N° 346

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 juin 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l' archéologie préventive et sur la proposition de loi n°311 (2002-2003) de M. Claude BIWER visant à réduire le montant de la redevance d'archéologie préventive pour les collectivités territoriales ,

Par M. Jacques LEGENDRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Pierre Laffitte, Jacques Legendre, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Philippe Richert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Philippe Nogrix, Jean-François Picheral, secrétaires ; M. François Autain, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Fernand Demilly, Christian Demuynck, Jacques Dominati, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Marcel Henry, Jean-François Humbert, André Labarrère, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Serge Lepeltier, Mme Brigitte Luypaert, MM. Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Dominique Mortemousque, Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jacques Pelletier, Jack Ralite, Victor Reux, René-Pierre Signé, Michel Thiollière, Jean-Marc Todeschini, André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros :

Sénat : 311 et 320 (2002-2003)

Patrimoine.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

A peine un an après que l'ensemble de ses dispositions sont devenues applicables, le Sénat est saisi d'un projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

Elaborée dans un contexte de crise opposant les archéologues et les aménageurs, cette loi, dont l'inspiration était louable et l'élaboration indispensable pour fixer le cadre juridique des opérations d'archéologie préventive, a en effet d'emblée montré ses limites.

Les difficultés rencontrées dans son application, que votre commission avait largement anticipées, ont souligné l'échec d'une organisation fondée sur le monopole accordé à un opérateur public financé par un impôt à la fois inéquitable et insuffisant.

A la complexité des procédures de prescription, mal comprises par les aménageurs, dont l'exaspération a pu, dans certains cas, être nourrie par des décisions arbitraires ou à la motivation incertaine, se sont ajoutés les effets pervers d'un mécanisme de financement, par ailleurs, d'une grande complexité. Génératrices d'un déséquilibre entre les zones rurales et les zones urbaines, les redevances se sont révélées insuffisantes pour assurer le financement de l'établissement, ce qui a conduit ce dernier à une situation budgétaire préoccupante et le met aujourd'hui dans l'impossibilité de réaliser les opérations que la loi ne permet à aucun autre opérateur de réaliser.

Cette situation a abouti à une nouvelle situation de crise, que votre rapporteur ne pourra que déplorer, tout en mettant en garde contre les risques qu'elle comporte.

Si, lors de l'examen de la loi du 17 janvier 2001, votre commission avait souligné les faiblesses des mécanismes mis en place, elle avait manifesté son souci de parvenir à un équilibre satisfaisant entre les impératifs du développement économique et les exigences de la protection du patrimoine archéologique.

C'est avec la même préoccupation que votre commission a examiné le projet de loi déposé par le Gouvernement.

A cet égard, le texte qui nous est proposé répond à l'évidence mieux à cette volonté d'équilibre entre des objectifs également légitimes.

En ouvrant l'archéologie préventive à une diversité d'opérateurs, et en premier lieu, aux services archéologiques des collectivités territoriales, le projet de loi introduit un facteur de souplesse susceptible d'assurer l'indispensable maîtrise des délais et des coûts des opérations archéologiques.

En assurant une transparence du financement et une péréquation du coût des diagnostics et des fouilles, le projet de loi répond aux principales critiques formulées à l'encontre du dispositif actuel.

Votre commission estime toutefois que ces modifications, à vrai dire inévitables, ne remettent pas en cause les acquis de la loi du 17 janvier 2001, à savoir l'affirmation du rôle de l'Etat pour assurer la protection du patrimoine archéologique et la consécration d'un principe « casseur-payeur ».

Les propositions qu'elle formulera visent à garantir l'efficacité du dispositif proposé par le Gouvernement afin d'en assurer la pérennité.

I. LA LOI DU 17 JANVIER 2001 : UNE RÉFORME INABOUTIE

A. UNE RÉFORME POURTANT INDISPENSABLE

Si, à l'occasion de son examen, il avait émis de nombreuses réserves sur le dispositif de la loi du 17 janvier 2001, le Sénat n'avait pas nié la nécessité d'engager une réforme de l'organisation administrative et financière de l'archéologie préventive.

