CHAPITRE II
DE LA PROCÉDURE DU DIVORCE

Article 8
(art. 249, 249-3 et 249-4 du code civil)
Divorces et incapacité

Cet article modifie des dispositions relatives aux incapacités.

Son paragraphe I modifie le premier alinéa de l'article 249 afin de préciser que si une demande de divorce doit être formée au nom d'un majeur en tutelle, elle est présentée par le tuteur avec l'autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles , après avis du médecin traitant. La référence au juge des tutelles est nouvelle, de même que la disposition précisant que, dans la mesure du possible, l'intéressé doit être entendu par le juge ou le conseil de famille.

Le paragraphe II complète en outre l'article 249-3, qui prévoit actuellement que si l'un des époux se trouve placé sous la sauvegarde de justice, la demande en divorce ne peut être examinée qu'après organisation de la tutelle ou de la curatelle.

Le projet de loi prévoit que le juge pourra prendre les mesures provisoires prévues aux articles 254 et 255 modifiés du code civil nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée. Le juge pourra ainsi notamment autoriser les époux à résider séparément, attribuer à l'un d'eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage, ou partager entre eux cette jouissance ; ordonner la remise des vêtements et objets personnels ; fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d'instance que l'un des époux devra verser à son conjoint ; accorder à l'un des conjoints des provisions sur sa part de communauté si la situation le rend nécessaire, mais aussi désormais proposer une mesure de médiation, désigner un notaire ou un autre professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux et enfin désigner un notaire afin d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial.

Le juge pourra également prendre des mesures urgentes ( art. 257 ) dès la requête initiale et à ce titre autoriser l'époux demandeur à résider séparément, s'il y a lieu avec ses enfants mineurs. Il pourra aussi, pour la garantie des droits d'un époux, ordonner toutes mesures conservatoires, telles que l'apposition de scellés sur les biens communs.

Le paragraphe III modifie enfin l'article 249-4, qui prévoit que lorsque l'un des époux se trouve placé sous l'un des régimes de protection prévus à l'article 490 (sauvegarde de justice, tutelle ou curatelle), aucune demande en divorce par consentement mutuel ne peut être présentée. Le divorce par consentement mutuel ne recouvrant plus désormais que l'actuel divorce sur demande conjointe, il précise que ceci concerne également le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 8 sans modification.

Article 9
(art. 250 à 250-3)
Procédure applicable au divorce par consentement mutuel

La loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 a profondément modifié le divorce et traduit le souci du législateur de le dédramatiser et de régler définitivement ses conséquences lors de son prononcé, en favorisant les accords entre époux grâce à l'introduction du divorce par consentement mutuel.

Le paragraphe I de cet article modifie l'intitulé de la section 2 du chapitre II du titre VI du livre premier du code civil actuellement consacré à la conciliation pour recouvrer la procédure applicable au divorce par consentement mutuel.

Rappelons que le projet de loi prévoit que le divorce pour consentement mutuel ne recouvre plus que l'actuel divorce sur demande conjointe.

Le paragraphe II indique que cette section comprend les articles 250, 250-1, 205-2 et 250-3.

Le projet de loi vise à la simplification de l'actuel divorce sur requête conjointe.

Actuellement , le divorce qualifié par consentement mutuel suppose, en vertu des articles 230 à 232 du code civil, l'accord des époux aussi bien sur le principe du divorce que sur ses conséquences et donc :

- trois actes initiaux (requête initiale, convention temporaire régissant les rapports des époux durant la procédure et projet de convention définitive) ;

- trois actes réitérés (requête réitérée, compte rendu d'exécution de la convention temporaire, convention définitive de divorce régissant les rapports entre les ex-époux, ès qualité de parents, et liquidant le régime matrimonial) ;

- deux comparutions devant le juge aux affaires familiales (une première comparution qui tendra à l'homologation de la convention temporaire et une deuxième comparution au cours de laquelle sera prononcé le divorce et, partant, l'homologation de la convention définitive), séparées par un délai de réflexion minimal de trois mois. A défaut de renouvellement dans les six mois suivant l'expiration du délai de réflexion, la demande conjointe est caduque ( art. 231 ).

Le ministère d'avocat est obligatoire mais les deux époux peuvent être représentés par le même avocat.

La convention homologuée n'est pas susceptible d'appel, du fait de la jurisprudence de la Cour de cassation prévoyant l'indissociabilité entre le prononcé du divorce et la convention définitive.

Rappelons tout d'abord que l'article 231 est abrogé par l'article 23 du projet de loi.

Article 250 du code civil
Maintien de la possibilité du recours à un avocat commun

L'article 250 du code civil, qui prévoit actuellement qu'en cas d'interdiction légale résultant d'une condamnation, l'action en divorce ne peut être exercée par le tuteur qu'avec l'autorisation de l'époux interdit, est entièrement réécrit par le projet de loi.

Le premier alinéa de l'article 250 modifié par le projet de loi prévoit que la demande en divorce est présentée par les avocats respectifs des parties ou par un avocat choisi d'un commun accord . Ceci reprend une disposition précédemment énoncée à l'article 230 du code civil.

La question de l'unicité ou de la dualité des avocats est débattue.

Pour certains avocats, il est très difficile de défendre simultanément les intérêts des deux époux, parmi lesquels se trouvent potentiellement un fort et un faible. Lorsque deux époux tentent de transiger sur des problèmes ou des intérêts divergents, il est préférable qu'ils puissent disposer l'un et l'autre d'un conseil qui les éclaire en toute objectivité.

En outre, si finalement l'accord ne se fait pas, les parties sont alors contraintes de reprendre chacune un nouveau conseil.

Le rapport du président du tribunal de grande instance de Paris M. Jean-Marie Coulon 15 ( * ) préconisait donc de prévoir obligatoirement deux avocats.

Lors de l'examen de la proposition de loi de M. François Colcombet en 2001, l'Assemblée nationale avait proposé d'imposer un avocat à chaque époux. Cette disposition avait finalement été rejetée lors d'une seconde délibération.

En effet, de nombreux arguments plaident en faveur du maintien de la solution actuelle, qui laisse les parties libres de décider d'avoir recours à un avocat commun ou non. Notons qu'actuellement, plus de 90 % des couples choisissent d'avoir recours à un avocat commun, principalement pour des raisons financières.

