Rapport n° 180 (2004-2005) de M. Patrice GÉLARD , fait au nom de la commission des lois, déposé le 9 février 2005

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N° 180

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 février 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi constitutionnelle, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, modifiant le titre XV de la Constitution ,

Par M. Patrice GÉLARD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Hubert Haenel, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon, MM. Hugues Portelli, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2022 , 2033 , 2023 et T.A. 376

Sénat : 167 (2004-2005)

Pouvoirs publics.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Après avoir entendu, le mercredi 26 janvier 2005, MM. Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Paul Cassia et Dominique Chagnollaud, professeurs de droit public, puis, le mardi 1 er février 2005, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, la commission des Lois s'est réunie le mercredi 9 février 2005, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, afin d'examiner en première lecture, sur le rapport de M. Patrice Gélard, le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 1 er février 2005.

M. Patrice Gélard, rapporteur , a observé que le traité établissant une Constitution pour l'Europe maintenait les spécificités du droit de l'Union européenne par rapport aux règles classiques du droit international public.

Il a rappelé que, sur saisine du Président de la République, le Conseil constitutionnel avait considéré, le 19 novembre 2004, que la ratification de ce traité appelait une révision préalable de la Constitution dans la mesure où, d'une part, certaines de ses clauses affectaient les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale en transférant à l'Union européenne des compétences nouvelles ou en lui permettant d'exercer certaines de ses compétences selon des modalités nouvelles, d'autre part, la mise en oeuvre des nouvelles prérogatives reconnues par le traité au Parlement de s'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée instituée par son article IV-444 et à chacune des deux assemblées de veiller à ce que les actes législatifs européens respectent le principe de subsidiarité, a priori par un avis motivé adressé aux institutions européennes et a posteriori par un recours formé devant la Cour de justice de l'Union européenne, ne pouvaient être mises en oeuvre dans le cadre des dispositions actuelles de la Constitution.

Il a expliqué que le projet de loi constitutionnelle comportait trois volets ayant respectivement pour objet de permettre au Président de la République de soumettre au référendum l'autorisation de ratifier le traité établissant une Constitution pour l'Europe, de refondre le titre XV de la Constitution en cas d'entrée en vigueur de ce traité et de rendre obligatoire l'adoption par la voie référendaire de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne. Il a ensuite présenté le contenu des quatre articles de ce texte comprenant des dispositions transitoires et des dispositions permanentes.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a préconisé l'adoption sans modification du projet de loi constitutionnelle en faisant valoir que sa rédaction, améliorée par l'Assemblée nationale, permettait la ratification du traité et la mise en oeuvre des nouveaux pouvoirs reconnus aux assemblées, sans préjuger une adaptation ultérieure de la Constitution à la spécificité du droit de l'Union européenne qui nécessiterait une réflexion plus globale sur l'équilibre des institutions de la V ème République. Il a par ailleurs indiqué qu'il conviendrait de modifier en conséquence le règlement du Sénat pour assumer pleinement les nouvelles compétences découlant de la révision.

Au terme d'un large débat, la commission a proposé d'adopter le projet de loi constitutionnelle sans modification .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La recherche d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples d'Europe, fondement originel de la construction européenne, appelle pour la cinquième fois une révision de la Constitution de la V ème République.

En décembre 2001, à Laeken, le Conseil européen convoquait une « convention sur l'avenir de l'Europe » rassemblant 105 représentants des gouvernements des quinze Etats membres de l'Union et des treize pays candidats, de leurs parlements nationaux, du Parlement européen et de la Commission européenne, afin de jeter les fondements d'une Constitution pour les citoyens européens.

Réunie de février 2002 à juillet 2003 sous la présidence de M. Valéry Giscard d'Estaing, la convention a arrêté de façon consensuelle un projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe. Ce projet a servi de base de travail à une conférence intergouvernementale qui, après un constat d'échec initial en décembre 2003, s'est accordée le 18 juin 2004, à Bruxelles, sur un texte finalement assez proche de celui de la convention.

Le traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé à Rome le 29 octobre 2004, est appelé à se substituer au traité instituant la Communauté européenne et au traité sur l'Union européenne, ainsi qu'à l'ensemble de ceux qui les ont complétés ou modifiés lors de réformes institutionnelles ou à l'occasion de l'adhésion de nouveaux Etats membres. En dépit de son intitulé, il conserve les caractéristiques d'un engagement international.

Saisi par le Président de la République le jour même de sa signature, le Conseil constitutionnel a considéré, le 19 novembre 2004, que la ratification de ce texte nécessitait une révision préalable de la Constitution.

Le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 1 er février 2005, a pour premier objet de lever les obstacles constitutionnels à cette ratification, dont le Président de la République a annoncé qu'il comptait la soumettre au référendum.

La décision prise par le Conseil européen le 17 décembre 2004, peu après la signature du traité établissant une Constitution pour l'Europe, d'engager des négociations avec la Turquie en vue de l'adhésion de cet Etat à l'Union européenne a ouvert un second débat sur les frontières de l'Union.

Pour éviter toute interférence entre ces deux questions, le projet de loi constitutionnelle tend, en second lieu, à rendre obligatoire l'adoption par la voie référendaire de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne.

Après avoir rappelé la place originale du droit européen dans notre ordre juridique et les principales clauses du traité établissant une Constitution pour l'Europe, votre rapporteur s'attachera à examiner si les dispositions du projet de loi constitutionnelle permettent bien de lever l'ensemble des obstacles à la ratification de ce texte.

I. LE TRAITÉ ÉTABLISSANT UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE MAINTIENT LA SPÉCIFICITÉ DU DROIT EUROPÉEN

La construction européenne s'est traduite, selon le constat dressé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004, par la création d'un ordre juridique « intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international ». Le traité établissant une Constitution pour l'Europe maintient cette spécificité.

A. LA CONSTRUCTION PROGRESSIVE D'UN « ORDRE JURIDIQUE PROPRE »

Si les traités constitutifs des Communautés européennes et de l'Union européenne obéissent aux règles classiques du droit international public, tel n'est pas le cas des actes adoptés par les institutions européennes sur leur fondement.

1. Des conditions satisfaisantes d'intégration des traités européens dans le droit interne

La Constitution de la V ème République accorde une place prééminente au Président de la République, garant des traités, et au Gouvernement, chargé de déterminer et de conduire la politique de la Nation, dans le domaine des relations internationales.

Aux termes de l'article 52, le Président de la République négocie, signe et ratifie les traités , le Gouvernement détenant les mêmes compétences à l'égard des accords internationaux en forme simplifiée. Les actes du Président doivent être contresignés par le Premier ministre et les ministres responsables.

Les traités les plus importants ne peuvent toutefois, en application de l'article 53, être ratifiés qu'en vertu d'une loi . Sont ainsi concernés, selon la liste limitative dressée par ce même article, non seulement les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale mais également les traités de paix, les traités de commerce, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes ainsi que ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire. L'omission de cette formalité peut être sanctionnée par le Conseil d'Etat 1 ( * ) .

La loi consiste en une simple autorisation dont le Président de la République et le Gouvernement sont libres de faire usage. En revanche, ils ne peuvent s'en passer. Ainsi, le traité instituant la Communauté européenne de défense n'a jamais pu entrer en vigueur après le rejet du projet de loi tendant à autoriser sa ratification par l'Assemblée nationale française en juin 1954.

Cette loi peut être adoptée par la voie parlementaire ou par la voie référendaire . L'article 11 dispose en effet que : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre à référendum tout projet de loi [...] tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions . »

Les électeurs français autorisèrent ainsi, en 1972, la ratification du traité d'adhésion aux Communautés européennes du Royaume-Uni, de l'Irlande, du Danemark et de la Norvège puis, en 1992, celle du traité sur l'Union européenne signé à Maastricht.

La ratification d'un engagement international nécessite une révision préalable de la Constitution lorsqu'il comporte des clauses qui sont contraires à la loi fondamentale, mettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale 2 ( * ) . Encore faut-il qu'il soit soumis au Conseil constitutionnel, soit directement au titre de l'article 54, soit à l'occasion de l'examen de la loi autorisant sa ratification ou son approbation en application de l'article 61.

Le Conseil examine alors chacune des stipulations du traité. Il ne s'estime tenu de motiver que les déclarations de contrariété à la Constitution. Les réserves d'interprétation sont exclues dans la mesure où un engagement international doit faire l'objet d'une application uniforme par les parties. Enfin, pour des raisons de sécurité juridique et en application de la règle pacta sunt servanda consacrée par le préambule de la Constitution de 1946, la constitutionnalité d'un traité ratifié ne peut plus être mise en cause, même à l'occasion d'un traité modificatif 3 ( * ) . La jurisprudence du 24 juillet 1985 4 ( * ) permettant le contrôle de constitutionnalité d'une loi à l'occasion du contrôle de celle qui en affecte le domaine d'application n'est pas transposable aux engagements internationaux. Pour autant, le principe d'immunité constitutionnelle des traités ratifiés n'interdit pas l'examen de la constitutionnalité d'un texte modificatif compte tenu des engagements déjà souscrits.

La Constitution française a ainsi déjà été révisée à trois reprises, le 25 juin 1992, le 25 novembre 1993 et le 25 janvier 1999, afin de permettre la ratification du traité de Maastricht, des accords de Schengen et du traité d'Amsterdam .

Enfin, pour produire des effets en droit interne, un traité doit être publié .

Ces règles permettent d'intégrer dans des conditions satisfaisantes les traités européens dans notre ordre juridique .

2. L'absence de ratification et de contrôle par le Conseil constitutionnel des actes élaborés par les institutions de l'Union européenne

Pour mettre en oeuvre les compétences qui lui sont confiées, l'Union européenne peut aujourd'hui adopter une quinzaine de types d'actes juridiques différents . Certains sont définis par les traités, d'autres ont découlé de la pratique.

Les plus connus sont les règlements, qui établissent une règle uniforme applicable directement dans tous les Etats membres, les directives, qui fixent les objectifs à atteindre par les Etats membres et leur imposent une date limite pour les mettre en oeuvre en droit interne, les décisions de portée individuelle, les recommandations et les avis.

Les règles qui président à l'élaboration de ces actes sont extrêmement diverses. Toutefois, nombre d'entre eux sont désormais adoptés par le Conseil des ministres, à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission européenne et après approbation ou avis du Parlement européen.

Leur introduction dans notre droit interne n'obéit pas aux règles classiques du droit international public . Elle n'est en effet soumise ni à ratification ni à publication au Journal officiel de la République française. Leur publication à celui de l'Union européenne suffit à leur permettre de produire des effets juridiques. Cette spécificité a pour conséquences :

- de permettre l'application en droit interne d'actes auxquels les autorités françaises n'auraient pas souscrit , même s'il convient de rappeler que le système de la majorité qualifiée constitue une incitation pour les Etats à négocier sérieusement sur les propositions qui leur sont faites, tandis que l'unanimité est un facteur d'inertie et de marchandage ;

- de priver le Parlement d'une partie de ses prérogatives législatives , puisqu'il ne participe pas, contrairement au Gouvernement, aux décisions prises par les institutions de l'Union européenne et ne peut s'opposer à leur entrée en vigueur, l'article 88-4 de la Constitution donnant simplement à chaque assemblée la possibilité d'adopter des résolutions dépourvues de portée contraignante afin de faire connaître au Gouvernement son sentiment sur les projets ou propositions d'acte européen comportant des dispositions de nature législative ;

- d' interdire le contrôle de la conformité à la Constitution des actes pris par les institutions de l'Union européenne par le Conseil constitutionnel , ce dernier estimant que l'article 54 de la loi fondamentale ne lui permet de se prononcer que sur les engagements internationaux impliquant une autorisation de ratification ou d'approbation.

Toutefois, saisi d'une demande d'avis juridique au titre de sa fonction de conseil auprès du Gouvernement, le Conseil d'Etat peut être conduit à vérifier la constitutionnalité d'une norme à tous les stades de son élaboration .

Dans un avis rendu le 26 septembre 2002, il a ainsi considéré que la transposition de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen nécessitait une révision constitutionnelle préalable, au motif que cette décision-cadre ne respectait pas le principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel l'Etat d'exécution doit pouvoir se réserver la possibilité de refuser l'extradition d'une personne poursuivie pour une infraction à caractère politique.

Aussi la Constitution a-t-elle été révisée le 25 mars 2003 afin de permettre, pour la quatrième fois, la poursuite de la construction européenne .

Cette spécificité du droit européen dérivé mérite d'autant plus d'être prise en compte que le champ des compétences des Communautés européennes et de l'Union européenne et, corrélativement, le nombre des actes adoptés par leurs institutions ont connu une extension continue . Environ 300 textes touchant au domaine de la loi au sens de l'article 34 de la Constitution sont élaborés chaque année et l'on estime que 50 % du droit français se trouve sous influence du droit communautaire.

3. Une insécurité juridique

Les modalités actuelles d'insertion du droit européen dans notre droit interne constituent une source d'insécurité juridique.

Selon les juridictions nationales , les engagements internationaux priment sur les lois et règlements nationaux mais doivent céder le pas devant la Constitution , dans la mesure où ils tiennent précisément leur autorité de l'article 55 de cette dernière.

La Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont ainsi décidé, tardivement pour ce qui concerne le second, d'écarter l'application des dispositions d'une loi, même postérieure, contraires à un engagement international, y compris un règlement ou une directive 5 ( * ) .

En revanche, saisi d'un recours contre le décret du 20 août 1998 organisant le gel du corps électoral restreint appelé à se prononcer sur le statut de la Nouvelle Calédonie, le Conseil d'Etat a indiqué que « la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne s'appliqu[ait] pas, dans l'ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle » et refusé d'examiner le moyen d'annulation tiré de la contrariété du décret à diverses conventions internationales 6 ( * ) . Par la suite, il a expressément indiqué que le principe de primauté du droit communautaire ne saurait conduire, dans l'ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la Constitution 7 ( * ) .

Dans des décisions récentes, le Conseil constitutionnel a toutefois précisé que la transposition en droit interne d'une directive communautaire résultait d'une exigence constitutionnelle posée par l'article 88-1 de la loi fondamentale, à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition, expresse et spécifique, contraire de la Constitution 8 ( * ) .

L'institution d'un contrôle de constitutionnalité du droit européen dérivé serait de nature à prévenir de tels conflits .

Ces conflits sont d'autant plus préjudiciables que la Cour de justice des Communautés européennes a considéré, jusqu'à présent, qu'un Etat membre ne pouvait se prévaloir de son droit interne, même constitutionnel, pour faire obstacle à la mise en oeuvre du droit de l'Union 9 ( * ) . Le non respect par la France d'un acte européen l'exposerait ainsi à une condamnation pour manquement à ses obligations résultant des traités constitutifs.

La spécificité du droit européen par rapport aux règles classiques du droit international public a été clairement exposée par la Cour de justice dans un arrêt Flaminio Costa contre E.N.E.L rendu le 15 juillet 1964 :

« Attendu qu'à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la C.E.E. a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des Etats membres lors de l'entrée en vigueur du traité et qui s'impose à leurs juridictions ;

« Qu'en effet, en instituant une communauté de durée illimitée, dotée d'institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d'une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d'une limitation de compétence ou d'un transfert d'attributions des Etats à la Communauté, ceux-ci ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains et créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes ;

« Attendu que cette intégration au droit de chaque pays membre de dispositions qui proviennent de source communautaire, et plus généralement les termes et l'esprit du traité, ont pour corollaire l'impossibilité pour les Etats de faire prévaloir, contre un ordre juridique accepté par eux sur une base de réciprocité, une mesure unilatérale ultérieure qui ne saurait ainsi lui être opposable ;

« Que la force exécutive du droit communautaire ne saurait, en effet, varier d'un Etat à l'autre à la faveur des législations internes ultérieures, sans mettre en péril la réalisation des buts du traité visée à l'article 5 (2), ni provoquer une discrimination interdite par l'article 7 ;

« Que les obligations contractées dans le traité instituant la Communauté ne seraient pas inconditionnelles mais seulement éventuelles, si elles pouvaient être mises en cause par les actes législatifs futurs des signataires . »

Le traité établissant une Constitution pour l'Europe maintient cette spécificité, tout en faisant une place plus importante au respect des compétences des Etats membres.

B. LES INNOVATIONS INTRODUITES PAR LE TRAITÉ ÉTABLISSANT UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE

Complété par 2 annexes et 36 protocoles ayant la même valeur juridique que lui, le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé à Rome le 29 octobre 2004 est divisé en quatre parties comprenant un total de 448 articles et consacrées respectivement à la définition de l'Union européenne, de ses objectifs, de ses compétences, de ses procédures décisionnelles et de ses institutions, à la charte des droits fondamentaux, aux politiques et au fonctionnement de l'Union et aux clauses finales et transitoires.

Il remplace les traités précédents, à l'exception du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom), repris dans un protocole.

Il met fin à la Communauté européenne et à la structure en piliers de l'ordre juridique européen. Seule subsisterait l'Union européenne, qui serait désormais dotée de la personnalité juridique.

1. Une spécificité maintenue

Malgré l'emploi du mot « Constitution », le nouveau texte reste un traité et ne modifie pas la nature de l'Union européenne . Elle conserve un caractère hybride , combinant des éléments de fédéralisme, de confédéralisme et d'organisation internationale.

Le traité est établi et révisé par accord unanime entre les Etats membres et eux seuls.

Ces derniers continuent à prendre, par des actes soumis à ratification nationale, les décisions de base concernant l'Union, qu'il s'agisse de la fixation de ses compétences et de ses règles de fonctionnement, de la définition de ses moyens financiers ou des nouvelles adhésions.

En outre, les décisions importantes concernant les affaires étrangères et la défense continuent à relever pour l'essentiel d'une logique intergouvernementale.

Le maintien de la dimension confédérale de l'Union est souligné par la mention explicite d'un droit de retrait volontaire pour tout Etat membre.

Dans le même temps, la primauté du droit de l'Union sur le droit interne de ses Etats membres est consacrée et la spécificité de la « méthode communautaire », fondée sur l'équilibre entre le triangle formé par le Conseil des ministres, la Commission et le Parlement européen, est maintenue.

2. Un fonctionnement plus efficace

• Des institutions réformées

Le Conseil européen , créé à l'initiative de la France en 1974, devient une institution de l'Union. Il lui « donne les impulsions nécessaires à son développement, en définit les orientations et les priorités politiques générales » mais n'exerce pas de fonction législative. La règle de la présidence semestrielle est abandonnée. Le Conseil européen élit à la majorité qualifiée un président pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois. Ce président ne peut exercer de mandat national.

Le Conseil des ministres appelé le Conseil, siège en différentes formations présidées par des groupes de trois Etats membres pour une période de dix-huit mois : les Etats exercent tour à tour la présidence pour six mois, assisté par leur prédécesseur et leur successeur.

Le Conseil statue à la majorité qualifiée, sauf disposition contraire du traité. En outre, des « clauses passerelles » lui permettent, ainsi qu'au Conseil européen, de décider à l'unanimité de prévoir l'adoption selon la procédure législative ordinaire de textes qui devaient faire l'objet d'une procédure spéciale et de statuer à la majorité qualifiée dans des domaines régis par l'unanimité.

