ARTICLE 6

Mesures fiscales en faveur des jeunes entreprises innovantes réalisant des projets de recherche et développement

Commentaire : le présent article accorde, sous conditions, des exonérations fiscales au titre de différents impôts (impôts sur les sociétés et sur les plus-values de cessions de valeurs mobilières, impôts locaux), aux jeunes entreprises innovantes qui mènent des projets de recherche et développement et à ceux qui ont souscrit, directement ou indirectement, à leur capital.

I. UN DISPOSITIF COMPLEXE


Lors de l'examen du présent article par la commission des finances de l'Assemblée nationale, notre collègue député François Goulard, a estimé que le dispositif proposé par le présent article était « d'une rare complexité ». Le rapporteur général du budget, notre collègue député Gilles Carrez, a déclaré partager cette appréciation.

Tous deux ont regretté qu'un système plus simple et plus lisible n'ait pas été mis en place.

De fait, quatre nouveaux articles sont introduits dans le code général des impôts et un autre se trouve complété. D'innombrables articles dudit code sont visés par ces nouvelles dispositions. Des modifications sont également apportées au code de la sécurité sociale et au livre des procédures fiscales.

Une telle complexité résulte :

- de l'étendue du champ des exonérations, qui ne saurait être regrettée ;

- de la volonté d'empêcher qu'elles puissent être cumulées avec d'autres mesures fiscales, fort nombreuses, de soutien à des PME existantes ou créées (par exemple en Corse, ou dans des zones sensibles rurales ou des zones franches urbaines, etc.) ;

- enfin, et surtout, du souci d'éviter toute évasion fiscale par la filialisation ou l'externalisation d'activités liées à l'innovation et à la recherche, mais déjà lucratives, d'entreprises ou de groupes de dimensions importantes.

A. DES EXONÉRATIONS NOMBREUSES

Le champ des exonérations accordées par le présent article englobe :

- les impôts directs nationaux sur les revenus (y compris les plus values de cession de parts ou actions d'entreprises) ou sur les sociétés (en y incluant l'imposition forfaitaire annuelle prévue par l'article 223 septies du code général des impôts) ;

- les impôts locaux (taxe foncière sur les propriétés bâties et taxe professionnelle), sur délibération des collectivités concernées ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d'une fiscalité propre.

1. Les exonérations d'impôts nationaux

a) En ce qui concerne l'imposition des revenus ou des sociétés

Une jeune entreprise innovante (JEI), au sens défini par le présent article et aux conditions qu'il fixe (voir plus loin), peut bénéficier d'une exonération totale d'impôt sur le revenu ou sur les sociétés au titre de ses trois premiers exercices ou périodes d'imposition bénéficiaires (la durée totale de ces exonérations - les périodes bénéficiaires pouvant ne pas être consécutives- ne saurait excéder trente-six mois).

En outre, il est prévu que l'imposition de la même entreprise puisse être réduite de moitié au titre des deux exercices, non nécessairement successifs, ou périodes d'imposition bénéficiaires suivant les trois années d'exonération totale susvisées, pour une durée maximum de vingt-quatre mois (à condition qu'elle continue à satisfaire aux critères exigés).

L'exonération prévue semble donc, à première vue, large et généreuse dans la mesure où elle est totale ou significative (réduction de moitié) et s'échelonne, dans le temps, d'une façon qui tient compte des difficultés de la JEI à réaliser durablement des bénéfices au cours de ses premières années d'existence.

Toutefois, pour en bénéficier, la JEI doit nécessairement avoir été créée depuis moins de huit ans, s'agissant de l'exonération totale, durée pendant laquelle il est peu probable qu'elle connaisse trois exercices bénéficiaires ; au-delà, il faut qu'elle continue à satisfaire à toutes les autres conditions exigées (d'effectifs, de chiffre d'affaires ou de résultat du bilan) pour prétendre bénéficier, durant un seul exercice, de l'abattement de 50 % prévu.

Au total, compte tenu de ces contraintes chronologiques, le dispositif est donc beaucoup moins favorable qu'il n'y paraît .

