ARTICLE 2

Barème de l'impôt sur le revenu

Commentaire : le présent article tend, d'une part, à poursuivre le mouvement de baisse de l'impôt sur le revenu, entamé avec le collectif budgétaire de juillet 2002, par une diminution supplémentaire de 3 % du barème, et, d'autre part, à actualiser les limites des tranches du barème de l'impôt sur le revenu comme des seuils associés. Cet article propose par ailleurs l'abaissement à 700 euros du plafond de la demi-part supplémentaire accordé aux personnes seules ayant élevé un enfant.

Le présent article tend d'abord à conforter le mouvement de baisse de l'impôt sur le revenu, conformément aux engagements du Président de la République.

Il a également pour objet de procéder, comme il est de tradition, à l'actualisation de différents seuils associés en fonction de l'inflation, étant noté que les choix faits à cet égard par le gouvernement se révèlent favorables aux contribuables et notamment aux plus modestes d'entre eux.

Votre commission des finances saisit l'occasion de cet article pour présenter son analyse de l'évolution de ce volet de notre système fiscal en insistant sur la nécessité d'aboutir à une vision consolidée de l'imposition des personnes et à une maîtrise des dépenses fiscales.

I. ENRACINER LA TENDANCE À LA BAISSE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

La baisse de l'impôt sur le revenu a un impact économique mécanique en ce qu'elle restitue du pouvoir d'achat aux Français ; mais elle a aussi un impact psychologique très important, notamment du point de vue de l'attractivité du territoire national.

A. FAVORISER L'OFFRE ET STIMULER LA DEMANDE

Votre rapporteur général rappelle que, fondamentalement, il s'agit moins d'une mesure de court terme tendant à stimuler la demande que d'une mesure de moyen terme destinée à favoriser l'offre.

L'impact conjoncturel de la baisse de l'impôt sur le revenu n'est pas négligeable. Dans sa note de conjoncture de juin 2003, l'INSEE a estimé que la mesure avait provoqué une croissance de la consommation des ménages de 0,10 point au quatrième trimestre 2002 et de 0,15 point au premier semestre 2003, soit un effet global de 0,25 point.

Mais la réduction d'impôt tend essentiellement à rehausser le potentiel d'offre de l'économie . D'une part, elle permet de réduire l'écart entre le coût du travail supporté par les entreprises et la rémunération nette perçue par les salariés ; d'autre part, elle devrait alléger l'impôt payé par les agents qui innovent ou font preuve d'initiative.

Il convient de revenir sur certains excès de la progressivité acceptables à la Libération, quand il s'agissait au sortir des épreuves de la Seconde guerre mondiale de reconstruire le pays et de faire face aux besoins sociaux les plus urgents, mais en décalage aujourd'hui avec les moeurs du temps dans un espace économique de plus en plus ouvert.

La France fait partie du grand marché intérieur européen et participe au processus de mondialisation des grandes économies, deux phénomènes qui se traduisent, dans un contexte de concurrence exacerbée, par une mobilité croissante des facteurs de production, capital mais aussi travail. Les talents sont aujourd'hui d'autant plus mobiles qu'une carrière, pour un jeune Français, comporte naturellement un certain nombre d'années passées à l'étranger, et que l'état-major d'une grande entreprise bien constituée se doit d'être composé de cadres de toutes nationalités.

L'impôt sur le revenu français doit donc se rapprocher des moyennes européennes, même si un différentiel de taux d'imposition pour les hauts revenus reste soutenable, dès lors qu'il s'accompagne de services collectifs supplémentaires ou de meilleure qualité, notamment en matière de santé ou d'éducation.

B. RESTER DANS LA COURSE FISCALE

La précédente décennie se caractérise par un certain reflux de la pression fiscale directe à travers l'impôt sur le revenu dans la plupart des pays européens. La France, en dépit de son attachement culturel à un système dans lequel l'on affiche des taux élevés au sommet du barème n'a pas pu se tenir à l'écart de cette tendance générale.