Les règles de vote sont modifiées : à compter du 1 er novembre 2009, la majorité qualifiée pour adopter une proposition de la Commission européenne sera constituée par 55 % des Etats membres représentant au moins 65 % de la population de l'Union. En tout état de cause, une proposition sera adoptée si moins de quatre Etats membres s'y opposent. Lorsque le Conseil ne statuera pas sur proposition de la Commission, la majorité qualifiée sera fixée à au moins 72 % des Etats membres représentant au moins 65 % de la population.

Un ministre des affaires étrangères de l'Union est institué. Nommé par le Conseil européen avec l'accord du président de la Commission, il remplace à la fois le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et le Commissaire européen chargé des relations extérieures ; sa compétence s'étend également à la politique de sécurité et de défense commune.

Par dérogation à la règle de la présidence semestrielle tournante, il préside le Conseil « Affaires étrangères ». Il est par ailleurs vice-président de droit de la Commission, chargé de la coordination des différents aspects de l'action extérieure. Pour exercer ces fonctions, il dispose d'un service diplomatique européen composé de fonctionnaires de la Commission, du Conseil et des Etats membres.

La Commission reste composée d'un national de chaque Etat membre jusqu'en 2014. Ensuite, le nombre des commissaires sera égal aux deux tiers du nombre d'Etats membres, le Conseil européen pouvant toutefois, à l'unanimité, modifier ce chiffre.

Le Conseil européen choisit, à la majorité qualifiée, un candidat à la fonction de président de la Commission. Ce candidat est ensuite élu par le Parlement européen.

• Des compétences clarifiées et étendues

L'Union dispose de compétences d'attribution. Certaines sont exclusives, la plupart partagées, d'autres enfin sont des compétences d'appui de l'Union.

Dans le domaine des compétences exclusives (union douanière, règles de concurrence, politique monétaire dans la zone euro, conservation des ressources biologiques de la pêche, politique commerciale commune), elle agit seule au nom des Etats membres. Dans le domaine des compétences partagées, les Etats légifèrent dans la mesure où l'Union n'a pas exercé sa compétence ou a cessé de l'exercer. Les compétences d'appui, de coordination ou de complément de l'Union lui permettent des actions accessoires pour assister les Etats sans se substituer à eux ; elles ne peuvent conduire à l'harmonisation du droit.

Lorsque, dans le cadre d'une des politiques prévues par la Constitution, une mesure paraît nécessaire pour atteindre un objectif constitutionnel et que la Constitution ne prévoit pas le pouvoir d'action correspondant, le Conseil statuant à l'unanimité peut prendre cette mesure en accord avec le Parlement européen. Une clause de ce type, dite de flexibilité , a toujours figuré dans les traités européens, mais son objet était en principe limité aux mesures nécessaires au fonctionnement du marché unique.

La Constitution élargit le champ de la coopération judiciaire en matière civile comme en matière pénale, renforce les rôles d'Europol et d'Eurojust, et prévoit la mise en place progressive d'un « système intégré de gestion des frontières extérieures ». Le Conseil peut en outre, à l'unanimité, décider de mettre en place un Parquet européen.

Les conditions d'adoption des textes dans ces matières sont revues. Alors que l'espace de liberté, de sécurité et de justice était jusqu'à présent régi en partie par des procédures intergouvernementales, il relève désormais, sauf exception, de la procédure de droit commun - le Conseil vote à la majorité qualifiée, le Parlement européen dispose d'un pouvoir de codécision et les actes sont soumis au contrôle de la Cour de justice. Toutefois, pour tout texte relatif à l'harmonisation pénale, un Etat peut saisir le Conseil européen s'il estime que ce texte porte atteinte à des aspects fondamentaux de son système juridique.

La Constitution fait de la reconnaissance mutuelle des décisions le principe de base de la coopération judiciaire, tant en matière civile qu'en matière pénale. Dans cette optique, le Conseil peut mettre en place un mécanisme d'évaluation mutuelle de l'application par les Etats membres des politiques de l'Union en matière de justice et d'affaires intérieures.

La politique commerciale commune devient une compétence exclusive de l'Union et le vote à la majorité qualifiée est généralisé, sauf pour les services culturels et audiovisuels et les services sociaux, d'éducation et de santé.

Pour les politiques de coopération au développement et d'aide humanitaire , les mesures sont désormais adoptées, selon la procédure de droit commun, en codécision avec le Parlement européen.

La politique extérieure et de sécurité commune est profondément réformée par la mise en place d'une présidence stable du Conseil européen, par la création d'un ministre des Affaires étrangères de l'Union et par l'attribution de la personnalité juridique à l'Union, ce qui permettra à cette dernière de conclure plus facilement des accords internationaux.

Le traité devrait favoriser un développement important de la politique de sécurité et de défense commune en prévoyant une clause de défense mutuelle et une clause de solidarité antiterroriste, le lancement d'une « coopération structurée permanente » entre les Etats qui souscrivent certains engagements (participation à des programmes d'équipement, mise à disposition de forces), et la création d'une agence d'armement appelée « Agence européenne de défense ».

Dans les domaines économiques et sociaux , les évolutions concernent notamment : l'attribution de nouvelles compétences à l'Union en matière de santé publique, d'espace, d'énergie, de protection civile, de tourisme, de sport ; la mise en place d'une organisation spécifique de la zone euro ; la possibilité de définir par une loi européenne les principes et conditions, notamment économiques et financières, permettant aux services d'intérêt général d'accomplir leurs missions, l'introduction d'une clause sociale générale pour les politiques de l'Union, et l'institutionnalisation du « sommet tripartite » avec les partenaires sociaux.

Pour l'exercice de ces compétences, l'Union peut recourir à six catégories d'instruments :

- des actes législatifs - la loi européenne et la loi-cadre européenne - qui succèdent aux règlements et aux directives et sont applicables à l'ensemble du traité, y compris aux matières actuellement non communautarisées, comme la coopération judiciaire en matière pénale ;

- des actes non législatifs - les règlements, les décisions, les recommandations et les avis.

Le principe de subsidiarité est réaffirmé et celui de respect des identités nationales reçoit une formulation plus détaillée à l'article I-5 du traité : « l'Union respecte l'identité nationale des États membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l'État, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité intérieure. »

3. Un fonctionnement plus démocratique

• La volonté d'affirmer la place des citoyens

Un titre de la première partie de la Constitution est spécifiquement consacré à la « vie démocratique de l'Union ». La principale innovation consiste à permettre à au moins un million de citoyens de l'Union , provenant d'un nombre minimum d'Etats membres fixé par une loi européenne, d'inviter la Commission à présenter une proposition , sous réserve qu'elle entre dans le cadre de ses attributions et qu'elle ait pour but de réaliser un objectif constitutionnel.

La Charte des droits fondamentaux , qui avait été « proclamée » en décembre 2000 lors du Conseil européen de Nice, est intégrée à la Constitution et reçoit donc une valeur contraignante : la Cour de justice contrôlera son respect par les institutions de l'Union européenne et par les Etats membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union.

L'intégration de la Charte consacre l'élargissement de la vocation de l'Union qui, à l'origine communauté économique, a pris une dimension politique avec le traité de Maastricht et dispose, depuis le traité d'Amsterdam, de larges compétences en matière de justice et d'affaires intérieures.

Le traité prévoit, en outre, l'adhésion de l'Union à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

• Le renforcement des pouvoirs du Parlement européen

Le nombre maximum des députés européens est porté à 750, avec un minimum de 6 sièges et un maximum de 96 sièges par Etat membre.

Le rôle législatif du Parlement européen est accru par la généralisation, sous réserve d'exceptions en nombre limité, de la procédure de codécision.

Le Conseil et le Parlement sont désormais sur un pied d'égalité dans la procédure budgétaire . Le budget de l'Union doit respecter le « cadre financier pluriannuel », fixant des plafonds par grande catégorie de dépenses, qui est arrêté par le Conseil à l'unanimité avec l'approbation du Parlement.

Par ailleurs, le Conseil européen doit prendre en compte les résultats des élections au Parlement européen dans le choix du candidat à la présidence de la Commission.

• L'information et l'association des parlements nationaux

En application du protocole n° 1 annexé au traité, les parlements nationaux recevront directement des institutions de l'Union européenne les documents de consultation et les projets d'actes législatifs européens, les ordres du jour et les résultats des sessions du Conseil, ainsi que le rapport annuel de la Cour des comptes. Plus spécifiquement, ils devront être informés de la demande d'un Etat européen souhaitant devenir membre de l'Union et les projets tendant à la révision du traité constitutionnel devront leur être notifiés.

Ils désigneront des représentants à la convention participant à la procédure de révision ordinaire.

Dans le cadre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, ils seront associés au contrôle des activités d'Europol et à l'évaluation des activités d'Eurojust .

Les parlements nationaux pourront s'opposer à la mise en oeuvre de la nouvelle procédure de révision simplifiée , instituée par l'article IV-444 du traité, qui permet au Conseil européen, après approbation du Parlement européen, de substituer pour certains domaines ou certaines décisions, à la règle de l'unanimité une simple exigence de majorité qualifiée, ou à une procédure législative spéciale la procédure législative ordinaire. L'article 6 du protocole n° 1 prévoit l'information des parlements nationaux au moins six mois avant l'adoption d'une décision européenne. L'opposition d'un seul parlement national, notifiée dans les six mois après la transmission, suffit à faire échec à l'adoption de la décision.

Le traité ouvre enfin aux parlements nationaux de nouvelles compétences pour contrôler le respect par les institutions européennes du principe de subsidiarité .

Dans un délai de six semaines à compter de la date à laquelle lui sera transmis un projet d'acte législatif européen, un parlement national ou, lorsqu'il est bicaméral, chacune de ses chambres, pourra adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles le projet ne lui paraît pas conforme au principe de subsidiarité. Le projet devra être réexaminé lorsque ces avis rassembleront un tiers des voix des parlements nationaux, ce seuil étant abaissé à un quart des voix dans les domaines de la coopération judiciaire en matière pénale et de la coopération policière.

En outre, dans un délai de deux mois à compter de la publication de l'acte, la Cour de justice de l'Union européenne pourra être saisie par un Etat membre d'un recours pour violation du principe de subsidiarité émanant d'un parlement national ou d'une chambre de celui-ci .

II. LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE PRÉVOIT UNE RÉVISION LIMITÉE DE LA CONSTITUTION

La révision de la Constitution prévue par le projet de loi constitutionnelle adopté par l'Assemblée nationale le 1 er février 2005 a pour seul objet de lever les obstacles juridiques mais également politiques à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

A. UNE RÉVISION NÉCESSAIRE

Dans sa décision du 19 novembre 2004, le Conseil constitutionnel a estimé que l'inscription dans le traité du principe de la primauté du droit de l'Union sur le droit des Etats membres et l'octroi d'une valeur juridique à la Charte des droits fondamentaux n'étaient pas incompatibles avec la Constitution.

Dans le droit fil de sa jurisprudence antérieure, il a en revanche considéré que certaines clauses du traité établissant une Constitution pour l'Europe affectaient les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale en transférant à l'Union européenne des compétences nouvelles ou en lui permettant d'exercer certaines de ses compétences selon des modalités nouvelles.

Enfin, il a observé que la mise en oeuvre des nouvelles prérogatives reconnues par le traité aux parlements nationaux manquait de base constitutionnelle.

1. La compatibilité du principe de primauté du droit de l'Union et de la Charte des droits fondamentaux avec la Constitution

Comme on l'a vu , le principe de primauté du droit de l'Union européenne sur le droit interne de ses Etats membres est déjà reconnu par les juridictions européennes et nationales. Toutefois, elles ne lui donnent pas la même portée.

Pour la Cour de justice des Communautés européennes, cette primauté est absolue : les Etats membres ne peuvent invoquer aucune disposition de leur doit interne, même constitutionnelle, pour faire obstacle à la mise en oeuvre du droit de l'Union.

Pour nombre de juridictions nationales, cette primauté n'est que relative, le droit de l'Union ne pouvant être appliqué lorsqu'il méconnaît certaines dispositions de droit interne ayant valeur constitutionnelle.

Dans ses décisions précitées du 10 juin, du 1 er juillet et du 29 juillet 2004, le Conseil constitutionnel a ainsi observé que la transposition d'une directive communautaire résultait d'une obligation posée par l'article 88-1 de la Constitution mais qu'une disposition contraire, expresse et spécifique, de la Constitution pouvait y faire obstacle.

L'inscription du principe de primauté du droit de l'Union sur le droit des Etats membres à l'article I-6 du traité établissant une Constitution pour l'Europe aurait pu être jugée contraire à la Constitution dans la mesure où la déclaration annexée à ce texte prévoit qu'elle reflète la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.

Le Conseil constitutionnel a estimé qu'il n'en était rien, en faisant valoir qu'il résultait de l'ensemble des stipulations du traité, en particulier de son article I-5, aux termes duquel l'Union respecte l'identité nationale des Etats membres « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles », des explications du praesidium qui y sont annexées, ainsi que de la commune intention des parties, reflétée par les travaux préparatoires à sa signature, que ce traité ne modifiait ni la nature de l'Union européenne, ni la portée du principe de primauté du droit de l'Union posé par l'article 88-1 de la Constitution.

Les divergences d'appréciation entre la Cour de justice et le Conseil constitutionnel sur la portée du principe de primauté du droit de l'Union risquent donc de perdurer .

Le commentaire de la décision du 19 novembre 2004 aux cahiers du Conseil constitutionnel souligne toutefois que : « Les inconvénients pratiques d'une telle lecture pour la cohérence de la construction européenne sont négligeables, car la réserve de constitutionnalité qu'elle laisse subsister, conforme à la décision bioéthique, ne touche qu'un petit nombre de matières (laïcité, égalité d'accès aux emplois publics, délai d'un mois imparti au Conseil constitutionnel pour statuer...) sur lesquelles il est fort douteux que l'Union entende interférer . » Si tel devait être le cas, la mise en oeuvre du droit de l'Union nécessiterait une nouvelle révision de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel s'est également attaché à examiner si, par le contenu de ses articles ou par ses effets sur les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, la Charte des droits fondamentaux appelait une révision de la Constitution.

Il a considéré qu'il n'en était rien, au moment où il statuait, pour plusieurs motifs :

- la Charte ne s'applique aux Etats membres que pour la mise en oeuvre du droit de l'Union ;

- lorsque la Charte reconnaît des droits résultant des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, l'article II-112 du traité dispose que « ces droits doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions » ; dès lors sont respectés les articles premier à 3 de la Constitution qui s'opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit ;

- aux termes de son préambule, la Charte doit être interprétée en prenant en compte les explications établies sous l'autorité du praesidium qui l'a élaborée ; or celui-ci renvoie, pour certains droits, à la Convention européenne des droits de l'homme et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui tient compte des traditions constitutionnelles de chaque Etat ;

- l'article II-112 du traité autorise les limitations des droits reconnus par la charte à condition que ces limitations respectent le principe de proportionnalité, soient nécessaires et répondent au besoin de protection et de liberté d'autrui, ainsi qu'à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union au nombre desquels figurent, selon l'article I-5 du traité, les « fonctions essentielles de l'Etat, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. »

Une nouvelle fois le commentaire de la décision aux Cahiers du Conseil constitutionnel relève qu' « Il est cependant clair que toute interprétation jurisprudentielle future des Cours de Luxembourg ou de Strasbourg allant au-delà des dispositions de la Charte ou restreignant la portée de ses clauses de limitation particulières ou générales conduirait à altérer les données au vu desquelles s'est prononcé le Conseil constitutionnel pour arriver à la conclusion que la deuxième partie du traité n'appelait pas de révision . ».

Notons à cet égard que l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, mentionné pour la première fois dans les visas du Conseil constitutionnel et sur lequel ce dernier se fonde pour considérer que l'article II-70 du traité n'est pas contraire au principe de laïcité résultant de l'article premier de la Constitution, est un arrêt de première chambre et a été renvoyé devant la grande chambre de la cour 10 ( * ) .

2. Des atteintes aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale

Dans le droit fil de sa jurisprudence antérieure, le Conseil constitutionnel a considéré que certaines clauses du traité établissant une Constitution pour l'Europe affectaient les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale en transférant à l'Union européenne des compétences nouvelles ou en lui permettant d'exercer certaines de ses compétences selon des modalités nouvelles.

Curieusement, alors qu'il est tenu de contrôler la conformité à la Constitution de l'intégralité d'un traité, le Conseil n'a pas cru devoir - ou pouvoir - dresser une liste exhaustive de ces clauses , se contentant d'en citer des exemples caractéristiques.

En ce qui concerne les transferts de compétences intervenant dans des matières nouvelles , ont été jugés contraires à la Constitution :

- les clauses faisant relever de la procédure législative ordinaire des « compétences inhérentes à l'exercice de la souveraineté nationale » , celles mises en exergue par le Conseil relevant toutes de l'espace de liberté, de sécurité et de justice ;

- « eu égard à la portée que revêt une telle disposition pour l'exercice de la souveraineté », l'article III-274, qui rend possible la création, par une loi européenne adoptée à l'unanimité par le Conseil des ministres après approbation du Parlement européen, d'un Parquet européen habilité à poursuivre les auteurs d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union et à exercer devant les juridictions françaises l'action publique relative à ces infractions, ses attributions pouvant être étendues, selon des modalités similaires, à la « lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière ».

En ce qui concerne les nouvelles modalités d'exercice de compétences transférées à l'Union, ont été jugées contraire à la Constitution :

- les clauses d'effet immédiat prévoyant le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée des règles de vote en Conseil des ministres, l'intervention désormais décisionnelle du Parlement européen ou encore la perte du pouvoir d'initiative de chaque Etat membre au profit de la seule Commission ou d'un groupe d'Etats membres dans des matières régaliennes ;

- les « clauses dites passerelles » permettant de modifier ultérieurement les modalités de décision sans que ces modifications soient soumises à ratification et, en conséquence, puissent faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité préalable.

3. L'absence de base constitutionnelle pour la mise en oeuvre des prérogatives nouvelles reconnues aux assemblées

Le Conseil constitutionnel a estimé que les nouvelles prérogatives reconnues au Parlement de s'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée du traité établissant une Constitution pour l'Europe et à chacune des deux assemblées de veiller à ce que les actes législatifs européens respectent le principe de subsidiarité, a priori par un avis motivé adressé aux institutions européennes et a posteriori par un recours formé devant la Cour de justice de l'Union européenne, ne pouvaient être mises en oeuvre dans le cadre des dispositions actuelles de la Constitution.

Selon une jurisprudence constante, le Parlement dispose en effet sous la V ème République d'une compétence d'attribution, si bien qu'il ne peut exercer des prérogatives que si la Constitution les lui a expressément conférées 11 ( * ) .

Notons qu'une clause générale autorisant par avance tous les transferts de souveraineté requis par la construction européenne, souvent réclamée pour éviter la multiplication des révisions constitutionnelles ponctuelles, n'aurait en l'espèce été d'aucune utilité. Une nouvelle révision eût en effet été nécessaire pour permettre à l'Assemblée nationale et au Sénat d'exercer leurs nouvelles prérogatives.

B. UNE RÉVISION LIMITÉE

Le projet de loi constitutionnelle comporte deux volets juridiquement distincts ayant respectivement pour objet, d'une part, de permettre la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, d'autre part, de rendre obligatoire la soumission au référendum de l'adhésion à l'Union européenne de nouveaux Etats. Ces volets sont traités en quatre articles, qui comportent des dispositions transitoires et des dispositions permanentes.

