ARTICLE 69 octies (nouveau)

Fixation des coefficients de majoration des valeurs locatives servant de base aux impôts directs locaux en 2004

Commentaire : le présent article fixe les coefficients de revalorisation des valeurs locatives cadastrales pour 2004.

La valeur locative cadastrale correspond au loyer annuel théorique que produirait un immeuble bâti ou non bâti figurant au cadastre, s'il était loué aux conditions de marché. La valeur locative cadastrale constitue une notion fondamentale de la fiscalité directe locale, puisqu'elle est utilisée pour le calcul de la base de chacun des impôts directs locaux.

La valeur locative est calculée forfaitairement à partir des conditions du marché locatif de 1970 pour les propriétés bâties, et de 1961 pour les propriétés non bâties. Pour tenir compte de l'érosion monétaire et de l'évolution des loyers depuis ces dates, elle est modifiée régulièrement par des coefficients forfaitaires d'actualisation (sauf pour les DOM) et de revalorisation.

La loi prévoit que les valeurs locatives cadastrales font l'objet d'une révision générale tous les six ans, sont actualisées tous les trois ans et sont revalorisées chaque année. Pourtant, l'actualisation triennale prévue par la loi n'est intervenue qu'en 1980.

La revalorisation se fait chaque année par l'application d'un coefficient forfaitaire , fixé annuellement, au plan national, par une loi de finances :

- dans le cas des propriétés bâties autres que les immeubles industriels « les valeurs locatives sont majorées par application de coefficients forfaitaires fixés par la loi de finances en tenant compte des variations des loyers 120 ( * ) » ;

- dans celui des propriétés non bâties, l'indice de référence est l'évolution de la moyenne pondérée des indices départementaux des fermages .

Ces mécanismes d'ajustement n'empêchent pas un décalage croissant des bases avec le marché réel. En particulier, la valeur locative ne tient pas compte de l'évolution hétérogène des loyers. En conséquence, la valeur locative estimée est souvent irréaliste, d'autant que les propriétaires déclarent rarement spontanément les travaux d'embellissement et d'amélioration réalisés dans leur habitation.

I. L' « ÉTERNELLE QUESTION » DE LA RÉVISION DES BASES CADASTRALES

La loi du 30 juillet 1990 avait prévu la mise en oeuvre d'une révision des évaluations cadastrales de l'ensemble des propriétés bâties et non bâties, comportant :

- la mise en place d'une nouvelle nomenclature des propriétés ;

- une évaluation des tarifs fondée sur l'observation du marché ;

- un réexamen systématique des locaux professionnels et des biens divers ;

- une procédure associant les élus locaux, les contribuables et l'administration.

L'administration a réalisé les opérations dans les délais prévus par la loi, et un rapport analysant les résultats prévisibles de la révision a été remis au Parlement le 30 septembre 1992.

Le gouvernement avait annoncé son intention d'intégrer les résultats de la révision de 1990 dans les bases de la taxe d'habitation, des taxes foncières et de la taxe professionnelle au 1 er janvier 2000. Or, cette réforme a été abandonnée.

Le précédent gouvernement avait souligné, dans un rapport remis au Parlement sur la réforme de la taxe d'habitation, qu'une révision des bases entraînerait des transferts de charge trop importants entre les contribuables, d'autant plus considérables que les normes de confort et le marché immobilier se sont profondément transformés au cours des trente dernières années.

Ainsi, le rapport sur les finances locales de la direction générale des collectivités locales, de la direction du budget et de la direction de la législation fiscale de mars 2002 indique : « en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties et d'habitation, [les transferts résultant de l'absence de révision des bases] s'effectuent aux dépens des propriétaires et des occupants de logements construits après 1970, en général, et des logements sociaux en particulier. En effet, le gel de la situation des bases à 1970 combiné à un système de classification reposant sur la notion d'éléments de confort aboutit à ne pas prendre en compte le mouvement général d'amélioration intervenu depuis 1970 dans l'habitat ancien. En matière de taxe foncière sur les propriétés non bâties, le système actuel conduit à sous taxer les terrains à usage non agricoles (terrains à bâtir notamment) aux dépens des terres agricoles, notamment pour certaines cultures ».

La révision des bases cadastrales locatives constitue donc un sujet particulièrement sensible, du fait de l'importance des transferts entre les communes et entre les contribuables au sein d'une même commune qui seraient induits par cette réforme.

