B. LES OUTILS DIFFÉRENCIÉS D'UNE INSERTION PLUS EFFICACE

1. Jeunes peu diplômés : la préférence donnée à l'accompagnement vers le secteur marchand

L'évolution préoccupante du chômage des jeunes (supra) justifie pleinement la lutte ciblée que le gouvernement a décidé de mener dès 2003 au moyen du contrat « jeune en entreprise » puis du CIVIS. Pour 2005, l'accompagnement des jeunes vers l'emploi est notablement renforcé, le programme « Accompagner 800.000 jeunes vers l'emploi durable » de plan de cohésion sociale ayant notamment prévu la création de 2.500 postes de « référents » et de « coordonnateurs » (sur 5 ans), le financement d'un fonds d'insertion professionnelle des jeunes, et le versement d'une allocation intermédiaire aux jeunes entre deux contrats.

La politique menée repose sur la conviction , partagée par votre rapporteur spécial, qu'une insertion durable dans le monde du travail passe uniquement par un emploi dans le secteur marchand.

a) La montée en puissance du contrat jeune en entreprise et la mise en place du CIVIS15 ( * )
(1) L'essor du contrat-jeune

Créé par la loi du 29 août 2002 16 ( * ) , le contrat jeune en entreprise devait permettre de prendre en charge 90.000 contrats en 2003, puis, d'après le projet de loi de finances pour 2004, 110.000 en 2004. Finalement, d'après les réponses aux questionnaires budgétaires, il est prévu de signer 90.000 contrats en 2004, et à nouveau 90.000 contrats en 2005 .

A terme, ce dispositif devait bénéficier à environ 300.000 jeunes. La signature d'un contrat à durée indéterminée, le caractère dégressif de l'aide de l'Etat, et la possibilité pour les jeunes, au terme de la troisième année, de valider leur acquis, constituent les gages d'une insertion durable dans l'entreprise, sinon dans le monde du travail en général.

(2) Le redéploiement du CIVIS

Depuis le décret du 11 juillet 2003, ces contrats jeunes ont reçu le renfort du contrat d'insertion dans le vie sociale , le « CIVIS ».

Ce contrat devait être décliné en trois volets, le CIVIS « association », le CIVIS « accompagnement vers l'emploi », et le CIVIS « création d'entreprises ».

L'échec du CIVIS « association »

L'Etat devait financer le soutien au CIVIS « association » , destiné aux jeunes de 18 à 22 ans embauchés pour une durée de trois ans par une association conduisant des activités d'utilité sociale . Selon les types d'activité, l'aide de l'Etat correspond à 33 % ou à 66 % du SMIC. Dès 2003, 3.000 jeunes devraient accéder à ce contrat, puis 8.000 en 2004. En raison du faible succès du CIVIS d'utilité sociale, il a été décidé de sa mise en extinction .

Les régions sont déjà responsables de l'essentiel des effectifs bénéficiaires, ceux qui ont signé à compter de 2004 un CIVIS « accompagnement vers l'emploi » (60.000 jeunes prévus en 2004) ou un CIVIS « création d'entreprises » (2.500 jeunes prévus), dont la nature est différente, puisqu'il s'agit de favoriser l'insertion dans le monde du travail, sans création d'emploi à proprement parler.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit d'accompagner le développement du « CIVIS régional » , mis en oeuvre les missions locales et les PAIO (« permanences accueil-information-orientation »), qui composent le réseau d'accueil des jeunes.

Ainsi, l'Etat participera, au travers d'une convention d'objectifs et de moyens, à la création, sur cinq ans, de 2.500 postes de référents et de coordinateurs du dispositif annoncés par le plan de cohésion sociale (66 millions d'euros de crédits ayant été inscrits à cet effet pour 2005), au financement du fonds d'insertion professionnelle des jeunes (75 millions d'euros en 2005), et au versement d'une allocation intermédiaire aux jeunes entre deux contrats (52 millions d'euros en 2005).

b) L'extinction concomitante des emplois-jeunes

Le programme « nouveaux services - nouveaux emplois », qui donne encore lieu à une dotation importante du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, poursuit son extinction , avec encore 97.500 emplois jeunes fin 2004, et plus que 62.300 emplois jeunes fin 2005.

A cet égard, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit la suppression du dispositif de remplacement des jeunes qui quittent leur poste d'emploi jeune avant le terme de la convention.