1. Permettre la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe

La réforme permettant la ratification du traité établissant une Constitution européenne serait opérée en deux temps .

Dans un premier temps, c'est-à-dire à compter de la promulgation de la loi constitutionnelle, l'article 88-1 de la Constitution serait complété afin de prévoir que la République « peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004 » ( article premier ).

Par sa généralité, la rédaction proposée lève les obstacles juridiques à la ratification du traité relevés par le Conseil constitutionnel. En ouvrant une simple faculté, elle permet au Président de la République, en application de l'article 11 de la Constitution, de soumettre au référendum un projet de loi autorisant cette ratification sans préjuger les résultats ni du scrutin français ni des procédures de ratification engagées par les autres Etats membres de l'Union européenne .

Les dispositions proposées devraient être transitoires . Elles sont en effet insuffisantes pour permettre la mise en oeuvre de l'ensemble des clauses du traité, en particulier des prérogatives reconnues au Parlement pour s'opposer à une révision simplifiée du traité et à chacune des deux assemblées pour veiller au respect du principe de subsidiarité par les institutions de l'Union européenne.

Aussi le titre XV de la Constitution ferait-il l'objet, dans un second temps, c'est-à-dire à compter de l'entrée en vigueur éventuelle du traité, d'une réécriture complète portant le nombre de ses articles de quatre à sept ( article 3 ).

L' article 88-1 poserait le principe et définirait les modalités de la participation de la République française à l'Union européenne .

En faisant référence aux « conditions fixées par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004 », la rédaction proposée assure la conformité à la Constitution de l'ensemble des clauses de ce texte. En revanche, les modifications qui lui seraient apportées ultérieurement pourraient être jugées contraires à la Constitution si le Conseil constitutionnel en était saisi, ce qui est exclu pour les modifications résultant de la mise en oeuvre des « clauses passerelles ».

Cette référence rend inutile le maintien des deux premiers alinéas de l'article 88-2 de la Constitution qui autorisent, sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues respectivement par le traité de Maastricht et celui d'Amsterdam, les transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'union économique et monétaire européenne et à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés. En effet, le traité établissant une Constitution pour l'Europe se substituerait aux traités antérieurs.

L' article 88-2 ne comprendrait plus qu'un alinéa, relatif à la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen .

Il semble en effet nécessaire de maintenir une base constitutionnelle aux dispositions législatives prises pour l'application d'une décision-cadre du 13 juin 2002 dont le Conseil d'Etat a estimé qu'elle méconnaissait le principe à valeur constitutionnelle selon lequel l'Etat doit pouvoir se réserver la possibilité de refuser l'extradition d'une personne poursuivie pour une infraction à caractère politique.

La mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen pourrait à l'avenir, si elle ne disposait pas d'une base juridique suffisamment solide, s'avérer contraire à des dispositions expresses et spécifiques de la Constitution.

Enfin, le maintien de l'article 88-2 permettrait de disposer d'un support pour d'éventuelles révisions constitutionnelles nécessitées par la mise en oeuvre d'autres actes dérivés européens.

L' article 88-3 , relatif au droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des citoyens de l'Union , serait modifié à la marge. La réserve de réciprocité serait supprimée puisqu'elle est dépourvue de portée juridique dans le cadre du droit de l'Union : l'entrée en vigueur des traités est subordonnée à leur ratification par l'ensemble des Etats membres et leur respect est garanti par la Cour de justice de Luxembourg.

L' article 88-4 , qui permet à l'Assemblée nationale et au Sénat d'adopter des résolutions sur les textes européens qui leur sont soumis par le Gouvernement , ne devait initialement faire l'objet que de modifications rédactionnelles.

Toutefois, l' Assemblée nationale a souhaité étendre le champ des textes devant obligatoirement être soumis aux assemblées , qui engloberait désormais non seulement les projets ou propositions d'actes de l'Union européenne comportant des dispositions qui sont du domaine de la loi française mais également l'ensemble des projets d'actes législatifs européens .

Les actes législatifs européens sont la loi et la loi-cadre européenne. Aux termes de l'article 2 du protocole n° 1 annexé au traité établissant une Constitution pour l'Europe, « on entend par "projet d'acte législatif européen", les propositions de la Commission, les initiatives d'un groupe d'Etats membres, les initiatives du Parlement européen, les demandes de la Cour de justice, les recommandations de la Banque centrale européenne et les demandes de la Banque européenne `'investissement, visant à l'adoption d'un acte législatif européen. »

Alors que la définition de la loi française obéit à des critères matériels, établis par les articles 34 et 37 de la Constitution, celle de la loi européenne résulte d'un critère formel : l'exigence d'une loi ou d'une loi-cadre européenne par un article du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Un grand nombre de projets d'actes législatifs européens devrait ainsi concerner des domaines qui, en France, relèvent de la compétence du pouvoir exécutif.

Les députés ont jugé plus cohérent de permettre à l'Assemblée nationale et au Sénat de se prononcer non seulement sur la conformité au principe de subsidiarité de ces textes mais également sur le bien fondé des mesures proposées.

Après avoir prévu l'obligation de soumettre au référendum tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne, en application de l'article 2 du projet de loi constitutionnelle, l' article 88-5 , réécrit par l'Assemblée nationale dans un objectif de clarification, deviendrait la base constitutionnelle permettant à l'Assemblée nationale et au Sénat de veiller au respect du principe de subsidiarité .

Rendue destinataire des projets d'actes législatifs européens, chacune des assemblées composant le Parlement pourrait adopter un avis motivé par lequel elle porterait à la connaissance des institutions de l'Union européenne les raisons pour lesquelles elle estime que ce projet est susceptible, s'il était adopté, de méconnaître le principe de subsidiarité.

Elle pourrait également, si un acte législatif lui paraissant violer le principe de subsidiarité était adopté, demander son annulation à la Cour de justice de l'Union européenne. Les recours ainsi formés seraient transmis à la Cour par le Gouvernement, ce dernier ayant compétence liée.

Ces avis motivés et ces recours prendraient la forme de résolutions adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée.

La rédaction retenue par l'Assemblée nationale permet, sans risque d'inconstitutionnalité, de prévoir des règles différentes selon les assemblées et selon l'objet des résolutions, d'encadrer les initiatives parlementaires et d'éviter un examen systématique des résolutions en séance plénière, inapproprié en raison des délais imposés à chaque assemblée par le protocole n° 2 annexé au traité pour émettre un avis motivé (six semaines) ou former un recours (huit semaines).

L' article 88-6 permettrait au Parlement dans son ensemble, et non plus à chaque assemblée, de s'opposer à une modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne selon la procédure de révision simplifiée instituée par l'article IV-444 du traité établissant une Constitution pour l'Europe, au moyen d'une motion adoptée en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat.

Les deux assemblées doivent être placées sur un pied d'égalité, comme en matière de révision constitutionnelle, puisque la modification du mode de décision des institutions de l'Union européenne peut se traduire par une atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

Les modalités d'examen de ces motions seraient déterminées par le règlement de chaque assemblée, même si cela n'est pas précisé. L'exigence d'un vote en termes identiques de l'Assemblée nationale et du Sénat semble nécessiter l'examen en séance plénière de la motion. Cette dernière consistant en un droit de veto, elle ne devrait pas être susceptible de faire l'objet d'amendements.

2. Soumettre au référendum l'adhésion à l'Union européenne de nouveaux Etats

Le projet de loi constitutionnelle tend, en second lieu, à rendre obligatoire l'organisation d'un référendum sur l'adhésion à l'Union européenne de nouveaux Etats, indépendamment de l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

La règle selon laquelle « tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne est soumis au référendum par le Président de la République » figurerait en effet :

- à l'article 88-5 de la Constitution en l'absence, temporaire ou définitive, d'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe ( article 2 ) ;

- à l'article 88-7 de la Constitution, par la suite ( article 3 ).

Afin de ne pas troubler le cours des négociations d'adhésion qui sont déjà très avancées avec la Roumanie , la Bulgarie et la Croatie , elle ne s'appliquerait pas aux traités d'adhésion faisant suite à des conférences intergouvernementales dont la convocation a été décidée avant le 1 er juillet 2004 ( article 4 ).

La question des élargissements de l'Union et celle de la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe sont juridiquement distinctes mais politiquement liées.

La décision prise le 17 décembre 2004 par le Conseil européen d'ouvrir des négociations avec la Turquie en vue de l'adhésion de cet Etat à l'Union européenne suscite en effet, en dépit de la longue durée et de l'issue incertaine de ces négociations, de vives controverses dont le Parlement s'est fait l'écho le 21 décembre 2004, à l'Assemblée nationale lors d'une séance de questions d'actualité et au Sénat à l'occasion d'une déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sans vote.

En garantissant l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un éventuel traité d'adhésion de cet Etat, la révision constitutionnelle devrait permettre aux Français de se prononcer sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe sans se préoccuper de cette question.

3. La position de la commission des Lois : proposer l'adoption sans modification du projet de loi constitutionnelle

Si le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution répond pleinement aux objectifs qui lui sont assignés, la réflexion doit être poursuivie pour prendre pleinement en compte la spécificité du droit de l'Union européenne.

Votre rapporteur a déjà évoqué la nécessité d'organiser un contrôle de constitutionnalité des actes élaborés par l'Union européenne . L'extension des compétences de cette dernière dans les domaines de la sécurité et de la justice, où sont en cause les libertés, risque de rendre plus fréquents les cas de contrariété entre ces actes et la Constitution.

Il convient également de s'interroger sur les moyens d'associer davantage encore le Parlement à l'élaboration du droit de l'Union européenne .

Les systèmes danois et britanniques sont souvent cités en exemple en raison de l'existence d'un « mandat » de négociation donné par le Parlement au Gouvernement. Encore convient-il de rappeler que ces deux pays sont de tradition dualiste et qu'en dépit d'un système très élaboré de contrôle, le Parlement ne peut juridiquement imposer au Gouvernement de prendre telle ou telle position au sein du Conseil. En revanche, la multiplication des échanges entre ministres compétents et parlementaires permet à ces derniers de connaître et d'espérer influencer les positions gouvernementales.

Les dispositions proposées par le projet de loi constitutionnelle pour les articles 88-4, 88-5 et 88-6 de la Constitution constituent des progrès indéniables.

Le Gouvernement, par la voie du garde des sceaux, ministre de la justice, a pris l'engagement de faire de la soumission de l'ensemble des textes européens la règle, et non plus l'exception, afin de permettre à chacune des deux assemblées de se prononcer par le vote de résolutions en application de l'article 88-4.

Faut-il traduire cet engagement politique en une obligation juridique, par exemple en contraignant le Gouvernement à accéder à une demande formulée par le président de l'une des deux assemblées ? Votre rapporteur et les membres du groupe du Rassemblement pour la République l'avaient envisagé lors de la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam.

Faut-il, comme l'avaient également proposé votre rapporteur et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, instituer un délai minimal pour permettre aux assemblées de se prononcer et obliger le Gouvernement à prendre en considération les résolutions parlementaires lorsqu'il détermine sa position au sein du Conseil des ministres de l'Union ?

A l'époque, la crainte du rétablissement d'un régime d'assemblée, exprimée aussi bien par votre commission des Lois par la voix de son rapporteur, notre collègue M. Pierre Fauchon, que par le Gouvernement, par l'intermédiaire de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes, l'avait emporté.

Mérite également d'être prise en considération la proposition de loi constitutionnelle tendant à prévoir dans chaque assemblée parlementaire une séance mensuelle réservée à la transposition des directives et à l'autorisation de ratification des conventions internationales, adoptée par le Sénat le 14 juin 2001 à l'initiative de notre collègue M. Hubert Haenel et des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

Toutes ces questions nécessitent d'être examinées avec la plus grande prudence et dans le cadre d'une réflexion plus globale sur l'équilibre des institutions de la V ème République, qui dépasse l'objet de la présente révision constitutionnelle.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter le projet de loi constitutionnelle sans modification .

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(art. 88-1 de la Constitution)
Autorisation de ratifier
le traité établissant une Constitution pour l'Europe

Cet article a pour objet de compléter l'article 88-1 de la Constitution afin de rendre possible la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Il prévoit que la République « peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004 ».

Par sa généralité, cette rédaction permet de lever l'ensemble des obstacles constitutionnels à la ratification du traité relevés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2004-505 du 19 novembre 2004.

En ouvrant une simple faculté, elle permet au Président de la République, en application de l'article 11 de la Constitution, de soumettre au référendum un projet de loi autorisant cette ratification . Le Président François Mitterrand avait également eu recours à cette faculté, en septembre 1992, pour la ratification du traité de Maastricht.

A la différence de la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité sur l'Union européenne, elle ne préjuge les résultats ni du scrutin français ni des procédures de ratification engagées par les autres Etats membres de l'Union européenne .

L'issue des référendums organisés dans différents pays pour autoriser la ratification des précédents traités invite en effet à la prudence. En 1992, les électeurs danois se prononcèrent contre la ratification du traité de Maastricht. En 2001, le traité de Nice fut rejeté par une majorité des électeurs irlandais. Les électeurs suisses et, par deux fois, les électeurs norvégiens ont refusé l'adhésion de leur pays aux Communautés européennes.

Plusieurs Etats membres de l'Union européenne devraient également soumettre au référendum le traité établissant une Constitution pour l'Europe : le Danemark, l'Espagne, le Luxembourg, le Portugal, la République tchèque, le Royaume-Uni et, peut-être, la Pologne et la Slovaquie.

En application de l'article 11 de notre loi fondamentale, si le scrutin devait être organisé sur proposition du Gouvernement, comme cela semble probable, ce dernier devrait faire, devant chaque assemblée, une déclaration suivie d'un débat permettant aux parlementaires de s'exprimer sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe et, ainsi, d'éclairer le choix des électeurs.

Les dispositions proposées devraient être transitoires . Elles sont en effet insuffisantes pour permettre la mise en oeuvre du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Comme l'a souligné le Conseil constitutionnel, les prérogatives reconnues au Parlement pour s'opposer à une révision simplifiée du traité et à chacune des deux assemblées pour veiller au respect du principe de subsidiarité par les institutions de l'Union européenne ne peuvent être exercées dans le cadre des dispositions actuelles de la Constitution.

Aussi l'article 3 du présent projet de loi constitutionnelle prévoit-il une réécriture complète du titre XV de la Constitution en cas d'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe .

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter l'article premier sans modification .

Article 2
(art. 60 et art. 88-5 nouveau de la Constitution)
Soumission au référendum de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat aux Communautés européennes
et à l'Union européenne

Cet article a pour objet de rendre obligatoire l'adoption par la voie référendaire de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne et aux Communautés européennes et de donner compétence au Conseil constitutionnel pour veiller à la régularité des opérations de référendum et proclamer les résultats du scrutin.

• La transformation d'une faculté offerte au Président de la République en une obligation

Si, en application de l'article 53 de la Constitution, de tels traités ne peuvent être ratifiés qu'en vertu d'une loi, la soumission au référendum des projets de loi autorisant cette ratification ne constitue aujourd'hui qu'une faculté offerte au Président de la République par l'article 11.

Il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire qui, en application de l'article 19, n'est pas soumis à l'obligation de contreseing du Premier ministre et des ministres responsables. Toutefois, le Président ne peut en faire usage que sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal Officiel .

La ratification du traité d'adhésion aux Communautés européennes du Royaume-Uni, de l'Irlande, du Danemark et de la Norvège fut ainsi autorisée par les électeurs français le 23 avril 1972. Celle des traités d'adhésion ultérieurs fut en revanche permise par le Parlement.

Depuis la révision constitutionnelle du 4 août 1995, lorsqu'un référendum est organisé sur proposition du Gouvernement, celui-ci doit faire devant chaque assemblée une déclaration suivie d'un débat .

Lors d'une conférence de presse organisée le 1 er octobre 2004 à l'issue d'un sommet franco-allemand, le Président de la République, M. Jacques Chirac, a annoncé qu'il avait « demandé au Gouvernement d'examiner les conditions d'insertion dans la révision constitutionnelle [préalable à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe] d'une disposition permettant de garantir qu'à partir d'une certaine date, c'est-à-dire avant l'entrée éventuelle, ou la question de l'entrée éventuelle de la Turquie, les Français soient interrogés non pas par le biais de la procédure parlementaire, mais obligatoirement pour cet élargissement et d'éventuels autres élargissements par le biais du référendum . »

Un référendum n'est actuellement obligatoire que dans l'hypothèse , prévue par l'article 89 de la Constitution, d'une révision constitutionnelle d'initiative parlementaire .

• Une procédure originale

Conformément à l'engagement pris par le Président de la République, le premier paragraphe (I) de cet article a pour objet d'insérer un article 88-5 dans la Constitution afin de prévoir que « tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République . »

En application de l'article 3 du projet de loi constitutionnelle, ces dispositions seraient déplacées dans un nouvel article 88-7 de la Constitution en cas d'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe. La référence aux Communautés européennes, absorbées par l'Union, serait alors supprimée.

La procédure prévue est originale à plusieurs titres .

Elle n'a pour objet ni pour effet de contraindre le Président de la République à organiser un référendum - aucune condition de délai n'est d'ailleurs instituée pour l'exercice de cette prérogative discrétionnaire - mais d'interdire l'adoption par la voie parlementaire d'un projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion à l'Union européenne .

Même si l'exigence d'une proposition du Gouvernement ou d'une proposition conjointe des deux assemblées n'est pas formellement prévue, le recours au référendum nécessite un accord entre le Président de la République et le Gouvernement . Il suppose en effet l'élaboration d'un projet de loi, donc une initiative gouvernementale, et la décision du Président doit, en application de l'article 19, être contresignée par le Premier ministre et les ministres responsables. Au demeurant, cette obligation de contreseing concerne également les actes de ratification pris par le Président de la République en application de l'article 52.

Enfin, contrairement à ce que prévoit l'article 11, aucune déclaration du Gouvernement suivie d'un débat dans chaque assemblée n'est prévue .

Lors de son audition devant votre commission, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait valoir, d'une part, que le Président de la République n'aurait pas la possibilité de renoncer à organiser le scrutin et de faire adopter le projet de loi par le Parlement, contrairement à la procédure prévue par l'article 11 de la Constitution, d'autre part, que les débats prévus à l'article 11 et à l'article 72-4 de la loi fondamentale constituaient le corollaire du pouvoir reconnu au Gouvernement de demander la consultation des électeurs.

En outre, l'Assemblée nationale et le Sénat pourraient sans difficulté inscrire à leur ordre du jour réservé une question orale avec débat avant la tenue du référendum.

Le second paragraphe (II) du présent article a pour objet de modifier l'article 60 de la Constitution afin de donner compétence au Conseil constitutionnel pour veiller à la régularité des opérations référendaires et proclamer les résultats du scrutin , selon les modalités prévues pour le contrôle des référendums organisés sur le fondement de l'article 11 ou de l'article 89 de la Constitution.

La référence au titre XV plutôt qu'à un article précis de la Constitution s'explique par la nécessité de prendre en compte les deux hypothèses de l'entrée en vigueur ou du rejet du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Selon les cas, les dispositions relatives à la soumission au référendum de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne figureraient en effet à l'article 88-7 ou à l'article 88-5 de la Constitution.