A l'issue de la réforme dont le coût global, y compris les 5 % de baisse votés dans le cadre de la loi de finances rectificative du 6 août 2002, se monte à 4,9 milliards d'euros, l'impôt sur le revenu en France restera très concentré : 10 % des foyers fiscaux ayant des revenus les plus élevés acquittent presque les trois quarts de l'impôt total .

Un examen comparatif démontre que seuls les Pays-Bas et la Belgique ont encore des taux supérieurs à 50 %.

Pays

Taux d'imposition marginal supérieur
(imposition des revenus de 2001)

France

49,58 %

Allemagne

48,5 %

Espagne

48 %

États-Unis

35 % (1)

Italie

45,5 %

Royaume-uni

40 %

Belgique

52 %

Pays-Bas

52 %

(1) Non compris l'impôt sur le revenu prélevé par les États fédérés

En outre, il faut prendre en compte le niveau de revenu auquel s'applique le taux maximum. De ce point de vue, la France se situe à un niveau moyen, de l'ordre de 47.000 euros, supérieur au barème belge mais inférieur en particulier au barème allemand pour lequel le taux maximum est applicable aux revenus supérieurs à 55.000 euros.

En fait, les pays dont les seuils de la tranche la plus imposée sont sensiblement plus faibles que ceux de la France (la Grèce et l'Irlande notamment), ont aussi des taux marginaux très inférieurs (égaux respectivement à 40 et 42 %).

Il faut toutefois attirer l'attention sur le caractère incomplet de telles comparaisons dans la mesure où la France est un des seuls pays à pratiquer le quotient familial et le quotient conjugal, ce qui diminue sensiblement le poids de l'impôt sur le revenu pour les familles.

II. DES MODALITÉS D'ACTUALISATION FAVORABLES

Comme chaque année, le présent article tend à l'actualisation du barème de l'impôt et des seuils associés en fonction de l'inflation prévisionnelle.

A. DES SEUILS AJUSTÉS EN FONCTION DE L'INFLATION

En l'occurrence, l'indexation est effectuée sur la base de l'évolution des prix (hors tabac), soit 1,7 % pour 2003. Le coût de cette mesure se monte à 1 milliard d'euros en ce qui concerne la seule indexation des seuils du barème prévue au 1° du I du présent article.

En ce qui concerne le 2° du I , qui tend à relever les différents plafonds associés aux mécanismes du quotient familial, le coût de la mesure d'actualisation est de 37 millions d'euros. On notera que le plafond de la demi-part de droit commun passe de 2.051 euros à 2.086 euros.

Le II du présent article concerne l'abattement sur le revenu global net en cas de rattachement au foyer fiscal d'un enfant majeur prévu par l'article 196-B du code général des impôts.

L'abattement, qui passe de 4.137 euros  à 4.388 euros, est en progression de 6,1 %, soit un niveau sensiblement supérieur au 1,7 % d'augmentation des autres paramètres. Il s'agit de conserver, pour un contribuable imposé au taux de la tranche supérieure, la neutralité des deux possibilités que sont le rattachement de l'enfant au foyer fiscal, dans le cas du mécanisme de droit commun du quotient familial, et la déduction du revenu imposable de la pension alimentaire versée à un enfant majeur 3( * ) .

B. DES CHOIX FAVORABLES AUX CONTRIBUABLES

Si le gouvernement a choisi de maintenir le minimum de perception à 61 euros, il a, en revanche, décidé de ne pas compenser à l'entrée du barème l'allègement des taux par une modification de la décote, dont le montant est maintenu à son niveau antérieur sous réserve d'une simple indexation sur les prix.

On rappelle que le mécanisme de la décote vise à limiter la charge fiscale à l'entrée dans le barème. Ainsi, pour les revenus de 2003, les contribuables bénéficient d'une décote lorsque leur cotisation d'impôt est inférieure à 772 euros. La décote est égale à la différence entre 386 euros et la moitié de leur cotisation d'impôt : plus leur cotisation se rapproche du montant de la décote, en l'occurrence 772 euros, plus l'avantage est faible. Corrélativement, le mécanisme, en dépit de son aménagement, assure une progressivité accrue de l'impôt à l'entrée du barème.