2. Personnes en difficulté : une politique d'insertion plus adaptée

La politique d'insertion poursuit plusieurs objectifs qui pourraient sembler concurrents : ainsi, la politique d'« activation » des minima sociaux conduit à privilégier le secteur non marchand, à rebours d'un certain tropisme pour le secteur marchand. En effet, la logique qui présidait depuis 2003 aux redéploiements budgétaires en matière de politique ciblée consistait à privilégier, dans toute la mesure du possible, l'accès à un emploi dans le secteur marchand. Les aménagements du plan de cohésion sociale ont ainsi conduit à amender ces orientations qui, à l'épreuve du retournement de conjoncture, s'étaient avérées, au demeurant, largement théoriques.

En réalité, le dénominateur commun des nouveaux aménagements est la recherche d'une plus grande efficacité, ce dont votre rapporteur spécial ne saurait se plaindre.

a) Le recours au secteur marchand via un CIE modernisé

Les contrats initiative emploi ( CIE) , à la suite de « recentrages » successifs opérés par le précédent gouvernement, se trouvent ciblés sur les publics les plus en difficulté. Toutefois, l'attractivité du dispositif pour les employeurs a été renforcée depuis juillet 2003.

Les effectifs moyens des CIE sont ressortis à 179.000 bénéficiaires en 2002, et à 151.000 bénéficiaires en 2003. Au 30 juin 2004, les effectifs sont ressortis à 165.000 bénéficiaires. Pour 2004 , la dotation avait été calculée sur la base de 80.000 nouvelles entrées , contre 52.735 entrées réalisées en 2002 puis 63.955 en 2003.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005 , les entrées prévisionnelles, au sein de l'enveloppe unique régional ( infra ), s'élèvent à 115.000 bénéficiaires d'un CIE rénové par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, où l'accent est mis sur la formation et l' adaptation des aides aux particularités locales . D'après l'exposé des motifs du projet de loi précité, cette adaptabilité « favorisera une plus grande synergie avec les politiques mises en oeuvre par les collectivités territoriales », ce dont votre rapporteur spécial veut accepter l'augure.

b) Un recentrage « incident » vers le secteur non marchand
(1) La modernisation des « CES » et « CEC » au travers du « CAE »

L'objectif initial de promouvoir l'emploi dans le secteur marchand avait conduit à diminuer le nombre d'ouvertures des contrats emploi solidarité (CES) (de 240.000 à 170.000) et des contrats emploi consolidé (CEC) (de 25.000 à 15.000) pour 2004. Le gouvernement s'était orienté vers une plus grande responsabilité financière des employeurs établissements publics et collectivités locales.

Avec les articles 24 et 25 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, les CES et les CEC sont regroupés en un « contrat d'accompagnement dans l'emploi » (CAE) , dont la souplesse devrait permettre aux acteurs locaux du service public de l'emploi de cibler plus précisément les publics en difficulté, en vue de leur insertion dans le secteur non marchand.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005, les entrées prévisionnelles, au sein de l'enveloppe unique régional ( infra ), s'élèvent à 115.000 bénéficiaires. Au sein du secteur non marchand, cette baisse du nombre d'entrées est largement compensée par la création du contrat d'avenir.

(2) La création du contrat d'avenir pour « activer » les minima sociaux

Le contrat d'avenir est un dispositif d'« activation » du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation spécifique solidarité (ASS).

Mis en place par l'article 29 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, ce nouveau contrat constitue, pour le secteur marchand, le pendant du contrat d'insertion-revenu minimum d'activité (CIRMA), amélioré et recentré sur le secteur marchand par l'article 33 du même projet.

Le dispositif de programmation figurant à l'article 38 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit que de 383 millions d'euros en 2005 pour la signature de 185.000 contrats , leur coût devrait s'établir à 1,12 milliard d'euros en 2009, dans l'objectif de signer au total 1 million de contrats.

Nombre de contrats d'avenir proposés entre 2005 et 2009 selon l'échéancier figurant au II de l'article 38 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale

Année

2005

2006

2007

2008

2009

Nombre de contrats

185 000

250 000

250 000

250 000

65 000

Aide apportée par l'Etat aux contrats d'avenir programmée par le II de l'article 38

( en millions d'euros valeur 2004 )

Année

2005

2006

2007

2008

2009

Aide de l'Etat

383

1.119

1.285

1.285

1.120

Au total , en regroupant les CAE et les contrats d'avenir, le budget prévoit la signature de 300.000 contrats destinés aux personnes en difficulté dans le secteur non marchand . Cette indication est, toutefois, indicative, car les CAE sont financés avec les CIE au sein d'une même enveloppe.

c) La fongibilité des crédits au niveau régional concernant le recours aux CAE et CIE

Les contrats d'accès à l'emploi et les contrats initiative emploi auront des caractéristiques similaires : ces emplois seront le plus souvent accompagnés d'une formation, tandis que l'aide apportée à l'employeur doit être modulable, de manière à mieux maîtriser les effets d'aubaine.