Les missions du Conseil sont précisées par le chapitre VII de l'ordonnance n° 58-1067 portant loi organique du 7 novembre 1958 sur le Conseil constitutionnel.

Il est consulté par le Gouvernement sur l'organisation des opérations de référendum.

Pendant le scrutin, il veille au bon déroulement des opérations électorales. Comme pour l'élection présidentielle, il désigne des délégués qui effectuent un contrôle sur place.

Après le scrutin, il assure directement le recensement général des votes, examine et tranche définitivement toutes les réclamations des électeurs et peut, dans le cas où il relève de graves irrégularités, prononcer l'annulation totale ou partielle des opérations des bureaux concernés. Enfin il proclame les résultats.

Par ailleurs, le Conseil s'est déclaré compétent pour examiner les réclamations relatives au contentieux des opérations préalables au référendum. Cette compétence a été confirmée par le Conseil d'Etat 12 ( * ) .

• Une portée limitée ?

L'obligation de soumettre au référendum les nouveaux élargissements de l'Union européenne, censée s'appliquer quel que soit le devenir du traité établissant une Constitution pour l'Europe, ne serait pas absolue .

En premier lieu, les projets de loi autorisant la ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie pourraient , en application de l'article 4 du projet de loi constitutionnelle, être adoptés par la voie parlementaire.

En deuxième lieu, l'adoption par le Parlement d'une proposition de loi ou d'un amendement autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne demeurerait juridiquement possible , le droit d'initiative législative reconnu aux parlementaires étant garanti par l'article 48 de la Constitution.

Trois propositions de loi furent ainsi déposées et enregistrées à l'Assemblée nationale, le 14 décembre 1998, afin d'autoriser la ratification du traité de Rome du 17 juillet 1998 portant création de la Cour pénale internationale.

Fruit d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Charles de Courson, l'article 5 de la loi n° 2003-698 du 30 juillet 2003 relative à la chasse, a autorisé la ratification de l'accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie (ensemble trois annexes), ouvert à la signature à La Haye le 15 août 1996.

Dans une décision n° 2003-470 DC du 9 avril 2003 sur une résolution modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a reconnu le pouvoir d'initiative des parlementaires dans ce domaine. Il a simplement précisé que l'autorisation de ratifier un traité ou d'approuver un accord international non soumis à ratification qui constitue, avec le refus de délivrer une telle autorisation, le seul pouvoir reconnu au Parlement par la Constitution en matière de traités et d'accords internationaux ne pouvait être assorti de réserves, de conditions ou de déclarations interprétatives.

Comme le souligne M. Pascal Clément, président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, dans son rapport sur le projet de loi constitutionnelle, l'hypothèse du dépôt et de l'adoption d'une proposition de loi autorisant la ratification d'un traité d'élargissement de l'Union européenne est « juridiquement concevable » mais « politiquement très improbable » 13 ( * ) .

Votre rapporteur considère néanmoins que cette procédure pourrait s'avérer utile pour éviter l'organisation de scrutins onéreux et peu mobilisateurs sur des adhésions ne prêtant pas à discussions. Un référendum serait-il vraiment indispensable pour permettre l'adhésion à l'Union européenne du Liechtenstein ou même de la Suisse ?

En dernier lieu, on peu se demander si la soumission au référendum d'un projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion de plusieurs Etats à l'Union européenne serait obligatoire et même judicieuse puisque les électeurs, en étant invités à adopter ou à rejeter le projet de loi et donc à autoriser ou refuser la ratification du traité dans son ensemble, ne pourraient se prononcer contre l'adhésion d'un Etat et en faveur de celle des autres .

Toutes les précédentes adhésions, à l'exception de celle de la Grèce, ont fait l'objet d'un traité unique concernant plusieurs Etats. Il conviendra donc, à l'avenir, de prévoir la signature d'un traité d'adhésion spécifique pour chaque Etat candidat afin de permettre l'organisation d'un référendum dans de bonnes conditions.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter l'article 2 sans modification .

Article 3
(titre XV de la Constitution)
Modifications des dispositions relatives à l'Union européenne

Cet article a pour objet d'opérer une refonte du titre XV de la Constitution qui n'interviendrait qu'à compter de l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Cette dernière est subordonnée à une ratification unanime des Etats membres ; elle interviendrait, au plus tôt, le 1 er novembre 2006 14 ( * ) .

L'intitulé du titre XV ne ferait plus référence qu'à l'Union européenne afin de tenir compte de la disparition des Communautés européennes. Le nombre des articles qu'il contient serait porté de quatre à sept, numérotés 88-1 à 88-7.

Article 88-1 de la Constitution
Participation de la France à l'Union européenne dans les conditions fixées par le traité établissant une Constitution pour l'Europe

L'article 88-1 de la Constitution poserait le principe et définirait les modalités de la participation de la République française à l'Union européenne, en prévoyant que : « Dans les conditions fixées par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004, la République française participe à l'Union européenne, constituée d'Etats qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences . »

• Une rédaction synthétique

Ces dispositions se substitueraient à celles :

- de l'article 88-1 qui proclame actuellement la participation de la République « aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées , d'exercer en commun certaines de leurs compétences » et, après avoir été complété par l'article premier du projet de loi constitutionnelle, autoriserait également la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe ;

- des deux premiers alinéas de l'actuel article 88-2 qui autorisent, sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par les traités de Maastricht et d'Amsterdam, les transferts de compétences nécessaires, d'une part, à l'établissement de l'union économique et monétaire européenne, d'autre part, à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés.

La rédaction proposée appelle plusieurs observations de forme puis de fond.

Sur la forme, la suppression de la référence aux Communautés européennes et aux transferts de compétences prévus par les traités de Maastricht et d'Amsterdam est justifiée puisque le traité établissant une Constitution pour l'Europe prévoit l'abrogation des traités antérieurs (article IV-437) et la substitution de l'Union européenne à la Communauté européenne (article IV-438).

Seul le traité établissant la Communauté européenne de l'énergie atomique (« Euratom ») subsisterait ; toutefois, le protocole n° 36 annexé au traité constitutionnel prévoit l'assimilation des références à l'Union et à la Constitution aux références à la Communauté européenne de l'énergie atomique et au traité qui l'institue.

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi constitutionnelle prévoyait la participation de la France - et non plus de la République - à l'Union européenne. Cette substitution était dépourvue de conséquences juridiques, les deux termes étant employés indifféremment dans la Constitution : le premier aux articles 53-1 et 53-2, le second aux articles 53-1 et 88-2. Sur proposition de M. Jacques Floch et du président de sa commission des Lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a souhaité faire référence à la « République française » .

Enfin, la réserve de réciprocité prévue lors des précédentes révisions constitutionnelles s'avère inutile dans la mesure où les traités antérieurs ont été ratifiés par tous les Etats membres de l'Union, tandis que l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe est subordonnée à une ratification unanime de ces mêmes Etats.

Sur le fond, la reprise des dispositions selon lesquelles l'Union européenne est constituée d'Etats qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences, issues de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, est destinée à faire obstacle à ce que l'Union devienne une fédération sans une nouvelle révision constitutionnelle .

Par sa généralité, la référence « aux conditions fixées par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004 » permet d'assurer la conformité à la Constitution de l'ensemble de ses stipulations .

Outre le fait qu'elle présentait l'inconvénient d'alourdir le texte de la Constitution, la solution retenue lors des précédentes révisions, consistant à énumérer les domaines dans lesquels les transferts de compétences étaient autorisés, ne pouvait être envisagée dans le cas du traité établissant une Constitution pour l'Europe puisque le Conseil constitutionnel n'a pas dressé une liste exhaustive des stipulations contraires à la Constitution mais s'est contenté d'en citer des exemples caractéristiques.

• Une portée à préciser

Quelle sera la portée de ces dispositions ?

Destinées à assurer la conformité à la Constitution de l'ensemble des clauses du traité établissant une Constitution pour l'Europe, elles ne devraient pas avoir pour effet de leur conférer une valeur constitutionnelle.

Elles devraient encore moins faire bénéficier les actes pris pour l'application du traité d'une « clause générale d'immunité constitutionnelle » , évoquée par M. Pascal Clément, président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, dans son rapport sur le présent projet de loi 15 ( * ) .

Si l'on en juge par la décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2004, seul le traité devrait bénéficier d'une immunité constitutionnelle, et non les actes pris pour son application.

Le Conseil a en effet précisé que sa jurisprudence selon laquelle une disposition expresse et spécifique de la Constitution peut faire obstacle à la transposition en droit interne d'une directive communautaire n'était pas remise en cause par l'inscription, à l'article I-6 du traité, du principe de primauté du droit de l'Union sur le droit interne des Etats membres.

Rien ne semble justifier , dans la nouvelle rédaction de l'article 88-1 de la Constitution, une remise en cause de cette jurisprudence .

Le Conseil constitutionnel ne pourrait toujours pas examiner la conformité à la Constitution du droit européen dérivé, puisque seuls des engagements internationaux impliquant une autorisation de ratification ou d'approbation peuvent lui être soumis. En revanche, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation pourraient continuer de faire primer la Constitution.

Enfin, en dépit de la mention de sa date de signature, le traité pourrait être modifié sans révision préalable de la Constitution .

Les modifications des modes de décision des institutions de l'Union européenne opérées en application des « clauses passerelles » prévues par le traité, notamment celles de la procédure de révision simplifiée instituée par l'article IV-444, bénéficieraient de son immunité constitutionnelle. Comme l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004, elles ne feraient l'objet, en tout état de cause, d'aucun acte de ratification ou d'approbation nationale de nature à permettre un contrôle de constitutionnalité sur le fondement de l'article 54 ou du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution.

En revanche, dans la mesure où elles devraient faire l'objet d'un acte de ratification ou d'approbation, les modifications opérées selon la procédure de révision ordinaire prévue à l'article IV-443 ou la procédure de révision simplifiée concernant les politiques internes de l'Union, prévue à l'article IV-445, pourraient faire l'objet d'un contrôle du Conseil constitutionnel et, le cas échéant, nécessiter une révision préalable de la Constitution.

Article 88-2 de la Constitution
Mise en oeuvre des règles relatives au mandat d'arrêt européen

Compte tenu des modifications opérées à l'article précédent, seul le dernier alinéa de l'article 88-2 de la Constitution, relatif au mandat d'arrêt européen, serait maintenu.

Sa rédaction serait actualisée afin de prévoir que : « la loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen établies en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne » - et non plus sur le fondement du traité sur l'Union européenne, abrogé par le traité établissant une Constitution pour l'Europe.

• Des dispositions récentes

Ces dispositions ont été insérées dans la Constitution par la loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d'arrêt européen, le Conseil d'Etat ayant estimé que la transposition de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres adoptée le 13 juin 2002 par le Conseil de l'Union européenne nécessitait au préalable une révision constitutionnelle 16 ( * ) .

Prise sur le fondement de l'article 31 du traité sur l'Union européenne, cette décision-cadre a pour objet de faire disparaître entre les Etats membres de l'Union la procédure traditionnelle d'extradition, qui implique l'intervention du pouvoir exécutif, au profit d'un mandat d'arrêt directement transmis d'autorité judiciaire à autorité judiciaire. Si le principe de la double incrimination, en vertu duquel une personne ne peut être extradée que si les faits pour lesquels elle est recherchée sont punissables à la fois dans l'Etat requérant et dans l'Etat requis, est maintenu, il n'en fait pas moins l'objet d'une forte atténuation. La décision-cadre dresse en effet une liste de trente-deux infractions graves, punies d'au moins trois ans d'emprisonnement dans l'Etat membre d'émission, pour lesquelles le contrôle de la double incrimination est écarté.

Le Conseil d'Etat a estimé que la transposition de la décision-cadre nécessitait une révision constitutionnelle préalable dans la mesure où, si elle permet de refuser l'exécution d'un mandat d'arrêt lorsque la personne est poursuivie pour des motifs politiques, la décision-cadre ne respecte pas le principe fondamental reconnu par les lois de la République , ayant à ce titre valeur constitutionnelle en vertu du Préambule de la Constitution de 1946 17 ( * ) , selon lequel l'Etat d'exécution doit pouvoir se réserver la possibilité de refuser l'extradition d'une personne poursuivie pour une infraction à caractère politique .

La décision-cadre ayant fixé au 31 décembre 2003 la date limite de transposition de ses dispositions, l'Assemblée nationale et le Sénat ont accepté de lever les obstacles constitutionnels relevés par le Conseil d'Etat afin de permettre la mise en oeuvre rapide du mandat d'arrêt européen.

Cette transposition a été réalisée, à l'initiative du Sénat et de notre collègue M. Pierre Fauchon, par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité .

• Un maintien justifié

Dans son rapport sur le présent projet de loi constitutionnelle, M. Pascal Clément, président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, estime que « la référence constitutionnelle au mandat d'arrêt européen ne semble plus juridiquement indispensable » mais que « sa suppression aurait pu être considérée comme la manifestation d'une méfiance du Constituant à l'égard du mandat d'arrêt européen dont les premiers résultats sont très satisfaisants 18 ( * ) . »

Plusieurs professeurs de droit entendus par votre commission des Lois se sont également interrogés sur la nécessité de maintenir cette référence, la jugeant inutile à un double titre :

- en premier lieu, en affirmant le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale, l'article III-257 du traité établissant une Constitution pour l'Europe permettrait aux actes de coopération judiciaire en matière pénale pris pour l'application de ce principe de bénéficier de la « clause générale d'immunité constitutionnelle des actes pris en application du traité 19 ( * ) », instaurée par le nouvel article 88-1 de la Constitution ;

- en second lieu, les décisions récentes des 10 juin, 1 er juillet et 29 juillet 2004 du Conseil constitutionnel affirmant que la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition contraire, expresse et spécifique, de la Constitution rendraient inopposables à une loi de transposition un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Aucun des arguments avancés ne semble toutefois suffisamment solide, aux yeux de votre rapporteur, pour prendre le risque de la suppression de la référence constitutionnelle au mandat d'arrêt européen.

Comme il l'a déjà été indiqué, le texte proposé pour l'article 88-1 de la Constitution n'a pas pour objet d'intégrer dans notre bloc de constitutionnalité le traité établissant une Constitution pour l'Europe mais, simplement, d'assurer la conformité à la Constitution de l'ensemble de ses clauses. Dès lors et si l'on en juge par la décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2004, lui seul devrait bénéficier d'une immunité constitutionnelle, et non les actes pris pour son application.

Une loi transposant en droit interne une future loi-cadre européenne pourrait donc, dans ces conditions, être censurée par le Conseil constitutionnel si elle était contraire à une disposition expresse et spécifique de la Constitution.

Il n'est pas certain mais il n'est pas non plus impossible, d'une part, que le Conseil constitutionnel considère la règle selon laquelle l'Etat doit refuser l'extradition d'un étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ayant à ce titre valeur constitutionnelle, d'autre part, qu'un tel principe soit opposable à une loi de transposition d'un acte européen.

Surtout, comme l'a souligné M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, lors de son audition devant votre commission des Lois, la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen pourrait à l'avenir, si elle ne disposait pas d'une base juridique suffisamment solide, s'avérer contraire à des dispositions expresses et spécifiques de la Constitution .

Enfin, le maintien de l'article 88-2 permettra de disposer d'un support pour d'éventuelles révisions constitutionnelles nécessitées par la mise en oeuvre d'autres actes dérivés européens .

Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission souscrit au maintien de l'article 88-2 de la Constitution.

Article 88-3 de la Constitution
Droit de vote et d'éligibilité des citoyens de l'Union européenne
aux élections municipales

Inséré par la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 afin de permettre la ratification des stipulations du traité de Maastricht relatives au droit de vote et d'éligibilité des citoyens de l'Union européenne aux élections municipale, l'article 88-3 de la Constitution ferait l'objet de modifications mineures.

• Un maintien nécessaire

Aux termes de l'article G du traité de Maastricht, dont les stipulations figurent désormais à l' article 19 du traité instituant la Communauté européenne : « Tout citoyen de l'Union résidant dans un Etat membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités arrêtées par le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un Etat membre le justifient . »

La directive 94/80/CE du Conseil du 19 décembre 1994, modifiée en 1996 et en 2003 pour tenir compte de l'adhésion de nouveaux Etats à l'Union européenne, permet ainsi aux Etats membres de prévoir, d'une part, que « seuls leurs propres ressortissants sont éligibles aux fonctions de chef, d'adjoint ou de suppléant ou encore de membre du collège directeur de l'exécutif d'une collectivité locale de base si ces personnes sont élues pour exercer ces fonctions pendant la durée du mandat », d'autre part, que « les citoyens de l'Union élus membres d'un organe représentatif ne peuvent participer à la désignation des électeurs d'une assemblée parlementaire ni à l'élection des membres de cette assemblée . »

En conséquence, l' article 88-3 de la Constitution prévoit que, sous réserve de réciprocité, selon les modalités prévues par le traité sur l'Union européenne et dans des conditions définies par une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France, ces derniers ne pouvant cependant exercer les fonctions de maire ou d'adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs.

Ces conditions ont été fixées par la loi organique n° 98-404 du 25 mai 1998 déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994.

Les articles I-10, II-100 et III-126 du traité établissant une Constitution pour l'Europe reprennent en substance les stipulations de l'article 19 du traité instituant la Communauté européenne : ils consacrent le droit de vote et d'éligibilité des citoyens de l'Union européenne aux élections municipales dans l'Etat membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, mais autorisent des dérogations justifiées par des problèmes spécifiques à un Etat.

• Des modifications mineures

Les dispositions essentielles de l'article 88-3 seraient maintenues .

La Constitution ne consacrerait pas directement le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des citoyens de l'Union résidant en France mais rendrait simplement possible sa reconnaissance. Cette question avait fait l'objet de larges débats en 1992 : il était alors apparu plus cohérent de consacrer dans la loi fondamentale une faculté plutôt qu'un droit effectif en raison des restrictions qui lui étaient apportées.

L' interdiction faite aux citoyens de l'Union d'exercer les fonctions de maire ou d'adjoint et de participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs serait maintenue. Ces restrictions restent justifiées dans la mesure où, d'une part, les maires et les adjoints aux maires exercent, en qualité d'agents de l'Etat, d'importantes fonctions dans des matières régaliennes (état civil, police judiciaire, organisation des scrutins politiques, présentation des candidatures à l'élection présidentielle), d'autre part, les citoyens de l'Union n'ont pas à concourir à l'exercice de la souveraineté nationale.

Enfin, l' exigence d'une loi organique adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées est légitime en raison des incidences de la reconnaissance du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des citoyens de l'Union résidant en France sur la composition du collège électoral sénatorial.

La rédaction actuelle de l'article 88-3 ferait cependant l'objet de trois modifications mineures .

En premier lieu, la réserve de réciprocité serait supprimée . Elle avait été introduite en 1992, afin de bien marquer que l'octroi du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne résidant en France était subordonné non seulement à la ratification mais à l'application effective du traité de Maastricht par cet Etat. Elle s'avère inutile au regard de la portée qu'en a donné le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 98-400 DC du 20 mai 1998 sur la loi organique du 25 mai 1998. Le Conseil a en effet considéré que l'exigence de réciprocité était satisfaite dès lors que le traité sur l'Union européenne avait été ratifié par l'ensemble des Etats membres et que la France pouvait saisir la Cour de justice des Communautés européennes en cas de manquement d'un Etat membre à ses obligations posées par le traité.