Cependant, les JEI concernées sont par ailleurs exemptées, en vertu des dispositions d'un nouvel article 223 nonies A, inséré dans le code général des impôts, de l'imposition forfaitaire annuelle , prévue par l'article 223 septies du même code (selon le chiffre d'affaires, majoré des produits financiers, cette contribution varie entre 750 et 30.000 euros).

b) S'agissant des plus values

S'agissant du régime d'imposition des plus values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux, les exonérations d'impôt sur le revenu, prévues par le III de l'article 150-0-A en ce qui concerne certains fonds communs de placement ou les sociétés de capital risque, sont étendues aux détenteurs de parts ou actions des JEI considérées, sous des conditions spécifiques (conservation des titres pendant au moins trois ans, participation se situant en-dessous de 25 %...).

Les délais accordés dans ce domaine sont moins restreints que ceux évoqués précédemment puisque l'intéressé peut encore opter pendant cinq ans pour le régime de faveur en question, lorsque l'entreprise ne remplit plus les conditions requises pour continuer à être considérée comme une JEI au sens du présent article.

2. Les exonérations d'impôts locaux

Sur délibération expresse 49( * ) , les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre ont la faculté, pour une durée de sept ans, d'accorder aux JEI concernés, selon les échéanciers propres à la fiscalité locale, des exonérations :

- de taxe foncière sur les propriétés bâties ;

- de taxe professionnelle.

B. DES FAVEURS SOUMISES À CERTAINES CONDITIONS

1. Des avantages réservés à des PME indépendantes dont l'effort de recherche est significatif


Le dispositif du présent article vise des petites et moyennes entreprises, indépendantes, dont l'effort de recherche et développement est significatif.

a) Les entreprises exonérées doivent être petites ou moyennes ...

Pour pouvoir bénéficier des avantages fiscaux prévus par le présent article, la jeune entreprise innovante (JEI) doit, tout d'abord, être une petite ou moyenne entreprise, au sens où l'entend la Commission européenne 50( * ) , c'est-à-dire :

- employer moins de 250 personnes (effectifs appréciés par référence au nombre moyen de salariés au cours de l'exercice considéré) ;

- réaliser un chiffre d'affaires annuel inférieur à 40 millions d'euros ou présenter un bilan d'un total de moins de 27 millions d'euros.

b) ... indépendantes

Il est exigé que le capital des entreprises visées par le présent article (et par le nouvel article 44 sexies -0A qu'il introduit dans le code général des impôts) soit détenu dans une proportion d'au moins 75 % par :

- des personnes physiques ;

- ou une autre PME elle aussi contrôlée, dans la même proportion, par ce type de personnes ;

- ou par diverses structures de financement de capital risque 51( * ) ou d'innovation, sans qu'aucune ne détienne la majorité du capital social de la société cible ou n'y exerce, en fait, le pouvoir de décision (absence de lien de dépendance au sein de l'article 39 du code général des impôts).

L'objectif de ces restrictions relatives à la composition du capital des entreprises visées paraît être d'empêcher toute tentative d'évasion fiscale de grands groupes qui filialiseraient certaines de leurs activités, déjà bénéficiaires, orientées vers la recherche et développement, de façon à profiter des exonérations prévues par le présent article.

Ce risque, toutefois, ne doit pas être exagéré car une grande entreprise a peu d'intérêt, dans la plupart des cas, à perdre le contrôle des activités considérées (tout lien de dépendance étant exclu, on l'a vu, par la règle des 75 %, entre la JEI et une société importante).

De toute façon, la création de la nouvelle entreprise ne doit pas résulter d'une restructuration ni d'une reprise ou d'une extension d'activités préexistantes.

c)... orientées vers la recherche

L'un des critères permettant de définir une jeune entreprise innovante 52( * ) est la part de ses charges totales (au moins 15 %) que doivent représenter ses propres dépenses de recherche 53( * ) .

Ces dernières doivent rentrer dans les catégories éligibles au crédit d'impôt recherche, énumérées par les alinéas a à e de l'article 244 quater B du code général des impôts.