Il est donc logique que les services de l'emploi disposent d'une enveloppe unique, fongible, leur permettant de choisir à chaque fois le « bon service au profit de la bonne personne » : c'est l'« enveloppe unique régionale ».

Aussi, la répartition donnée entre CAE et CIE est-elle purement indicative , puisque les services pourront moduler la durée des contrats, le montant moyen de l'aide accordée et la répartition entre les deux types d'emplois aidés, au sein de l'enveloppe fongible.

d) Le recours croissant à l'« activation » des minima sociaux

La création du contrat d'avenir ( supra ) à destination du secteur marchand, aux cotés du contrat d'insertion-revenu minimum d'activité (CIRMA) , amélioré et recentré sur le secteur marchand, traduit la préoccupation d'« activer » le revenu minimum d'insertion (RMI) et l'allocation spécifique solidarité (ASS). Pour 2005, les crédits se rapportant aux exonérations de charges attachées au RMA se trouvent fondues dans le dispositif « Fillon » ( infra ).

L'activation des minima sociaux : une idée acclimatée par le Sénat

Notre collègue Alain Lambert, alors président, et son rapporteur général, Philippe Marini, avaient déposé le 25 avril 2000 une proposition de loi 17 ( * ) portant création d'un revenu minimum d'activité, proposition adoptée par le Sénat au cours de sa séance du 8 février 2001. En effet, la difficulté à remplir les objectifs du RMI en terme d'insertion avait déjà alerté la commission des finances, comme pouvait en rendre compte l'exposé des motifs :

« A cet égard, le constat est clair : le RMI n'a pas permis d'enrayer le phénomène de l'exclusion . Il a apporté une aide financière indispensable à nombre de ses bénéficiaires, mais il est devenu, aujourd'hui, une « troisième composante de l'indemnisation du chômage » , selon l'expression employée par le rapport du groupe de travail « Minima sociaux, revenus d'activité, précarité », constitué au sein du Commissariat général du Plan, et présidé par M. Jean-Michel Belorgey. Son volet insertion est un échec.

« De nouvelles voies et de nouvelles pistes doivent donc impérativement être explorées sous peine de persévérer dans cette impasse économique, financière mais également et surtout humaine . (...)

« Qui plus est, les allocataires de minima sociaux se retrouvent souvent dans un « piège à pauvreté » : ils hésitent à accepter un emploi relativement précaire, qui les conduirait à abandonner leur allocation et les exonérations diverses qui y sont associées, les aides au logement en particulier. Le cercle vicieux de l'inactivité se trouve alors encouragé par la perte de revenus occasionnée par la reprise d'un emploi ! » .

e) Une insertion adaptée
(1) Le renforcement de l'insertion par l'économique

Le dispositif d' insertion par l'économique , qui a constitué ces dernières années un des leviers privilégiés des politiques d'insertion et de lutte contre l'exclusion, voit ses moyens renforcés. Les aides aux structures d'insertion par l'économique font l'objet d'une programmation figurant à l'article 38 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, en vue de créer 4.000 postes dans les entreprises d'insertion. Le nombre de poste doit être ainsi porté de 11.000 en 2004 à 13.000 en 2005 , puis à 15.000 à partir de 2007 .

Votre rapporteur spécial approuve sans réserve une politique de concentration des aides les plus coûteuses sur les publics rencontrant les plus grandes difficultés.

(2) La suppression des stages « occupationnels »

Dès la loi de finances pour 2004, il a été envisagé une baisse de 118.500 à 55.000 du nombre d'entrée dans les stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE), destinés aux chômeurs de longue durée, qu'expliquait la désaffection croissante du gouvernement pour une forme d'occupation dont les résultats apparaissent globalement décevants au regard de l'objectif assigné : l'insertion et la formation à l'emploi.

Dans cette logique, l'article 24 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale décide de la suppression des SIFE et des stages d'accès à l'entreprise (SAE), dans lesquels il était encore prévu au total 65.000 entrées en loi de finances initiale pour 2004. Cette suppression est à rapprocher du renforcement du volet formation des CIE et des CAE (par rapport aux CEC et des CES).

* 15 Contrat d'insertion dans la vie sociale.

* 16 Loi n° 2002-1095 du 29 août 2002 portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise.

* 17 Proposition de loi n° 217 (2001-2002).

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