En deuxième lieu, la référence aux modalités prévues par le traité sur l'Union européenne serait supprimée . Il n'y a pas lieu de la remplacer par une référence au traité établissant une Constitution pour l'Europe puisque celle-ci figurerait à l'article 88-1 de la Constitution.

Enfin, la précision selon laquelle le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux « seuls » citoyens de l'Union européenne serait supprimée . Cet adjectif avait été inséré à l'initiative du Sénat afin, selon notre ancien collègue M. Jacques Larché, président de votre commission des Lois : « d'apaiser l'inquiétude légitime de l'opinion publique suscitée par certaines déclarations des plus hautes autorités de l'Etat sur le droit de vote des étrangers 20 ( * ) . » Sa suppression ne permettrait pas pour autant d'accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux citoyens d'Etats n'appartenant pas à l'Union européenne résidant en France sans une révision préalable de la Constitution puisque l'article 3 de la loi fondamentale réserve la qualité d'électeurs aux « nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ».

Article 88-4 de la Constitution
Résolutions des assemblées parlementaires
sur les textes européens qui leur sont soumis par le Gouvernement

L'article 88-4 a été inséré dans la Constitution par la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, afin de permettre aux assemblées parlementaires d'adopter des résolutions sur les textes européens qui leur sont soumis par le Gouvernement.

Ses dispositions seraient actualisées et, à l'initiative de l'Assemblée nationale, complétées afin de permettre un contrôle du Parlement français sur l'ensemble des projets d'actes législatifs européens.

• Un bilan décevant

Comme le rappelle notre collègue M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, dans son rapport sur les parlements nationaux dans la Constitution européenne, le Gouvernement transmet d'ores et déjà aux assemblées parlementaires , par voie électronique, l'ensemble des documents des Communautés européennes et de l'Union européenne - il y en a environ un millier par an 21 ( * ) .

En application du protocole n° 1 sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne, annexé au traité établissant une Constitution pour l'Europe, nombre de ces documents devraient, à l'avenir, leur être directement transmis par les institutions de l'Union européenne.

Cependant, aux termes de l'article 88-4 de la Constitution, les assemblées parlementaires ne peuvent adopter des résolutions que sur les projets ou propositions d'actes et les documents qui leur sont officiellement soumis par le Gouvernement, à titre obligatoire ou facultatif .

Seuls les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative , au sens de l'article 34 de la Constitution, doivent être obligatoirement soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat , dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne 22 ( * ) .

Leur sélection relève de la compétence discrétionnaire du Gouvernement , qui a décidé de faire appel au Conseil d'Etat pour y procéder. En vertu de l'article 73 bis du Règlement de notre assemblée, le Président du Sénat, saisi par la délégation pour l'Union européenne ou une commission permanente, peut simplement lui demander de reconsidérer sa position. En février 1994, le Président René Monory fut ainsi conduit à demander, en vain, la soumission au Parlement d'une proposition de décision de la Commission établissant la convention relative au contrôle des personnes lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne.

Depuis la révision constitutionnelle du 25 janvier 1999, le Gouvernement a en outre la faculté de soumettre aux assemblées les autres projets ou propositions d'actes ainsi que tout document émanant d'une institution de l'Union européenne .

Le tableau ci-dessous dresse le bilan de l'application de l'article 88-4 de la Constitution depuis 1992.

Récapitulatif de l'application de l'article 88-4
depuis son entrée en vigueur

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Documents transmis
(pour information)

568

994

1.038

1.060

2.818

1.592

2.215

2.096

1.776

1.652

1.425

1.431

1.253

Documents soumis
(possibilité de résolution)

40

143

171

206

201

231

206

197

274

295

285

317

331

- dont clause
facultative

6

18

17

11

22

19

Nombre total
de propositions
de résolution déposées à l'Assemblée nationale

24

31

27

37

13

18

17

11

7

6

15

6

Nombre de résolutions adoptées par l'Assemblée nationale

11

23

18

18

12

12

12

11

6

4

9

5

- dont en séance publique

6

15

7

5

0

2

5

0

1

0

1

3

Nombre total
de propositions de résolution déposées au Sénat

-

18

27

16

19

9

13

16

14

5

12

8

6

Nombre de résolutions adoptées par le Sénat :

-

7

13

9

13

3

9

12

4

7

8

7

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- dont en séance publique

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Source : Délégations pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Alors que le nombre de textes européens soumis au Sénat a plus que doublé entre 1993 et 2004, le nombre de résolutions adoptées a eu quant à lui tendance à décroître. Par ailleurs, les résolutions adoptées en séance publique, relativement courantes dans les premières années d'application de l'article 88-4, sont devenues rares.

Le rapport de notre collègue M. Hubert Haenel au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur l'évolution du rôle européen du Parlement français analyse longuement les raisons de ce bilan décevant et les moyens de l'améliorer 23 ( * ) . Votre rapporteur n'y reviendra donc pas.

• Un champ d'application étendu

Les dispositions de l'article 88-4 de la Constitution feraient l'objet de trois modifications justifiées par l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

En premier lieu, la mention des Communautés européennes serait supprimée , afin de tenir compte de leur absorption par l'Union européenne.

Sur proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a opportunément fait référence aux projets ou propositions d'actes de l'Union européenne et non , comme le prévoyait la rédaction initiale du projet de loi constitutionnelle, aux projets ou propositions d'actes des institutions européennes . En effet, cette rédaction aurait eu pour conséquence de ne plus rendre obligatoire la soumission aux assemblées parlementaires des projets ou propositions d'actes élaborés à l'initiative soit d'Etats membres soit d'organes de l'Union n'ayant pas le statut d'institution, tels que Europol ou Eurojust.

En deuxième lieu, les assemblées parlementaires devraient être obligatoirement saisies des projets ou propositions d'actes comportant des dispositions « qui sont du domaine de la loi », au sens de l'article 34 de la Constitution. La référence actuelle aux dispositions « de nature législative » serait ainsi écartée afin d'éviter toute confusion avec la notion d'actes législatifs européens introduite par l'article I-34 du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

En dernier lieu, sur proposition de M. Pierre Lequiller et de M. Jacques Floch et des membres du groupe socialiste, l'Assemblée nationale a prévu la soumission obligatoire aux assemblées parlementaires des projets d'actes législatifs européens .

Selon les articles I-33 et I-34 du traité, les actes législatifs européens sont la loi européenne et la loi-cadre européenne, appelées à remplacer respectivement le règlement et la directive. Aux termes de l'article 2 du protocole n° 1 annexé au traité établissant une Constitution pour l'Europe, « on entend par "projet d'acte législatif européen", les propositions de la Commission, les initiatives d'un groupe d'États membres, les initiatives du Parlement européen, les demandes de la Cour de justice, les recommandations de la Banque centrale européenne et les demandes de la Banque européenne d'investissement, visant à l'adoption d'un acte législatif européen. »

Alors que la définition de la loi française obéit à des critères matériels, définis par les articles 34 et 37 de la Constitution, celle de la loi européenne résulte d'un critère formel : l'exigence d'une loi ou d'une loi-cadre européenne par un article du traité établissant une Constitution pour l'Europe pour mettre en oeuvre ses stipulations. Un grand nombre de projets d'actes législatifs européens devrait ainsi concerner des domaines qui relèvent de la compétence du pouvoir exécutif français.

L'Assemblée nationale a jugé plus cohérent de permettre à l'Assemblée nationale et au Sénat de se prononcer non seulement sur la conformité au principe de subsidiarité de ces textes mais également sur le bien fondé des mesures proposées.

En revanche, elle n'a pas souhaité étendre davantage les prérogatives reconnues au Parlement pour contrôler l'action du Gouvernement en matière européenne.

Sur proposition de MM. Roland Blum, Edouard Balladur et Hervé de Charrette, sa commission des Affaires étrangères avait adopté un amendement tendant à permettre aux présidents des deux assemblées, à ceux de leurs commissions permanentes, à soixante députés ou soixante sénateurs d'obtenir la soumission au Parlement d'un projet ou d'une proposition d'acte de l'Union européenne ne comportant pas de dispositions qui sont du domaine de la loi ou de tout autre document émanant d'une institution européenne.

Comme en 1998, la crainte d'un bouleversement de l'équilibre institutionnel établi par la Constitution de 1958 l'a emporté.

Dans son rapport sur le projet de loi constitutionnelle, le président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, M. Pascal Clément, estime que l'amendement proposé aurait remis en cause la stricte séparation des pouvoirs voulue par les auteurs de la Constitution, « qui passe notamment par la séparation des domaines législatif et réglementaire », et conduit le Parlement à s'immiscer dans la conduite par l'exécutif des relations internationales.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a pour sa part estimé qu'il « aurait pour conséquence de permettre au Parlement de décider, au-delà des projets ou propositions d'acte comprenant des dispositions de nature législative, ceux sur lesquels il lui serait loisible de voter des résolutions. Or, même si ces dernières [...] n'ont pas de caractère contraignant, convenons qu'elles ont, ainsi que je l'ai déjà expliqué, un poids politique incontestable susceptible de gêner le gouvernement ou, à coup sûr, d'interférer avec son action dans le domaine des relations internationales. Cela m'amène à souligner que cet amendement modifierait incontestablement les équilibres actuels de notre constitution . Vous avez évoqué, monsieur de Charette, l'article 52, mais il convient aussi de citer l'article 20, selon lequel le Premier ministre détermine et conduit la politique de la nation d'autant que, les uns et les autres le savons bien, la conduite des affaires européennes ne se limite pas seulement à la négociation des traités, mais comporte la participation à l'élaboration de toute une série de décisions européennes importantes 24 ( * ) . »

La solution retenue par l'Assemblée nationale, si elle est modeste, a le mérite de la cohérence et de la sagesse .

Il serait en effet regrettable que les assemblées parlementaires soient appelées à contrôler le respect du principe de subsidiarité par les projets d'actes législatifs européens, au titre de l'article 88-5 de la Constitution, mais ne puissent se prononcer sur le fond des textes.

L'argument selon lequel la séparation des domaines de la loi et du règlement opérée par les articles 34 et 37 de la Constitution interdirait le vote de résolutions parlementaires sur des textes relevant du domaine réglementaire sous peine de leur donner un droit de regard sur des matières que le Constituant a entendu réserver à l'exécutif ne semble guère recevable dans la mesure où l'article 88-4 entre davantage dans la fonction de contrôle du Parlement que dans sa fonction législative. Il l'est d'autant moins que nombre de projet d'actes législatifs européens devrait relever, en France, de la compétence du pouvoir exécutif. Enfin, cette distinction a pour l'instant perdu une grande partie de sa portée depuis que le Conseil constitutionnel a admis, en 1982, les immixtions du législateur dans le domaine du pouvoir réglementaire autonome.

Il n'est guère de cas, à l'exception de celui des négociations en vue de l'élargissement de l'Union européenne à la Turquie, où le Gouvernement ait refusé de soumettre un document aux assemblées parlementaires, au titre de la clause facultative instituée par l'article 88-4 de la Constitution.

Des propositions de résolution ont ainsi pu être présentées sur le livre vert sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un Procureur européen, sur le livre vert sur l'avenir de la politique commune de la pêche ou encore sur le livre blanc sur la politique européenne des transports.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué à l'Assemblée nationale que le Premier ministre s'apprêtait à modifier la circulaire d'application de l'article 88-4 de la Constitution pour prévoir qu'il serait « donné suite, dans la mesure du possible, aux demandes de communication d'actes qui seraient exprimées par les présidents de chacune des assemblées ou par les présidents de leurs commissions permanentes 25 ( * ) ».

Le seul cas de refus, celui de la Turquie, invite à la prudence. Certes, les résolutions parlementaires sont dépourvues de portée contraignante pour le Gouvernement. Il n'en demeure pas moins, comme l'a souligné le garde des sceaux, que leur adoption revêt une signification politique forte qui, appliquée à des négociations concernant un traité international, risquerait de remettre en cause les prérogatives dévolues au Président de la République par l'article 52 de la Constitution.

Enfin, les assemblées parlementaires ont bien d'autres moyens de faire connaître au pouvoir exécutif leur sentiment que de procéder à un vote.

Article 88-5 de la Constitution
Contrôle du respect du principe de subsidiarité
par chacune des deux assemblées

Les dispositions proposées par le présent article pour l'article 88-5 de la Constitution, clarifiées en première lecture par l'Assemblée nationale, ont pour objet de permettre à chacune des deux assemblées de veiller au respect du principe de subsidiarité par les institutions de l'Union européenne en application du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

En cas d'entrée en vigueur du traité, elles se substitueraient à celles prévues par l'article 2 du projet de loi constitutionnelle, prévoyant la soumission au référendum de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne, lesquelles seraient déplacées dans un article 88-7 nouveau de la Constitution.

L' article I-11 du traité établissant une Constitution pour l'Europe énonce en ces termes le principe de subsidiarité , déjà consacré par les deux premiers articles du traité sur l'Union européenne et l'article 5 du traité établissant la Communauté européenne : « En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union . » Il charge les parlements nationaux de veiller à son respect dans les conditions prévues par un protocole annexé à la Constitution et, en application de l'article IV-442, de même valeur juridique qu'elle.

Par ailleurs, l'article III-259 dispose que les parlements nationaux veillent, à l'égard des propositions et initiatives législatives présentées dans le cadre de la coopération judiciaire en matière pénale et de la coopération policière, au respect du principe de subsidiarité conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Les protocoles n°s 1 et 2 annexés au traité, respectivement consacrés au rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne et à l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, permettent ainsi à chacune des chambres composant un parlement national d'exercer un contrôle a priori et un contrôle a posteriori du respect du principe de subsidiarité par les actes législatifs européens.

Dans sa décision du 19 novembre 2004, le Conseil constitutionnel a considéré que la mise en oeuvre de ces nouvelles prérogatives nécessitait une révision préalable de la Constitution, le Parlement français ne pouvant procéder à des votes qu'elle ne prévoit pas 26 ( * ) .

• Le contrôle a priori : l'avis motivé

L'article 3 du protocole n° 1 et l'article 6 du protocole n° 2 prévoient que tout parlement national ou toute chambre de l'un de ces parlements peut, dans un délai de six semaines à compter de la date de transmission d'un projet d'acte législatif européen, adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime que le projet en cause n'est pas conforme au principe de subsidiarité. L'article 8 du protocole n° 1 précise que cette prérogative est accordée à chaque chambre lorsque le parlement est bicaméral.

Il incombe à la Commission et au Parlement européen de transmettre directement aux parlements nationaux leurs projets d'acte législatif européen, les projets émanant d'un groupe d'Etats membres, de la Cour de justice, de la Banque centrale européenne ou de la Banque européenne d'investissement devant être transmis par le Conseil.

En application l'article 4 du protocole n° 1, un délai de six semaines doit être observé entre le moment où un projet d'acte législatif européen est mis à la disposition des parlements nationaux dans les langues officielles de l'Union et la date à laquelle il est inscrit à l'ordre du jour provisoire du Conseil en vue de son adoption ou de l'adoption d'une position dans le cadre d'une procédure législative. En outre, un délai de dix jours doit être observé entre l'inscription d'un projet d'acte législatif européen à l'ordre du jour provisoire du Conseil et l'adoption d'une position. Ces délais peuvent être exceptionnellement abrégés dans les cas d'urgence dûment motivés. Pendant cette période, le Parlement européen peut statuer.

Il appartient à chaque chambre de consulter, le cas échant, les parlements régionaux possédant des pouvoirs législatifs. En France, la Nouvelle Calédonie, certaines collectivités d'outre-mer telles que la Polynésie française et potentiellement les départements et régions d'outre-mer peuvent ainsi adopter des actes dans des matières relevant du domaine de la loi. L'usage de cette faculté est toutefois laissé à l'appréciation des parlements nationaux.

L'article 7 du protocole n° 2 dispose que l'auteur du projet doit tenir compte des avis motivés adressés par les parlements nationaux ou par une chambre de l'un de ces parlements. Le projet doit être réexaminé si les avis motivés représentent au moins un tiers de l'ensemble des voix attribuées aux parlements nationaux, ce seuil étant abaissé à un quart des voix pour les textes relatifs à la coopération policière et à la coopération judiciaire en matière pénale . Pour l'application de cette règle, chaque parlement national dispose de deux voix ; dans un système bicaméral, chaque chambre dispose d'une voix .

De surcroît, la possibilité offerte aux parlements nationaux ou aux chambres qui les composent de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours pour violation du principe de subsidiarité devrait les inciter à prendre en compte ces avis motivés.

Pour permettre la mise en oeuvre de ces dispositions, le premier alinéa du texte proposé pour l'article 88-5 de la Constitution dispose que l'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif au principe de subsidiarité .

L' avis devrait être adressé par le président de l'assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil des ministres et de la Commission. Le Gouvernement devrait en être informé .

La condition de délai prévu par le protocole n° 2 annexé au traité n'est pas reprise. En effet, elle n'a pas à figurer dans le texte de la Constitution.

• Le contrôle a posteriori : le recours devant la Cour de justice de l'Union européenne

L'article 8 du protocole n° 2 prévoit qu'après l'adoption d'un texte, la Cour de justice de l'Union européenne peut être saisie d'un recours pour violation du principe de subsidiarité formé par un Etat membre ou transmis par lui au nom de son parlement national ou de l'une de ses chambres.

Le délai de recours prévu par le paragraphe 6 de l'article III-365 du traité, auquel renvoie le protocole, est de deux mois à compter de la publication de la loi européenne ou de la loi-cadre européenne.

Les travaux de la convention européenne établissent clairement que la possibilité de former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen n'est pas subordonnée à l'adoption préalable d'un avis motivé sur le projet d'acte .

Cette solution a en effet été envisagée puis abandonnée après que plusieurs conventionnels se furent interrogés sur la pertinence de ce lien. Certains ont estimé qu'il risquait d'inciter les parlements nationaux à faire un usage abusif du mécanisme d'alerte précoce, à seule fin de préserver ultérieurement le droit de saisir la Cour de justice. D'autres ont également fait valoir qu'un texte, respectueux du principe de subsidiarité lors de sa présentation, pouvait ne plus l'être à l'issue du processus législatif 27 ( * ) .

Le deuxième alinéa du texte proposé par le présent article pour l'article 88-5 de la Constitution prévoit, en conséquence, que chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité .

Le recours serait transmis à la Cour de justice par le Gouvernement qui, selon les précisions apportées à l'Assemblée nationale par M. Dominique Perben, garde des sceaux ministre de la justice, ne pourrait s'y opposer ni être contraint de s'y associer 28 ( * ) .

• La procédure : l'adoption de résolutions

Le texte proposé pour l'article 88-5 de la Constitution permet aux assemblées parlementaires d'exercer leurs nouvelles prérogatives au moyen de résolutions .

Ces résolutions seraient différentes de celles qui sont adoptées en vertu de l'article 88-4 de la Constitution .

Le champ d'application de l'article 88-5 constituerait en effet un sous-ensemble de celui de l'article 88-4 qui permet l'adoption de résolutions non seulement sur les projets d'actes législatifs européens mais également sur les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne comportant des dispositions relevant du domaine de la loi française, ainsi que sur tout autre document soumis volontairement à l'Assemblée nationale et au Sénat par le Gouvernement.

