TRAVAUX DE COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mercredi 12 mai 2004 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé l'audition de M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées , sur le projet de loi n° 299 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées .

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées , a déclaré que les 15.000 décès causés par la canicule de l'été 2003 ont révélé les carences des dispositifs d'aide et d'accueil des personnes âgées fragiles et imposé l'urgence d'une prise en compte des conséquences du vieillissement.

A ce titre, il a rappelé que le Premier ministre avait concrétisé ces moyens d'action en octobre dernier dans l'annonce d'un plan ambitieux au bénéfice des personnes âgées et handicapées. Il a précisé que ce plan permettrait d'assurer un financement pérenne des diverses actions d'accompagnement du vieillissement, dont le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, et de combler le retard pris par les politiques publiques en ce domaine. Une enveloppe de 9 milliards d'euros serait consacrée à sa mise en oeuvre d'ici à 2008, partagée équitablement entre les actions menées au bénéfice des personnes âgées et celles prévues en faveur des personnes handicapées.

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées, s'est félicité de ce que ce financement soit assuré par l'instauration d'une journée de solidarité, en raison du caractère symbolique et fraternel de cette mesure. Il a insisté sur le choix du Gouvernement de recueillir le produit d'une journée de travail offerte par l'ensemble des salariés, plutôt que de pénaliser le pouvoir d'achat des ménages en augmentant la fiscalité.

Il a enfin affirmé que la création d'une caisse de solidarité constitue en soi une garantie que les sommes dédiées à l'amélioration du sort des personnes âgées et des personnes handicapées ne seront pas détournées de leur objectif.

M. André Lardeux, rapporteur , a rappelé que le Gouvernement a donné des instructions pour que les établissements d'accueil de personnes âgées soient équipés de salles rafraîchies. Il s'est interrogé sur l'existence de moyens financiers permettant d'accompagner cette annonce. Il a ensuite constaté que le projet de loi ne précise pas clairement la nature des organes, ni l'étendue des missions de la caisse nationale de solidarité. Il a donc demandé si, dans l'attente du futur projet de loi qui procédera à ces définitions, il ne serait pas préférable de confier, au fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, la gestion provisoire des ressources collectées au titre de la journée de solidarité.

M. Hubert Falco, ministre , a observé que la plupart des personnes âgées victimes de la canicule sont décédées du fait de leur incapacité à récupérer, durant la nuit, de la fatigue accumulée pendant la journée, en raison du maintien de températures nocturnes élevées. Il a rappelé qu'une circulaire, publiée en février, dernier avait incité l'ensemble des établissements pour personnes âgées à s'équiper d'une pièce rafraîchie en prévision de l'été 2004. Des financements, abondés à hauteur de 40 millions d'euros, permettront de subventionner 40 % de ces équipements, dont le coût est plafonné forfaitairement à 15.000 euros, pour tout établissement habilité à l'aide sociale.

Il a ensuite estimé que le fonds de financement de l'APA n'est pas en mesure d'accueillir des sommes destinées à financer tout à la fois des actions en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées et que, pour cette raison, le Gouvernement a préféré qu'une caisse spécifique soit destinataire du produit de la journée de solidarité.

M. André Lardeux, rapporteur , a rappelé la publication récente du rapport d'étape de l'étude commandée par le Gouvernement à MM. Raoul Briet et Pierre Jamet, dans le cadre du plan de solidarité pour les personnes dépendantes. Ce rapport provisoire propose de conférer aux départements une fonction de chef de file dans la gestion de la prise en charge de la dépendance et du handicap, cette fonction justifiant par ailleurs, que puisse leur être confiée la gestion de certains crédits aujourd'hui gérés par l'assurance maladie. Il s'est interrogé sur l'accueil réservé par le Gouvernement à ses propositions.

Il a également constaté que les dispositions prévues par le projet de loi entraînent plusieurs dépenses directes ou indirectes pour les collectivités territoriales et s'est enquis des dispositifs financiers prévus par le Gouvernement pour les compenser.

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées, a déclaré que le Gouvernement ne disposait pas encore des conclusions définitives du rapport cité. Il appartiendra finalement à la représentation nationale, le moment venu, de suivre, ou non, les préconisations qu'il formulera. Il a estimé, par ailleurs, que le projet de loi n'imposera pas aux collectivités territoriales des charges telles qu'elles justifient un dispositif de compensation.

M. André Lardeux, rapporteur , a constaté que les dispositions du projet de loi permettront de financer la prestation de compensation en faveur des personnes handicapées, à hauteur de 850 millions d'euros. Il s'est interrogé sur la collectivité qui serait financeur, en dernier ressort, de cette prestation.

Il a ensuite souhaité savoir si le Gouvernement avait étudié des mesures concrètes permettant d'inciter les personnes vieillissantes ou leurs enfants à contracter une assurance personnelle, pour elles-mêmes ou pour leurs parents, permettant de les prémunir de manière complémentaire contre le risque de perte d'autonomie.

M. Hubert Falco, ministre , a estimé qu'il appartiendra au Parlement dans le cadre de l'examen du texte relatif aux droits et à l'égalité des chances des personnes handicapées de déterminer la collectivité à laquelle il reviendra la charge de financer, en ultime lieu, la prestation de compensation. Concernant les dispositifs de prévoyance ou d'assurance dépendance, il a considéré que les pouvoirs publics devaient avant tout répondre à une situation d'urgence et que, dès lors, il relevait de la responsabilité individuelle de compléter la prise en charge prévue dans le cadre de la solidarité nationale.