Les dépenses de veille technologique ou liées à l'élaboration de nouvelles collections du secteur textile-habillement-cuir, visées par les alinéas g à i de l'article précité, ne sont donc pas prises en compte.

Les dépenses retenues sont effectuées, soit directement par l'entreprise (amortissement d'équipements, y compris la réalisation de prototypes ; dépenses de personnel et de fonctionnement), soit, pour son compte, par des organismes de recherche privés ou publics ou des universités. S'y ajoutent des opérations de prises, de maintenance ou d'acquisition de brevets.

2. Les contraintes de temps

La plupart des conditions de durée auxquelles sont soumises les exonérations accordées ont été évoquées plus haut :

- la JEI doit avoir été créée depuis moins de huit ans ;

- les périodes bénéficiaires totales, non consécutives d'exonérations ne peuvent excéder :

• trente-six mois pour l'exonération totale durant les huit ans précités ;

• vingt-quatre mois pour l'abattement de 50 %, avec la possibilité d'en bénéficier, au-delà des 8 ans, si toutes les conditions requises, sauf celle de la durée d'existence, pour bénéficier d'un statut de JEI, continuent d'être réunies par ailleurs.

Les dispositions de l'article s'appliquent :

- à compter du 1 er janvier 2004, et jusqu'au 31 décembre 2013, s'agissant des impôts sur les revenus et les sociétés, et de l'imposition forfaitaire annuelle ;

- à compte de la même date, mais jusqu'à cinq ans après que la société ne soit plus une JEI, concernant les plus-values de cession de ses titres.

Pour les impôts locaux, la situation est plus complexe.

S'agissant de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est fait ainsi référence aux délais 54( * ) prévus par l'article 1467 A du code général des impôts relatif à la détermination des bases de taxe professionnelle. L'exonération s'applique pour une durée de 7 ans, s'agissant d'immeubles appartenant à une société, soit déjà existante, créée depuis moins de 8 ans au 1 er janvier de l'année d'imposition, soit créée entre le 1 er janvier 2004 et le 31 décembre 2013.

Le III du présent article précise que l'entreprise exonérée de taxe professionnelle doit avoir été créée, comme c'est le cas pour la taxe foncière, soit depuis moins de huit ans avant le 1 er janvier 2004, soit entre cette date et le 31 décembre 2013.

Les contribuables intéressés par cet avantage doivent demander à en bénéficier dans les délais prévus par l'article 1477 du code général des impôts, c'est-à-dire avant le 1 er mai pour une entreprise existante, ou avant le 1 er janvier de l'année suivant sa création, pour une entreprise nouvelle.

Pour bénéficier, dès 2004, de l'exonération de taxe professionnelle instaurée, les contribuables doivent en faire la demande au plus tard le 15 février 2004.

Les délibérations correspondantes des collectivités territoriales ou des établissements publics de coopération intercommunale auront, de leur côté, été prises avant le 31 janvier 2004.

Enfin, le V du présent article complète l'article 280 B du livre des procédures fiscales, en précisant qu'aucun redressement d'imposition antérieures ne pourra être effectué sur la base d'une erreur éventuelle, si l'administration n'a pas répondu, dans un délai de 6 mois, ( rescrit fiscal), à une question posée par un contribuable de bonne foi, au sujet de la qualification de JEI de son entreprise, à partir d'une présentation précise et complète de la situation de celle-ci.

3. Des montants plafonnés

A l'exception des exonérations d'imposition des plus-values, qui ne concernent pas les entreprises elles-mêmes, mais les détenteurs de leur capital, les autres avantages prévus par le présent article sont accordés « dans les limites prévues par le règlement (CE) n° 69/2001 de la commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis » qu'il s'agisse de fiscalité nationale ou locale.

L'objet du règlement précité du 12 janvier 2001 est de définir un plafond en dessous duquel les aides publiques accordées aux entreprises dans un Etat membre n'ont pas besoin d'être notifiées à la Commission européenne.

Une entreprise est ainsi considérée comme aidée de minimis si le total des aides dont elle bénéficie, quels que soient leur forme et leur objectif, ne dépasse pas, en montants bruts, avant impôts directs, 100.000 euros sur trois ans.

