II. UNE AMBITION NOUVELLE EN FAVEUR DU LOGEMENT

A. UNE PÉNURIE ALARMANTE

1. Une demande croissante d'hébergement d'urgence et d'insertion

Les dispositifs d'accueil d'urgence et d'insertion en faveur des plus démunis offrent aujourd'hui près de 90.000 places. L'accueil des personnes défavorisées dans ce parc de logements n'est pas soumis à des conditions de ressources. Il ne donne pas lieu à l'établissement d'un bail ou titre d'occupation ni au versement d'un loyer, ce qui n'exclut pas une participation des familles ou des personnes accueillies fixée par le gestionnaire en fonction de leurs ressources. Les personnes hébergées ne peuvent bénéficier des aides personnelles au logement et n'ont pas droit au maintien dans les lieux, l'hébergement étant par nature transitoire.

Au sein de ce parc, il convient de distinguer celui relevant :

- du dispositif général d'urgence, qui compte environ 30.000 places. L'accueil y est inconditionnel, c'est-à-dire sans sélection des populations accueillies ;

- du dispositif général d'insertion offrant environ 26.000 places en CHRS (centre d'hébergement et de réinsertion sociale), dont 6.500 destinés aux enfants. Les publics y sont accueillis sur longue période et en fonction d'un projet d'insertion ;

- du dispositif spécifique aux demandeurs d'asile, qui propose près de 30.000 places ainsi réparties : 15.218 places en centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) et en accueil d'urgence des demandeurs d'asile (AUDA) dans le parc de la SONACOTRA, 6.277 places dans les dispositifs d'hébergement d'urgence déconcentrés et 8.491 places d'hôtel.

Une offre spécifique a été définie pour la région Ile-de-France : le plan stratégique en faveur de l'accueil et de l'hébergement y prévoit, à échéance 2004, une capacité d'accueil de 10.000 places. Il vise notamment, en plus de l'accroissement des capacités d'accueil encore nécessaire, à la pérennisation et à la modernisation des locaux afin de constituer un patrimoine à vocation sociale spécifiquement destiné à l'accueil d'urgence et assorti d'un accompagnement des personnes hébergées vers l'insertion.

La durée moyenne de séjour est de 92 jours dans les CHRS pour adultes isolés, de 107 jours pour les familles et de 17 jours pour l'accueil d'urgence. Dans les CADA, le séjour dure environ dix-huit mois, en fonction des délais d'attente pour obtenir un titre de séjour.

La demande croissante à l'entrée de ces structures n'est pas un phénomène nouveau. Les années 1990 ont vu le renforcement des dispositifs destinés aux personnes défavorisées, fournissant les outils spécifiques pour répondre aux besoins des situations les plus dramatiques. Une ligne budgétaire pour l'hébergement d'urgence et le logement temporaire a été créée par la loi de finances rectificative pour 1993 à l'occasion d'un plan logement doté de 15,24 millions d'euros.

Le plan d'urgence lancé en 1995 dit « Plan Périssol », qui visait à constituer un stock de logements d'urgence et d'insertion facilement mobilisables pour accueillir, à titre temporaire, des ménages en difficulté, a porté ces crédits à 76,22 millions d'euros. Cette ligne budgétaire a été préservée pour maintenir les capacités offertes ou les accroître.

Toutefois, le bilan établi en 1999 a fait apparaître que, si les besoins en hébergement d'urgence avaient été globalement satisfaits, certains locaux - prêtés ou à bail précaire - pouvaient n'être plus disponibles ; en outre, trop de structures d'hébergement n'étaient ouvertes qu'une partie de l'année et le parc d'urgence offrait, en région Ile-de-France notamment, des conditions d'accueil souvent inacceptables, en termes de densité d'occupation, de confort sanitaire ou de sécurité.

Dans ces conditions, il est apparu nécessaire de réorienter le dispositif en prenant en compte trois objectifs : créer des places nouvelles et ouvrir des centres tout au long de l'année lorsque le besoin est avéré ; pérenniser et moderniser les locaux ; accompagner les personnes hébergées vers l'autonomie.

La circulaire du 9 mars 2000 relative à l'utilisation de la ligne d'urgence précise en outre les principaux types d'opérations pouvant faire l'objet d'une subvention. Il s'agit principalement :

- de la création d'« hôtels sociaux », structures offrant de réels espaces privatifs pour chaque famille ou chaque personne, dotées de conditions décentes de confort et d'équipements sanitaires et de cuisine privatifs ou communs ;

- de la réhabilitation de structures d'hébergement existantes ;

- de la création de structures d'hébergement collectif en vue d'alléger le taux d'occupation des établissements existants ;

- de travaux de mise aux normes minimales d'hygiène et de sécurité incendie strictement indispensables au maintien de l'ouverture au public des places d'urgence réservées dans des structures existantes (CHRS notamment).

Malgré les efforts incontestables qui ont été accomplis pour développer ces dispositifs d'accueil aux plus démunis, l'offre de place demeure encore insuffisante.

Dans les grandes agglomérations, les établissements d'hébergements sont en effet submergés par une demande multiforme, qui rassemble, au-delà du public traditionnel des sans-abri (pour l'urgence) ou de personnes ayant besoin d'un accompagnement social adapté (pour l'insertion), des personnes étrangères sans droit au travail, demandeurs d'asile ou déboutés, et de plus en plus de travailleurs pauvres « légaux » disposant de contrats de travail courts, exécutés en horaires décalés ou en temps très partiel.

L'insuffisance des places est appréciée régulièrement par les DDASS qui informent de l'étendue des besoins locaux, notamment à travers l'élaboration ou le suivi des schémas départementaux des CHRS. Une étude nationale du dispositif d'accueil et de réinsertion sociale a été réalisée en 2003, qui a mis en évidence une situation de saturation des structures. Leur taux d'occupation est proche de 100 % pour deux raisons principales : l'explosion de la demande d'asile et la difficulté, pour les personnes accueillies, d'accéder à un logement autonome.

Par ailleurs, les besoins relatifs aux demandeurs d'asile se font ressentir en particulier au niveau des dispositifs d'urgence. Actuellement, ce sont plus de 10.000 personnes qui sont hébergées en hôtel et 5.000 autres dans des structures collectives d'hébergement d'urgence alors qu'elles devraient légitimement pouvoir être accueillies en CADA.

Page mise à jour le

Partager cette page