En effet, l'obligation pour chaque époux d'avoir un avocat entraînerait une augmentation importante du coût du divorce, qui grèverait particulièrement l'aide juridictionnelle (qui concerne 30 % des procédures de divorce), et pénaliserait également plus particulièrement les classes moyennes, qui n'y ont pas accès. Les honoraires des avocats sont très variables, mais on peut estimer à près de 3.000 euros le coût d'un divorce par consentement mutuel actuellement, ce qui conduit parfois les parties à recourir à un prêt, alors même que leurs charges augmentent fortement (nouveau loyer, nouvelle voiture...).

De plus, dans les dossiers consensuels, le recours à deux avocats risque de demeurer fictif, de l'aveu même des avocats, l'un des deux préparant le dossier, tandis que l'autre se verrait rétrocéder des honoraires.

Il convient donc de laisser à l'avocat la responsabilité de représenter les deux époux dans un esprit de conciliation de leurs intérêts respectifs ou d'inviter les époux à prendre chacun un avocat lorsque cette conciliation d'intérêts lui paraît déontologiquement impossible. Il appartient en outre au magistrat de vérifier la liberté du consentement et de protéger l'intérêt de la partie la plus faible, ce qui motive d'ailleurs l'opposition à une déjucidiarisation du divorce.

Les rapports précités de Mmes Irène Théry et Françoise Dekeuwer-Défossez allaient dans ce sens.

Le deuxième alinéa de l'article 250 prévoit que le juge examine la demande avec chacun des époux, puis les réunit. Il appelle ensuite le ou les avocats.

Actuellement l'article 231 prévoit que les avocats ne sont appelés qu'à la demande des parties. En pratique cependant, leur présence est systématique et le projet de loi en tire les conséquences.

Article 250-1 du code civil
Comparution unique

Le nouvel article 250-1 prévoit que lorsque les conditions prévues à l'article 232 tel que modifié par l'article 2 du projet sont réunies, c'est-à-dire lorsque le juge a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé, le juge homologue la convention réglant les conséquences du divorce et par la même décision, prononce celui-ci.

Il n'y aura donc plus qu'une seule audience en principe.

Article 250-2 du code civil
Possibilité de prévoir une seconde comparution

Le nouvel article 250-2 prévoit qu'en cas de refus d'homologation de la convention, le juge peut cependant homologuer les mesures provisoires que les parties s'accordent à prendre jusqu'à la date à laquelle le jugement de divorce passe en force de chose jugée, sous réserve qu'elles soient conformes à l'intérêt du ou des enfants.

Rappelons que l'article 254, tel que modifié par l'article 12 du projet de loi, prévoit que lors de l'audience de conciliation le juge prescrit en considération des accords éventuels des époux les mesures nécessaires pour assurer leur existence et celle des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée 16 ( * ) . L'article 255 complété par le même article indique de façon non exhaustive les mesures susceptibles d'être prescrites : recours à la médiation, décision sur les modalités de la résidence séparée des époux, fixation d'une pension alimentaire, de la provision pour frais d'instance, attribution de provisions, de la jouissance du logement, désignation d'un notaire ou d'un autre professionnel afin de dresser un inventaire estimatif ou faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux, désignation d'un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial.

Une nouvelle convention peut alors être présentée dans un délai maximal de six mois.

Le projet de loi prévoit donc une exception au principe de la comparution unique lorsque le juge estimera que la convention définitive présentée pose des difficultés soit pour les enfants soit pour l'un des époux.

Cette disposition suscite les réserves des organisations d'avocats entendues par votre rapporteur. Elles soulignent en effet que cette procédure n'est pas choisie uniquement par des époux que n'oppose aucun conflit. Une procédure trop rapide, sans période d'essai pour mesurer l'impact des mesures provisoires, pourrait les dissuader d'y recourir, contrairement à l'objectif poursuivi par le projet de loi.

Elles souhaitent donc qu'à la demande des parties, le juge prévoie une seconde comparution pour leur permettre en particulier de peaufiner leur accord, de pacifier plus encore leur différend au regard des enfants, ou de vendre le seul immeuble dépendant de la communauté ou de l'indivision.

Le rapport du groupe de travail précité préconisait pour sa part de rendre facultative la seconde audience en cas de règlement global et satisfaisant des effets du divorce et d'une volonté ferme et éclairée des époux, le juge aux affaires familiales pouvant maintenir la seconde audience, mais sans comparution personnelle des époux, quand le règlement des intérêts pécuniaires ne lui semble pas achevé ou s'il lui parait nécessaire d'éprouver la bonne application des mesures concernant les enfants avant de statuer définitivement.

Votre commission préconise pour sa part de s'en remettre à l'appréciation du juge.

Il sera nécessaire que les avocats préparent préventivement une convention temporaire pour le cas où la convention définitive n'est pas homologuée.

Article 250-3 du code civil
Caducité de la demande

Le nouvel article 250-3 prévoit en outre qu'à défaut de présentation d'une nouvelle convention dans le délai de six mois, ou si le juge refuse une nouvelle fois l'homologation, la demande en divorce est caduque. Cette dernière précision est une innovation du projet de loi, tandis que le défaut de présentation d'une nouvelle convention est déjà prévu à l'article 231.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 9 sans modification .

Article 10
(art. 251 du code civil)
Procédure applicable aux autres cas de divorce

La procédure applicable aux divorces contentieux est désormais unifiée.

Le paragraphe I de cet article modifie l'intitulé de la section 3 du chapitre II du titre VI du livre premier du code civil actuellement consacrée aux mesures provisoires pour recouvrer la procédure applicable aux autres cas de divorce que le divorce par consentement mutuel, c'est-à-dire les divorces contentieux -divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage, divorce pour faute ou divorce pour altération définitive du lien conjugal-.

Cette section comprend les articles 251 à 259-3 du code civil.

Le paragraphe II de cet article crée un paragraphe 1 consacré à la requête initiale, comprenant un article unique 251.

L'article 251 est actuellement relatif à la conciliation. L'article 6 du projet de loi procédant à sa renumérotation, ses dispositions seront désormais à l'article 252.

L'article 251 modifié par le projet de loi prévoit que l'époux qui forme une demande en divorce présente par avocat une requête au juge et que l'indication des motifs du divorce n'est pas requise.

Il s'agit là d'une modification essentielle apportée par le projet de loi. Désormais est instauré un tronc procédural commun jusqu'à l'assignation . Une requête unique non motivée est prévue pour tous les divorces contentieux. Ceci doit permettre à l'audience de conciliation de se dérouler dans un climat apaisé, puisque les griefs ne sont plus énoncés. Le choix de la procédure ne se fera qu'ultérieurement, lors de l'assignation.

