte des salariés du CIRMA pour le décompte des effectifs et information des représentants du personnel

Objet : Cet article introduit dans le code du travail plusieurs dispositions de coordination visant à prendre en compte la spécificité du CIRMA.

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I , qui modifie l'article L. 322-4-2 du code du travail, assouplit les possibilités d'accès des anciens bénéficiaires du CIRMA au contrat initiative-emploi (CIE).

Le CIRMA n'étant qu'une première étape dans un parcours d'insertion, il importe d'ouvrir l'accès de ses bénéficiaires à d'autres contrats aidés plus proches de l'emploi ordinaire.

A cet égard, le CIE peut constituer une seconde étape du parcours d'insertion. Mais il est réservé aux demandeurs d'emploi de longue durée ou aux bénéficiaires de minima sociaux.

Or, un salarié en CIRMA ne répond pas à ces conditions.

Il convient donc de modifier les dispositions de l'article L. 322-4-2 du code du travail qui permettent d'« assimiler » à une période de chômage certaines périodes d'activité pour ouvrir droit au CIE, pour intégrer les bénéficiaires du CIRMA, à l'instar par exemple des bénéficiaires d'un CES ou d'un CEC.

Le paragraphe II , qui modifie l'article L. 322-4-14 du code du travail, vise à ne pas prendre en compte les salariés bénéficiant d'un CIRMA dans le calcul des effectifs de l'employeur pour l'application des dispositions législatives et réglementaires qui se réfèrent à une condition d'effectifs minimum 46 ( * ) .

Il s'agit donc ici d'étendre le champ d'application d'une disposition législative déjà prévue par l'article L. 322-4-14 du code du travail pour les CES et les CEC aux bénéficiaires du CIRMA 47 ( * ) .

Les paragraphes III et IV instituent une information des représentants du personnel sur les CIRMA conclus dans l'établissement.

Le paragraphe III, qui modifie l'article L. 422-1 du code du travail, prévoit ainsi que les délégués du personnel peuvent prendre connaissance des CIRMA conclus dans l'établissement, comme ils peuvent déjà prendre connaissance des contrats de mise à disposition d'un travailleur intérimaire.

Le paragraphe IV, qui modifie l'article L. 432-4-1 du code du travail, concerne, lui, l'information du comité d'entreprise.

Il prévoit d'abord (à son 1°) que le chef d'entreprise doit informer le comité d'entreprise, au titre de ses attributions sur l'emploi, du nombre de conventions et de CIRMA conclus par l'employeur, à l'image de ce que prévoit déjà cet article pour les CDD, les contrats de travail temporaire et les contrats d'insertion en alternance.

Il prévoit ensuite (à son 2°) que le comité d'entreprise est destinataire, une fois par an, d'un rapport sur l'exécution du CIRMA.

II - La position de votre commission

Votre commission estime effectivement nécessaire d'exclure les salariés du CIRMA du décompte des effectifs, à l'image de ce qui existe déjà pour les autres contrats d'insertion, afin de prévenir tout effet de seuil et favoriser ainsi la mise en oeuvre du nouveau dispositif, notamment dans les petites entreprises.

Parallèlement, elle juge souhaitable de garantir l'information des délégués du personnel sur le nouveau dispositif. Il importe en effet d'associer l'ensemble des salariés à la mise en oeuvre du parcours d'insertion des salariés du CIRMA, celui-ci ne pouvant devenir réellement effectif que s'il repose sur une mobilisation générale de la collectivité du travail.

Elle se contentera donc de proposer un amendement de précision.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 37
(art. L. 262-6-1 et L. 262-12-1 nouveaux
du code de l'action sociale et des familles)
Maintien des droits garantis au titre du RMI
pour les bénéficiaires du CIRMA

Objet : Cet article tend à garantir aux bénéficiaires du CIRMA, pendant la durée de leur contrat, le maintien des droits connexes au RMI et le bénéfice d'une allocation de RMI leur assurant que l'entrée en CIRMA n'est pas moins favorable financièrement que leur situation antérieure.

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I de cet article, qui introduit un nouvel article L. 262-6-1 dans le code de l'action sociale et des familles, prévoit que, pendant la durée du CIRMA, le salarié et sa famille continuent à bénéficier des droits garantis au bénéficiaire du RMI.