L'Etat membre est, au regard du droit communautaire, comptable des aides versées par toutes les autres collectivités publiques, notamment locales. Mais le contrôle du caractère de minimis du total des aides ne peut être effectué qu'en collaboration avec l'entreprise bénéficiaire.

4. Les autres limites du champ des exonérations

En dehors des conditions liées au statut des JEI visées (durée d'existence, nature des activités, etc...) ou à l'application du droit communautaire (aides de minimis ), le présent article prévoit d'autres limitations du champ des exonérations qu'il instaure.

C'est ainsi que restent imposables, dans les conditions de droit commun :

- les dividendes sur les parts détenues dans les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés ou imposées à l'impôt sur le revenu 55( * ) ;

- les produits sans contrepartie commerciale (subventions, libéralités, abandons de créances détenues sur la jeune entreprise innovante) ;

- la part de créances recouvrées et des produits financiers qui excèdent le montant des frais engagés de même nature, au titre de l'exercice ou de la période d'imposition considérée.

Par ailleurs, les plus values, exonérées, de cessions de titres de JEI visées par le présent article, sont assujetties aux prélèvements sociaux (CSG et CRDS), comme tous les produits patrimoniaux, s'agissant de personnes fiscalement domiciliées en France.

Celles-ci sont obligatoirement mentionnées dans la déclaration de revenus du contribuable et incluses dans le revenu fiscal de référence tel qu'il est défini par l'article 1417 du code général des impôts (afin de permettre le calcul des taxes foncières et d'habitation et de déterminer, hypothèse peu plausible en l'occurrence, le droit à certains avantages sociaux : prime pour l'emploi, allocations diverses...).

5. Des avantages non cumulables

Le dispositif prévu, analysé ci avant, se superpose à des régimes dérogatoires concernant les PME dont le Conseil des impôts a dénoncé le nombre excessif dans son récent XXI è rapport.

Ces différents avantages ne doivent pas pouvoir être cumulés.

Ce sont les dispositions prises à cet effet, en plus des restrictions relatives à la composition du capital des sociétés visées et à la durée des avantages accordés, qui expliquent, principalement, la complexité et la difficile lisibilité du présent article.

Les JEI concernées doivent exercer une option irrévocable entre le droit aux nouvelles exonérations d'impôts sur le revenu ou sur les sociétés, de taxes foncières sur les propriétés bâties ou de taxe professionnelle, qui sont ici proposées, et d'autres avantages, prévus par d'autres régimes particuliers, auxquels elles pourraient également prétendre.

Ces régimes particuliers sont mentionnés ci-après, en ce qui concerne les exonérations temporaires d'impôt sur le revenu ou sur les sociétés (dont les modalités ne peuvent être détaillées ici) tendant à favoriser la création d'entreprises dans certaines zones.


Articles du code général des impôts

Exonérations temporaires d'impôt sur le revenu ou d'impôt
sur les sociétés

44 sexies

Zones de revitalisation rurale, d'aménagement du territoire, de redynamisation urbaine
Territoires ruraux de développement prioritaire

44 octies

Zones franches urbaines

44 decies

Corse

244 quater E

Corse (crédits d'impôt pour certains investissements)

Dans les mêmes zones, ainsi que dans d'autres (zones urbaines sensibles), ou sur tout le territoire et sans date butoir (reprise d'entreprise industrielle en difficulté visée par l'article 44 septies du code général des impôts) peuvent être, par ailleurs, consenties des exonérations d'impôts locaux (foncier bâti ou taxe professionnelle).

De nombreuses d'entre elles sont compensées par l'Etat et accordées sauf délibération contraire (pour ce qui concerne les immeubles en zone franche urbaine compris dans les bases de la taxe professionnelle, l'investissement en Corse, les créations, reconversion et reprises d'activités dans les zones de redynamisation urbaine ou les zones franches urbaines).

Ce n'est pas le cas de celles prévues par le présent article octroyées sur délibération des collectivités ou établissements intéressés, sans compensation de l'Etat.

