III. LA RÉFORME PERMET D'ACCOMPLIR LA MOITIÉ DU CHEMIN QUI MÈNERAIT À LA STABILISATION DES CHARGES DE PENSION

A. L'ÉQUILIBRE PRÉVU À L'HORIZON 2020

A législation inchangée, le besoin de financement des régimes de la fonction publique est évalué par le conseil d'orientation des retraites (COR) à 28 milliards d'euros en 2020 63 ( * ) , ce qui représente 1,3 % du PIB ( supra ).

La réforme doit permettre de diminuer ce besoin de financement de 13 milliards d'euros. Le tableau suivant permet de détailler les facteurs de cette inflexion.

Impact des différentes mesures sur le besoin de financement des régimes de la fonction publique en 2020

(en milliards d'euros)

Etat

CNRACL

Total

Besoin de financement en 2020, à droit constant

-20,8

-7,5

-28,3

Allongement de la durée d'assurance permettant une liquidation au taux plein, création de la décote et de la surcote, et réforme du minimum garanti

6,8

2,8

9,6

Indexation sur les prix

3,3

1,2

4,5

Création du régime additionnel

-0,4

-0,4

-0,8

Majoration du 10 ème dans la fonction publique hospitalière

-

-0,2

-0,2

Extension aux hommes de l'avantage de réversion

-0,05

-0,05

-0,1

Extension de la cessation progressive d'activité

-0,05

-0,05

-0,1

Solde des mesures de redressement

9,6

3,3

12,9

Besoin de financement en 2020, après réforme

-11,2

-4,2

-15,4

Source : réponse au questionnaire budgétaire, jaune « fonction publique » annexé au projet de loi de finances pour 2005

Si, pour le régime de l'Etat, le rendement attendu de la réforme s'élève à 9,6 milliards en 2020, il n'excèdera pas 1,9 milliard d'euros en 2010. Ces projections auront vocation à être actualisées dans le cadre des prochains travaux coordonnés par le COR en 2005.

B. LES INCERTITUDES CONCERNANT LE BESOIN DE FINANCEMENT RESTANT

1. L'« effort supplémentaire des employeurs »

Malgré l'ampleur de la réforme entreprise, il subsisterait, à l'horizon 2020, un besoin de financement des régimes de la fonction publique de l'ordre de 15 milliards d'euros, représentant environ 0,7 % du PIB.

Au moment de la présentation du projet de loi portant réforme des retraites, le gouvernement avait annoncé que « les régimes de la fonction publique seront équilibrés par un effort supplémentaire des employeurs (Etat, collectivités locales, hôpitaux) », concluant que « la réforme permet ainsi d'assurer l'intégralité des besoins de financement des régimes de retraite, tels qu'ils sont aujourd'hui prévus pour 2020 ».

Toutefois, la question restait posée de la nature de cet « effort supplémentaire des employeurs ». Dans les réponses données aux questionnaires budgétaires, il est fait état, dorénavant, d' « affectation de ressources publiques ».

En réalité, la démarche prospective n'est pas encore achevée, même si, d'une façon générale, il devait demeurer entendu que la réforme des retraites n'était pas réductible à de strictes considérations comptables.

2. Des modalités de financement à préciser

Compte tenu des efforts entrepris, votre rapporteur spécial ne voudrait en aucun cas laisser accroire que la réforme aurait été insuffisamment rigoureuse. Simplement, il estime nécessaire de donner la mesure concrète de ce que représentera un « effort supplémentaire des employeurs », dût-il prendre la forme, guère plus engageante, d'« affectation de ressources publiques » : cet effort ou cette affectation, toutes choses étant égales par ailleurs, et quelle que soit la nouvelle « tuyauterie » susceptible d'être mise en oeuvre dans le cadre des finances sociales, ne peut qu'avoir une incidence sur le niveau des prélèvements obligatoires .

En revanche, la portée de cette exigence doit être évaluée en se plaçant dans le contexte, certes, largement indéterminé, des finances publiques en 2020. A cet horizon, il peut être raisonnablement espéré que la réforme de l'Etat, la diminution des effectifs et la diminution du chômage auront rétabli des marges suffisantes pour permettre d'absorber, le cas échéant, un surcroît de prélèvements obligatoires sans peser sur l'activité.

En tout état de cause, le Conseil d'orientation des retraites (COR), selon les termes de l'article 6 de la loi portant réforme des retraites précitée, a la charge de « de décrire les évolutions et les perspectives à moyen et long termes des régimes de retraite légalement obligatoires, au regard des évolutions économiques, sociales et démographiques, et d'élaborer, au moins tous les cinq ans, des projections de leur situation financière ».

Les engagements de l'Etat au titre des retraites

Un chiffre figurant sur le Compte général de l'administration des finances (CGAF) en 2001, paru en juin 2003, n'avait pas manqué de frapper les esprits : les engagements de l'Etat au titre des retraites des fonctionnaires et des agents publics relevant des régimes spéciaux s'élevaient, fin 2002, à 708 milliards d'euros , ce qui représentait près de la moitié du produit intérieur brut. Dans le CGAF paru en mai 2005 , ces engagements ont été réévalués à 940 milliards d'euros ; compte tenu de la réforme des retraites , le CGAF avance le chiffre de 850 milliards d'euros.

Ces engagements correspondent au montant actualisé des pensions restant à verser aux retraités et aux actifs à la date de l'évaluation. En application de la norme comptable internationale « IAS 19 », les pensions futures des actifs, évaluées sur la base de leur évolution de carrière probable à l'aide des paramètres actuels du régime, sont prises en compte au prorata des années de services effectuées à la date d'évaluation sur le nombre d'années de service au moment du départ à la retraite.

Autant signaler d'emblée que ces chiffres, d'ailleurs peu précis car particulièrement sensible au choix de la méthode, au niveau du taux d'actualisation 64 ( * ) retenu pour les retraites à verser, et à la variable comportementale, est sans véritables implications pratiques : l'Etat ne sera jamais mis en faillite, jamais obligé de licencier l'ensemble de ses fonctionnaires, et jamais obligé de leur régler par avance la valeur actualisée de l'ensemble des pensions dues.

Ils ont néanmoins une certaine 65 ( * ) valeur illustrative , et il est certainement méritoire d'avoir essayé de mesurer l'impact de la réforme des retraites des fonctionnaires sur le montant des engagements de l'Etat au titre des retraites.

En attendant, il convient de suivre notre collègue Adrien Gouteyron, qui écrivait dans son rapport pour avis 66 ( * ) sur le projet de loi portant réforme des retraites  : « la réforme est satisfaisante sur le plan de l'équité, et elle se situe sans doute à la lisière de la « contrainte d'acceptabilité » ; certes, elle ne permet d'absorber qu'environ la moitié des besoins de financement à venir ; en conséquence, elle n'en est que plus urgente et absolument nécessaire, particulièrement dans ses aspects les plus contraignants ».

* 63 Cette évaluation repose sur l'hypothèse d'un taux de chômage stabilisé à 4,5 % en 2010 (projection correspondant au « scénario macroéconomique de référence » du COR).

* 64 Le taux d'actualisation retenu dans le dernier CGAF est de 2,5 % ; il était de 3 % dans la précédente évaluation.

* 65 Les comparaisons internationales seraient éclairantes, mais leur réalisation se heurte à de nombreux obstacles méthodologiques. Il peut être avancé que ces engagements représenteraient 33 % du PIB aux Etats-Unis, lorsqu'ils excèderaient la moitié du PIB en France.

* 66 Rapport pour avis n° 383 (2002-2003) au nom de la commission des finances.

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