2. ... tempérée pour des raisons de droit et de fait

Toutefois, cette ouverture des opérations archéologiques à d'autres opérateurs que l'INRAP sera, dans la loi comme dans la pratique, tempérée.

• En premier lieu, la réalisation des diagnostics et des fouilles reste encadrée par les prescriptions édictées par l'Etat.

Le projet de loi ne remet pas en cause le pouvoir de police exercé par l'autorité administrative en matière de protection du patrimoine archéologique en vertu de l'article 2 de la loi du 17 janvier 2001.

Le seul aménagement proposé vise à prévoir que l'édiction de prescriptions par l'Etat est précédée d'une consultation de l'aménageur. Cette disposition traduit le souci louable d'atténuer le caractère unilatéral des décisions préfectorales en ce domaine, caractère qui nourrit les préventions des aménageurs à l'égard des décisions administratives, trop souvent considérées en ce domaine comme arbitraires.

Sous réserve de cette modification, les procédures définies par le décret du 16 janvier 2002 pour l'édiction des prescriptions par le préfet de région devraient demeurer inchangées.

Par ailleurs, les opérations d'archéologie préventive sont réalisées dans les conditions définies par l'Etat.

En effet, pour les diagnostics, comme votre rapporteur l'a souligné plus haut, seules les collectivités territoriales disposant de services archéologiques agréés pourront décider d'exercer les compétences prévues par l'article 4-2 (nouveau). Par ailleurs, il reviendra à l'Etat de désigner le responsable scientifique des opérations de diagnostics.

Pour les fouilles, les aménageurs pourront faire appel à l'INRAP ou à des opérateurs, publics ou privés, mais à la condition que ces derniers soient agréés. Les modalités de cet agrément seront définies par un décret en Conseil d'Etat.

En outre, le projet de loi introduit à l'article 5 de la loi du 17 janvier 2001, dont il propose une nouvelle rédaction, une procédure d'autorisation des fouilles destinée à contrôler la conformité des modalités de leur réalisation aux prescriptions édictées par l'Etat. Cela revient à dire que le choix de l'aménageur sera approuvé par les services de l'Etat. Cette procédure s'ajoute à la compétence dévolue à l'Etat par l'actuel article 2 pour désigner le responsable scientifique des opérations archéologiques.

Votre rapporteur soulignera, à cet égard, la nécessité pour l'Etat du fait de l'ouverture de l'archéologie préventive à une diversité d'opérateurs de se doter de services capables d'assurer de manière effective les compétences qui leur sont dévolues pour assurer le contrôle des opérations de terrain.

Les services de l'Etat en charge de l'archéologie sont actuellement sous-dotés et peinent à accomplir des missions déjà étendues par la loi du 17 janvier 2001 et que renforcera encore la présente loi.

Au-delà d'un manque de moyens flagrant, le ministre a souligné lors de son audition par la commission le 4 juin dernier que ces services souffraient d'un insuffisant encadrement hiérarchique de la part des directeurs régionaux des affaires culturelles.

Le renforcement des prérogatives de l'Etat dans le cadre d'une archéologie plus ouverte exige de remédier à ces carences, ce qui impliquera des services centraux du ministère d'accentuer le rôle d'impulsion et de coordination qui doit être le leur dans le cadre d'une administration déconcentrée.

• En second lieu, l'ouverture à la concurrence s'effectuera dans un contexte où l'INRAP continuera à occuper une place déterminante du fait des moyens humains et techniques dont il dispose.

Peu nombreuses encore sont les collectivités territoriales à s'être dotées de services archéologiques ; les organismes de recherche ou les universités ne disposent ni des équipes ni de la logistique leur permettant d'intervenir de manière systématique sur les projets d'aménagement, en particulier ceux de grande ampleur et s'agissant d'opérateurs privés, le monopole de fait de l'AFAN, puis de droit de l'INRAP, ne les a guère encouragés à se développer.