Cela permettra aux avocats et aux parties dans le cadre de la préparation de la conciliation d'évacuer momentanément ce qui peut générer un conflit et de se concentrer sur l'essentiel de cette phase, à savoir sauvegarder l'intérêt des enfants, préserver les droits financiers, organiser la vie des époux durant la procédure, préparer la liquidation du régime matrimonial, répartir les dettes et solliciter des investigations.

Actuellement, s'agissant du divorce pour faute, l'article 242 prévoit que le divorce peut être demandé pour des faits constituant une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendant intolérable le maintien de la vie commune. Néanmoins, dans un souci d'apaisement, la Cour de cassation accepte que ne figurent pas les griefs dans la requête de divorce pour faute. Pourtant, dans la majorité des cas, ils y figurent encore, ce qui est souvent ressenti comme une agression par le défendeur, qui se considère comme la victime.

L'article 248-1, renuméroté par l'article 6 du projet de loi, mais dont les dispositions ne sont pas modifiées, prévoit qu'à la demande des conjoints, le juge aux affaires familiales peut se limiter à constater dans les motifs du jugement qu'il existe des faits constituant une cause de divorce, sans avoir à énoncer les torts et les griefs des parties. Mais cela n'intervient qu'au stade de la décision, et souvent après une procédure très conflictuelle.

De même, s'agissant du divorce accepté, l'article 233 actuel prévoit que l'époux demandeur doit faire état d'un ensemble de faits, procédant de l'un et de l'autre, rendant intolérable le maintien de la vie commune. L'article 234 prévoit en outre que l'autre époux doit reconnaître les faits.

Le divorce pour rupture de la vie commune constitue actuellement le seul cas de divorce contentieux pour lequel il n'est pas besoin d'alléguer de faits.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à préciser que l'indication des motifs du divorce est interdite à ce stade et non pas uniquement facultative, puis d' adopter l'article 10 ainsi modifié .

Article 11
(art. 251, 252, 252-1, 252-3 et 253 du code civil)
Conciliation

Le projet de loi tend à faire de la tentative de conciliation apaisée le point central de la procédure destiné à préparer au plus tôt les conséquences patrimoniales du divorce.

Le paragraphe I de cet article crée un paragraphe 2 consacré à la procédure de conciliation comprenant les articles 252, 252-1, 252-2, 252-3, 252-4 et 253.

Le paragraphe II modifie l' article 252 du code civil, actuellement relatif au déroulement de la conciliation, et qui, aux termes de l'article 6 du projet de loi, reprend les dispositions de l'actuel article 251.

Article 252 du code civil
Extension de l'obligation de conciliation à tous les divorces contentieux

Actuellement , l'article 251 prévoit une conciliation obligatoire dans les cas de divorce pour rupture de la vie commune et de divorce pour faute avant l'instance judiciaire, la conciliation pouvant être renouvelée pendant l'instance. Par ailleurs, une conciliation peut être tentée en cours d'instance en cas de divorce par consentement mutuel (c'est-à-dire en cas de divorce sur demande conjointe ou de divorce accepté).

Le projet de loi supprime cette distinction. Désormais, une tentative de conciliation sera obligatoire dans tous les cas de divorce contentieux . Rappelons que ceci ne concernera pas le futur divorce par consentement mutuel (l'actuel divorce sur demande conjointe, qui n'est pas compris dans cette section et constitue un divorce gracieux). Cette disposition est logique, le divorce accepté constituant un divorce contentieux, et des désaccords subsistant quant aux conséquences du divorce, rendant nécessaire une tentative de conciliation, tandis qu'une conciliation n'est pas nécessaire dans le cadre du nouveau divorce par consentement mutuel, puisqu'il y a accord des parties sur tout.

Le second alinéa, modifié par cet article, tend à redéfinir les objectifs de la tentative de conciliation . Ainsi, il est prévu que le juge cherche à concilier les époux tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences. Il est en effet primordial que l'objectif de recherche d'un accord sur les conséquences soit pris en compte le plus tôt possible, afin de favoriser les accords, même partiels, des parties.

Il ne s'agit plus pour le juge aux affaires familiales de faire renoncer les époux au divorce (comme le prévoit l'actuel article 252-2). La renonciation au divorce était un voeu pieux et statistiquement marginale (0,1 % en 2001). Il s'agit là d'une conséquence de la reconnaissance de la liberté de divorcer.

Le juge pourra également recourir plus fréquemment aux dispositions de l'article 252-2 (actuel article 252-1 renuméroté par l'article 6 du projet de loi), qui lui permet de suspendre la tentative de conciliation et de la reprendre sans formalité en ménageant aux époux un temps de réflexion dans la limite de huit jours, ou de suspendre si un délai plus long lui parait utile et de reprendre une nouvelle tentative de conciliation dans les six mois.

Le paragraphe III modifie l' article 252-1 du code civil (qui reprend en vertu de l'article 6 du projet de loi les dispositions de l'actuel article 252 consacré à la procédure de conciliation).

Article 252-1 du code civil
Déroulement de la conciliation

Actuellement, l'article 252 prévoit que le juge doit s'entretenir personnellement avec chacun des époux séparément avant de les réunir en sa présence.

Le deuxième alinéa prévoit en outre que les avocats doivent ensuite, si les époux le demandent, être appelés à assister et à participer à l'entretien. Désormais, cela sera systématique et non plus à la demande des époux. Le projet de loi ne fait sur ce point que tirer les conséquences de la pratique, la présence des avocats étant en effet systématique.

Par ailleurs, le troisième alinéa de l'article 252 prévoit actuellement que dans l'hypothèse d'une rupture de la vie commune du fait d'une grave altération depuis six ans des facultés mentales d'un époux et dans le cas où l'époux contre lequel la demande est formée ne se présente pas devant le juge, celui-ci doit néanmoins s'entretenir avec l'autre conjoint et l'inviter à la réflexion.

Le projet de loi tire les conséquences de la suppression de l'hypothèse de l'altération des facultés mentales comme cause de divorce, ce motif se fondant plus généralement dans le divorce pour altération définitive du lien conjugal, tout en conservant le même objectif, et supprime la référence à l'article 238 relatif à l'altération des facultés mentales.

Le paragraphe IV de l'article 11 du projet de loi modifie l' article 252-3 du code civil (qui reprend en vertu de l'article 6 du projet de loi les dispositions de l'actuel article 252-2).