Par la possibilité d'être attribuées sur tout le territoire, les exonérations accordées par le présent article aux JEI ayant des activités de recherche seront pour elles, plus intéressantes que celles de la plupart des autres régimes dérogatoires, de durée, en outre, souvent beaucoup plus brève (2 à 5 ans) et correspondant à d'autres objectifs (par exemple les reprises d'activités dont elles ne doivent pas être issues...).

II. UN DISPOSITIF TRÈS ENCADRÉ

A. UN RÉGIME ATTRACTIF


Le dispositif proposé par le présent article possède de nombreux atouts pour séduire des créateurs d'entreprises et les investisseurs privés disposés à les aider financièrement, dans le domaine, très important pour l'amélioration de la situation de l'emploi, des activités innovantes et de recherche.

1. Une large prise en compte de l'effort de recherche

L'effort de recherche exigé d'une jeune entreprise pour être qualifiée d'innovante et pouvoir bénéficier des exonérations prévues par le présent article est à la fois :

- pertinent dans sa proportion (15 % des charges totales engagées par l'entreprise pour la réalisation de ses propres projets) ;

- large en ce qui concerne les investissements pris en considération puisque ce sont les mêmes que pour le crédit d'impôt recherche dont le mécanisme se trouve renforcé par l'article 62 du projet de loi de finances pour 2004 ; à l'exclusion des dépenses de veille technologique (qui ne sont pas indispensables à une PME réactive et très spécialisée) et de celles exposées par des entreprises du secteur textile-habillement-cuir pour l'élaboration de nouvelles collections (qui relève plutôt de la création artistique).

La prise en compte des dépenses relatives aux brevets (prix, maintenance, défense, acquisition) paraît, notamment, une mesure très positive, étant donné le retard de la France en la matière.

2. Un éventail d'exonérations ouvert


L'éventail des exonérations prévu est, on l'a vu, très ouvert puisque ces avantages peuvent concerner à la fois :

- l'entreprise, au titre, à la fois, des impôts nationaux sur le revenu et les sociétés, et locaux (taxe professionnelle et sur le foncier bâti) ;

- les détenteurs de parts ou actions de la société concernée (plus-values de cessions) qui peuvent être 56( * ) des structures de capital risque ou des Business Angels (SUIR).

3. Des taux généreux

Les taux des exonérations d'impôts sur le revenu et les sociétés semblent particulièrement généreux puisqu'ils atteignent 100 % pendant les trois premiers exercices bénéficiaires non consécutifs et 50 % durant les deux suivants (dans les limites toutefois des aides communautaires de minimis déjà évoquées).

L'exonération est également totale pour les plus-values de cessions de parts ou actions de JEI souscrites à compter du 1 er janvier 2004 et gardées pendant 3 ans à condition que la société conserve ce statut pendant la même période et qu'il ne s'agisse pas d'une participation dépassant 25 % des droits.

Si la société a cessé d'être une JEI au sens du présent article, la plus-value peut ne pas être imposée pendant les cinq années qui suivent, sur option de l'intéressé.

4. Le droit au crédit d'impôt recherche

L'une des largesses du nouveau dispositif réside dans la possibilité offerte aux jeunes entreprises innovantes de cumuler les avantages liés à leur statut avec ceux du crédit d'impôt recherche, renforcés par l'article 62 du présent projet de loi de finances.

Considéré comme une mesure fiscale générale et non pas comme une aide de l'Etat, ce crédit, qui s'impute sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année de réalisation des dépenses éligibles, n'est pas soumis à la limitation communautaire de minimis .

Le plafond en est ainsi, actuellement, de 6.100.000 euros et doit en être porté à 8.000.000 euros en 2004.

Mais il faut naturellement, pour bénéficier d'un tel crédit, être assujetti à l'impôt correspondant et dégager des résultats qui soient imposables, ce qui ne serait pas le cas à l'issue des exercices déficitaires de la JEI ni de ses trois premiers exercices bénéficiaires où elle se trouverait exonérée de toute imposition de ses revenus ou de ses bénéfices.