En outre, comme le souligne fort justement notre collègue M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, dans son rapport sur l'évolution du rôle européen du Parlement français : « les mécanismes de l'article 88-4 et de l'article 88-5 diffèrent par leur objet, par leurs conditions de délai et par leur esprit .


« DIFFÉRENCES ENTRE LES RÉSOLUTIONS ACTUELLES (88-4)
« ET LES RÉSOLUTIONS PORTANT AVIS MOTIVÉ (88-5)

« L'objet :

« L'article 88-4 permet aux assemblées de prendre position, à l'intention du Gouvernement, sur l'ensemble des aspects d'un texte, et notamment sur le fond de celui-ci ; l'avis motivé adressé aux institutions de l'Union concerne uniquement le respect du principe de subsidiarité et ne peut porter sur le fond du texte.

« Les conditions de délai :

« Les résolutions de l'article 88-4 sont certes d'autant plus utiles qu'elles interviennent plus précocement dans la procédure de décision, mais elles ne sont pas soumises à des conditions de délai précises et peuvent être adressées au Gouvernement aussi longtemps que les institutions de l'Union n'ont pas définitivement statué. Au contraire, les avis motivés sont enfermés dans un délai impératif de six semaines , à l'issue duquel les institutions de l'Union n'ont plus à en tenir compte.

« L'esprit :

« L'article 88-4 est un instrument de contrôle du Gouvernement, de dialogue entre le Parlement et le Gouvernement ; c'est une procédure nationale. L'« avis motivé » est une procédure européenne, mettant directement en rapport les parlements nationaux avec les institutions de l'Union, et incitant les parlements nationaux à se concerter entre eux (puisque c'est seulement si un tiers des parlements nationaux ont adressé un avis motivé que la Commission est tenue de réexaminer sa position 29 ( * ) . »

L'avis motivé par lequel une assemblée parlementaire souhaitera signifier aux institutions de l'Union européenne qu'un projet d'acte législatif européen méconnaît le principe de subsidiarité devra faire l'objet d'une résolution distincte de celle qu'elle pourra adopter, sur le fondement de l'article 88-4, pour faire connaître au Gouvernement français son sentiment sur le texte avant son adoption définitive.

Si un projet d'acte législatif européen prévoyait des mesures opportunes mais relevant de la compétence des Etats membres de l'Union, une résolution adoptée sur le fondement de l'article 88-5 permettrait à l'assemblée concernée de s'adresser directement aux institutions européennes afin d'obtenir son réexamen.

Si, à l'inverse, le projet comportait des dispositions critiquables mais relevant de la compétence de l'Union, la résolution devrait être adoptée en application de l'article 88-4, afin d'inviter le Gouvernement français à s'y opposer.

Enfin, si le projet comportait des dispositions critiquables et contraires au principe de subsidiarité, deux résolutions devraient être adoptées : la première, dans un délai de six semaines, sur le fondement de l'article 88-5 afin d'obtenir le réexamen du projet par les institutions de l'Union européenne à la seule aune du principe de subsidiarité, la seconde, sans condition de délai, sur le fondement de l'article 88-4 afin d'inviter le Gouvernement français à s'y opposer.

Rappelons qu'il existe bien d'autres résolutions parlementaires répondant à des objets multiples - créer une commission d'enquête, mettre en accusation le Président de la République devant la Haute Cour de justice ou encore faire suspendre la détention ou les poursuites engagées à l'encontre d'un parlementaire - et, de ce fait, soumises à des règles différentes.

La rédaction initiale du projet de loi constitutionnelle , qui ne comportait que deux alinéas, prévoyait que l'Assemblée nationale ou le Sénat pouvaient voter, le cas échant en dehors des sessions, selon les modalités fixées par leur règlement, une résolution portant avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité et, dans les mêmes conditions, former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité.

Cette rédaction était ambiguë à un double titre :

- la référence à un vote de l'Assemblée nationale ou du Sénat aurait pu être interprétée par le Conseil constitutionnel comme interdisant l'adoption de résolutions par tel ou tel organe de ces assemblées, alors que les résolutions prévues par l'article 88-4 de la Constitution peuvent être considérées comme adoptées après leur examen par une commission permanente 30 ( * ) ;

- la mention prévoyant l'adoption des résolutions formant un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen « dans les mêmes conditions » que les résolutions portant avis motivé sur un projet d'acte législatif européen aurait pu être interprétée non comme un renvoi au règlement de chaque assemblée mais comme l'exigence de règles identiques pour les deux procédures.

Pour éviter ces écueils et pour plus de clarté, l'Assemblée nationale a réécrit l'ensemble du texte proposé pour l'article 88-5 de la Constitution, sur proposition de sa commission des Lois et avec l'accord du Gouvernement, en ne faisant figurer dans les deux premiers alinéas que les dispositions de fond relatives aux nouvelles prérogatives des deux assemblées et en ajoutant un troisième alinéa, relatif à la procédure régissant leur mise en oeuvre. Ce troisième et dernier alinéa prévoit que : « des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée . »

La substitution du verbe « adopter » au verbe « voter » et la référence aux « modalités d'initiative et de discussion » fixées par le règlement de chaque assemblée, qui font différer les rédactions des articles 88-4 et 88-5 de la Constitution, constituent autant de précautions compréhensibles mais superflues au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les dispositions des règlements des assemblées prises pour l'application de l'article 88-4. Dans sa décision n° 92-315 DC du 12 janvier 1993, le Conseil a en effet simplement précisé que le Gouvernement devait pouvoir décider l'inscription à l'ordre du jour prioritaire du Sénat d'une proposition de résolution par application des prérogatives qu'il tient de la Constitution et demander qu'une assemblée, ou un de ses organes habilités à cet effet, se prononce sur une proposition d'acte communautaire dans un délai inférieur à un mois.

Le règlement de l'Assemblée nationale et celui du Sénat pourront ainsi prévoir des règles différentes à la fois selon les assemblées et l'objet des résolutions .

Ils devront déterminer si l' initiative d'une proposition de résolution, doit être accordée à tout sénateur, à un groupe de sénateurs ou aux seuls présidents des groupes politiques, des commissions permanentes et de la délégation pour l'Union européenne. On peut imaginer que les conditions soient plus strictes pour les propositions de résolution tendant à former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne en raison des implications pratiques particulièrement lourdes d'une telle décision (rédaction d'un recours et le cas échéant d'un mémoire en réplique, prise en charge des frais de l'instance, représentation à l'audience...).

Les règlements des deux assemblées devront également déterminer l' organe - délégation pour l'Union européenne ou commission permanente - chargé de l'instruction des propositions de résolution et les délais qui lui seront impartis pour rendre son rapport.

La brièveté des délais imposés pour adopter un avis motivé sur un projet d'acte législatif européen (six semaines) ou former un recours contre un acte législatif européen (huit semaines) peut conduire à envisager de permettre l'adoption des résolutions sans examen en séance plénière aussi bien hors session qu'en période de session .

Le pouvoir d'engager les assemblées doit-il être confié, dans ce cas, aux commissions permanentes, déjà compétentes pour se prononcer sur le fond des projets de textes européens en application de l'article 88-4 de la Constitution ?

Sera-t-il envisagé de confier une telle prérogative aux délégations parlementaires pour l'Union européenne au nom de la double nécessité, mise en exergue par notre collègue M. Hubert Haenel, de définir peu à peu des critères d'appréciation de la subsidiarité et, s'agissant des avis motivés, de mener à bien une concertation interparlementaire ?

Il appartiendra à chaque assemblée de se déterminer lors de l'élaboration de son règlement, comme le permet la rédaction proposée pour l'article 88-5.

Enfin, les règlements des deux assemblées devront déterminer l'organe chargé du suivi des recours formés devant la Cour de justice de l'Union européenne .

Article 88-6 (nouveau) de la Constitution
Pouvoir d'opposition du Parlement à la mise en oeuvre
de la procédure de révision simplifiée du traité

Un nouvel article 88-6 serait inséré dans la Constitution afin de permettre au Parlement de s'opposer à une modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne selon la procédure de révision simplifiée prévue par l'article IV-444 du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

• Un pouvoir propre du Parlement

Cet article du traité ouvre la possibilité de modifier sur deux points les modalités d'adoption des actes de l'Union, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure ordinaire de révision :

- pour le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée pour une décision du Conseil ;

- pour le passage d'une procédure législative spéciale, c'est-à-dire une procédure autre que celle de la codécision entre le Parlement européen et le Conseil, à la procédure législative ordinaire - celle de la codécision.

Ces deux « clauses-passerelles » sont applicables à tous les actes de l'Union prévus par la partie III du traité constitutionnel, qui comprend les articles III-115 à III-436, à l'exception des décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense.

La décision de mettre en oeuvre une « clause-passerelle » est prise par le Conseil européen à l'unanimité. Elle doit être approuvée par le Parlement européen.

Toutefois, chaque parlement national dispose, avant que la décision soit prise, d'un droit d'opposition.

Dès lors que le Conseil européen a manifesté l'intention de recourir à une « clause-passerelle », cette initiative est transmise aux parlements nationaux. Cette transmission ouvre un délai de six mois durant lequel tout parlement national peut s'opposer à la mise en oeuvre de la « clause-passerelle ». Si, à l'expiration de ce délai, aucun parlement national n'a notifié son opposition, le Conseil européen peut statuer.

Il s'agit d'un pouvoir propre, dont la mise en oeuvre ne nécessite ni l'intervention du Gouvernement ni le concours des autres parlements nationaux pour obtenir une minorité de blocage, contrairement à l'avis motivé portant sur le respect du principe de subsidiarité par les institutions de l'Union européenne. La seule opposition d'un parlement national suffit à faire échec à la mise en oeuvre de la « clause-passerelle ». Elle n'a pas à être motivée .

Ce pouvoir propre n'est pas reconnu à chaque chambre mais au Parlement dans son ensemble. Il est donc nécessaire de définir un mécanisme de décision impliquant les deux assemblées.

• Le vote d'une motion en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat

A cette fin, le texte proposé par le projet de loi constitutionnelle pour insérer un article 88-6 dans la Constitution prévoit le vote d'une motion en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat .

Les deux assemblées doivent nécessairement être placées sur un pied d'égalité puisque la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée du traité peut conduire, comme l'a observé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004, à une mise en cause des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale et donc à une révision implicite de la Constitution française. Or, aux termes de l'article 89 de notre loi fondamentale, les projets et propositions de loi constitutionnelle doivent être adoptés en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat avant d'être soumis à référendum ou, pour les projets, au Congrès par le Président de la République.

Bien que le projet de loi constitutionnelle ne le précise pas, les modalités d'initiative et de discussion de ces motions devront être déterminées par le règlement de chaque assemblée .

La rédaction retenue implique nécessairement un vote en séance plénière . Cette exigence ne devrait pas susciter de difficultés puisque le délai laissé au Parlement pour s'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée du traité est de six mois.

Par ailleurs, ayant pour objet exclusif de marquer un refus et étant dispensée de toute obligation de motivation, la motion a vocation à être approuvée ou rejetée et ne devrait donc pas pouvoir faire l'objet d'amendements .

Il en va ainsi de l'ensemble des motions prévues par les règlements des assemblées 31 ( * ) , à l'exception notable des motions adoptées en application de l'article 72-4 de la Constitution qui permettent aux deux assemblées, par une proposition conjointe, de demander au Président de la République de consulter les électeurs d'une collectivité située outre-mer sur une question relative au régime législatif, à l'organisation ou aux compétences de cette collectivité 32 ( * ) . Dans ce cas, le droit d'amendement est nécessaire puisqu'il s'agit non seulement de demander l'organisation d'une consultation mais également de déterminer la question posée aux électeurs.

En l'absence d'amendements, il n'y aurait pas de « navette » entre les deux assemblées.

La procédure pourrait s'inspirer de celle prévue par les règlements de l'Assemblée nationale et du Sénat pour l'adoption d'une motion leur permettant , en application de l'article 11 de la Constitution, de demander au Président de la République, par une proposition conjointe, la soumission au référendum d'un projet de loi .

L'initiative de la motion est réservée à un groupe de sénateurs. La motion adoptée par une assemblée est aussitôt transmise à l'autre qui doit statuer en séance plénière, après un examen en commission, dans un délai de trente jours. En cas de rejet ou passé ce délai, aucune nouvelle motion n'est recevable.

Comme le souligne M. Pascal Clément, président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, rien n'interdit cependant d'envisager un vote simultané des deux assemblées .

Article 88-7 (nouveau) de la Constitution
Soumission au référendum de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne

A compter de l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe, les dispositions de l'article 88-5 de la Constitution, insérées dans la loi fondamentale par l'article 2 du présent projet de loi constitutionnelle, seraient déplacées dans un nouvel article 88-7.

Leur rédaction serait modifiée pour tenir compte de la disparition des Communautés européennes, absorbées par l'Union.

Ce changement de numérotation est justifié par la volonté de faire figurer à la suite les articles relatifs aux prérogatives du Parlement en matière européenne.

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission vous propose d'adopter l'article 3 sans modification .

Article 4
Entrée en vigueur des dispositions prévoyant la soumission au référendum de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion
d'un Etat à l'Union européenne

Cet article a pour objet de permettre l'adoption par la voie parlementaire des projets de loi autorisant la ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne de la Roumaine, de la Bulgarie et de la Croatie, par dérogation aux dispositions du projet de loi constitutionnelle rendant obligatoire l'organisation d'un référendum.

Sa rédaction est singulière à un double titre.

En premier lieu, les dispositions proposées ne figureraient pas dans le texte même de la Constitution .

Tel est déjà le cas de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946 mais la Constitution du 4 octobre 1958 y fait référence dans son préambule. De même, la charte de l'environnement pourrait, à l'avenir, ne pas figurer dans le texte même de la Constitution mais il y serait également fait référence dans son préambule.

La difficulté tient donc au fait que les conditions d'application de l'article 88-5 puis, à compter de l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe, de l'article 88-7 de la Constitution dépendraient d'un texte auquel aucun de ces deux articles ne ferait référence.

Cette difficulté n'est pas dirimante. Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République dégagés par le Conseil constitutionnel constituent des normes qui ont elles aussi valeur constitutionnelle et ne figurent pas non plus dans le texte de la loi fondamentale . Surtout, les dispositions proposées revêtent un caractère transitoire : elles ne trouveraient plus à s'appliquer à compter de l'adhésion à l'Union européenne des trois Etats concernés.

En second lieu, les dispositions proposées se réfèrent à une procédure de fait, la convocation par le Conseil européen d'une conférence intergouvernementale avant le 1 er juillet 2004, qui n'est formellement prévue ni par le traité sur l'Union européenne ni par le traité établissant une Constitution pour l'Europe .

Selon l'article I-58 du traité établissant une Constitution pour l'Europe, qui n'apporte que des modifications mineures à l'article 49 du traité sur l'Union européenne : « Tout Etat européen qui souhaite devenir membre de l'Union adresse sa demande au Conseil. Le Parlement européen et les parlements nationaux sont informés de cette demande. Le Conseil statue à l'unanimité après avoir consulté la Commission et après approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent. Les conditions et les modalités de l'admission font l'objet d'un accord entre les Etats membres et l'Etat candidat. Cet accord est soumis par tous les États contractants à ratification, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives . »

Le recours à une conférence intergouvernementale constitue donc une modalité d'application du traité destinée à permettre aux Etats membres et à l'Etat candidat de se mettre d'accord sur les conditions et modalités d'admission de ce dernier. Dès lors, la référence qui y est faite par le présent article n'est pas injustifiée.

Le Conseil européen a décidé d'ouvrir des négociations d'adhésion à l'Union européenne avec quatre Etats : la Roumanie, la Bulgarie, la Turquie et la Croatie. L'ancienne République yougoslave de Macédoine a officiellement déposé sa candidature tandis que les autres Etats des Balkans ont déjà manifesté leur intention d'adhérer à l'Union.

La Bulgarie et la Roumanie ont déposé leurs candidatures en 1995. Les négociations d'adhésion ont débuté avec ces deux pays le 13 octobre 1999, en même temps qu'avec la Lituanie, la Lettonie, la République slovaque et Malte. En décembre 2002, le Conseil européen a considéré que la Bulgarie et la Roumanie ne pouvaient reprendre l'ensemble de l'acquis communautaire avant 2004. Aussi a-t-il été décidé que leur adhésion interviendrait en 2007. Les négociations sont achevées depuis le 14 décembre 2004, le traité d'adhésion devant être signé au cours de l'année 2005.

La candidature de la Croatie date du 21 février 2003. Elle a été acceptée par le Conseil européen des 17 et 18 juin 2004, qui a décidé de convoquer une conférence intergouvernementale bilatérale au début de l'année 2005.

En ce qui concerne la Turquie, celle-ci a présenté sa candidature le 14 avril 1987. La décision d'organiser une conférence intergouvernementale n'a cependant été prise par le Conseil européen que les 16 et 17 décembre 2004, soit après le 1 er juillet 2004. Si les négociations devaient aboutir, le projet de loi autorisant la ratification du traité d'adhésion de cet Etat à l'Union européenne ne pourrait donc être adopté que par la voie référendaire.

L'article 88-5 devenu, le cas échéant, l'article 88-7 de la Constitution serait applicable à toute nouvelle candidature, y compris celle de la Norvège qui a déjà renoncé deux fois à adhérer à l'Union européenne.

L'exemption de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie est justifiée, selon M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, par la volonté de ne pas modifier les règles qui étaient applicables à l'époque où ont été décidées les négociations 33 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 sans modification .

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter le projet de loi constitutionnelle sans modification.

ANNEXE 1
-
TRAITÉ ÉTABLISSANT UNE CONSTITUTION
POUR L'EUROPE
(EXTRAITS)

PARTIE I

TITRE I

DÉFINITION ET OBJECTIFS DE L'UNION

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article I-5

Relations entre l'Union et les États membres

1. L'Union respecte l'égalité des États membres devant la Constitution ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l'État, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale.

2. En vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les États membres se respectent et s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant de la Constitution.

Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations découlant de la Constitution ou résultant des actes des institutions de l'Union.

Les États membres facilitent l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union.

Article I-6

Le droit de l'Union

La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

TITRE II

LES DROITS FONDAMENTAUX ET LA CITOYENNETÉ DE L'UNION

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article I-10

La citoyenneté de l'Union

1. Toute personne ayant la nationalité d'un État membre possède la citoyenneté de l'Union. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.

2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par la Constitution. Ils ont :

a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;

b) le droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu'aux élections municipales dans l'État membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État ;

c) le droit de bénéficier, sur le territoire d'un pays tiers où l'État membre dont ils sont ressortissants n'est pas représenté, de la protection des autorités diplomatiques et consulaires de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État ;

d) le droit d'adresser des pétitions au Parlement européen, de recourir au médiateur européen, ainsi que le droit de s'adresser aux institutions et aux organes consultatifs de l'Union dans l'une des langues de la Constitution et de recevoir une réponse dans la même langue.

Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par la Constitution et par les mesures adoptées en application de celle-ci.

TITRE III

LES COMPÉTENCES DE L'UNION

Article I-11

Principes fondamentaux

1. Le principe d'attribution régit la délimitation des compétences de l'Union. Les principes de subsidiarité et de proportionnalité régissent l'exercice de ces compétences.