Dans le cadre d'un rapport d'information 121 ( * ) présenté par notre collègue le président Jean Arthuis au nom de la commission des finances, dix spécialistes de la fiscalité locale ont été entendus. Ils se sont notamment exprimés sur l'actualisation des bases de taxe foncière.

« Comme le rappelle M. Le Floch'h-Louboutin 122 ( * ) , le dispositif prévu par la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 123 ( * ) n'a jamais été mis en oeuvre. Ce dispositif reposait sur :

« - un principe de majoration forfaitaire ;

« - une actualisation triennale de la valeur locative ;

« - une révision profonde effectuée tous les six ans.

« Une seule actualisation a été réalisée depuis 1980. La tentative de révision effectuée en 1990-1992 124 ( * ) n'a pas été menée à son terme.

« De fait, il semble quasiment impossible de procéder à une révision nationale des valeurs locatives cadastrales, du fait en particulier des importants transferts de charges qui en résulteraient (selon M. Klopfer 125 ( * ) , certains contribuables verraient leur impôt augmenter de plus de 200 % et d'autres le verraient baisser de plus de 70 %).

« Deux solutions sont envisageables :

« - actualiser de manière permanente les valeurs locatives, à l'initiative des collectivités territoriales (MM. Le Floc'h-Louboutin et Bur 126 ( * ) ) ;

« - prendre en compte la valeur vénale des immobilisations (MM. Bur et Gilbert 127 ( * ) ).

« La révision des valeurs locatives cadastrales implique donc, selon M. HOORENS, une réforme des dotations d'Etat. En effet, il faut rappeler sur ce dernier point, comme le fait M. Bur, que l'absence de révision des valeurs locatives cadastrales a des effets non seulement sur l'impôt, mais aussi sur la répartition des dotations de l'Etat, par le biais des critères utilisés (comme le potentiel fiscal). Cependant, selon M. Klopfer cet enjeu n'est aujourd'hui plus aussi important qu'il l'était en 1992, du fait de la création, au sein de la DGF, de la dotation forfaitaire par la loi n° 93-1436 du 31 décembre 1993 portant réforme de la dotation globale de fonctionnement et modifiant le code des communes et le code général des impôts 128 ( * ) ».

II. LA REVALORISATION DES BASES PROPOSÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, résultant du vote d'un amendement présenté par notre collègue député Marc Laffineur, identique à celui déposé par notre collègue député Didier Migaud, propose de fixer les coefficients de revalorisation des valeurs locatives pour l'année 2004 à 1,015 pour les propriétés non bâties, pour les immeubles industriels et pour l'ensemble des autres propriétés bâties.

Le coefficient de revalorisation proposé pour l'année 2004 est identique à celui voté pour l'année 2003.

On peut constater que cette revalorisation est inférieure à l'inflation anticipée, comme l'indique le graphique ci-après.

Evolution des bases locatives et inflation

(croissance annuelle, en %)

Sources : code général des impôts, présent projet de loi de finances

Cette revalorisation est supérieure à ce qu'impliquerait une interprétation étroite de l'article 1518 bis du code général des impôts. En effet, celui-ci indique que « les valeurs locatives foncières sont majorées par application de coefficients forfaitaires fixés par la loi de finances en tenant compte des variations des loyers ». Ainsi, selon les modalités habituelles de calcul, les valeurs locatives auraient dû augmenter, pour les propriétés bâties, de 1,07 % (le niveau de la variation des loyers). La revalorisation est un peu supérieure pour les propriétés non bâties, l'évolution des indices départementaux de fermage étant de 0,99 %.

Votre commission des finances approuve bien entendu la revalorisation proposée par l'Assemblée nationale. En particulier, celle-ci, en augmentant les bases d'imposition de la taxe d'habitation et des taxes foncières, devrait inciter les collectivités locales à ne pas accroître de manière importante leurs taux d'imposition en 2004.

Il est rappelé à ce propos que la hausse du produit de la fiscalité directe locale est le résultat d'un effet de « taux », décidé par les élus, et d'un effet de « base », qui résulte notamment des revalorisations décidées chaque année en loi de finances, notamment dans le présent article.

III. LES PRINCIPES QUI DEVRAIENT GUIDER LA RÉVISION DES VALEURS LOCATIVES CADASTRALES

Votre commission des finances tient à rappeler que, si une réforme devait intervenir, il conviendrait de la réaliser conformément aux recommandations formulées par le Comité des finances locales pour tenir compte de la complexité d'un tel mécanisme et des bouleversements que cela entraînerait inévitablement sur la répartition de la charge fiscale.

