II. UN PROJET DE LOI NÉCESSAIRE

Le texte proposé par le Gouvernement vise, non pas à élaborer une nouvelle loi, mais à modifier les dispositions de la loi de 2001 qui s'avèrent inapplicables.

Force est de constater que cette méthode n'est guère de nature à rendre lisible le projet de loi dans la mesure où, à l'exception des articles relatifs aux compétences de l'Etat, l'ensemble des dispositions de la loi de 2001 sont modifiées, et cela de manière très significative.

Votre rapporteur regrettera ce choix dont la justification n'est pas évidente et qui, en tout état de cause, ne joue pas en faveur de la clarté et de la simplicité du dispositif.

Au-delà de ces observations de forme, il convient de souligner que le projet de loi poursuit un objectif dont la légitimité n'est pas contestable : rendre possible les opérations d'archéologie préventive, ce que, à l'évidence, ne permet pas aujourd'hui un système reposant sur un établissement doté de droits exclusifs et financé par l'impôt.

Dans cette perspective, les modifications apportées à la loi du 17 janvier 2001 visent :

- à ouvrir à une diversité d'opérateurs la réalisation des opérations d'archéologie préventive, tout en conservant à cette activité son caractère de service public ;

- à assurer le financement de ces opérations, dans des conditions qui garantissent une mutualisation de leurs coûts.

A. OUVRIR LA RÉALISATION DES OPÉRATIONS ARCHÉOLOGIQUES À UNE DIVERSITÉ D'OPÉRATEURS

1. Une ouverture à d'autres opérateurs qualifiés...

Comme l'avait pronostiqué votre commission, le monopole accordé à l'INRAP ne se justifie pas plus sur le plan de l'efficacité que de la nécessité d'assurer la qualité scientifique des fouilles.

Les assouplissements apportés au monopole par l'article 4 de la loi du 17 janvier 2001 n'ont pas trouvé à s'appliquer de manière efficace, l'établissement public n'ayant, semble-t-il, ni eu le temps ni véritablement la volonté d'associer à l'exécution de ses missions d'autres opérateurs de fouilles, privés ou publics, au demeurant assez peu nombreux.

Face à ce constat, une refonte des conditions de réalisation des opérations d'archéologie préventive s'impose.

Le projet de loi, tout en maintenant le cadre dans lequel sont exercées les prérogatives de l'Etat pour assurer la protection du patrimoine archéologique, revient sur l'attribution d'un monopole à un établissement public, qui constituait le fondement de la réforme de 2001.

S'il conserve le principe d'un établissement public national chargé de la recherche archéologique, le projet de loi en modifie significativement les missions.

En ce qui concerne les opérations archéologiques, le texte distingue deux régimes d'exécution des opérations de terrain, selon qu'il s'agit de diagnostics ou de fouilles.

• Les diagnostics

Pour les diagnostics, l'article 2 du projet de loi maintient le principe d'un monopole public.

Ce choix est guidé par la volonté du Gouvernement d'assurer la détection de la présence de vestiges archéologiques dans des conditions objectives sur le plan scientifique. En effet, confier cette phase des opérations archéologiques à des opérateurs privés risquerait d'aboutir à des conclusions trop hâtives, voire erronées, qui compromettraient la pertinence des prescriptions prises par l'Etat sur leur fondement.

Toutefois, ce monopole n'est plus l'apanage du seul INRAP, qui en partagera l'exercice avec les services archéologiques des collectivités territoriales.

Le projet de loi insère dans la loi du 17 janvier 2001 un article 4-2 (nouveau) qui précise les conditions dans lesquelles les services archéologiques des collectivités territoriales et de leurs groupements peuvent réaliser des diagnostics.

Leur compétence, déterminée par une décision de l'organe délibérant de la collectivité dont ils relèvent, peut être, au choix de ce dernier, soit ponctuelle, limitée à un projet d'aménagement déterminé, soit générale, pour l'ensemble des diagnostics réalisés sur leur territoire.

Votre commission voit dans ce système le moyen de remédier à une des faiblesses principales du dispositif de la loi du 17 janvier 2001 qui dissuadait les collectivités territoriales de se doter de services archéologiques.

Le rôle subsidiaire qui leur a été accordé jusqu'ici allait à l'encontre du rôle primordial qu'ils jouent dans la recherche archéologique, rôle qui a vocation à prendre tout son sens alors que les compétences des collectivités territoriales en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire continuent de s'affirmer. D'ores et déjà, ces services ont contribué de manière déterminante à sensibiliser les constructeurs, mais également les élus, aux nécessités de la protection du patrimoine archéologique et à permettre une valorisation culturelle et scientifique des découvertes au plus près des préoccupations des populations.