2. En vertu du principe d'attribution, l'Union agit dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans la Constitution pour atteindre les objectifs qu'elle établit. Toute compétence non attribuée à l'Union dans la Constitution appartient aux États membres.

3. En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union.

Les institutions de l'Union appliquent le principe de subsidiarité conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Les parlements nationaux veillent au respect de ce principe conformément à la procédure prévue dans ce protocole.

4. En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de la Constitution.

Les institutions de l'Union appliquent le principe de proportionnalité conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

TITRE V

L'EXERCICE DES COMPÉTENCES DE L'UNION

CHAPITRE I

DISPOSITIONS COMMUNES

Article I-33

Les actes juridiques de l'Union

1. Les institutions, pour exercer les compétences de l'Union, utilisent comme instruments juridiques, conformément à la partie III, la loi européenne, la loi-cadre européenne, le règlement européen, la décision européenne, les recommandations et les avis.

La loi européenne est un acte législatif de portée générale. Elle est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

La loi-cadre européenne est un acte législatif qui lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant au choix de la forme et des moyens.

Le règlement européen est un acte non législatif de portée générale pour la mise en oeuvre des actes législatifs et de certaines dispositions de la Constitution. Il peut soit être obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre, soit lier tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant au choix de la forme et des moyens.

La décision européenne est un acte non législatif obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci.

Les recommandations et les avis n'ont pas d'effet contraignant.

2. Lorsqu'ils sont saisis d'un projet d'acte législatif, le Parlement européen et le Conseil s'abstiennent d'adopter des actes non prévus par la procédure législative applicable au domaine concerné.

Article I-34

Les actes législatifs

1. Les lois et lois-cadres européennes sont adoptées, sur proposition de la Commission, conjointement par le Parlement européen et le Conseil conformément à la procédure législative ordinaire visée à l'article III-396. Si les deux institutions ne parviennent pas à un accord, l'acte en question n'est pas adopté.

2. Dans les cas spécifiques prévus par la Constitution, les lois et lois-cadres européennes sont adoptées par le Parlement européen avec la participation du Conseil ou par celui-ci avec la participation du Parlement européen, conformément à des procédures législatives spéciales.

3. Dans les cas spécifiques prévus par la Constitution, les lois et lois-cadres européennes peuvent être adoptées sur initiative d'un groupe d'États membres ou du Parlement européen, sur recommandation de la Banque centrale européenne ou sur demande de la Cour de justice ou de la Banque européenne d'investissement.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

PARTIE II

LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L'UNION

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

TITRE II

LIBERTÉS

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article II-70

Liberté de pensée, de conscience et de religion

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.

2. Le droit à l'objection de conscience est reconnu selon les lois nationales qui en régissent

l'exercice.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

TITRE V

CITOYENNETÉ

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article II-100

Droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales

Tout citoyen de l'Union a le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

TITRE VII

DISPOSITIONS GÉNÉRALES RÉGISSANT L'INTERPRÉTATION

ET L'APPLICATION DE LA CHARTE

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article II-112

Portée et interprétation des droits et des principes

1. Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui.

2. Les droits reconnus par la présente Charte qui font l'objet de dispositions dans d'autres parties de la Constitution s'exercent dans les conditions et limites y définies.

3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue.

4. Dans la mesure où la présente Charte reconnaît des droits fondamentaux tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, ces droits doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions.

5. Les dispositions de la présente Charte qui contiennent des principes peuvent être mises en oeuvre par des actes législatifs et exécutifs pris par les institutions, organes et organismes de l'Union, et par des actes des États membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union, dans l'exercice de leurs compétences respectives. Leur invocation devant le juge n'est admise que pour l'interprétation et le contrôle de la légalité de tels actes.

6. Les législations et pratiques nationales doivent être pleinement prises en compte comme précisé dans la présente Charte.

7. Les explications élaborées en vue de guider l'interprétation de la Charte des droits fondamentaux sont dûment prises en considération par les juridictions de l'Union et des États membres.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

PARTIE III

LES POLITIQUES ET LE FONCTIONNEMENT DE L'UNION

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

TITRE II

NON-DISCRIMINATION ET CITOYENNETÉ

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article III-126

Une loi ou loi-cadre européenne du Conseil établit les modalités d'exercice du droit, visé à l'article I-10, paragraphe 2, point b), pour tout citoyen de l'Union, de vote et d'éligibilité aux élections municipales et aux élections au Parlement européen dans l'État membre où il réside sans être ressortissant de cet État. Le Conseil statue à l'unanimité, après consultation du Parlement européen. Ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes propres à un État membre le justifient.

Le droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen s'exerce sans préjudice de l'article III-330, paragraphe 1, et des mesures adoptées pour son application.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

TITRE III

POLITIQUES ET ACTIONS INTERNES

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

CHAPITRE IV

ESPACE DE LIBERTÉ, DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE

SECTION 1

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article III-257

1. L'Union constitue un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques des États membres.

2. Elle assure l'absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures et développe une politique commune en matière d'asile, d'immigration et de contrôle des frontières extérieures qui est fondée sur la solidarité entre États membres et qui est équitable à l'égard des ressortissants des pays tiers. Aux fins du présent chapitre, les apatrides sont assimilés aux ressortissants des pays tiers.

3. L'Union oeuvre pour assurer un niveau élevé de sécurité par des mesures de prévention de la criminalité, du racisme et de la xénophobie, ainsi que de lutte contre ceux-ci, par des mesures de coordination et de coopération entre autorités policières et judiciaires et autres autorités compétentes, ainsi que par la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale et, si nécessaire, par le rapprochement des législations pénales.

4. L'Union facilite l'accès à la justice, notamment par le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires en matière civile.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

SECTION 4

COOPÉRATION JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article III-274

1. Pour combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, une loi européenne du Conseil peut instituer un Parquet européen à partir d'Eurojust. Le Conseil statue à l'unanimité, après approbation du Parlement européen.

2. Le Parquet européen est compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement, le cas échéant en liaison avec Europol, les auteurs et complices d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, tels que déterminés par la loi européenne prévue au paragraphe 1. Il exerce devant les juridictions compétentes des États membres l'action publique relative à ces infractions.

3. La loi européenne visée au paragraphe 1 fixe le statut du Parquet européen, les conditions d'exercice de ses fonctions, les règles de procédure applicables à ses activités, ainsi que celles gouvernant l'admissibilité des preuves, et les règles applicables au contrôle juridictionnel des actes de procédure qu'il arrête dans l'exercice de ses fonctions.

4. Le Conseil européen peut, simultanément ou ultérieurement, adopter une décision européenne modifiant le paragraphe 1 afin d'étendre les attributions du Parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière et modifiant en conséquence le paragraphe 2 en ce qui concerne les auteurs et les complices de crimes graves affectant plusieurs États membres. Le Conseil européen statue à l'unanimité, après approbation du Parlement européen et après consultation de la Commission.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

TITRE VI

LE FONCTIONNEMENT DE L'UNION

CHAPITRE I

DISPOSITIONS INSTITUTIONNELLES

SECTION 1

LES INSTITUTIONS

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Sous-section 5

La Cour de justice de l'Union européenne

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article III-365

1. La Cour de justice de l'Union européenne contrôle la légalité des lois et lois-cadres européennes, des actes du Conseil, de la Commission et de la Banque centrale européenne, autres que les recommandations et les avis, ainsi que des actes du Parlement européen et du Conseil européen destinés à produire des effets juridiques à l'égard des tiers. Elle contrôle aussi la légalité des actes des organes ou organismes de l'Union destinés à produire des effets juridiques à l'égard des tiers.

2. Aux fins du paragraphe 1, la Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation de la Constitution ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir, formés par un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission.

3. La Cour de justice de l'Union européenne est compétente, dans les conditions prévues aux paragraphes 1 et 2, pour se prononcer sur les recours formés par la Cour des comptes, par la Banque centrale européenne et par le Comité des régions qui tendent à la sauvegarde des prérogatives de ceux-ci.

4. Toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux paragraphes 1 et 2, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d'exécution.

5. Les actes créant les organes et organismes de l'Union peuvent prévoir des conditions et modalités particulières concernant les recours formés par des personnes physiques ou morales contre des actes de ces organes ou organismes destinés à produire des effets juridiques à leur égard.

6. Les recours prévus par le présent article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l'acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

PARTIE IV

DISPOSITIONS GÉNÉRALES ET FINALES

Article IV-437

Abrogation des traités antérieurs

1. Le présent traité établissant une Constitution pour l'Europe abroge le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur l'Union européenne, ainsi que, dans les conditions prévues par le protocole relatif aux actes et traités ayant complété ou modifié le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur l'Union européenne, les actes et traités qui les ont complétés ou modifiés, sous réserve du paragraphe 2 du présent article.

2. Les traités relatifs à l'adhésion:

a) du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord ;

b) de la République hellénique ;

c) du Royaume d'Espagne et de la République portugaise ;

d) de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède, et

e) de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque sont abrogés.

Toutefois :

- les dispositions des traités visés aux point a) à d) qui sont reprises ou visées dans le protocole relatif aux traités et actes d'adhésion du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord, de la République hellénique, du Royaume d'Espagne et de la République portugaise, et de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède restent en vigueur et leurs effets juridiques sont préservés conformément à ce protocole,

- les dispositions du traité visé au point e) qui sont reprises ou visées dans le protocole relatif au traité et acte d'adhésion de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque restent en vigueur et leurs effets juridiques sont préservés conformément à ce protocole.

Article IV-438

Succession et continuité juridique

1. L'Union européenne établie par le présent traité succède à l'Union européenne instituée par le traité sur l'Union européenne et à la Communauté européenne.

2. Sous réserve de l'article IV-439, les institutions, organes et organismes existant à la date d'entrée en vigueur du présent traité exercent, dans leur composition à cette date, leurs attributions au sens du présent traité, aussi longtemps que de nouvelles dispositions n'auront pas été adoptées en application de celui-ci ou jusqu'à la fin de leur mandat.

3. Les actes des institutions, organes et organismes, adoptés sur la base des traités et actes abrogés par l'article IV-437, demeurent en vigueur. Leurs effets juridiques sont préservés aussi longtemps que ces actes n'auront pas été abrogés, annulés ou modifiés en application du présent traité. Il en va de même pour les conventions conclues entre États membres sur la base des traités et actes abrogés par l'article IV-437.

Les autres éléments de l'acquis communautaire et de l'Union existant au moment de l'entrée en vigueur du présent traité, notamment les accords interinstitutionnels, les décisions et accords convenus par les représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, les accords conclus par les États membres relatifs au fonctionnement de l'Union ou de la Communauté ou présentant un lien avec l'action de celles-ci, les déclarations, y compris celles faites dans le cadre de conférences intergouvernementales, ainsi que les résolutions ou autres prises de position du Conseil européen ou du Conseil et celles relatives à l'Union ou à la Communauté qui ont été adoptées d'un commun accord par les États membres, sont également préservés aussi longtemps qu'ils n'auront pas été supprimés ou modifiés.

4. La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et du Tribunal de première instance relative à l'interprétation et à l'application des traités et actes abrogés par l'article IV-437, ainsi que des actes et conventions adoptés pour leur application, reste, mutatis mutandis, la source de l'interprétation du droit de l'Union, et notamment des dispositions comparables de la Constitution.

5. La continuité des procédures administratives et juridictionnelles engagées avant la date d'entrée en vigueur du présent traité est assurée dans le respect de la Constitution. Les institutions, organes et organismes responsables de ces procédures prennent toutes mesures appropriées à cet effet.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article IV-442

Protocoles et annexes

Les protocoles et annexes du présent traité en font partie intégrante.

Article IV-443

Procédure de révision ordinaire

1. Le gouvernement de tout État membre, le Parlement européen ou la Commission peut soumettre au Conseil des projets tendant à la révision du présent traité. Ces projets sont transmis par le Conseil au Conseil européen et notifiés aux parlements nationaux.

2. Si le Conseil européen, après consultation du Parlement européen et de la Commission, adopte à la majorité simple une décision favorable à l'examen des modifications proposées, le président du Conseil européen convoque une Convention composée de représentants des parlements nationaux, des chefs d'État ou de gouvernement des États membres, du Parlement européen et de la Commission. La Banque centrale européenne est également consultée dans le cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire. La Convention examine les projets de révision et adopte par consensus une recommandation à une Conférence des représentants des gouvernements des États membres telle que prévue au paragraphe 3.

Le Conseil européen peut décider à la majorité simple, après approbation du Parlement européen, de ne pas convoquer de Convention lorsque l'ampleur des modifications ne le justifie pas. Dans ce dernier cas, le Conseil européen établit le mandat pour une Conférence des représentants des gouvernements des États membres.

3. Une Conférence des représentants des gouvernements des États membres est convoquée par le président du Conseil en vue d'arrêter d'un commun accord les modifications à apporter au présent traité.

Les modifications entrent en vigueur après avoir été ratifiées par tous les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

4. Si à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la signature du traité modifiant le présent traité, les quatre cinquièmes des États membres ont ratifié ledit traité et qu'un ou plusieurs États membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question.

Article IV-444

Procédure de révision simplifiée

1. Lorsque la partie III prévoit que le Conseil statue à l'unanimité dans un domaine ou dans un cas déterminé, le Conseil européen peut adopter une décision européenne autorisant le Conseil à statuer à la majorité qualifiée dans ce domaine ou dans ce cas.

Le présent paragraphe ne s'applique pas aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense.

2. Lorsque la partie III prévoit que des lois ou lois-cadres européennes sont adoptées par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, le Conseil européen peut adopter une décision européenne autorisant l'adoption desdites lois ou lois-cadres conformément à la procédure législative ordinaire.

3. Toute initiative prise par le Conseil européen sur la base des paragraphes 1 ou 2 est transmise aux parlements nationaux. En cas d'opposition d'un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision européenne visée aux paragraphes 1 ou 2 n'est pas adoptée. En l'absence d'opposition, le Conseil européen peut adopter ladite décision.

Pour l'adoption des décisions européennes visées aux paragraphes 1 et 2, le Conseil européen statue à l'unanimité, après approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent.

Article IV-445

Procédure de révision simplifiée concernant les politiques
et actions internes de l'Union

1. Le gouvernement de tout État membre, le Parlement européen ou la Commission peut soumettre au Conseil européen des projets tendant à la révision de tout ou partie des dispositions de la partie III, titre III, relatives aux politiques et actions internes de l'Union.

2. Le Conseil européen peut adopter une décision européenne modifiant tout ou partie des dispositions de la partie III, titre III. Le Conseil européen statue à l'unanimité, après consultation du Parlement européen et de la Commission ainsi que de la Banque centrale européenne dans le cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire.

Cette décision européenne n'entre en vigueur qu'après son approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

3. La décision européenne visée au paragraphe 2 ne peut pas accroître les compétences attribuées à l'Union dans le présent traité.

Article IV-446

Durée

Le présent traité est conclu pour une durée illimitée.

Article IV-447

Ratification et entrée en vigueur

1. Le présent traité est ratifié par les Hautes parties contractantes, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Les instruments de ratification sont déposés auprès du gouvernement de la République italienne.

2. Le présent traité entre en vigueur le 1 er novembre 2006, à condition que tous les instruments de ratification aient été déposés, ou, à défaut, le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt de l'instrument de ratification de l'État signataire qui procède le dernier à cette formalité.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

PROTOCOLES ANNEXÉS

PROTOCOLE N° 1 SUR LE RÔLE DES PARLEMENTS NATIONAUX
DANS L'UNION EUROPÉENNE

Les hautes parties contractantes,

Rappelant que la manière dont les parlements nationaux exercent leur contrôle sur leur gouvernement pour ce qui touche aux activités de l'Union relève de l'organisation et de la pratique constitutionnelles propres à chaque État membre;

Désireuses d'encourager une participation accrue des parlements nationaux aux activités de l'Union européenne et de renforcer leur capacité à exprimer leur point de vue sur les projets d'actes législatifs européens ainsi que sur d'autres questions qui peuvent présenter pour eux un intérêt particulier,

Sont convenues des dispositions ci-après, qui sont annexées au traité établissant une Constitution pour l'Europe et au traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique :

Titre I

Informations destinées aux parlements nationaux

Article 1 er .

Les documents de consultation de la Commission (livres verts, livres blancs et communications) sont transmis directement par la Commission aux parlements nationaux lors de leur publication. La Commission transmet également aux parlements nationaux le programme législatif annuel ainsi que tout autre instrument de programmation législative ou de stratégie politique en même temps qu'elle les transmet au Parlement européen et au Conseil.

Article 2.

Les projets d'actes législatifs européens adressés au Parlement européen et au Conseil sont transmis aux parlements nationaux.

Aux fins du présent protocole, on entend par « projet d'acte législatif européen », les propositions de la Commission, les initiatives d'un groupe d'États membres, les initiatives du Parlement européen, les demandes de la Cour de justice, les recommandations de la Banque centrale européenne et les demandes de la Banque européenne d'investissement, visant à l'adoption d'un acte législatif européen.

Les projets d'actes législatifs européens émanant de la Commission sont transmis directement par la Commission aux parlements nationaux, en même temps qu'au Parlement européen et au Conseil.

Les projets d'actes législatifs européens émanant du Parlement européen sont transmis directement par le Parlement européen aux parlements nationaux.

Les projets d'actes législatifs européens émanant d'un groupe d'États membres, de la Cour de justice, de la Banque centrale européenne ou de la Banque européenne d'investissement sont transmis par le Conseil aux parlements nationaux.

Article 3.

Les parlements nationaux peuvent adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, un avis motivé concernant la conformité d'un projet d'acte législatif européen avec le principe de subsidiarité, selon la procédure prévue par le protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Si le projet d'acte législatif européen émane d'un groupe d'États membres, le président du Conseil transmet le ou les avis motivés aux gouvernements de ces États membres.

Si le projet d'acte législatif européen émane de la Cour de justice, de la Banque centrale européenne ou de la Banque européenne d'investissement, le président du Conseil transmet le ou les avis motivés à l'institution ou l'organe concerné.

Article 4.

Un délai de six semaines est observé entre le moment où un projet d'acte législatif européen est mis à la disposition des parlements nationaux dans les langues officielles de l'Union et la date à laquelle il est inscrit à l'ordre du jour provisoire du Conseil en vue de son adoption ou de l'adoption d'une position dans le cadre d'une procédure législative. Des exceptions sont possibles en cas d'urgence, dont les motifs sont exposés dans l'acte ou la position du Conseil. Sauf dans des cas urgents dûment motivés, aucun accord ne peut être constaté sur un projet d'acte législatif européen au cours de ces six semaines. Sauf dans les cas urgents dûment motivés, un délai de dix jours est observé entre l'inscription d'un projet d'acte législatif européen à l'ordre du jour provisoire du Conseil et l'adoption d'une position.

Article 5.

Les ordres du jour et les résultats des sessions du Conseil, y compris les procès-verbaux des sessions au cours desquelles le Conseil délibère sur des projets d'actes législatifs européens, sont transmis directement aux parlements nationaux, en même temps qu'aux gouvernements des États membres.

Article 6.

Lorsque le Conseil européen envisage de recourir à l'article IV-444, paragraphe 1 ou 2, de la Constitution, les parlements nationaux sont informés de l'initiative du Conseil européen au moins six mois avant qu'une décision européenne ne soit adoptée.

Article 7.