M. Serge Franchis s'est inquiété de la situation d'asphyxie financière dans laquelle se trouvent beaucoup d'associations d'aides à domicile dans le département de l'Yonne et a souhaité connaître les mesures que le Gouvernement serait susceptible de prendre pour leur apporter un soutien actif. Il a ensuite estimé hautement souhaitable d'inciter les personnes à recourir à des systèmes de prévoyance contre la dépendance.

M. Gilbert Chabroux a affirmé que le projet loi présenté par le Gouvernement recueillait contre lui une hostilité générale, tant des partenaires sociaux que des partis politiques, hostilité dont témoigne notamment l'opposition, au projet, du groupe de l'union pour la démocratie française à l'Assemblée nationale.

Il a souligné que la véritable motivation du projet de loi était de procéder à la remise en cause de la loi sur la réduction du temps de travail et a cité une étude réalisée par l'observatoire français des conjonctures économiques, estimant que les dispositions du projet de loi pourraient avoir pour effet la destruction de 20.000 à 30.000 emplois.

M. Jean-Pierre Godefroy a partagé cette critique et s'est inquiété des conséquences financières, sur les établissements publics de santé, de la contribution de 0,3 % assise sur la masse salariale prévue par le projet loi.

M. Bernard Cazeau a estimé que la dépendance relevait de la solidarité nationale et n'avait, dès lors, pas vocation à être financée par un prélèvement reposant sur les seuls revenus du travail. Il s'est élevé contre les transferts de charges vers les collectivités territoriales résultant de ce projet de loi, précisant que le coût de la cotisation pour le conseil général de Dordogne s'élèverait à 130.000 euros.

Il a enfin déploré le manque de cohérence législative entre l'ensemble des textes nécessaires à la mise en oeuvre du plan de solidarité pour les personnes dépendantes, dont certains aspects relèvent du projet de loi relatif aux droits et à l'égalité des chances des personnes handicapées, d'autres de la future réforme de l'assurance maladie, du présent projet de loi ou des textes relatifs à la décentralisation.

M. Michel Esneu s'est félicité de l'esprit généreux des dispositions du projet de loi, mais a déploré que l'équipement des établissements accueillant des personnes âgées en local rafraîchi ait été recommandé par une mesure contraignante, généralisée sur l'ensemble du territoire hors de toute considération locale.

M. Guy Fischer a rappelé l'hostilité du groupe communiste au projet de loi et a regretté que les débats qu'il occasionne n'aient pas lieu dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie. Il a souligné l'opposition de l'ensemble des partenaires sociaux aux dispositions du texte et s'est inquiété des risques de privatisation de la prise en charge de la dépendance que pourrait susciter l'adoption de dispositions favorisant la prévoyance individuelle en matière d'autonomie.

M. Gérard Dériot a signalé que l'ensemble des établissements accueillant des personnes âgées dans l'Allier a déjà bénéficié d'une subvention du conseil général afin de s'équiper d'une salle rafraîchie. Il a demandé si ce département pourrait néanmoins percevoir, a posteriori, les incitations financières prévues à cet effet par le Gouvernement.

M. Paul Blanc s'est interrogé sur la place réservée aux services de maintien à domicile dans le cadre du « plan blanc » annoncé par le ministre.

M. Jean-Louis Lorrain a rappelé que la région Alsace bénéficie désormais d'une couverture gérontologique de haute qualité, mais que des problèmes d'articulation demeurent entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social. Il s'est enquis, en conséquence, des mesures qui pourraient être prises afin de parvenir à une meilleure coordination entre ces deux secteurs.

M. Claude Domeizel a estimé que la canicule servait d'alibi au Gouvernement pour obtenir du Parlement le vote d'un texte aux dispositions inéquitables. Il a estimé que l'institution d'un dispositif de veille et d'alerte relève du domaine réglementaire et que les dispositions afférentes à ce plan ne figurent dans le projet de loi que parce qu'elles constituent des charges nouvelles non compensées pour les collectivités territoriales. Il a ensuite fait part de ses inquiétudes devant le peu de précision des dispositions proposées par le texte pour la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

En réponse, M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées, a observé que les mesures prévues dans le cadre du plan de solidarité pour les personnes dépendantes permettraient d'améliorer la situation du secteur de l'aide à domicile. Il a en outre indiqué que le lundi de Pentecôte ne constitue pas en soi une fête religieuse, cette journée étant d'ailleurs travaillée dans l'État du Vatican.

Concernant les établissements de santé, il a précisé que la taxe de 0,3 % s'appliquerait sur l'ensemble de la masse salariale, mais que le coût serait répercuté sur les comptes de l'assurance maladie en proportion de la partie soin, et sur les résidants pour la partie relative à l'hébergement.

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées, a ensuite rappelé que les mesures incitant au rafraîchissement d'une pièce dans les établissements accueillant des personnes âgées n'impliquent pas l'obligation de climatiser les locaux.

Il a insisté sur la nécessité d'une mise en oeuvre rapide de certaines dispositions du projet de loi, notamment le plan d'urgence ou encore le vote des mesures financières permettant d'assurer le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie pour l'année 2004.

Il a enfin précisé à M. Gérard Dériot que le bénéfice des subventions d'équipement permettant l'installation de salle rafraîchie serait ouvert à toutes les maisons accueillant des personnes âgées qui auraient procédé à ces investissements à compter du mois de septembre 2003.

M. Nicolas About, président , a rappelé que les 15.000 morts causés par la canicule constituent une blessure profonde pour la nation tout entière et que cette plaie justifie en elle-même qu'un effort financier à la mesure de l'enjeu soit entrepris.

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