En concluant un CIRMA, le salarié peut en effet, selon sa situation de famille, perdre le droit au RMI, dans la mesure où ses ressources dépasseraient le montant du RMI. Il ne faudrait donc pas que le retour à l'activité soit découragé par la perte des droits connexes au RMI.

On peut songer ici notamment au bénéfice de la CMU et de la CMU complémentaire et à l'exonération de la taxe d'habitation, voire au bénéfice d'aides spécifiques mis en place par les collectivités territoriales.

Le paragraphe II , qui insère un nouvel article L. 262-12-1 dans le code de l'action sociale et des familles, vise à garantir l'attractivité financière du dispositif de RMA quelle que soit la composition du foyer du bénéficiaire.

Le montant de l'aide départementale étant forfaitaire et équivalent à celui de l'allocation de RMI versée à une personne isolée, diminué du forfait logement, l'allocation de RMI se révèle en effet d'un montant supérieur au montant du RMA dès lors que le foyer du bénéficiaire se compose de plus de deux personnes comme le montre le tableau suivant :

Comparaison entre les montants respectifs du RMI et du RMA

(en euros)

RMI 1

RMA

Différentiel entre RMI et RMA

Personne isolée

362

545

183

Couple

519

545

26

Famille monoparentale avec deux enfants

619

545

- 74

Couple avec deux enfants

742

545

- 197

1 Hors forfait logement Source : commission des Affaires sociales

Dans ces conditions, l'attractivité financière du RMA suppose alors de prévoir une garantie de ressources équivalente au montant de l'allocation du RMI que percevait le bénéficiaire du CIRMA avant son entrée dans le dispositif.

Le présent paragraphe prévoit, en conséquence, que le bénéficiaire du CIRMA continuera à se voir verser une allocation de RMI équivalant à la différence entre le montant du RMI qui lui était antérieurement applicable et le montant de l'aide du département à l'employeur.

Ainsi, pour un couple avec deux enfants, le « reliquat » d'allocation de RMI qui continuera à lui être versé sera de 380 euros 48 ( * ) .

Il en découle que le gain net pour le bénéficiaire est constant 49 ( * ) comme le montre le tableau suivant :

Gain net pour le bénéficiaire du RMA

(en euros)

Différentiel entre RMI et RMA

RMI « complémentaire »

Gain net

Personne isolée

183

0

183

Couple

26

157

183

Famille monoparentale

- 74

257

183

Couple avec deux enfants

- 197

380

183

Source : commission des Affaires sociales

Pour permettre le versement du RMI « complémentaire » dans les meilleures conditions, le présent paragraphe prévoit alors logiquement que les organismes chargés du service de l'allocation de RMI sont destinataires des informations relatives au CIRMA afin de pouvoir calculer le montant de l'allocation de RMI « complémentaire » à verser au bénéficiaire du CIRMA.

III - La position de votre commission

Votre commission observe que ce mécanisme de « garantie de ressources » permet d'assurer la neutralité du dispositif en prévoyant un gain net constant pour le bénéficiaire du CIRMA.

Elle souscrit donc à ce mécanisme, même si elle observe qu'il induit une évidente complexité : le département financera en effet parallèlement une aide à l'employeur et une aide à la personne, ces deux aides n'étant d'ailleurs pas forcément servies par le même organisme.

Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 38
(art. L. 522-19 nouveau du code de l'action sociale et des familles)
Application du RMA dans les départements d'outre-mer

Objet : Pour l'application du RMA dans les départements d'outre-mer, cet article confie aux agences d'insertion les attributions exercées par les départements en métropole en matière de RMA.

I - Le dispositif proposé

Dans les départements d'outre-mer, et en application des dispositions du titre premier du présent projet de loi, la plupart des attributions relatives au RMI ne sont pas exercées par les départements mais par les agences d'insertion.

Le présent article prévoit alors, par coordination, de confier aux agences d'insertion les attributions exercées en métropole par les départements en matière de RMA. Il s'agit de :

- la conclusion de la convention avec l'employeur (article L. 322-4-15-1) ;

- la décision de renouveler cette convention (article L. 322-4-15-4) ;

- le versement de l'aide à l'employeur (article L. 322-4-15-6) ;

- la conduite des actions d'insertion et la conclusion de conventions de partenariats avec l'Etat et l'ANPE (article L. 322-4-15-8) ;

- le financement d'une aide complémentaire pour prendre en charge les coûts afférents à l'embauche et les formations complémentaires (article L. 322-4-15-9).