Le non-ajustement de la décote, pour tenir compte de la baisse des taux du barème, procure au contribuable un double avantage. En premier lieu, du fait de la baisse des taux, les cotisations d'impôt vont diminuer et un plus grand nombre de contribuables va se trouver avec des cotisations d'impôt inférieures au seuil de la décote. En second lieu, l'avantage lié à la décote est plus important après la diminution de l'impôt.

C'est ainsi que, selon les indications fournies dans le rapport de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, le nombre de foyers bénéficiaires de la décote devrait augmenter , passant de 11,65 millions à 11,74 millions en 2003, soit une hausse de 84.000 foyers.

Par ailleurs, parmi les foyers dont la cotisation est simplement allégée, la réduction en pourcentage de l'impôt est importante, pouvant aller, toujours selon les mêmes sources, jusqu'à 12,7 % des cotisations pour des niveaux de revenus de l'ordre de 10.000 euros par an pour un célibataire.

III. DES ÉVOLUTIONS STRUCTURELLES EN PERSPECTIVE

Depuis des années, on assiste, du fait de la concurrence fiscale internationale, à l'atténuation de la progressivité de l'impôt sur le revenu, et ce quelle que soit la couleur politique des gouvernements successifs, ainsi que, corrélativement, à la réduction, sous des formes diverses, des prélèvements sociaux pesant sur les bas salaires en vue de restaurer la compétitivité de l'industrie et d'augmenter l'incitation au travail.

Désormais, le principal impôt sur le revenu acquitté par les Français est un impôt proportionnel, la contribution sociale généralisée (CSG), à laquelle il convient d'adjoindre la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).

Comment votre commission l'a déjà indiqué dans son rapport sur les prélèvements obligatoires, il convient de mieux articuler l'ensemble CSG/CRDS avec l'impôt sur le revenu.

A. LA NÉCESSITÉ D'UNE VISION CONSOLIDÉE DE L'IMPOSITION DES PERSONNES

Une façon de réconcilier les Français avec l'impôt direct serait de mettre un terme à certaines incohérences, et notamment d'articuler -pour les fusionner éventuellement par la suite- l'impôt sur le revenu et l'ensemble CSG/CRDS.

L'objectif est d'aboutir à un impôt vraiment « général », susceptible de faire l'objet d'un seul et même avertissement, ce qui devrait renforcer la conscience fiscale des Français . Cette idée fait du chemin même dans l'opposition, puisque l'on a vu récemment notre collègue député Didier Migaud, ancien rapporteur général du budget, souhaiter cette fusion :

« La fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu, avec, en corollaire, la retenue à la source, doit figurer au premier plan de notre réflexion. Cette réforme peut mettre fin à la fiction qui sépare les Français en deux : imposables et non imposables. Chaque Français, aussi modeste soit-il, paie un impôt. Cette réforme doit améliorer l'efficacité de notre système de prélèvement et la justice, en permettant de mettre fin à l'existence de nombreuses niches fiscales injustifiées et de pratiquer la vérité et la transparence des taux » 4( * ) .

Il faut effectivement dissiper l'illusion selon laquelle l'impôt n'est pas payé par tout le monde . Le fait que 50 % des foyers fiscaux puissent avoir le sentiment qu'ils ne paient pas d'impôt n'est pas dépourvu d'effets pervers. Quel que soit leur revenu, tous les Français paient la CSG et la TVA. Faute d'avoir conscience de payer l'impôt, nombre d'eux sont en fait incités à réclamer plus de prestations publiques. C'est une des raisons du « toujours plus », qui fait que, parfois même au sein des assemblées, un bon budget est un budget qui augmente.

Une extension à l'impôt sur le revenu de la méthode indolore du prélèvement à la source n'est pas forcément une bonne chose au regard de la prise de conscience par tous les Français de la nécessité d'une maîtrise de la croissance des prélèvements obligatoires .