Le Comité des finances locales avait, dans le cadre d'un groupe de travail chargé d'étudier les conséquences prévisibles de l'intégration dans les rôles des résultats de la révision générale des évolutions cadastrales, formulé un certain nombre de recommandations qui doivent guider la réflexion du gouvernement 129 ( * ) :

- l'homogénéisation des valeurs locatives constitue un préalable indispensable à une plus grande justice fiscale et à une meilleure péréquation entre les collectivités locales par le biais des concours financiers répartis par l'Etat ;

- tous les locaux d'habitation doivent être classifiés dans une catégorie unique ;

- le coefficient de révision des bases des bâtiments industriels doit être aligné, au minimum, sur la moyenne des hausses des autres locaux ;

- le gouvernement doit proposer les mesures de transition nécessaires et juger de l'opportunité d'un déverrouillage des règles de liaison entre les taux d'imposition 130 ( * ) ;

- il convient d'estimer l'impact de la révision sur les cotisations au terme de la période d'étalement, quand les plus fortes variations ne seront plus écrêtées ;

- les variations prévisibles des cotisations à la taxe foncière sur les propriétés non bâties doivent faire l'objet d'études approfondies ;

- des simulations doivent être réalisées sur les effets de la révision dans les communes, départements et territoires d'outre-mer ;

- le comité doit être étroitement associé au suivi de la mise en oeuvre de cette réforme.

En ce qui concerne les modalités de cette réforme, le rapport de la direction générale des collectivités locales, de la direction du budget et de la direction de la législation fiscale sur les finances locales de mars 2002 envisage deux possibilités :

- soit donner aux élus la possibilité d'opter pour la mise en oeuvre mesurée de la révision de 1990 (comme l'a également proposé la Commission pour l'avenir de la décentralisation) ;

- soit se donner les moyens de procéder à une mise à jour permanente des bases de 1970, dans laquelle les élus disposeraient légalement de la possibilité d'en moduler les effets. Ils devraient dans ce cas pouvoir bénéficier du concours des services fiscaux.

Votre commission des finances estime que ces recommandations doivent faire l'objet d'un examen approfondi.

Décision de la commission : votre commission a décidé de réserver sa position sur cet article.

* 120 Loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale.

* 121 Rapport d'information n° 289 (2002-2003), « Fiscalité locale  : quelles pistes pour la réforme ? ».

* 122 Directeur de la législation fiscale au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

* 123 Loi portant aménagement de la fiscalité directe locale.

* 124 La loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenues pour la détermination des bases des impôts directs locaux avait prévu la mise en oeuvre d'une révision des évaluations cadastrales de l'ensemble des propriétés bâties et non bâties. L'administration a réalisé les opérations dans les délais prévus par la loi, et un rapport analysant les résultats prévisibles de la révision a été remis au Parlement le 30 septembre 1992. Le précédent gouvernement a expliqué, dans le rapport au Parlement sur la réforme de la taxe d'habitation, en application de l'article 28 de la loi de finances pour 2000, qu'une révision des bases entraînerait des transferts de charge trop importants entre les contribuables.

* 125 Président-directeur général du cabinet Michel Klopfer.

* 126 Directeur général des collectivités territoriales au ministère de l'intérieur et des libertés locales.

* 127 Professeur à l'école normale supérieure de Cachan.

* 128 « Le débat de 1992 était pollué par des enjeux de DGF qui n'existent plus aujourd'hui. A titre d'illustration, si leurs bases cadastrales, notoirement sous-évaluées, avaient été relevées en 1992, les communes du Nord - Pas-de-Calais auraient vu leur potentiel fiscal augmenter et simultanément leur effort fiscal baisser, deux facteurs qui auraient cumulé leurs effets pour occasionner une chute de la DGF. Or depuis la réforme des dotations d'Etat intervenue en 1994, ces facteurs ne jouent plus sur le tronc commun de la DGF ».

* 129 Délibération n° 96-16 du 9 juillet 1996.

* 130 On notera à cet égard que le gouvernement a, dans l'article 31 de la loi de finances pour 2003 (loi n° 2002-1575), répondu au souhait du comité des finances locales sur ce point.

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