II - La position de votre commission

Par cohérence avec la position qu'elle a adoptée à l'article 33 du projet de loi, et sans préjuger d'une éventuelle adaptation du dispositif au cours de la navette, votre commission vous propose, outre un amendement de précision, de confier également aux agences d'insertion les attributions en matière de résiliation de la convention mentionnées à l'article L. 322-4-15-5 du code du travail que prévoit d'introduire l'article 35 du présent projet de loi. Il s'agit donc ici simplement, pour elle, de garantir la cohérence formelle d'un transfert à l'agence départementale des attributions exercées, en métropole, par le département en matière de RMA.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 39
(art. 81 du code général des impôts)
Exonération d'impôt sur le revenu pour le RMA

Objet : Cet article vise à exonérer le RMA d'assujettissement d'impôt sur le revenu.

Le paragraphe I, qui modifie l'article 81 du code général des impôts précisant les revenus affranchis de l'impôt sur le revenu, vise à exonérer le RMA d'impôt sur le revenu.

Le paragraphe II étend le champ d'application de cette exonération d'impôt sur le revenu à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE III
-
SUIVI STATISTIQUE, ÉVALUATION ET CONTRÔLE

Article 40
(art. L. 242-48 à 262-54 du code de l'action sociale et des familles)
Suivi, évaluation et contrôle du dispositif

Objet : Cet article vise à créer un dispositif de suivi statistique, d'évaluation et de contrôle du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité.

I - Le dispositif proposé

Le I du présent article insère une section 7, au sein du chapitre II du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles.

Son II précise le contenu de cette nouvelle section qui est constituée de sept articles (L. 262-48 à L. 262-54). Ces dispositions proposent d'organiser un dispositif, partagé entre tous les acteurs concernés, pour permettre un suivi statistique et une évaluation efficace des bénéficiaires du RMI et du RMA. Par là même, la situation et le parcours de ces personnes devraient être mieux connus, de façon à informer le Parlement et à alimenter la réflexion générale des pouvoirs publics. Ces nouveaux articles introduisent plusieurs circuits complémentaires dans la remontée et la circulation des informations et prévoient des obligations parallèles de transmission. Ils renvoient la définition du contenu précis de ces obligations à des dispositions réglementaires.

L'objectif d'amélioration du suivi et de l'évaluation du revenu minimum d'insertion complète celui consistant à simplifier sa gestion en en confiant sa responsabilité aux conseils généraux. Il vise également à répondre aux observations formulées par la Cour des comptes dans ses rapports publics 1995 et 2001.

Le nouvel article L. 262-48 prévoit l'obligation générale, pour le président du conseil général, de transmettre au représentant de l'Etat dans le département « toute information relative » dans deux domaines : le dispositif d'insertion et le contrat d'insertion.

Le nouvel article L. 262-49 prévoit une obligation générale, pour la CNAF, ainsi que pour la caisse centrale de MSA, de communiquer au ministre chargé de l'action sociale « toute information relative » à l'exécution des contrats d'insertion et aux dépenses liées à l'allocation de RMI.

L' article L. 262-50 concerne les organismes associés à la gestion du RMI qui devront transmettre au ministre de l'action sociale « toute information relative » sur le montant du RMA, ainsi que sur les contrats d'insertion.

Ces trois articles nouveaux du code de l'action sociale et des familles renvoient au domaine réglementaire les conditions dans lesquelles l'information est transmise. Il importe notamment en effet que cette information soit homogène pour être traitée et agrégée au niveau national et permette de suivre précisément les évolutions significatives d'un système désormais décentralisé.

L' article L. 252-51 formule les principes applicables en matière d'informations relatives aux personnes physiques. S'agissant d'un domaine sensible impliquant que la garantie des libertés publiques soit assurée, la rédaction de cet article s'entoure naturellement de précautions. La transmission de ces informations, dont le détail sera fixé par voie réglementaire, devra respecter les dispositions, d'une part, de l'article 15 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et, d'autre part, de l'article 7 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.