La fusion de l'ensemble CSG-CRDS avec l'impôt sur le revenu soulève à la fois de faux problèmes de principe tel celui de la non déductibilité partielle de la CSG ou de vraies difficultés techniques liées aux différences de mode de calcul et de recouvrement.

En raison des problèmes rencontrés, cette réforme fiscale, nécessaire dans son principe, doit à présent être étudiée en détail. Cela justifie que votre commission des finances soit favorable, comme cela a été le cas à l'Assemblée nationale, à ce que soit examinées, avec les services du ministère de l'économie et des finances, les modalités de la fusion entre la CSG et l'impôt sur le revenu.

En tout état de cause, l'affichage sur les avis d'imposition à l'impôt sur le revenu du montant acquitté au titre de la CSG, quand bien même cet impôt relèverait de la loi de financement de la sécurité sociale, tandis que les dispositions relatives à l'impôt sur le revenu figurent chaque année en tête de la loi de finances, procurerait à nos concitoyens une vision consolidée de l'imposition de leurs revenus.

B. LE RÉEXAMEN NÉCESSAIRE DES DÉPENSES FISCALES


Le XXI è rapport du Conseil des impôts a souhaité une remise à plat des dépenses fiscales dérogatoires « d'un coût mal maîtrisé et d'une utilité rarement démontrée ».

Faut-il pour autant condamner la dépense fiscale ? Si l'on peut adhérer à la démarche du Conseil des impôts lorsqu'il encourage les pouvoirs publics à mieux connaître, mieux encadrer et réexaminer les régimes dérogatoires existants en vue d'améliorer l'équité et l'efficacité du système fiscal, il ne faut pas pour autant les récuser par principe.

Votre commission des finances estime que, si l'on peut largement adhérer aux orientations générales tracées par le Conseil des impôts, la remise en cause des dépenses fiscales est un opération complexe qu'il convient d'aborder prudemment. Telle est la raison pour laquelle, tout en approuvant l'esprit, elle reste circonspecte face à l'initiative de l'Assemblée nationale tendant à abaisser de 980 euros à 700 euros le plafond de la demi-part supplémentaire accordée aux personnes célibataires, divorcées ou veuves ayant élevé des enfants.

1. L'analyse du Conseil des impôts

Comme le constate le Conseil des impôts, l'estimation du coût des dépenses fiscales est très imparfaite. Seul un quart des dépenses fiscales est estimé de façon précise, la moitié d'entre elles n'étant d'ailleurs même pas chiffrée.

Une lecture rapide du rapport du Conseil des impôts peut donner l'impression qu'il existerait une sorte de « cagnotte » qu'il suffirait de supprimer pour retrouver immédiatement des ressources supplémentaires.

On ne peut adhérer à une telle démarche car l'importance, et surtout le nombre des régimes fiscaux dérogatoires, sont indissolublement liés au niveau élevé des prélèvements, qui ne seraient sans doute pas supportables sans les soupapes que constituent les dépenses fiscales . Un certain nombre d'entre elles sont d'ailleurs « d'origine », tandis que d'autres se sont ajoutées au fil du temps dans un phénomène d'entropie fiscale.

Le réexamen des dispositifs, auquel nous invite le Conseil des impôts, est une démarche difficile. Est-il vraiment réaliste de remplacer certaines dérogations, en l'occurrence les dispositifs destinés à aider certaines zones géographiques ou certains secteurs d'activités, outre-mer, SOFICA, SOFIPECHE, « peu justifiées » par des subventions ? Inciter et assister représentent des choix politiques différents. Le Conseil des impôts ne semble pas en être conscient .

Deux critères essentiels font pourtant défaut, qui plaident , selon votre commission des finances, en faveur de la dépense fiscale par rapport à la subvention budgétaire : la nécessité d'abaisser le niveau affiché de prélèvements obligatoires et celle d'augmenter l'acceptabilité du prélèvement .

Choisir la dépense fiscale par rapport à d'autres modes d'action n'est pas forcément cette solution de facilité, d'autant plus pernicieuse que, contrairement à la dépense budgétaire, elle est invisible et donc peu susceptible d'être remise en cause.

