D. LA NÉCESSAIRE RÉFORME DE CERTAINS VECTEURS TRADITIONNELS DE LA POLITIQUE AGRICOLE DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL MOUVANT

1. Un contexte international mouvant : la réforme de la PAC

a) Les principaux aspects de la réforme actée le 26 juin 2003

Le Conseil européen des ministres de l'agriculture du 26 juin 2003 a décidé une réforme approfondie de la politique agricole commune (PAC).

L'entrée en vigueur sera progressive : certains éléments interviennent dès 2004 (notamment réforme des organisations communes de marché lait et céréales), les aspects horizontaux (découplage, modulation, conditionnalités des aides) entrent en vigueur à partir de 2005, avec possibilité de différer la mise en place du découplage à 2007.

Ainsi, la nouvelle politique agricole commune introduit deux mesures principales, d'une part le découplage des aides, d'autre part, la conditionnalité des aides désormais soumises au respect des règles essentielles de la législation européenne, notamment en matière d'environnement et de bien être des animaux . Le découplage introduit le principe de « droit à paiement unique » d'aides par exploitation, fixé sur la base d'une période de référence 2000 à 2002. L'année 2005 permettra une simulation en grandeur réelle de la réforme. Chaque agriculteur connaîtra précisément les caractéristiques de son exploitation au regard des droits à paiement qu'il pourra faire valoir pour bénéficier des aides uniques.

La mise en oeuvre des principaux aspects de la réforme de la PAC

1- L'impact de la réforme de la PAC sur les politiques sectorielles

Céréales, oléagineux, protéagineux

Le prix d'intervention et les instruments de régulation de marché sont maintenus à deux exceptions : le seigle est exclu du régime d'intervention, la correction saisonnière du prix d'intervention (majorations mensuelles) est diminuée de moitié.

Contrairement à la demande de la Commission de dissocier complètement les montants des aides directes du niveau de production - découplage total -, l'accord de Luxembourg prévoit un découplage partiel à hauteur de 75 % pour les cultures céréalières. Les pays qui souhaitent opérer un découplage total peuvent cependant le faire. L'obligation de jachère est maintenue.

Le supplément actuel pour les protéagineux est transformé en paiement spécifique fondé sur la superficie, à raison de 55,57 euros/ha.

Le supplément pour le blé dur sera réduit progressivement de 313 euros/ha en 2004 à 285 euros/ha à compter de 2006. Une nouvelle prime sera introduite pour améliorer la qualité du blé dur servant à produire des semoules et des pâtes alimentaires. Hors des zones traditionnelles de production, l'aide spécifique sera progressivement éliminée.

Autres productions végétales

Pour encourager les cultures énergétiques (cultures arables servant à produire des bio-carburants...), un crédit carbone de 45 euros/ha est institué.

Le prix d'intervention du riz est réduit à 150 euros/tonne pour une quantité maximale d'achat communautaire de 75 000 tonnes. En compensation, l'aide à l'hectare est revalorisée.

La fécule de pomme de terre est maintenue couplée à hauteur de 60 %. L'aide aux fourrages est en partie intégrée dans l'aide découplée et en partie maintenue à hauteurs de 33 euros par tonne.

Lait

Pour dégager l'horizon des producteurs laitiers, le Conseil a décidé de proroger jusqu'à la campagne 2014-2015 un régime de quotas laitiers réformé, alors qu'il aurait pu disparaître en 2008. L'augmentation des quotas décidée à Berlin est repoussée à 2006, afin de laisser au marché le temps de se stabiliser.

Le Conseil a décidé une réduction supplémentaire de 10 points du prix d'intervention pour le beurre par rapport aux accords de Berlin de 1999. Cette réduction supplémentaire sera compensée à hauteur de 82 % par des aides directes.

Pour mémoire, Berlin a prévu une baisse de prix de 15 % étalée sur 3 ans et compensée à environ 50 %. La baisse des prix débutera en 2004.

Les achats à l'intervention de beurre sont progressivement limités à 70 000 tonnes en 2004/2005 et jusqu'à 30 000 tonnes en 2008/2009.

Les paiements laitiers seront inclus dans le paiement unique par exploitation (aide découplée) après l'application intégrale de la réforme du secteur laitier.

Elevage bovin et ovin

Le système de découplage partiel assure une simplification tout en maintenant le niveau global des aides animales.

Dans le secteur de l'élevage bovin, les Etats-membres ont le choix entre trois options :

- conserver la prime actuelle à la vache allaitante (PMTVA) dans son intégralité et jusqu'à 40 % de la prime à l'abattage,

- conserver l'intégralité de la prime à l'abattage (PAB),

- conserver la prime spéciale aux bovins mâles (PSBM) jusqu'à hauteur de 75 %.

Pour éviter que des distorsions de concurrence ne se créent sur le marché européen du veau, les principaux pays producteurs (France, Pays-Bas, Belgique) se sont engagés à harmoniser le niveau de la prime à l'abattage pour les veaux.

Pour les ovins et caprins, les Etats membres peuvent conserver la prime ovine couplée jusqu'à 50%.

La gestion des crises

La France a obtenu un accord de principe sur la mise en place d'un instrument de gestion des crises des marchés pour les secteurs non couverts par les aides directes (porcs, fruits et légumes, volailles). La Commission soumettra aux ministres des propositions pour 2004. Le financement de ces mesures pourraient se faire à l'aide d'une partie des sommes dégagées par la modulation.