Par rapport aux articles L. 262-48 à L. 262-50, le présent article L. 262-51 vise donc, non plus des informations statistiques, mais celles « relatives aux personnes physiques » . Il s'agit de permettre une analyse plus fine par la constitution d'échantillons représentatifs « en vue de l'étude des situations et des parcours d'insertion des personnes physiques figurant dans ces échantillons ».

L' article L. 262-52 dispose que la caisse nationale des allocations familiales, ainsi que la caisse centrale de mutualité sociale, doivent chacune « consolider » les données recueillies, dans les départements, par leurs réseaux respectifs.

L' article L. 262-53 prévoit que le ministre de l'action sociale communiquera, en retour, aux départements les résultats de l'exploitation des données qu'il aura reçues. Cette obligation apparaît comme une contrepartie logique de la nouvelle responsabilité des conseils généraux dans la mise en oeuvre du revenu minimum d'insertion. Ce même article confie au ministre de l'action sociale la responsabilité de la publication régulière de ces informations.

L' article L. 262-54 attribue à l'inspection générale des affaires sociales la compétence pour contrôler l'application des dispositions du code du travail et du code de l'action sociale et des familles qui concernent tant le RMI que le RMA.

Enfin, le III du présent article abroge le cadre juridique, actuellement applicable en matière d'informations (dernier alinéa de l'article L. 262-33 du code de l'action sociale et des familles). Pour mémoire, cette dernière disposition se limite à prévoir qu'un décret détermine la nature des informations qui doivent être communiquées par les différents acteurs de la politique du revenu minimum d'insertion. Le décret auquel il est fait référence est le décret n° 94-632 du 19 juillet 1994 relatif à la nature des informations transmises par les collectivités publiques et les organismes associés aux fins d'établissement de statistiques sur le revenu minimum d'insertion.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve ce dispositif visant à établir un dispositif efficace de suivi statistique, d'évaluation et de contrôle du RMI et du RMA. Les carences du système actuel rendaient déjà un tel dispositif indispensable. L'objectif de décentralisation qui est au coeur du présent projet de loi est une raison supplémentaire de renforcer l'impératif d'évaluation, ainsi que le besoin de disposer d'outils de comparaison et de diffusion, le cas échéant, des « bonnes pratiques ».

Les rapports publics de la Cour des comptes 1995 et 2001 ont relevé les limites de l'actuel dispositif de suivi du revenu minimum d'insertion. Lors de son audition par votre commission, M. Michel Dollé, rapporteur général du conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) avait également souligné qu'aucune évaluation d'ensemble n'était intervenue depuis celle de 1992.

Dans ces conditions, votre commission ne peut que souscrire à l'esprit du présent article.

Elle a néanmoins souhaité renforcer ce dispositif en proposant trois amendements, qui concernent chacun des articles L. 262-48, L. 262-49 et L. 262-50 du code de l'action sociale et des familles. Ces amendements ont pour objet de préciser les domaines dans lesquels doivent être transmises des informations sur le RMI et le RMA par :

- le président du conseil général au représentant de l'Etat dans le département ;

- la CNAF et la caisse centrale de MSA au ministre des affaires sociales ;

- et les organismes chargés de la gestion du revenu minimum d'activité au ministre des affaires sociales.

Il s'agit d'informations comptables, de données agrégées portant sur les caractéristiques des demandeurs, ainsi que sur les personnes entrées ou sorties du dispositif, et d'informations sur la gestion de ces prestations dans le département, ainsi que sur l'activité des organismes qui y concourent.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article additionnel après l'article 40
Rapport d'évaluation

Objet : Cet article additionnel qu'il est proposé d'insérer, prévoit la remise au Parlement d'un rapport d'évaluation de la loi issue du présent projet de loi.

Votre commission vous propose d'insérer un article additionnel après l'article 40 prévoyant qu'avant le 1 er juillet 2006, c'est-à-dire après la période de mise en place du nouveau dispositif décentralisé, le Gouvernement remette au Parlement un rapport d'évaluation de la loi.

La décentralisation du RMI, qui reste une prestation de solidarité dont le montant et les conditions d'attribution sont fixés au niveau national, doit s'accompagner nécessairement d'un suivi attentif. L'Etat ne saurait à l'évidence se désintéresser de l'évolution de cette prestation non plus que de la nature et de l'efficacité des politiques d'insertion conduites par les départements.