Cette observation n'altère pas l'intérêt de la démarche du Conseil lorsqu'il propose d'instaurer un débat systématique sur la pertinence du choix d'une disposition fiscale dérogatoire par rapport à d'autres modes d'intervention publics, telle la réglementation ou la dépense budgétaire .

Votre commission des finances rejoint ainsi pleinement le Conseil des impôts sur le plan des principes lorsque, par sa proposition n° 2, il suggère de rendre plus transparente l'estimation du coût des dépenses fiscales 5( * ) .

Ainsi, il serait tout à fait légitime de remplacer l'article 32 de la loi de finances pour 1980 6( * ) par un nouveau dispositif pris en application du 4°) de l'article 51 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances , qui dispose qu'est jointe au projet de loi de finances de l'année « une annexe explicative analysant chaque prévision budgétaire et présentant les dépenses fiscales ».

Parmi les bonnes pratiques en matière de dépenses fiscales, il faut mentionner la réalisation périodique d'études approfondies - tous les cinq ou six ans par exemple - sur les effets des régimes dérogatoires , qui pourraient effectivement être associées aux rapports de performances issus de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, comme le suggère le Conseil des impôts.

En conclusion, si votre commission des finances encourage le gouvernement à poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu, elle attire son attention sur la nécessité d'inscrire cette baisse dans une perspective structurelle de simplification et d'étudier toutes les voies qui permettraient de rendre la politique fiscale plus lisible et plus transparente pour les Français.

2. Un cas difficile : l'abaissement du plafond de la demi-part accordée aux personnes seules ayant élevé des enfants

A l'initiative de nos collègues députés Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, Gilles Carrez, rapporteur général du budget, et Marc Laffineur, l'Assemblée nationale propose de modifier, dans le cadre d'une politique de réduction des niches fiscales, le troisième alinéa du II de l'article 197 du code général des impôts accordant aux personnes seules, célibataires, divorcées, ou veuves, ayant élevé des enfants, une demi-part supplémentaire pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

Un petit rappel historique n'est pas inutile, s'agissant d'un domaine sensible tant sur le plan juridique que politique.

Au départ, le plafond de la demi-part était celui de droit commun. Une première tentative de modification est intervenue à l'occasion de la grande réforme fiscale du gouvernement de M. Alain Juppé.

Ainsi, la loi de finances pour 1997 avait voulu abaisser le plafond des seuls contribuables célibataires ou divorcés à l'exclusion des veufs ou veuves qui auraient conservé le plafond de droit commun. Cette discrimination avait été censurée par le Conseil constitutionnel.

La décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 1997

Le Conseil a effectivement annulé dans sa décision 96-385 DC une disposition de la loi de finances pour 1997, non sans rapport avec le cas d'espèce portant effectivement sur les veuves :