Article 252-3 du code civil
Préparation du règlement du divorce

L'article 252-2 prévoit actuellement que lorsqu'il ne parvient pas à les faire renoncer au divorce, le juge essaye d'amener les époux à en régler les conséquences à l'amiable, notamment en ce qui concerne les enfants, par des accords susceptibles d'être pris en compte ultérieurement.

Le projet de loi prévoit que l'article 252-3 modifié précise que lorsque le juge constate que le demandeur maintient sa demande, il incite les époux à régler les conséquences du divorce à l'amiable.

Le second alinéa de cet article prévoit que le juge demande aux époux de présenter pour l'audience de jugement un projet de règlement des effets du divorce et qu'il peut à cette fin prendre les mesures provisoires prévues à l'article 255 modifié, déjà évoqué.

Il s'agit d'anticiper au maximum ce règlement dès le stade de la conciliation et de privilégier la conclusion d'accords, même partiels, entre les parties.

Les mesures provisoires que pourra prendre le juge renvoient principalement aux innovations de l'article 12 du projet de loi, à savoir la médiation familiale ( art. 255 du code civil, 1° et 2° ) et les mesures préparatoires concernant le règlement des intérêts pécuniaires et la liquidation du régime matrimonial ( art. 255, 9° et 10° ). Ainsi, le juge pourra désigner un notaire ou un autre professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de formuler des propositions pour le règlement des intérêts pécuniaires des époux. Il pourra également désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial. Cette disposition est à rapprocher de la disposition prévue par l'article 13 du projet de loi pour le nouvel article 257-2, selon laquelle, à peine d'irrecevabilité, la demande introductive d'instance doit comporter une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.

Le paragraphe V de l'article 11 du projet de loi réécrit l' article 253 du code civil actuellement consacré à la convention temporaire relative aux mesures provisoires en cas de divorce sur demande conjointe, qui n'a plus de raison d'être.

Article 253 du code civil
Présence exigée des avocats
pour l'acceptation du principe de la rupture du mariage

Le projet de loi prévoit que les époux ne peuvent accepter le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le fondement de l'article 233 (modifié par l'article 3 du projet de loi), c'est-à-dire la procédure de divorce fondée sur l'acceptation du principe de la rupture du mariage, que s'ils sont chacun assistés d'un avocat, ce qui semble tout à fait opportun, puisque l'acceptation n'est plus susceptible de rétractation, même par voie d'appel. Or, actuellement, le défendeur ne doit constituer avocat qu'après la délivrance de l'assignation.

Votre commission vous propose d'adopter trois amendements de précision puis d' adopter l'article 11 ainsi modifié.

Article 12
(art. 254, 255, 256 et 257 du code civil)
Mesures provisoires

La liste des mesures provisoires susceptibles d'être prises lors de la conciliation est complétée par le projet de loi.

Le paragraphe I de cet article tend à créer, après l'article 253 du code civil, un paragraphe 3 consacré aux mesures provisoires et regroupant les articles 254, 255, 256 et 257, qui traitent actuellement déjà des mesures provisoires, mais sont totalement réécrits par le projet de loi.

Le paragraphe II de cet article modifie l' article 254 , désormais consacré aux mesures provisoires prises lors de l'audience de conciliation.

Article 254 du code civil
Objet des mesures provisoires

Actuellement , l'article 254 prévoit que lors de la comparution des époux dans le cas du divorce sur demande conjointe ou lors de l'ordonnance de non-conciliation dans les autres cas, le juge prescrit les mesures nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée 17 ( * ) .

Désormais, l'article 254 modifié par le projet de loi complète cet article en prévoyant que lors de l'audience prévue à l'article 252, (actuel article 251 modifié par l'article 6 du projet de loi) qui traitera désormais de la conciliation, le juge devra prescrire les mesures provisoires en considération des accords éventuels des époux .

La prise en compte des accords des époux n'est donc plus réservée aux divorces sur demande conjointe.

Actuellement, l'article 253 prévoit qu'en cas de divorce sur demande conjointe, les époux règlent eux-mêmes les mesures provisoires dans la convention temporaire annexée à leur requête initiale, le juge pouvant cependant faire supprimer ou modifier les clauses de cette convention qui lui paraîtraient contraires à l'intérêt des enfants.

Cette disposition est conforme à l'objectif du projet de loi de permettre des accords entre les époux à tout moment et dans toutes les procédures, afin de favoriser l'autonomie de la volonté.

Le paragraphe III modifie ensuite l' article 255 du code civil.

Article 255 du code civil
Mesures provisoires

Dans sa rédaction actuelle , cet article prévoit que le juge peut notamment autoriser les époux à résider séparément, attribuer à l'un d'eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, ordonner la remise des vêtements et objets personnels, fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d'instance que l'un des époux devra verser à son conjoint, ou encore accorder à l'un des conjoints des provisions sur sa part de communauté si la situation le nécessite.

Cette liste n'est pas exhaustive.

Le projet de loi la complète en prévoyant de nouveaux cas d'intervention du juge.

1. Les nouvelles mesures tendant à apaiser la procédure

Est notamment mise en avant la médiation familiale , dans les mêmes termes que dans la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.

Le 1° prévoit désormais que le juge pourra proposer une mesure de médiation aux époux et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial à cet effet. La médiation familiale, pour être efficace, suppose en effet une adhésion des participants.

Néanmoins, ainsi que le prévoit le 2°, le juge pourra enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial pour une simple séance d'information sur l'objet et le déroulement de la médiation.

S'agissant d'une obligation, il serait souhaitable que cette séance d'information soit gratuite.

Le recours à la médiation en cas de violences conjugales a été discuté par les associations d'aide aux victimes de violences conjugales lors de l'examen de la proposition de loi de M. François Colcombet. Contrairement à cette proposition de loi, qui interdisait expressément le recours à la médiation familiale en cas de violences conjugales, le présent projet de loi laisse au juge le soin d'apprécier l'opportunité d'une telle mesure en l'espèce, conformément au souhait exprimé à l'époque par le Sénat. Si ces associations estiment une médiation impossible en cas de violences, car condamnée à entériner une relation dominé-dominant au sein du couple, votre commission estime pourtant qu'il revient aux juges et aux médiateurs d'évaluer la situation de chaque couple et la pertinence d'une médiation. La violence n'est d'ailleurs certainement pas la seule contre-indication à la médiation. Une médiation bien conduite peut présenter de l'intérêt dans les cas les plus difficiles. Dans son rapport sur la médiation remis en juillet 2001, Mme Monique Sassier, directrice générale adjointe de l'UNAF 18 ( * ) a d'ailleurs considéré qu'il ne convenait pas de se priver a priori du recours à la médiation familiale dans certaines situations.