C'est dans ce cadre que l'article 40 du présent projet de loi (cf. ci-dessus) organise une centralisation de l'information relative au RMI et au RMA mais également la diffusion en retour de cette information auprès des départements.

Le rapport prévu par le présent article additionnel ne saurait, au regard de la date retenue pour sa remise (1 er juillet 2006), réaliser un véritable bilan. Il portera davantage sur la mise en place du dispositif, les choix effectués sur le terrain et les orientations retenues par les départements.

Mais il amorcera également, au regard des premières leçons de l'expérience, une réflexion sur la possibilité d'étendre un dispositif de même inspiration aux titulaires des autres minima sociaux (allocation de solidarité spécifique, allocation d'insertion, assurance veuvage ou allocation de parent isolé) qui représentent une population de 600.000 personnes, soit les deux tiers du nombre d'allocataires du RMI (940.000).

Votre commission vous propose d'insérer, par amendement, cet article additionnel.

Article 41
Entrée en vigueur de la loi

Objet : Cet article fixe au 1 er janvier 2004 la date d'application des dispositions du présent projet de loi.

I - Le dispositif proposé

Le présent article fixe au 1 er janvier 2004 la date d'application des dispositions de la présente loi et ce, sous réserve de l'entrée en vigueur à cette date des dispositions de la loi de finances prévue à l'article 3 du projet de loi.

II - La position de votre commission

La détermination des conditions dans lesquelles les « charges financières, résultant pour les départements des transferts et création de compétences réalisés par (le présent projet de) loi, sont compensées par l'attribution des ressources équivalentes constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'Etat » est naturellement un préalable à un tel transfert ou une telle création.

Aussi, est-ce avec prudence que le présent article ne prévoit l'entrée en vigueur du projet de loi que « sous réserve » que le dispositif de compensation figure effectivement dans la loi de finances pour 2004 dont il est assuré en revanche que la promulgation interviendra avant le 31 décembre 2003.

Il s'agit de tenir compte en outre de la phase de mise en oeuvre de la loi qui doit prévoir la mise en oeuvre des systèmes de gestion, d'information et de paiement entre le conseil général et les opérateurs délégués (CAF, CMSA) chargés du paiement de l'allocation, les services de l'Etat, l'ANPE, les URSSAF et les employeurs.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

*

* *

Votre commission vous propose d'adopter l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.

* 1 Exposé des motifs du projet de loi.

* 2 Rapport n° 57 présenté par M. Pierre Louvot au nom de la commission des Affaires sociales, première session ordinaire de 1988-1989.

* 3 Rapport n° 57 (1988 - 1989) de M. Pierre Louvot, sénateur, au nom de la commission des Affaires sociales.

* 4 « RMI, le pari de l'insertion », rapport de la commission présidée par M. Pierre Vanlerenberghe, 1992

* 5 Cette obligation a été réduite à 17 %, lors de l'instauration de la couverture maladie universelle, en 2000.

* 6 « Politiques sociales de l'Etat et territoires » Rapport annuel de l'IGAS, 2002.

* 7 « Pour une République territoriale : l'unité dans la diversité » Rapport n° 447 (1999 - 2000) de M. Michel Mercier, sénateur, au nom de la mission commune d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales.

* 8 « Le retour à l'emploi des allocataires du RMI : les enseignements de l'enquête sur le devenir des personnes sorties du RMI », santé et solidarité, n° 1, 2002.

* 9 Selon une estimation réalisée par l'ANPE (« les demandeurs d'emploi bénéficiaires du RMI : portrait statistique », juin 2002), 60 % des allocataires du RMI seraient inscrits à l'ANPE, les 40 % restant regroupent, d'une part, des personnes qui ne sont pas à la recherche d'un emploi et, d'autre part, des personnes qui en cherchent sans être à l'ANPE.

* 10 Seuls 10 % des allocataires auraient refusé un emploi, principalement du fait d'une inadaptation du travail à leur qualification ou d'un éloignement trop important du domicile.

* 11 Voir notamment « Premières informations et Premières synthèses », n° 44, octobre 2002, DARES.

* 12 cf. commentaire de l'article 14

* 13 Rapport AN, n° 161, neuvième législature.