Le mécanisme d'exonération du paiement des redevances archéologiques prévu par la loi du 17 janvier 2001 pour les collectivités territoriales qui disposent de services archéologiques agréés n'apparaissait pas de nature à contrebalancer les effets du monopole accordé à l'INRAP dans la mesure où la mise en oeuvre de ce dispositif, complexe et de portée limitée, était laissée à la discrétion de l'établissement public.

En reconnaissant aux collectivités territoriales la possibilité de réaliser des diagnostics, le projet de loi ouvre la voie à une décentralisation de l'archéologie, décentralisation qui n'est pas imposée mais proposée aux collectivités territoriales, quel que soit leur niveau : régions, départements, communes ou établissements publics de coopération intercommunale.

Cependant, le texte, dans le souci de garantir la compétence scientifique des opérateurs de diagnostics, n'ouvre qu'aux seules collectivités territoriales dotées de services archéologiques agréés la possibilité de se saisir de cette compétence. Le projet de loi reprend sur ce point une des dispositions de la loi du 17 janvier 2001 qui avait institué une procédure d'agrément pour l'octroi des exonérations de redevances.

Le maintien d'un monopole public pour les diagnostics est fort opportunément contrebalancé par des dispositions de nature à prévenir les risques de dérive qui conduiraient l'INRAP et les collectivités locales à abuser de leur position dominante.

Votre rapporteur se félicitera notamment de la précision introduite dans l'article 4-5 (nouveau) de la loi du 17 janvier 2001 prévoyant que, lorsque du fait de l'opérateur, à l'issue des délais fixés contractuellement avec l'aménageur, les diagnostics ne sont pas achevés, la prescription est réputée caduque. Un telle disposition constitue une incitation puissante pour l'opérateur public à se conformer à ses engagements contractuels. Cependant, il convient de souligner que la caducité de prescriptions n'a pas pour conséquence de priver l'Etat de ses prérogatives en matière de protection du patrimoine. En effet, le texte précise que les dispositions de la loi du 27 septembre 1941 relatives aux découvertes fortuites s'appliquent en cas de mise à jour de vestiges.

• Les fouilles

En ce qui concerne les fouilles, le projet de loi retient une solution radicalement différente de celle adoptée en 2001.

En effet, abrogeant le monopole de l'INRAP, l'article 3 du projet de loi qui modifie la rédaction de l'article 5 de la loi de 2001 prévoit que leur réalisation incombe à la personne projetant d'exécuter les travaux : l'aménageur devient donc le maître d'ouvrage des fouilles.

Dans le cadre des règles du droit de la concurrence et de celles régissant les marchés publics, s'il s'agit d'une personne publique, l'opérateur pourra choisir soit l'INRAP, soit, dès lors que leurs compétences scientifiques sont reconnues par un agrément délivré par l'Etat, un service archéologique de collectivité territoriale ou tout autre opérateur public ou privé.

D'après les indications fournies par le Gouvernement, il semble que le texte de l'article 5 de la loi du 17 janvier 2001, tel qu'il résulte de l'article 3 du projet de loi, ne limite pas, pour les fouilles, la compétence des services archéologiques territoriaux au territoire de la collectivité ou du groupement de collectivités dont ils relèvent. Ainsi, un service municipal pourra effectuer des fouilles en dehors du territoire de la commune dont il dépend. Cette solution, originale, constitue pour les collectivités une incitation à se doter de tels services car elles sauront que leurs recettes ne seront pas limitées aux seules opérations d'aménagement réalisées sur leur territoire. Toutefois, en pratique, il sera vraisemblablement rare qu'un service territorial puisse intervenir en un lieu très éloigné de sa collectivité de rattachement, cela notamment du fait des difficultés à assurer la mobilité géographique de ses agents.

Il convient de souligner que la possibilité pour des opérateurs publics de fournir des prestations de service dans un cadre concurrentiel leur imposera de tenir une comptabilité conçue de telle sorte qu'elles puissent dégager un prix intégrant les coûts de structure, et de ce fait comparable à celui présenté par des concurrents privés. Les conditions d'établissement de cette comptabilité ont été définies par l'avis du Conseil d'Etat Sté Jean-Louis Bernard Consultants du 8 novembre 2000.

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