Le projet de loi devrait contribuer à développer le recours à la médiation.

Une médiation familiale encore embryonnaire

Les conflits familiaux, avant d'être des conflits de droit, sont d'essence affective, psychologique. Le juge peut trancher un litige, mais il ne peut dénouer un conflit enkysté.

Les exemples étrangers montrent l'intérêt du développement de la médiation. 19 ( * ) La médiation préalable au procès est obligatoire dans plusieurs Etats des Etats-Unis et en Norvège, où un accord est trouvé dans plus de 80 % des cas. L'information à la médiation avant le procès est obligatoire au Québec depuis septembre 1997 et en Grande-Bretagne depuis le « Family Law Act » du 4 juillet 1996 sur le divorce.

En France, le recours à la médiation est déjà possible dans le cadre des dispositions de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 et du décret n° 96-652 du 22 juillet 1996 qui a inséré dans le code de procédure pénale un titre VI bis. L'injonction de rencontrer un médiateur a été prévue pour la première fois dans la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.

Néanmoins, une étude sur la médiation judiciaire civile du ministère de la justice rendue publique en décembre 2002 (portant sur des données arrêtées en octobre 2001 et donc antérieures à la loi du 4 mars 2002 sur l'autorité parentale) montre que la médiation familiale, bien que peu pratiquée, constitue le type de médiation le mieux représenté dans l'ensemble des juridictions. Ce type d'offre de services est disponible dans la plupart des tribunaux de grande instance et des cours d'appel. Cependant, les juges se révèlent être encore de faibles utilisateurs. Dans les juridictions ayant répondu à l'enquête, les mesures de médiation familiale prises ne représentaient que 1,6 % des affaires familiales des tribunaux de grande instance et 2,3 % de celles des cours d'appel.

Pour développer le recours à la médiation familiale, un Conseil national consultatif de la médiation familiale chargé de « proposer au Gouvernement toutes mesures utiles pour favoriser l'organisation de la médiation familiale et promouvoir son développement » a été installé en novembre 2001 sous la présidence de Mme Monique Sassier, auteur d'un rapport sur la médiation remis en juillet 2001, lequel formulait 36 propositions parmi lesquelles donner un statut à la médiation familiale en l'intégrant au code civil.

Néanmoins, le développement du recours à la médiation doit s'accompagner de mesures relatives à la formation des médiateurs et à leur financement. Le Conseil a déjà rendu des avis concernant la formation, la création du diplôme de médiateur familial, ainsi que les modes d'habilitation des centres de formation, des services ou associations de médiation familiale. Depuis octobre 2002, il travaille à la rédaction de principes déontologiques. La cessation de ses travaux est prévue en novembre 2004.

Certaines de ces précisions viennent d'intervenir avec la publication du décret n° 2003-1166 du 2 décembre 2003 portant création du diplôme d'Etat de médiateur familial. Ce diplôme s'adresse à des candidats justifiant, dans le domaine social, sanitaire ou juridique, d'un diplôme national ou d'une expérience professionnelle. Pour la validation des acquis de l'expérience, les candidats doivent justifier de compétences professionnelles acquises dans l'exercice d'une activité, salariée ou non, en rapport direct avec le contenu du diplôme. La formation, à la fois théorique et pratique, est dispensée dans des établissements agréés par le préfet de région.

Cet encadrement devrait encourager les juges aux affaires familiales à proposer plus fréquemment la médiation familiale, même si son coût continue de poser problème.

Selon le rapport de Mme Monique Sassier, le coût moyen d'une médiation est d'environ 1.220 euros et le coût moyen d'un entretien de deux heures de 229 euros.

2. La reprise, parfois avec des modifications marginales, des mesures existantes

- Le 3° précise que le juge peut statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux. Il n'est donc plus question d'autorisation.

On peut voir dans cette modification sémantique une nouvelle prise en compte de la volonté unilatérale de l'un des conjoints. Décider unilatéralement d'avoir une résidence séparée ne sera plus constitutif d'un abandon de famille.

Notons qu'en vertu de l'article 257 du même code relatif aux mesures d'urgence, le juge peut, dès la requête initiale, autoriser l'époux demandeur à résider séparément, s'il y a lieu avec ses enfants mineurs.

- Le 5° reprend sans la modifier la disposition relative à la remise des vêtements et objet personnels.

- Le 6 ° reprend la disposition concernant la fixation de la pension alimentaire et de la provision pour frais d'instance tout en la complétant en prévoyant que le juge peut également désigner celui ou ceux des époux qui devra assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes (par exemple pour le remboursement d'un appartement acheté en commun alors que seul un époux perçoit des revenus). Il s'agit là d'une utile précision.

- Le 7° reprend la disposition prévoyant que le juge peut accorder à l'un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial, si la situation le rend nécessaire.

3. Des précisions utiles afin de favoriser la liquidation

Le projet de loi vise à encourager une liquidation plus précoce du régime matrimonial, sans toutefois en faire une condition préalable au prononcé du divorce.

En effet, un accord semble irréalisable en période de crise conjugale aiguë. De même, la liquidation peut poser des problèmes difficiles à trancher dans l'urgence par le juge aux affaires familiales, sous peine d'alourdir exagérément sa charge ou de retarder la procédure de divorce et les mesures essentielles. Enfin, les problèmes soulevés par la liquidation, qui supposent un patrimoine déjà conséquent, n'intéressent qu'une minorité de couples.

Le projet de loi vise donc avant tout à inciter davantage les parties à régler elles-mêmes le partage de leurs intérêts patrimoniaux et, globalement, les conséquences matérielles du divorce, en permettant la conclusion d'accords en cours de procédure, quelle que soit la forme de la procédure et même si ces accords ne règlent que les incidences financières.

Dès 1975, la loi avait entendu favoriser un règlement global et définitif des conséquences financières du divorce, afin de liquider le passé pour permettre d'aménager l'avenir. De fait, ce sont bien souvent les problèmes matériels et financiers qui sont les plus difficiles à régler lors du divorce, la séparation du ménage n'augmentant pas les revenus, mais multipliant les charges. On assiste donc souvent à un « deuxième divorce », qui peut durer des années et contribuer à nourrir les rancoeurs. L'accord qui n'a pas été trouvé avant le divorce dans le cadre d'une appréciation globale de ses conséquences matérielles devient plus problématique encore après le jugement, insatisfaction et esprit de revanche risquant d'alimenter un conflit durable affectant les relations entre les ex-époux, et néfaste pour les enfants.