* 14 Cf. exposé des motifs du projet de loi.

* 15 Ou 130 euros si l'on inclut le forfait logement.

* 16 Hors effet prime pour l'emploi qui peut procurer un gain mensuel supplémentaire de l'ordre de 30 euros.

* 17 Rapport n° 57 présenté par M. Pierre Louvot, au nom de la commission des affaires sociales, première session ordinaire de 1988-1989.

* 18 Cf. exposé général.

* 19 Rapport n°57 (1988 - 1989) de M. Pierre Louvot, sénateur, au nom de la commission des Affaires sociales, sur le projet de loi relatif au revenu minimum d'insertion.

* 20 « Quel acte II pour le RMI ? » Rapport de l'ODAS, mars 2003.

* 21 Préambule de la constitution de 1946.

* 22 Voir article 40 et article additionnel après l'article 40 du présent projet de loi

* 23 Etude d'impact, cf. annexe.

* 24 Même si, semble-t-il, le nombre de bénéficiaires du RMI est davantage sensible à la dégradation de la conjoncture qu'à son amélioration.

* 25 Projet de loi n° 823 (2002 - 2003) relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.

* 26 Voir infra, article 18 du projet de loi.

* 27 « Quel acte II pour le RMI ? » Rapport de l'ODAS, mars 2003.

* 28 « L'insertion des bénéficiaires du RMI », rapport au président de la République, Cour des comptes 2001.

* 29 Ce dernier ayant formulé un avis défavorable au présent projet de loi par 7 voix contre 6 voix pour et 12 abstentions et prises d'actes.

* 30 Le présent développement vaut également de façon similaire pour les CMSA.

* 31 Jean-Louis Lorrain, sénateur, rapport n° 60 (2001-2002), p. 36-39.

* 32 Dans un arrêt du 28 septembre 1995 « Procola contre Luxembourg », la CEDH a ainsi sanctionné le fait qu'au sein du comité du contentieux, des personnes chargées de rendre un avis sur un règlemen, soient amenées par la suite à en connaître au contentieux.

* 33 En revanche, cette récupération ne peut pas intervenir en cas de retour à meilleure fortune, contrairement à ce que prévoit la législation de droit commun sur l'aide sociale.

* 34 « L'action en récupération se prescrit par cinq ans, à compter du jour du décès du bénéficiaire ou de la cession de son actif. » (article L. 262-43 du code de l'action sociale et des familles, dernier alinéa)

* 35 rapport précité.

* 36 On rappellera que cet article, qui autorisait les jeunes de 18 à 26 ans bénéficiant d'un crédit formation à conclure un CES, a été supprimé par l'article 7 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

* 37 Il est, en effet, d'usage dans le code du travail d'indiquer l'objet général de tout contrat aidé. Voir par exemple le contrat initiative emploi (CIE) (art. L. 322-4-2) le contrat jeune en entreprise (CJE) (art. L. 322-4-6), le contrat emploi-solidarité (art. L. 322-4-7), les emplois-jeunes (art. L. 322-4-18) ou le contrat d'accès à l'emploi (CAE) (art. L. 832-2).

* 38 Selon les chiffres de la DREES (Santé et solidarité, n° 4, septembre 2002).

* 39 Cf. annexe Tome II du présent rapport.

* 40 Ceux-ci se contentent généralement de fixer une durée hebdomadaire de travail minimale.

* 41 bien que modifiées par la loi du 17 janvier 2002 dite de modernisation sociale.

* 42 Voir sur ce point le commentaire de l'article L. 322-4-15-7 du code du travail ci-après.

* 43 L'indemnité journalière pour accident du travail est de 60 à 80 % du salaire journalier ; celle pour maladie est de 50 %.

* 44 Qui est, par exemple, de 3 jours pour l'assurance maladie.

* 45 Il vient d'ailleurs de demander au Parlement une habilitation à légiférer par ordonnance sur ce point dans le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

* 46 A l'exception de celles qui concernent la clarification des risques accidents du travail et maladies professionnelles.

* 47 Une même exclusion est également prévue pour les contrats en alternance et les CIE.

* 48 C'est-à-dire allocation de RMI (742 euros) - aide du département (362 euros).

* 49 Hors effet prime pour l'emploi.

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