Une fois encore, les dispositions du présent article (qui font exception, au non cumul, prévu par ailleurs, avec d'autres avantages fiscaux) risquent de se révéler moins favorables dans la pratique que sur le plan théorique.

Au total, le régime prévu par cet article serait donc assez attractif et efficace, s'il n'était pas très encadré en ce qui concerne les conditions de durée d'existence et de détention du capital des entreprises visées.

B. DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ STRICTES

1. Une durée trop courte d'existence


Comme l'ont fait valoir à votre rapporteur général le conseil stratégique de l'innovation (CSI) et les associations croissance plus et France Biotech (qui regroupe la majorité des entreprises françaises de biotechnologie et de leurs partenaires), il faut, dans de nombreux domaines 57( * ) , de dix à vingt ans pour qu'une entreprise innovante nouvellement créée devienne viable.

Une étude, très intéressante, réalisée par des économistes des universités Paris I (Pierre Kopp) et Paris XII (Rémy Prud'homme) a analysé l'impact de divers allégements de charges d'impôts et de charges sociales sur des jeunes entreprises innovantes de moins de 18 ans (voir encadré).

Il en résulte :

- tout d'abord, que le coût pour l'Etat des divers allégements fiscaux envisagés (5 millions d'euros, en 2004, pour l'ensemble du dispositif du présent article) est minime en comparaison de celui des compensations de charges sociales (25 millions d'euros ont été inscrits, à ce titre, pour 2004, à un nouveau chapitre du budget de l'industrie) ;

- ensuite, que sept ans après le début d'application des mesures, leur impact budgétaire total serait encore légèrement négatif (- 2 millions d'euros). Cependant, s'agissant des charges sociales, l'effet de l'élargissement de l'assiette (+ 60 % d'emplois créés par rapport à un scénario sans allégement) commence à l'emporter sur la baisse du taux de prélèvement (- 50 % pendant 10 ans).

En 2020, 500 entreprises et 15.000 emplois auraient été créés grâce aux allégements dégressifs consentis : le supplément de cotisations sociales perçu est bien supérieur au coût des avantages fiscaux qui subsistent et les finances publiques sont, au total, largement bénéficiaires (+ 1,170 milliard d'euros).

Résumé des principaux résultats
d'une étude sur les effets d'allégements fiscaux pour JEM 18
(jeunes entreprises de moins de 18 ans)

L'étude a été réalisée à partir de données fournies par l'ANVAR (agence nationale de valorisation de la recherche). Ne sont prises en considération que les entreprises qui survivent au moins 18 ans.

Les résultats de deux scénarios sont comparés, avec (A) et sans (S) allégements fiscaux.

Les allégements fiscaux envisagés sont les suivants :

- charges sociales (- 50 % les dix premières années, - 30 % les 8 suivantes) ;

- imposition des bénéfices (- 100 % durant les cinq premiers exercices, - 50 % puis - 30 % les cinq puis dix années postérieures) ;


- IRPP (déduction de 75 % des investissements réalisés par les salariés dans l'entreprise) ;

- ISF (actions, bons de souscription d'action ou de parts de créations d'entreprises, patrimoine des impatriés).

Ces différents avantages sont censés (hypothèse assez conservatrice) faire passer :

- de 10 % à 20 % l'accroissement du nombre de JEI créées chaque année ;

- de 10 % à 15 % celui de leurs salariés.

En première année, le coût de l'exonération d'IS (7 millions d'euros) est minime en comparaison de celui de l'allégement des charges sociales (100 millions d'euros).

La dépense fiscale considérée n'est jamais considérable (- 8,5 millions d'euros en 2010 avec un abattement de 50%). Pour l'ISF, elle est minime (- 1,9 million d'euros en 2020). C'est, finalement, les réductions d'IRPP qui sont les plus coûteuses (20 % de la masse salariale étant supposés investis dans l'entreprise et pouvant être déduits, à 75 %, du revenu imposable).