Les droits réels des époux dans la liquidation sont souvent bien différents de leurs droits théoriques ou apparents.

En prononçant le divorce, le juge statue sur ses conséquences personnelles et patrimoniales : prestation compensatoire, attribution préférentielle, maintien dans l'indivision, sans rien savoir ni de l'existence de libéralités, et a fortiori ni de leur sort, alors même que la révision de la prestation compensatoire est difficile, surtout lorsqu'elle est attribuée sous forme de capital fractionné (cf. infra article 18 du projet de loi).

Cependant, le divorce sur requête conjointe est le seul type de divorce dans lequel les époux sont tenus de régler eux-mêmes les conséquences du divorce, avant même son prononcé.

Dans les autres formes de divorce, il n'y a pas d'obligation de liquider les intérêts patrimoniaux avant le divorce. Or, la liquidation et le partage des intérêts matrimoniaux peuvent être amiables , les parties disposant de toute liberté pour convenir éventuellement d'un partage inégal et décider des attributions. Ainsi, il peut être décidé un abandon de soulte dans le partage d'un bien indivis ou d'autres formules fiscalement favorables, dans la mesure où c'est le droit de partage de 1% et non pas le droit de mutation à titre gratuit qui est applicable en cas de partage même inégal de la communauté. De même, le paiement de la prestation compensatoire peut s'effectuer par prélèvement sur des fonds de la communauté.

L' article 1450 du code civil , par dérogation au principe d'immutabilité des conventions matrimoniales, permet aux époux pendant la procédure de divorce de « passer toutes conventions pour la liquidation et le partage de la communauté ». Ces conventions doivent être passées par acte notarié, sauf en cas de demande conjointe 20 ( * ) . L'accord doit être total et concerner tant les mesures concernant les enfants qu'une éventuelle prestation compensatoire. Si cet article ne mentionne que les régimes communautaires, le décret du 4 janvier 1955 prévoit son application en cas de séparation de biens. Cette convention n'a pas à être homologuée par le juge.

Son utilisation demeure cependant peu fréquente.

- Le 4° reprend les dispositions relatives à l'attribution de la jouissance du logement et du mobilier du ménage.

Par ailleurs, il sera désormais précisé si cette jouissance a un caractère gratuit ou non et le juge pourra, le cas échéant, constater l'accord des époux sur le montant de l' indemnité d'occupation .

Une fois de plus, il s'agit d'anticiper le règlement de toutes les conséquences financières du divorce.

La question de l'indemnité d'occupation est source de contentieux. L'époux demeuré dans le logement familial découvre souvent lors de la liquidation qu'il doit acquitter une indemnité, alors qu'il pensait en avoir la jouissance gratuite. Or, la date des effets du mariage est actuellement prévue à la date de l'assignation. Du fait de la longueur des procédures, l'indemnité peut porter sur des sommes non négligeables.

Ceci devrait donc lever bien des incertitudes, même si la Cour de cassation semble actuellement considérer que l'occupation d'un bien rétroactivement devenu indivis donne lieu à paiement d'une indemnité d'occupation à défaut de précision dans l'ordonnance de non-conciliation, en l'absence de séparation de fait préalable.

En outre, la détermination du point de départ de l'indemnité d'occupation (à partir de l'assignation) et la reconnaissance d'une présomption en l'absence de dispositions dans l'ordonnance de non-conciliation ont fait l'objet de discussions tant dans la jurisprudence que dans la doctrine.

S'il s'agit d'une utile clarification, le projet de loi ne prévoit pas la possibilité pour le juge à ce stade de fixer de sa propre initiative le montant de l'indemnité d'occupation. Il ne pourra que constater un éventuel accord des époux sur un montant. Il conviendra par circulaire d'encourager le juge à rappeler aux parties cette faculté, très intéressante.

On aurait pu imaginer que le juge soit autorisé à fixer le montant de l'indemnité s'il s'estimait suffisamment informé. Le juge pourrait ainsi statuer si l'une des parties lui fournissait les informations adéquates (montant des loyers de logements équivalents dans le voisinage notamment, évaluation effectuée par un professionnel de l'immobilier). Néanmoins, votre rapporteur n'a pas retenu cette disposition. En effet, l'autre conjoint risquerait alors de réfuter ces informations et de demander une expertise, ce qui pourrait retarder la procédure.

- Le projet de loi permet en outre au juge de statuer sur l'attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que le logement et le mobilier du ménage, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial (8°) ;

- Enfin, il complète la palette des mesures provisoires par deux dispositions très importantes.

Le 9° prévoit tout d'abord que le juge aux affaires familiales pourra désigner un notaire ou un autre professionnel qualifié (par exemple pour évaluer un fonds de commerce ou un immeuble) en vue de dresser un inventaire estimatif -c'est-à-dire déterminer les patrimoines propres et le patrimoine commun tant en nature qu'en valeur- ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux .

Par ailleurs, le 10° indique que le juge pourra désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial.

Il s'agit d'une reprise législative des dispositions de l' article 1116 du code de procédure civile (de nature réglementaire) 21 ( * ) . En pratique, cette faculté est peu connue des juges aux affaires familiales et n'est utilisée que si la situation patrimoniale apparaît problématique pour l'évaluation de la prestation compensatoire. De plus, étant placée parmi les mesures pouvant être prises en cours d'instance, cette possibilité ne figure pas parmi les mesures provisoires susceptibles d'être prises dès l'audience de conciliation. Désormais, tel sera le cas.

Néanmoins, l'intervention du notaire ne suffira pas à vaincre l'inertie ou l'opposition à partage de l'un des époux au cas où il préfèrerait se réserver la possibilité de faire ultérieurement valoir des créances ou révoquer d'éventuelles donations. Le projet d'état liquidatif établi sans la coopération des deux époux ne reflétera pas la réalité après divorce et, en l'absence de ratification, ne les engagera pas.

Votre commission vous propose en outre de prévoir la possibilité pour le notaire de faire des propositions de composition de lots.