En effet, la multiplication des projets d'aménagement à partir du début des années 1970 et l'augmentation corrélative des chantiers de fouilles qui en avait résulté, ne s'était accompagnée ni d'un effort financier de l'Etat ni d'une adaptation du cadre juridique des opérations archéologiques.

En effet, faute de disposer des moyens budgétaires lui permettant d'assurer les responsabilités qui lui incombaient en vertu des dispositions de la loi du 27 septembre 1941, l'Etat avait encouragé la mise en place d'un système conventionnel reposant sur une participation financière des aménageurs et l'intervention d'une association para-administrative, l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), chargée d'exécuter les opérations de fouilles.

Ce système, imposé par l'Etat en l'absence de dispositions législatives spécifiques à l'archéologie préventive, était critiqué tant par les aménageurs, qui contestaient les obligations financières mises à leur charge, que par les archéologues, qui estimaient la protection du patrimoine insuffisamment garantie.

Quelques affaires où des vestiges avaient été détruits par des aménageurs peu scrupuleux avaient fini de convaincre le précédent Gouvernement de donner, enfin, une traduction législative aux propositions formulées par près d'une dizaine de rapports administratifs, dont le dernier en date était celui remis à Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, en novembre 1998, par MM. Jean-Paul Demoule, Bernard Pêcheur et Bernard Poignant.

En dépit du contexte de crise dans lequel a été élaboré le projet de loi, aucune voix ne s'est élevée pour remettre en cause le principe d'une réforme imposée, par ailleurs, par les engagements internationaux de la France, et en particulier, par la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, signée à Malte le 16 janvier 1992 par les Etats membres du Conseil de l'Europe. On rappellera que cette convention, dont les stipulations demeurent toutefois très générales, prévoit notamment que « (les parties) s'engagent à mettre en oeuvre un régime juridique de protection du patrimoine archéologique ».

Une réforme s'imposait donc à un double titre afin de consacrer l'application d'un principe « casseur-payeur » en matière de patrimoine archéologique, mais également de mettre fin à des pratiques administratives peu satisfaisantes que, jusque-là, aucun texte ne prévoyait.

Les opérations d'archéologie préventive étaient réalisées dans le cadre défini par le titre II de la loi de 1941 qui précise que l'Etat peut exécuter d'office des fouilles sur des terrains qui ne lui appartiennent pas, cela alors même que, s'il prescrivait ces opérations, il ne les réalisait pas plus qu'il ne les finançait.

Dans la pratique, une négociation s'engageait entre l'Etat, l'aménageur et l'opérateur de fouilles qui se trouvait être, dans la quasi-totalité des cas, l'AFAN. A l'issue de cette négociation, était signée une convention entre l'Etat, qui décidait les diagnostics ou les fouilles, l'aménageur qui en assumait la charge financière et l'AFAN, qui recevait les fonds versés par l'aménageur et, éventuellement, par l'Etat, si des subventions avaient été attribuées. On le voit, le système reposait sur une fiction juridique qui le fragilisait considérablement.

La loi du 17 janvier 2001 a incontestablement permis de consacrer le principe du financement des fouilles par les aménageurs qui, alors, ne fut pas remis en cause dans son principe, même si ses modalités furent vivement critiquées -et cela fort légitimement.

Il convenait également de clarifier l'organisation administrative de l'archéologie préventive.

En effet, l'AFAN, créée en 1973 afin de permettre une mobilisation rapide des financements nécessaires à la réalisation des opérations archéologiques, présentait toutes les caractéristiques d'une association para-administrative et avait fait, à ce titre, l'objet des critiques de la Cour des comptes.

Par ailleurs, il existait à l'évidence une consanguinité entre les services de l'Etat et cette association.

Or cette consanguinité, favorisée par la faiblesse des moyens des services régionaux de l'archéologie, était de nature à compromettre l'objectivité scientifique des prescriptions archéologiques.

Cette situation explique en grande partie que ne se soit guère développée une alternative à l'AFAN, les services de l'Etat étant naturellement enclins à désigner cet organisme qui, du fait de ses dimensions, offrait des garanties en termes de délais d'exécution, et que les collectivités territoriales n'aient guère été encouragées à se doter de services archéologiques.

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