« Sur les articles 2, 39 et 81 de la loi : Considérant que, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, l'avant-dernier alinéa du I de l'article 2 limite à 13 000 F, à compter de l'imposition des revenus de 1996, le plafond de la réduction d'impôt accordée jusque-là uniformément aux contribuables veufs, célibataires et divorcés remplissant les conditions prévues aux a et b du 1 de l'article 195 du code général des impôts, pour les seuls contribuables célibataires et divorcés alors que les veufs bénéficient au titre des revenus de 1996 en vertu du même article de la loi d'un plafond fixé à 16 200 F ; que l'article 39 étend le plafonnement de 13 000 F aux contribuables célibataires et divorcés lorsqu'ils ont adopté un enfant dans les conditions visées au e du 1 de l'article 195 ; que le 2 du II inséré dans l'article 197 du code général des impôts par l'article 81 de la loi déférée abaisse le montant du plafond de 13 000 F à 10 000 F à compter de l'imposition des revenus de 1997 ; Considérant que les auteurs de la saisine allèguent qu'à charge familiale strictement égale, un contribuable célibataire ou divorcé sera traité plus défavorablement qu'un contribuable veuf ; que la différence de situation qui les distingue ne saurait être considérée comme comportant une justification au regard de l'objet du mécanisme du quotient familial ; que les dispositions ci-dessus analysées des articles 2, 39 et 81 de la loi sont dès lors contraires au principe d'égalité ; Considérant que si le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur décide de différencier l'octroi d'avantages fiscaux, c'est à la condition que celui-ci fonde son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; Considérant que les dispositions contestées s'inscrivent dans le cadre d'une réforme de l'impôt sur le revenu que le législateur a entendu mettre en oeuvre à l'occasion du vote de la loi de finances pour 1997 et que celui-ci a décidé notamment de réexaminer certaines réductions d'impôt comportant des avantages qui ne lui apparaissaient pas véritablement justifiés ; Considérant toutefois qu'au regard de la demi-part supplémentaire qui leur est accordée, les contribuables veufs, divorcés ou célibataires ayant élevé un ou plusieurs enfants sont placés dans une situation identique ; qu'en effet l'octroi de cet avantage fiscal est lié pour l'ensemble d'entre eux à des considérations tirées à la fois de l'isolement de ces contribuables et de la reconnaissance de leurs charges antérieures de famille ; Considérant dès lors qu'en limitant aux seuls divorcés et célibataires l'abaissement du plafond de la réduction d'impôt résultant de l'octroi de la demi-part supplémentaire accordée dans des conditions identiques aux veufs, divorcés et célibataires ayant élevé au moins un enfant, le législateur a méconnu le principe de l'égalité devant l'impôt ; que par suite doivent être déclarés contraires à la Constitution l'avant-dernier alinéa du I de l'article 2, l'article 39 et, au quatrième alinéa de l'article 81, les mots : « toutefois, par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial ne peut excéder 10 000 F par demi-part s'ajoutant à une part pour les contribuables célibataires et divorcés qui bénéficient des dispositions des a, b et e du I de l'article 195 ».

La nouvelle majorité politique reprend l'idée mais, il faut le souligner, indépendamment de tout allègement général de l'impôt sur le revenu, avec l'article 2 du projet de loi de finances pour 1998, qui institue un plafonnement spécifique pour cette demi-part, la faisant ainsi passer à 6.100 francs (929,94 euros) pour l'imposition des années postérieures à l'année du vingt-sixième anniversaire de la naissance du dernier enfant.

On relève que le plafond de 3.000 francs (547,35 euros) fixé par le projet de loi initial avait été augmenté à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

La situation s'est encore compliquée après la loi de finances pour 1999, qui est venue octroyer une réduction d'impôt aux seuls invalides et anciens combattants pour compenser la réduction du plafond de droit commun de 16.380 francs (2.397 euros) à 11.000 francs (1.677 euros).

La motivation de la mesure contenue dans le projet de loi de finances pour 1998 mérite d'être rappelée pour témoigner de certaines convergences d'analyses par-delà les différences de sensibilité politique :

« Cet avantage fiscal avait été institué après la dernière guerre pour tenir compte de la situation alors difficile des personnes âgées restées seules. Il est aujourd'hui critiquable à plusieurs titres car :

« - il ne correspond pas à la logique du quotient familial, qui est de tenir compte pour le calcul de l'IR, des charges réelles de famille ;

« - il est accordé même lorsque les personnes deviennent seules longtemps après avoir achevé l'éducation de leurs enfants ;

« - il n'est lié à aucune condition de ressources, d'âge ou de handicap ;

« - il se cumule avec d'autres avantages : ainsi 45 % des contribuables concernés bénéficient en outre de l'abattement sur le revenu imposable des personnes âgées de plus de 65 ans, et l'ensemble des personnes concernées peuvent déduire une pension alimentaire pour ces mêmes enfants.

« Afin d'atténuer le caractère inéquitable de cette majoration dérogatoire du quotient familial, sans pour autant accroître la charge fiscale sur les contribuables les plus modestes, il est proposé de ramener de 16.200 francs à 3.000 francs le montant de l'avantage en impôt qu'elle procure, lorsque le dernier enfant a dépassé l'âge de 26 ans
» 7( * ) .