Rappelons que la liquidation, qui consiste à faire l'inventaire des éléments d'actif et de passif pour déterminer la masse à partager et les droits de chacun, n'implique pas nécessairement le partage, qui peut être différé si le maintien en indivision se justifie pour tout ou certains biens (appartement mis en vente, maintien de l'indivision pour la nue-propriété et attribution de l'usufruit à l'un des époux...). Le partage consiste en une opération à effet déclaratif par laquelle les copropriétaires d'un bien ou d'une universalité (succession, communauté) mettent fin à l'indivision en attribuant à chaque copartageant à titre privatif une portion concrète de biens destinée à composer son lot 22 ( * ) .

Le partage sous-entend donc que le notaire fasse des propositions d'attribution de lots à chacun des époux et non uniquement des compositions de lots, le juge décidant des suites à donner à ces propositions.

Il paraît préférable que le notaire se limite à composer les lots, sans faire de propositions quant à leur attribution.

Il ne paraît pas possible d'aller au-delà et de prévoir l'obligation pour le juge de procéder à la désignation du notaire ou du professionnel qualifié à la demande de l'un des époux. En effet, cela pourrait conduire à des manoeuvres dilatoires de la part d'un conjoint, alors même que la liquidation ne pose aucun problème, notamment en l'absence de patrimoine.

Sous réserve de l'amendement précédemment exposé, votre commission vous propose d' adopter l'article 12 ainsi modifié .

Article 13
(art. 257-1 et 257-2 nouveaux du code civil)
Introduction de l'instance en divorce

L'article 10 du projet de loi a prévu un tronc procédural commun avec une requête initiale non motivée et une tentative de conciliation commune à tous les types de divorces contentieux. Ce n'est qu'après l'échec de la tentative de conciliation que l'assignation en divorce précisera la procédure choisie, le passage vers d'autres procédures moins conflictuelles demeurant toujours possible.

Ces dispositions visent à apaiser la procédure de divorce.

Le paragraphe I de cet article crée un paragraphe 4 intitulé : « De l'introduction de l'instance en divorce » et comprenant les articles 257-1, 257-2 et 258.

Le paragraphe II introduit les articles 257-1 et 257-2.

Article 257-1 du code civil
Assignation

Le premier alinéa du nouvel article 257-1 tend à prévoir qu'après l'ordonnance de non-conciliation, un époux pourra introduire l'instance ou former une demande reconventionnelle pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute.

La demande introductive d'instance devra donc préciser le fondement juridique choisi entre les trois procédures contentieuses.

Le second alinéa précise toutefois que lorsqu'à l'audience de conciliation les époux ont déclaré accepter le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le fondement de l'article 233 (divorce fondé sur l'acceptation du principe de la rupture du mariage), l'instance ne pourra être engagée que sur ce seul fondement.

Il s'agit d'éviter les instabilités liées à cette procédure de divorce qui ont conduit à son relatif échec, alors même qu'il correspond en pratique à une majorité de situations. Rappelons que l'article 3 du projet de loi modifiant l'article 233 du code civil prévoit que l'acceptation du principe de la rupture du mariage n'est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l'appel.

Article 257-2 du code civil
Proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux

Le nouvel article 257-2 prévoit qu' à peine d'irrecevabilité , la demande introductive d'instance comportera une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.

Il s'agit là encore de favoriser le règlement des problèmes le plus en amont possible et d'éviter une procédure de divorce bis au moment de la liquidation du régime matrimonial.

Cette disposition, obligatoire, devrait avoir des conséquences très bénéfiques dans la grande majorité des cas. Néanmoins, ainsi que l'a souligné Mme Françoise Dekeuwer-Défossez entendue par la commission des Lois, elle risque de demeurer lettre morte dans le cas où les deux époux ont des fortunes très différentes, et où le conjoint demandeur moins fortuné ne dispose que de peu d'informations sur le patrimoine de son conjoint (par exemple une entreprise).

Votre commission vous propose d' adopter l'article 13 sans modification .

Article 14
(art. 259 et 259-3 du code civil)
Preuves

Les procédures de divorce sont trop souvent l'occasion de déballages inutiles de l'intimité des couples. Le projet de loi tend donc à policer la procédure.

Le paragraphe I transforme la section 4 du chapitre II du titre VI du livre premier du code civil consacrée aux preuves en matière de divorce en un paragraphe 5 de la section 3 du même chapitre.

En outre, le paragraphe II complète l' article 259 du code civil.

Article 259 du code civil
Témoignages des descendants

Cet article prévoit actuellement que les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l'aveu.

Le projet de loi tend à le compléter afin que les descendants ne puissent être entendus sur les griefs invoqués par les époux. Il s'agit de protéger les enfants et d'éviter que ceux-ci soient amenés à prendre partie pour l'un ou l'autre de leurs parents, ce qui pourrait laisser de graves séquelles après le prononcé du divorce et compromettre les chances de maintenir la coparentalité. Le projet de loi avalise donc la position adoptée par la Cour de cassation.

Votre commission est particulièrement favorable à cette disposition.

Le paragraphe III modifie le premier alinéa de l' article 259-3 relatif à l'information du juge.

Article 259-3 du code civil
Communication d'informations

Cet article prévoit actuellement que les époux doivent se communiquer et communiquer au juge ainsi qu'aux experts désignés par lui tous renseignements et documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial.

Ces informations devront désormais également être communiquées aux experts, notaires désignés au titre des mesures provisoires afin de dresser un inventaire estimatif ou de formuler des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ou d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial.

Cette disposition devra s'articuler avec celles de l'actuel deuxième alinéa de l'article 271, devenu article 272 en vertu de l'article 6 du projet de loi, relatives à la déclaration sur l'honneur introduite par la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 sur la réforme de la prestation compensatoire. Cet article indique que dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire par le juge ou par les parties dans la convention définitive en cas de demande conjointe, ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie. Elle est donc moins large puisqu'elle ne vise que la fixation ou la révision d'une prestation compensatoire, et non la fixation de pensions alimentaires pour les enfants par exemple ou la liquidation du régime matrimonial.

Votre commission vous propose d'insérer par amendement un paragraphe additionnel afin d'étendre aux prestations compensatoires, conventionnelles attribuées dans des divorces contentieux l'obligation de production d'une déclaration sur l'honneur.

Les éléments d'information du juge

Les conséquences financières du divorce pour les époux sont fixées au moment de son prononcé et sont pratiquement intangibles par la suite. Le montant de la prestation compensatoire étant déterminé en tenant compte des besoins du créancier et des ressources du débiteur, le risque est grand que le débiteur ne cherche à dissimuler une partie de ses ressources pour réduire le versement mis à sa charge. Ce constat implique une bonne information du juge.