En 2020, le supplément de cotisations sociales et l'élargissement de l'assiette de l'IS (15.000 emplois et 500 entreprises créés) compensent largement les déductions d'IRPP (- 178 millions d'euros) et le solde des finances publiques est amélioré de plus d'un milliard d'euros (1.170 millions d'euros).


Cette simulation, prudente dans ses hypothèses, montre les vertus de la constance, de la persévérance et de la générosité, en matière d'aide aux jeunes entreprises innovantes : le coût fiscal n'est pas très important, celui des allégements de charges sociales l'est beaucoup plus au départ (les cotisations sociales sur les salaires étant particulièrement élevées en France).

Mais, à moyen terme, les retours des incitations mises en place sont très bénéfiques pour l'emploi et, finalement, pour les finances publiques.

La durée de 8 ans qu'une nouvelle entreprise ne soit pas dépasser pour relever du statut de JEI et bénéficier des avantages du régime fiscal correspondant, paraît trop brève. Cette limitation risque de compromettre la consolidation des résultats de la JEI et la poursuite de son développement. Elle l'empêchera, dans la pratique, de profiter pleinement des avantages prévus (exonération d'imposition des bénéfices de 100 % pendant trente-six mois et de 50 % pendant vingt-quatre mois), car le délai exigé sera expiré avant qu'elle ait connu suffisamment de périodes d'activités bénéficiaires.

Cette restriction sera, au total, contreproductive, à terme, pour les finances publiques, par rapport à l'amélioration potentielle de leur solde qui résulterait d'un allongement de la durée des avantages prévus.

2. Des conditions restrictives relatives à la composition du capital

a) Un statut réservé à des PME entièrement nouvelles et indépendantes

Pour pouvoir bénéficier des avantages fiscaux prévus par le présent article, la JEI doit être, on l'a vu, indépendante.

Cette exigence tient à la préoccupation d'éviter une évasion fiscale provoquée par la filialisation ou l'externalisation, par des sociétés ou des groupes, de certaines de leurs activités (comportant une part de dépenses consacrées à la recherche et développement d'au moins 15 %). Les raisons pour lesquelles ce risque ne doit pas être exagéré ont déjà, également, été évoquées (perte des avantages liés au crédit d'impôt recherche et du contrôle des activités concernées).

Pour parer néanmoins à toute diminution éventuelle de matière imposable, dont bénéficieraient des entreprises préexistantes, de nombreuses précautions sont prises.

La JEI :

- doit être entièrement nouvelle : sa création ne saurait résulter d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes ;

- son capital, entièrement libéré, doit être détenu, de manière continue, à 75 % au moins par des personnes physiques, une autre PME satisfaisant le même critère, ou des structures de capital risque 58( * ) dont elle est indépendante (c'est-à-dire qui ne possèdent pas la majorité de son capital social ou y n'exercent pas le pouvoir de décision).

b) Des exigences critiquables

Le « verrouillage », ci-avant analysé, du dispositif du présent article, encourt plusieurs critiques :

- il le rend, apparemment, inapplicable aux créations de jeunes entreprises issues d'un essaimage à partir de sociétés privées ou même d'organismes publics (établissements publics d'enseignement supérieur à caractère scientifique et technique ou industriel et commercial).

- il ignore les situations, signalées à votre rapporteur général, dans lesquelles une nouvelle entreprise peut être contrôlée, dans ses toutes premières années d'existence, par une des structures de financement visées par le troisième tiret du d du texte proposé pour l'article 44 sexies OA introduit dans le code général des impôts (une société financière d'innovation peut ainsi très bien détenir, initialement, le capital d'une jeune entreprise biotechnologique, ce qui ne satisfait pas à la condition d' absence de lien de dépendance exigée pour bénéficier des avantages fiscaux réservés aux JEI).

On remarquera que les fondations de recherche ne figurent pas parmi les structures de financement susmentionnées.

- s'agissant enfin de l'exonération d'imposition des plus-values de cessions instaurées par le IV du présent article (à l'article 150-O A du code général des impôts), elle est subordonnée à la condition que le cédant et sa famille ne détiennent pas ensemble, directement ou indirectement, 25 % des droits financiers (et des droits de vote en conséquence d'un amendement de l'Assemblée nationale) dans les bénéfices de la société, depuis la souscription des titres cédés.