2- Le découplage partiel des aides

Le découplage partiel s'applique aux agriculteurs qui pendant les années 2000, 2001, 2002 ont touché des aides au titre des régimes grandes cultures, viande bovine, viande ovine ainsi qu'à ceux qui disposent d'une référence laitière.

Il remplace une partie des aides directes perçues jusqu'alors par un paiement unique à l'exploitation déconnecté du volume et des facteurs de production. Celui-ci est subordonné au respect, entre autres (voir conditionnalité) du maintien des surfaces dans un état agronomique satisfaisant.

Pour éviter l'abandon de la production dans les régions plus fragiles, chaque Etat-membre peut conserver un régime mixte d'aides découplées et couplées suivant des pourcentages propres à chaque secteur.

Les régions ultra-périphériques sont exemptées de découplage. Les semences sont également exclues.

La prime est versée aux agriculteurs sur la base des aides perçues dans les années 2000, 2001 2002.

Une réserve nationale de droit à aides est créée pour encourager l'installation des jeunes après 2002. Cette réserve peut être alimentée par un prélèvement sur la vente des droits.

Le marché des droits à ce paiement unique fera l'objet d'une législation communautaire spécifique.

Pour éviter toute distorsion de concurrence, les terres sur lesquelles seraient produits des fruits et légumes ou des pommes de terre de consommation perdront le bénéfice du paiement unique à l'exploitation.

L'entrée en vigueur s'effectue au choix de l'Etat-membre, entre le 1 er janvier 2005 et le 1 er janvier 2007.

3- Une conditionnalité élargie

Les accords de Berlin ont introduit le principe d'éco-conditionnalité des aides. Elles sont versées en fonction du respect des normes environnementales.

Dorénavant, l'octroi du paiement unique par exploitation et des autres paiements directs (paiements couplés ...) tiendra compte du respect des principales règles en matière d'environnement, de sécurité alimentaire, de santé animale et végétale et de bien-être des animaux. Le bénéficiaire des aides européennes doit également respecter les "bonnes pratiques agricoles" à savoir maintenir les terres dans des conditions agronomiques et environnementales satisfaisantes.

La vérification du respect des règles sera effectuée par les organismes de contrôle nationaux et européens. En cas de non respect, l'exploitant ou le producteur verra le montant de ses aides réduit proportionnellement à la gravité du manquement. Le Conseil a prévu une mise en place progressive de la conditionnalité sur 3 ans.

4- La modulation des aides

Une partie des aides directes sera progressivement réorientée en faveur du développement rural (modulation). Le pourcentage d'aides réorientées est fixé à 3 % en 2005, pour passer à 4% en 2006 puis 5 % de 2007 à 2013. 1 200 millions d'eurosde plus seront investis annuellement pour financer une nouvelle politique de développement rural. Cette démarche est obligatoire et harmonisée dans toute l'UE.

Le principe de respect des plafonds a déjà été entériné lors des accords de Berlin. Le règlement sur la discipline budgétaire en date du 26 septembre 2000 impose aux trois instances européennes (Parlement, Conseil et Commission) de respecter les plafonds annuels de dépenses que ce soit à l'occasion d'une nouvelle mesure ou dans le cadre de l'élaboration du budget et de l'exécution budgétaire.

Le Conseil européen de Bruxelles d'octobre 2002 a fixé un plafond maximum pour les dépenses de l'Union à 25 au titre de la PAC (aides directes et soutiens de marché). Ce plafond est établi sur la base du plafond 2006 à 25 et est arrêté pour la période 2007-2013.

Le mécanisme de discipline financière prévoit que si les prévisions financières laissent présager un dépassement au cours de l'exercice budgétaire, il sera procédé à une adaptation des aides.

b) L'impact budgétaire de la réforme de la PAC sur l'agriculture française

D'après les informations fournies par le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, l'accord de Luxembourg devrait permettre de maintenir le budget affecté aux agriculteurs français.

Avant modulation, le découplage et la réforme des OCM (lait, riz, blé dur...) débouchent sur un accroissement des versements à la France (+ 160 millions d'euros, dû principalement à la revalorisation de la nouvelle aide aux éleveurs laitiers en compensation de la baisse supplémentaire du prix du beurre). La modulation diminue légèrement ce solde positif (réduction des aides : - 325 millions d'euros, retour : + 260 millions d'euros, soit un impact net modulation de - 65 millions d'euros). Au total, le retour France se trouve donc légèrement amélioré (+ 100 millions d'euros).

A partir de 2007 (pleine application des décisions), le retour France au titre du 1 er pilier sera d'environ 9.800 millions d'euros (dont 8.400 millions d'euros d'aides directes aux exploitants) avant modulation et 9.500 millions d'euros après modulation. Le taux de retour France est préservé à 22,8 % (contre 23 % sur le 1 er pilier en 2001).

A noter toutefois que le mécanisme de discipline financière aura probablement pour conséquence une légère dégradation des versements à la France.

Impact budgétaire de l'accord de Luxembourg - Années 2007 et suivantes (hors discipline financière)

(en millions d'euros)

Impact sur le 1 er pilier

 

Lait

Aides directes

254

 

Soutiens de marché

-31

Découplage

-73

Blé dur

 

-12

Autres secteurs végétaux

(céréales, riz, fourrages, cultures énergétiques)

27

Total

 

165

Réduction modulation (5%)

-325

Impact sur le 2 ème pilier

 

Retour modulation (80% de la réduction)

260

Impact global

100

Source : ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales

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