En Grande-Bretagne, les parties doivent communiquer une attestation sous serment ( affidavit ) reprenant tous les éléments patrimoniaux. La sanction d'un mensonge ou d'une dissimulation peut consister pour le juge civil en une condamnation à une peine de prison pour contempt of court .

En France, en vertu de l'article 259-3 du code civil, le juge peut faire procéder à toutes recherches utiles auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux sans que le secret professionnel puisse être opposé. Ceci permet d'obtenir des banques et structures professionnelles les informations relatives à la réalité des avoirs des époux (créances de participation, plan d'épargne professionnel, recours au FICOBA pour avoir des renseignements sur l'ensemble des comptes).

D'autre part, l'article 1075-1 du code de procédure civile ajoute que les parties doivent, à la demande du juge, justifier de leurs charges et ressources, notamment par la production de déclarations de revenus, d'avis d'imposition et de bordereaux de situation fiscale. L'article 1075 du code de procédure civile prévoit que les époux doivent dès le début de la procédure communiquer les coordonnées des organismes sociaux dont ils dépendent.

Le décret n° 2002-1436 du 3 décembre 2002 23 ( * ) a modifié les articles 1075-1, 1075-2 et 1084 du code de procédure civile. L'article 1075-1 modifié prévoit que lorsqu'une demande de prestation compensatoire est présentée, chaque époux produit la déclaration sur l'honneur prévue à l'article 271 du code civil. A l'article 1075-2, ancien article 1075-1 du code civil, il est ajouté un second alinéa indiquant que les époux « doivent également à [la demande du juge] produire les pièces justificatives relatives à leur patrimoine et leurs conditions de vie, en complément de la déclaration sur l'honneur permettant la fixation de la prestation compensatoire ». Les articles 1075-1 et 1075-2 nouveaux ayant été par ailleurs insérés à l'article 1084 du code de procédure civile, ils sont applicables en cas de révision de la prestation compensatoire.

La circulaire du 25 novembre 2002 24 ( * ) a apporté quelques précisions, notamment en proposant un modèle annexé de déclaration sur l'honneur.

Elle précise ainsi le moment auquel doit être produite la déclaration, qui n'était pas précisé par la loi. Dans les divorces contentieux, la déclaration doit s'effectuer lors de la première demande de prestation. Cela revient à exiger la déclaration sur l'honneur lors de l'assignation ou lors des conclusions ultérieures. Dans les divorces sur requête conjointe, les déclarations doivent accompagner le projet de convention définitive. Une actualisation de la déclaration au cours de la procédure est envisageable pour prendre en compte les changements susceptibles d'intervenir dans la situation de chaque partie.

Selon la circulaire, le juge doit inviter les parties à formuler leur déclaration sur l'honneur. En cas de carence ou de refus de leur part, le juge se conformera aux dispositions générales du code de procédure civile et devra tirer toutes conséquences de l'abstention ou du refus de la partie de s'engager sur l'honneur. La circulaire rappelle qu'une déclaration incomplète ou mensongère sera sanctionnée dans les termes du droit commun par une action en révision ou en dommages-intérêts. Le droit pénal pourrait encore être sollicité (faux et usage de faux article 441-1 du code pénal).

Sous réserve de l' amendement précédemment présenté, votre commission vous propose d'adopter l'article 14 ainsi modifié .

* 15 Réflexions et propositions sur la procédure civile, rapport au Garde des Sceaux, 1997.

* 16 Notons à cet égard qu'une décision passe en force de chose jugée lorsqu'elle devient exécutoire, c'est-à-dire lorsqu'elle n'est plus susceptible d'une voie de recours suspensive, en principe après expiration du délai d'appel. Le divorce constitue cependant une exception, puisque le recours en cassation est dans ce cas suspensif.

* 17 La Cour de cassation a rappelé que les mesures provisoires prises pour la durée de l'instance cessent de produire effet dès le prononcé du rejet du pourvoi en cassation contre la décision prononçant le divorce (Cass., 2è civ., 4 juillet 2002).

* 18 Union nationale des associations familiales.

* 19 Recommandation du Conseil de l'Europe aux Etats membres sur la médiation familiale, n° R (98)1, adoptée par le comité des ministres le 21 janvier 1998 : « Des recherches menées en Europe, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle Zélande suggèrent que la médiation familiale est mieux adaptée que les mécanismes juridiques plus rigides au règlement des problèmes sensibles et émotionnels qui entourent les conflits familiaux, et qu'elle offre une approche plus constructive (...). La conclusion d'accords contribue de manière déterminante au maintien de relations de collaboration entre les parents qui divorcent : la médiation réduit les conflits et favorise la persistance de contacts entre les enfants et leurs deux parents ».

* 20 Aux termes de l'article 1451, les conventions ainsi passées sont suspendues, quant à leurs effets, jusqu'au prononcé du divorce. Elles ne peuvent être exécutées, même dans les rapports entre époux, que lorsque le jugement a pris force de chose jugée. L'un des époux peut demander que le jugement de divorce modifie la convention si les conséquences du divorce fixées par le jugement remettent en cause les bases de la liquidation et du partage.

* 21 Qui prévoit que le juge aux affaires familiales peut, en cours d'instance, charger un notaire ou un professionnel qualifié, même d'office, d'établir un projet de règlement des prestations et pensions après divorce et de dresser un projet de liquidation du régime matrimonial.

* 22 Le partage inégalitaire est possible : la rescision pour lésion est impossible, puisque la convention et le divorce sont déclarés indissociables par la Cour de cassation. Il faut « causer » le déséquilibre soit par une prestation compensatoire, soit par la reconnaissance amiable de dommages-intérêts pour préjudice distinct de la seule dissolution du mariage sur le fondement de l'article 1382 du code civil. A défaut, on s'expose au refus du juge d'homologuer ou à une recherche difficile de qualification non révélée dans la convention.

* 23 modifiant le code de l'organisation judiciaire, le code de procédure civile, le nouveau code de procédure civile et le décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale

* 24 circulaire du ministère de la Justice en date du 25 novembre 2002 (CIV/11/02, n° NOR : JUS C 02 20 634 C) « bilan d'application de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire et difficultés techniques » issue d'une première enquête auprès des juridictions effectuée au cours du second semestre 2001.

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