On retrouve une inspiration analogue dans l'initiative de nos collègues députés. Ceux-ci, prenant appui sur le rapport du Conseil des impôts précité, soulignent que ce régime de faveur qui se comprenait à la Libération lorsque les retraites étaient encore très modestes et que la population concernée était essentiellement constituée de veuves de guerre, avait perdu sa justification.

D'une part, il est contraire à la logique même du quotient familial qui a pour objet d'égaliser les situations des foyers fiscaux en fonction de leurs charges réelles de famille.

D'autre part, il encourage, à un moment d'allongement continu de la durée de la vie, des comportements d'optimisation fiscale . Tandis que le régime actuel constitue une distorsion par rapport aux personnes mariées qui ne bénéficient d'aucun avantage du quotient familial à partir du moment où leur enfant n'est plus rattaché à leur foyer fiscal, les personnes célibataires ou divorcées continuent de bénéficier de la demi-part, dès lors qu'elles ne se remarient pas, ce qui peut conduire à multiplier pour de simples raisons fiscales les recompositions familiales sans mariage .

Selon les informations fournies par le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, cet abaissement du plafond concernerait 630.000 foyers fiscaux pour une économie de 170 millions d'euros.

L'initiative, qui a donné lieu à un large débat à l'Assemblée nationale, a fait l'objet de deux mesures complémentaires :

- un amendement des auteurs de l'initiative tendant à abaisser de 27 ans à 26 ans l'âge du dernier enfant à partir duquel l'avantage fiscal est réduit pour le parent isolé afin que cette réduction soit cohérente avec le dispositif de rattachement des enfants majeurs ;

- un sous-amendement, d'inspiration familiale, de notre collègue député Michel Bouvard aboutissant au maintien du régime actuel pour les personnes isolées ayant eu au moins trois enfants . Le chiffrage ci-dessus ne tient pas compte de cette modification.

Si votre commission des finances approuve l'esprit ayant justifié cette initiative , elle s'interroge néanmoins sur ses modalités .

On note qu'au cours du débat, le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire s'est demandé si on pouvait traiter séparément la question du régime des personnes ayant élevé un enfant, qui recouvre essentiellement la situation des veuves, de l'ensemble de l'architecture du quotient familial. Le régime dont ces personnes bénéficient n'est pas une exception et il est d'autres avantages en matière de quotient qui relèvent d'une autre logique que celle de la politique familiale.

Cela étant dit, il y a deux attitudes possibles. On peut considérer :

- soit qu'il faut bien amorcer le mouvement en commençant par réduire un avantage qui a manifestement perdu de sa légitimité ;

- soit qu'une mise à plat s'impose compte tenu du nombre des avantages catégoriels qui se sont greffés sur le système du quotient familial.

Sur le plan des principes, le plus choquant est sans doute les possibilités d'optimisation fiscale offertes par le régime actuel. A cet égard, on pourrait s'inspirer de la rédaction du paragraphe II de l'article 194 du code général des impôts qui subordonne le bénéfice de la demi-part supplémentaire par enfant accordée aux contribuables célibataires ou divorcés à la condition qu'ils « vivent seuls ».

En définitive, il y a là une véritable difficulté qui exige que l'on se donne un peu de temps. Le gouvernement pourrait ainsi entreprendre, sur la base des analyses du Conseil des impôts, en liaison avec la représentation nationale, une réflexion sur le régime d'ensemble du quotient familial, avant de toucher à un aspect de celui-ci.

En outre, il est d'autant plus facile de revenir sur les avantages acquis que l'on s'inscrit dans le cadre d'une politique générale de réduction des prélèvements.

Telle est la raison pour laquelle il convient de poursuivre l'allègement de l'impôt sur le revenu voulu par le Président de la République, pour, à l'occasion d'une nouvelle baisse, éliminer les avantages fiscaux ayant perdu leur légitimité.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

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