Au regard de cette analyse, le texte accorde au demeurant à l'établissement public un rôle d'« armée de réserve ». L'article 3 du projet de loi précise que dans les cas où les appels d'offre sont infructueux et ceux où aucun opérateur ne remplit les conditions pour réaliser les fouilles, l'établissement public est tenu d'y procéder.

La concurrence imposée par le texte ne revient pas, on le voit, à livrer l'archéologie préventive à la loi du marché. La souplesse qu'il introduit en permettant aux aménageurs de choisir leur opérateur de fouilles, dans des conditions toutefois compatibles avec le respect du patrimoine archéologique, est de nature à permettre le rééquilibrage nécessaire à l'acceptation par les aménageurs de la « contrainte archéologique », notamment à travers une meilleure maîtrise des délais et des prix.

Par ailleurs, contrairement à ce que certains ont pu affirmer, la possibilité pour les aménageurs de choisir leur opérateur de fouilles n'induira pas de délais supplémentaires pour les collectivités publiques, dans la mesure où compte tenu des niveaux actuels fixés pour le recours à des appels d'offre, qui devraient très prochainement être relevés, la quasi-totalité des marchés de fouilles seront négociés de gré à gré.

• Il convient de souligner également que la réforme proposée ne modifie en rien le statut et l'organisation interne de l'établissement public. L'article 4 dans la rédaction proposée par le projet de loi conserve à l'établissement public son caractère administratif et le statut de ses agents demeure inchangé.

Votre rapporteur s'est toutefois demandé si, compte tenu des conditions dans lesquelles l'établissement sera amené à exercer ses missions, le statut qui lui est dévolu lui permettrait de lutter à armes égales avec ses concurrents qui disposeront d'une plus grande souplesse de gestion, ce qui apparaît essentiel dans une activité dont le volume est sujet à des variations conjoncturelles.

Enfin, le projet de loi réaffirme la mission scientifique confiée à l'établissement public, mission qu'il ne peut aujourd'hui remplir en dépit -ou peut-être à cause- du monopole qu'il détient. Il s'agit là de l'occasion bienvenue de rappeler au ministère de la recherche, s'il l'avait oublié, -ce que votre rapporteur ne peut croire- qu'il exerce avec le ministère de la culture une co-tutelle sur cet établissement public.

Sans modifier sur ce point les termes de l'article 4 actuel de la loi de 2001 relatif aux modalités d'exercice de cette mission, l'article 7 (nouveau) précise les conditions dans lesquelles l'établissement est informé du déroulement et du résultat des fouilles conduites par d'autres opérateurs.

Le projet de loi précise que ces opérateurs sont tenus de remettre à l'Etat et à l'établissement public un exemplaire des rapports de fouilles, dont le contenu et la présentation devront obéir à des règles fixées par décret.

Il convient de souligner que les conditions dans lesquelles l'établissement public s'acquittera de sa mission de recherche sont étroitement tributaires des marges de manoeuvre budgétaire dont il disposera.

Ces marges devraient provenir, dans le schéma proposé par le Gouvernement, du produit de la redevance d'archéologie préventive. Sans vouloir douter a priori de la pertinence des hypothèses financières retenues par le ministère de la culture, votre rapporteur exprime la crainte que la multiplication prévisible des diagnostics n'ampute à l'avenir un produit fiscal, déjà calculé au plus juste, et ne compromette les moyens dont disposera l'INRAP pour mener à bien ses activités scientifiques. A cet égard, l'Etat devra assumer ses responsabilités en finançant par le biais de subventions ces activités, qui relèvent de la mission de service public assumée par l'établissement pour le compte de l'Etat.

A défaut de ce soutien, il y a fort à craindre que ces activités soient négligées -comme c'est déjà le cas actuellement- ou que leur coût ne pèse sur la compétitivité de l'établissement pour la réalisation des fouilles, ce qui conduirait à la mise en place d'un cercle vicieux préjudiciable à sa pérennité en tant qu'opérateur public.

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