N° 93

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 décembre 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale ,

Par M. MICHEL PELCHAT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Jean-Marie Poirier, Guy Penne, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 438 (2002-2003)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Est soumis à l'approbation de la Haute assemblée l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale (CPI) fait à New York le 9 septembre 2002.

Cet accord a pour objectif de permettre à la Cour pénale internationale d'exercer ses missions librement et participe à la mise en place de la Cour à l'instar du règlement financier et du règlement de procédure. Le traité portant statut de la Cour pénale internationale, adopté à Rome le 17 juillet 1998, est en effet entré en vigueur le 1 er juillet 2002. La France l'avait ratifié le 9 juin 2000 et a été rejointe depuis par 92 États.

Votre rapporteur rappellera, dans un premier temps, le contexte diplomatique dans lequel s'inscrit cet accord, puis, dans un second temps, en présentera les principales dispositions.

I. LA MISE EN PLACE DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE MALGRÉ L'OPPOSITION DES ÉTATS-UNIS

Après l'avoir signé à la fin du mandat du Président Bill Clinton, les États-unis ont exprimé leur volonté de ne pas ratifier le traité de Rome et d'obtenir pour leurs ressortissants des dérogations. Malgré cette offensive diplomatique, le traité a été ratifié par un nombre suffisant d'États pour entrer en vigueur, permettant la mise en place effective de la Cour.

A. LES ÉTATS-UNIS TOUJOURS HOSTILES À LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

Les États-unis sont aujourd'hui très suspicieux à l'égard de la Cour, craignant des poursuites abusives et la jugeant non compatible avec l'exercice de leur souveraineté. Leur objectif est d'obtenir une immunité en faveur de leurs ressortissants et de leurs agents officiels, le principe de complémentarité clairement contenu dans le Statut ne leur paraissant pas une garantie suffisante.

Faisant suite à l'annonce le 5 mai 2002 par le secrétaire d'État Colin Powell de leur intention de ne pas ratifier le Statut de Rome et du retrait de leur signature accordée le 31 décembre 2000 sous l'administration Clinton, le Congrès américain a adopté durant l'été 2002, « l'American Servicemembers' Protection Act ». Ce texte vise à garantir une immunité de juridiction devant la Cour pénale internationale aux personnels militaires des États-unis ainsi qu'à tout agent officiel, élu ou nommé, exerçant ses fonctions pour le compte du Gouvernement des États-unis.

Par ailleurs, les États-unis avaient indiqué qu'ils chercheraient, d'une part, à obtenir une résolution du Conseil de sécurité visant à conférer une immunité permanente de juridiction à leurs ressortissants participant à des opérations de maintien de la paix sous l'égide des Nations unies, d'autre part, à conclure avec le plus grand nombre possible d'États des accords bilatéraux destinés à éviter la remise à la Cour pénale internationale de leurs ressortissants se trouvant sur le territoire de l'autre État en faisant usage de l'article 98 paragraphe 2 du Statut de Rome.

Sur le premier point, la résolution 1422 adoptée à l'issue de négociations très difficiles en juillet 2002 garantit pendant une période d'un an aux personnels engagés dans des opérations de maintien de la paix une immunité de juridiction vis-à-vis de la CPI. Cette résolution fut renouvelée (résolution 1487 en 2003) malgré l'abstention de la France.

Afin de garantir l'immunité de leurs ressortissants, la diplomatie américaine fait pression sur la plupart des États en vue de la conclusion d'accords bilatéraux. Le président Bush a décidé ainsi le 1 er juillet 2003 de suspendre l'assistance militaire américaine destinée à 34 pays. Au 1 er novembre 2003, 70 États ont accepté de conclure un accord bilatéral avec les États-unis subordonnant, pour les États parties au Statut, la remise à la CPI des ressortissants américains au consentement préalable des États-unis voire établissant une immunité des ressortissants américains pour les États non parties au Statut.

L'Union européenne s'est attachée à définir une position commune sur cette question qui s'est traduite par l'adoption lors du conseil affaires générales du 30 septembre 2002 de conclusions qui sans exclure la possibilité de conclure de tels accords, les soumettaient au respect de principes directeurs relativement contraignants : pas d'impunité pour les ressortissants américains, non-réciprocité pour les ressortissants de l'État partie, limitation des personnes concernées par l'accord au personnel « envoyé » et non pas, comme le souhaitent les États-unis à tous les « agents officiels » du gouvernement américain (ce qui inclurait non seulement tous les ressortissants américains mais encore des citoyens de pays tiers placés sous l'autorité du gouvernement des États-unis). L'Union européenne mène parallèlement des démarches régulières visant à encourager les États à signer et ratifier le Statut de Rome.

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