Or, il a été fait observer à votre rapporteur général que la création des JEI est très souvent effectuée par une ou deux personnes, détentrices d'un savoir technique spécifique, qui entendent contrôler leur entreprise, tout en bénéficiant de financements extérieurs.

Dans ce cas, il leur est impossible de détenir à la fois, dans la JEI :

- moins de 25 % des droits financiers ou des droits de vote, comme cela est exigé pour être exonéré d'impôt sur les plus values ;

- et au moins 75 % du capital (si elles sont les seules personnes physiques propriétaires) pour satisfaire aux conditions dont dépend l'octroi des exonérations d'impôt sur les revenus et les sociétés prévues par ailleurs 59( * )

3. Les autres contraintes

Il peut sembler sévère qu'une PME perde définitivement le statut de JEI dès lorsqu'elle ne satisfait plus l'une des conditions requises pour en bénéficier, en particulier lorsqu'elle franchit, grâce à son dynamisme, les seuils d'effectifs ou de chiffre d'affaires précisés au a du texte proposé pour le nouvel article 44 sexies OA du code général des impôts.

4. Une omission

Le présent article définit le statut fiscal des jeunes entreprises innovantes. Il laisse cependant de côté la question des investisseurs et des personnalités susceptibles d'accompagner et d'encourager leur développement.

Pourtant, il pourrait être envisageable de permettre aux JEI d'attribuer des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises (BSPCE) aux personnes particulièrement efficaces et compétentes, françaises et étrangères, qu'elles ont besoin d'attirer dans leurs instances dirigeantes ou de conseil (conseil d'administration ou de surveillance, conseil scientifique...).

En outre, si l'on suit le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, notre collègue député Gilles Carrez, qui a estimé, dans son commentaire du présent article, que les effets incitatifs recherchés par ce dernier, s'adressaient à des investisseurs avisés, indépendants, susceptibles d'injecter massivement des fonds, dans une intention spéculative, dans le capital des primes entreprises innovantes concernées, il pourrait être utile d'envisager des incitations fiscales en faveur des investisseurs potentiels. La voie de l'impôt de solidarité sur la fortune est parfois évoquée. Cela permettrait sans aucun doute d'attirer des investisseurs dans le capital de ces entreprises. Mais cela reviendrait également à créer une niche fiscale de plus ...

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le gouvernement a fait le choix de proposer la création d'une nouvelle catégorie juridique, les jeunes entreprises innovantes, et de créer en leur faveur un régime fiscal ad hoc .

Pour que ce régime puisse engendrer les effets positifs escomptés, des améliorations, tendant à un élargissement raisonnable, sont sans doute nécessaires.

Il n'en reste pas moins que les dispositions du présent article ont pour objet de créer une nouvelle niche fiscale. Elles illustrent à merveille les travers de la fiscalité à la française tels que les a décrits les Conseil des impôts dans son XXI è rapport :

- le dispositif proposé s'ajoute aux 18 systèmes d'aides fiscales à la création et à la transmission d'entreprises déjà en vigueur, et n'en remplace aucun ;

- il est particulièrement complexe et confine à l'ésotérisme. Pour limiter à la fois les abus et l'incidence budgétaire, de multiples conditions d'éligibilité sont exigées pour bénéficier du nouveau régime fiscal ;

- malgré, et sans doute à cause de, ces précautions, la qualification juridique de JEI reste floue, profitera essentiellement aux initiés et donnera probablement lieu à de nombreux contentieux ;

- ce dispositif, qui s'apparente à une usine à gaz, nécessitera une gestion administrative lourde ;

- cette lourdeur est à mettre en relation avec la portée limitée du dispositif, qui s'adresse à un petit nombre d'entreprises, pour lesquelles les avantages seront plafonnés au seuil maximal autorisé par la règle communautaire de minimis (100.000 euros sur trois ans).

Décision de la commission : votre commission a décidé de réserver sa position sur cet article.

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