La Cour des comptes transmet à titre d'information son rapport annuel aux parlements nationaux, en même temps qu'au Parlement européen et au Conseil.

Article 8.

Lorsque le système parlementaire national n'est pas monocaméral, les articles 1 à 7 s'appliquent aux chambres qui le composent.

Titre II

Coopération interparlementaire

Article 9.

Le Parlement européen et les parlements nationaux définissent ensemble l'organisation et la promotion d'une coopération interparlementaire efficace et régulière au sein de l'Union.

Article 10.

Une conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l'Union peut soumettre toute contribution qu'elle juge appropriée à l'attention du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Cette conférence promeut, en outre, l'échange d'informations et de meilleures pratiques entre les parlements nationaux et le Parlement européen, y compris entre leurs commissions spécialisées. Elle peut également organiser des conférences inter-parlementaires sur des thèmes particuliers, notamment pour débattre des questions de politique étrangère et de sécurité commune, y compris la politique de sécurité et de défense commune. Les contributions de la conférence ne lient pas les parlements nationaux et ne préjugent pas de leur position.

PROTOCOLE N° 2 SUR L'APPLICATION DES PRINCIPES DE SUBSIDIARITÉ
ET DE PROPORTIONNALITÉ

Les hautes parties contractantes,

Désireuses de faire en sorte que les décisions soient prises le plus près possible des citoyens de l'Union;

Déterminées à fixer les conditions d'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité fixés à l'article I-11 de la Constitution, ainsi qu'à établir un système de contrôle de l'application de ces principes,

Sont convenues des dispositions ci-après, qui sont annexées au traité établissant une Constitution pour l'Europe:

Article 1 er .

Chaque institution veille de manière continue au respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité définis à l'article I-11 de la Constitution.

Article 2.

Avant de proposer un acte législatif européen, la Commission procède à de larges consultations. Ces consultations doivent tenir compte, le cas échéant, de la dimension régionale et locale des actions envisagées. En cas d'urgence exceptionnelle, la Commission ne procède pas à ces consultations. Elle motive sa décision dans sa proposition.

Article 3.

Aux fins du présent protocole, on entend par « projet d'acte législatif européen », les propositions de la Commission, les initiatives d'un groupe d'États membres, les initiatives du Parlement européen, les demandes de la Cour de justice, les recommandations de la Banque centrale européenne et les demandes de la Banque européenne d'investissement, visant à l'adoption d'un acte législatif européen.

Article 4.

La Commission transmet ses projets d'actes législatifs européens ainsi que ses projets modifiés aux parlements nationaux en même temps qu'au législateur de l'Union.

Le Parlement européen transmet ses projets d'actes législatifs européens ainsi que ses projets modifiés aux parlements nationaux.

Le Conseil transmet les projets d'actes législatifs européens émanant d'un groupe d'États membres, de la Cour de justice, de la Banque centrale européenne ou de la Banque européenne d'investissement, ainsi que les projets modifiés, aux parlements nationaux.

Dès leur adoption, les résolutions législatives du Parlement européen et les positions du Conseil sont transmises par ceux-ci aux parlements nationaux.

Article 5.

Les projets d'actes législatifs européens sont motivés au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Tout projet d'acte législatif européen devrait comporter une fiche contenant des éléments circonstanciés permettant d'apprécier le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Cette fiche devrait comporter des éléments permettant d'évaluer son impact financier et, lorsqu'il s'agit d'une loi-cadre européenne, ses implications sur la réglementation à mettre en oeuvre par les États membres, y compris, le cas échéant, la législation régionale. Les raisons permettant de conclure qu'un objectif de l'Union peut être mieux atteint au niveau de celle-ci s'appuient sur des indicateurs qualitatifs et, chaque fois que c'est possible, quantitatifs. Les projets d'actes législatifs européens tiennent compte de la nécessité de faire en sorte que toute charge, financière ou administrative, incombant à l'Union, aux gouvernements nationaux, aux autorités régionales ou locales, aux opérateurs économiques et aux citoyens soit la moins élevée possible et à la mesure de l'objectif à atteindre.

Article 6.

Tout parlement national ou toute chambre de l'un de ces parlements peut, dans un délai de six semaines à compter de la date de transmission d'un projet d'acte législatif européen, adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime que le projet en cause n'est pas conforme au principe de subsidiarité. Il appartient à chaque parlement national ou à chaque chambre d'un parlement national de consulter, le cas échéant, les parlements régionaux possédant des pouvoirs législatifs.

Si le projet d'acte législatif européen émane d'un groupe d'États membres, le président du Conseil transmet l'avis aux gouvernements de ces États membres.

Si le projet d'acte législatif européen émane de la Cour de justice, de la Banque centrale européenne ou de la Banque européenne d'investissement, le président du conseil transmet l'avis à l'institution ou organe concerné.

Article 7.

Le Parlement européen, le Conseil et la Commission, ainsi que, le cas échéant, le groupe d'États membres, la Cour de justice, la Banque centrale européenne ou la Banque européenne d'investissement, si le projet d'acte législatif émane d'eux, tiennent compte des avis motivés adressés par les parlements nationaux ou par une chambre de l'un de ces parlements.

Chaque parlement national dispose de deux voix, réparties en fonction du système parlementaire national. Dans un système parlementaire national bicaméral, chacune des deux chambres dispose d'une voix.

Dans le cas où les avis motivés sur le non-respect par un projet d'acte législatif européen du principe de subsidiarité représentent au moins un tiers de l'ensemble des voix attribuées aux parlements nationaux conformément au deuxième alinéa, le projet doit être réexaminé. Ce seuil est un quart lorsqu'il s'agit d'un projet d'acte législatif européen présenté sur la base de l'article III-264 de la Constitution relatif à l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

À l'issue de ce réexamen, la Commission ou, le cas échéant, le groupe d'États membres, le Parlement européen, la Cour de justice, la Banque centrale européenne ou la Banque européenne d'investissement, si le projet d'acte législatif européen émane d'eux, peut décider, soit de maintenir le projet, soit de le modifier, soit de le retirer. Cette décision doit être motivée.

Article 8.

La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour se prononcer sur les recours pour violation, par un acte législatif européen, du principe de subsidiarité formés, conformément aux modalités prévues à l'article III-365 de la Constitution, par un État membre ou transmis par celui-ci conformément à son ordre juridique au nom de son parlement national ou d'une chambre de celui-ci.

Conformément aux modalités prévues audit article, de tels recours peuvent aussi être formés par le Comité des régions contre des actes législatifs européens pour l'adoption desquels la Constitution prévoit sa consultation.

Article 9.

La Commission présente chaque année au Conseil européen, au Parlement européen, au Conseil et aux parlements nationaux un rapport sur l'application de l'article I-11 de la Constitution. Ce rapport annuel est également transmis au Comité des régions et au Comité économique et social.

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ANNEXE 2
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DÉCISION N° 2004-505 DC DU 19 NOVEMBRE 2004
DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL SUR LE TRAITÉ
ÉTABLISSANT UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE

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Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Président de la République le 29 octobre 2004, en application de l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si l'autorisation de ratifier le traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé à Rome le même jour, doit être précédée d'une révision de la Constitution ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son titre XV : « Des communautés européennes et de l'Union européenne » ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu les autres engagements souscrits par la France et relatifs aux Communautés européennes et à l'Union européenne ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel n os 2004-496 DC du 10 juin 2004, 2004-497 DC du 1 er juillet 2004, 2004-498 DC et 2004-499 DC du 29 juillet 2004 ;

Vu l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme n° 4774/98 (affaire Leyla Sahin c. Turquie) du 29 juin 2004 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

- SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE APPLICABLES :

1. Considérant que, par le préambule de la Constitution de 1958, le peuple français a proclamé solennellement « son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 » ;

2. Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » ; que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » ;

3. Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se « conforme aux règles du droit public international » et, dans son quinzième alinéa, que « sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix » ;

4. Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de « traités ou accords relatifs à l'organisation internationale » ; que ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu'en vertu d'une loi ;

5. Considérant que la République française participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne dans les conditions prévues par le titre XV de la Constitution ; qu'en particulier, aux termes de son article 88-1 : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ;

6. Considérant que ces textes de valeur constitutionnelle permettent à la France de participer à la création et au développement d'une organisation européenne permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les Etats membres ;

7. Considérant, toutefois, que, lorsque des engagements souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle ;

8. Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du traité « établissant une Constitution pour l'Europe » signé à Rome le 29 octobre 2004, ainsi que de ses protocoles et annexes ; que sont toutefois soustraites au contrôle de conformité à la Constitution celles des stipulations du traité qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France ;

- SUR LE PRINCIPE DE PRIMAUTÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations du traité soumis au Conseil constitutionnel, intitulé « Traité établissant une Constitution pour l'Europe », et notamment de celles relatives à son entrée en vigueur, à sa révision et à la possibilité de le dénoncer, qu'il conserve le caractère d'un traité international souscrit par les Etats signataires du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne ;

10. Considérant, en particulier, que n'appelle pas de remarque de constitutionnalité la dénomination de ce nouveau traité ; qu'en effet, il résulte notamment de son article I-5, relatif aux relations entre l'Union et les Etats membres, que cette dénomination est sans incidence sur l'existence de la Constitution française et sa place au sommet de l'ordre juridique interne ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ; que le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article I-1 du traité : « Inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d'Europe de bâtir leur avenir commun, la présente Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les Etats membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs. L'Union coordonne les politiques des Etats membres visant à atteindre ces objectifs et exerce sur le mode communautaire les compétences qu'ils lui attribuent » ; qu'en vertu de l'article I-5, l'Union respecte l'identité nationale des Etats membres « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles » ; qu'aux termes de l'article I-6 : « La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des Etats membres » ; qu'il résulte d'une déclaration annexée au traité que cet article ne confère pas au principe de primauté une portée autre que celle qui était antérieurement la sienne ;

13. Considérant que, si l'article I-1 du traité substitue aux organisations établies par les traités antérieurs une organisation unique, l'Union européenne, dotée en vertu de l'article I-7 de la personnalité juridique, il ressort de l'ensemble des stipulations de ce traité, et notamment du rapprochement de ses articles I-5 et I-6, qu'il ne modifie ni la nature de l'Union européenne, ni la portée du principe de primauté du droit de l'Union telle qu'elle résulte, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel par ses décisions susvisées, de l'article 88-1 de la Constitution ; que, dès lors, l'article I-6 du traité soumis à l'examen du Conseil n'implique pas de révision de la Constitution ;

- SUR LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L'UNION :

14. Considérant qu'il y a lieu d'apprécier la conformité à la Constitution de la « Charte des droits fondamentaux de l'Union » qui constitue la deuxième partie du traité soumis au Conseil constitutionnel ;

15. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article II-111 du traité et à l'exception de ses articles II-101 à II-104, lesquels ne concernent que les « institutions, organes et organismes de l'Union », la Charte s'adresse aux Etats membres « lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union » et « uniquement » dans ce cas ; qu'elle est sans incidence sur les compétences de l'Union ; qu'en vertu du paragraphe 5 de l'article II-112, elle comporte, à côté de « droits » directement invocables devant les juridictions, des « principes » qui constituent des objectifs ne pouvant être invoqués qu'à l'encontre des actes de portée générale relatifs à leur mise en oeuvre ; qu'au nombre de tels « principes » figurent notamment le « droit d'accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux », le « droit de travailler », le « droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle », le « principe du développement durable » et le « niveau élevé de protection des consommateurs » ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que, conformément au paragraphe 4 de l'article II-112 du traité, dans la mesure où la Charte reconnaît des droits fondamentaux tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, « ces droits doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions » ; que sont dès lors respectés les articles 1 er à 3 de la Constitution qui s'opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyance ;

17. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de son préambule, « la Charte sera interprétée par les juridictions de l'Union et des Etats membres en prenant dûment en considération les explications établies sous l'autorité du præsidium de la Convention qui a élaboré la Charte » ; que le paragraphe 7 de l'article II-112 du traité dispose également que : « Les explications élaborées en vue de guider l'interprétation de la Charte des droits fondamentaux sont dûment prises en considération par les juridictions de l'Union et des Etats membres » ;

18. Considérant, en particulier, que, si le premier paragraphe de l'article II-70 reconnaît le droit à chacun, individuellement ou collectivement, de manifester, par ses pratiques, sa conviction religieuse en public, les explications du præsidium précisent que le droit garanti par cet article a le même sens et la même portée que celui garanti par l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il se trouve sujet aux mêmes restrictions, tenant notamment à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé et de la morale publics, ainsi qu'à la protection des droits et libertés d'autrui ; que l'article 9 de la Convention a été constamment appliqué par la Cour européenne des droits de l'homme, et en dernier lieu par sa décision susvisée, en harmonie avec la tradition constitutionnelle de chaque Etat membre ; que la Cour a ainsi pris acte de la valeur du principe de laïcité reconnu par plusieurs traditions constitutionnelles nationales et qu'elle laisse aux Etats une large marge d'appréciation pour définir les mesures les plus appropriées, compte tenu de leurs traditions nationales, afin de concilier la liberté de culte avec le principe de laïcité ;que, dans ces conditions, sont respectées les dispositions de l'article 1 er de la Constitution aux termes desquelles « la France est une République laïque », qui interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ;

19. Considérant, par ailleurs, que le champ d'application de l'article II-107 du traité, relatif au droit au recours effectif et à un tribunal impartial, est plus large que celui de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, puisqu'il ne concerne pas seulement les contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil ou le bien-fondé d'une accusation en matière pénale ; qu'il résulte néanmoins des explications du præsidium que la publicité des audiences peut être soumise aux restrictions prévues à cet article de la Convention ; qu'ainsi, « l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice » ;

20. Considérant, en outre, que si, en vertu de l'article II-110, « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif », il résulte des termes mêmes de cet article, comme le confirment les explications du præsidium, que cette disposition concerne exclusivement le droit pénal et non les procédures administratives ou disciplinaires ; que, de plus, la référence à la notion d'identité d'infractions, et non à celle d'identité de faits, préserve la possibilité pour les juridictions françaises, dans le respect du principe de proportionnalité des peines, de réprimer les crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus au titre premier du livre IV du code pénal, compte tenu des éléments constitutifs propres à ces infractions et des intérêts spécifiques en cause ;

21. Considérant, en quatrième lieu, que la clause générale de limitation énoncée au premier paragraphe de l'article II-112 prévoit : « Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui » ; que les explications du præsidium précisent que les « intérêts généraux reconnus par l'Union » s'entendent notamment des intérêts protégés par le premier paragraphe de l'article I-5, aux termes duquel l'Union respecte « les fonctions essentielles de l'Etat, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale » ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni par le contenu de ses articles, ni par ses effets sur les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, la Charte n'appelle de révision de la Constitution ;

- SUR LES DISPOSITIONS DU TRAITÉ RELATIVES AUX POLITIQUES ET AU FONCTIONNEMENT DE L'UNION :

23. Considérant qu'en vertu de l'article 88-2 de la Constitution, dans sa rédaction issue des révisions constitutionnelles des 25 juin 1992, 25 janvier 1999 et 25 mars 2003 : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'Union économique et monétaire européenne. - Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le Traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés. - La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l'Union européenne » ;

24. Considérant qu'appellent une révision constitutionnelle les clauses du traité qui transfèrent à l'Union européenne des compétences affectant les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale dans des domaines ou selon des modalités autres que ceux prévus par les traités mentionnés à l'article 88-2 ;

25. Considérant que le « principe de subsidiarité », énoncé par l'article I-11 du traité, implique que, dans les domaines ne relevant pas de la compétence exclusive de l'Union, celle-ci n'intervienne que « si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union » ; que, toutefois, la mise en oeuvre de ce principe pourrait ne pas suffire à empêcher que les transferts de compétence autorisés par le traité revêtent une ampleur ou interviennent selon des modalités telles que puissent être affectées les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;

26. Considérant que, conformément à l'article I-34 du traité, sauf disposition contraire, la « loi européenne » et la « loi-cadre européenne », qui se substituent au « règlement communautaire » et à la « directive communautaire », seront adoptées, sur proposition de la seule Commission, conjointement par le Conseil des ministres, statuant à la majorité qualifiée prévue à l'article I-25, et par le Parlement européen, selon la « procédure législative ordinaire » prévue à l'article III-396 ; que, sauf exception, relèveront désormais de cette procédure toutes les matières de la compétence de l'Union, notamment celles qui intéressent l'« espace de liberté, de sécurité et de justice » faisant l'objet du chapitre IV du titre III de la troisième partie du traité ;

. En ce qui concerne les transferts de compétence intervenant dans des matières nouvelles :

27. Considérant qu'appellent une révision de la Constitution les dispositions du traité qui transfèrent à l'Union européenne, et font relever de la « procédure législative ordinaire », des compétences inhérentes à l'exercice de la souveraineté nationale ; qu'il en est ainsi notamment de l'article III-265, dans le domaine du contrôle aux frontières, de l'article III-269, dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile, et des articles III-270 et III-271, dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, pour celles des compétences mentionnées auxdits articles qui n'entrent dans les prévisions ni des articles 62 et 65 du traité instituant la Communauté européenne, ni des articles 31 et 34 du traité sur l'Union européenne ;

28. Considérant qu'appelle également une révision de la Constitution, eu égard à la portée que revêt une telle disposition pour l'exercice de la souveraineté nationale, l'article III-274, relatif à la création d'un Parquet européen, organe habilité à poursuivre les auteurs d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union et à exercer devant les juridictions françaises l'action publique relative à ces infractions ;

. En ce qui concerne les modalités nouvelles d'exercice de compétences déjà transférées, applicables dès l'entrée en vigueur du traité :

29. Considérant qu'appelle une révision de la Constitution toute disposition du traité qui, dans une matière inhérente à l'exercice de la souveraineté nationale mais relevant déjà des compétences de l'Union ou de la Communauté, modifie les règles de décision applicables, soit en substituant la règle de la majorité qualifiée à celle de l'unanimité au sein du Conseil, privant ainsi la France de tout pouvoir d'opposition, soit en conférant une fonction décisionnelle au Parlement européen, lequel n'est pas l'émanation de la souveraineté nationale, soit en privant la France de tout pouvoir propre d'initiative ;

30. Considérant, en conséquence, qu'appellent une révision de la Constitution, dès lors qu'ils font désormais dépendre les mesures en cause d'une décision du Conseil statuant à la majorité qualifiée, notamment les articles III-270 et III-271, en ce qu'ils se rapportent à des compétences déjà transférées dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, les articles III-273 et III-276, qui concernent la structure, le fonctionnement, le domaine d'action et les tâches d'Eurojust et d'Europol, et le b) du paragraphe 2 de l'article III-300, relatif aux actions ou positions de l'Union décidées sur proposition du ministre des affaires étrangères de celle-ci ;

31. Considérant qu'il en va de même, en tant qu'ils confèrent une fonction décisionnelle au Parlement européen, notamment de l'article III-191, qui prévoit que la loi ou la loi-cadre européenne établit les mesures nécessaires à l'usage de l'euro, et du premier paragraphe de l'article III-419 qui, dans les matières intéressant l'espace de liberté, de sécurité et de justice, soumet désormais à l'approbation du Parlement européen l'instauration de toute « coopération renforcée » au sein de l'Union ;

32. Considérant qu'il en va également de même de l'article III-264, en ce qu'il substitue au pouvoir propre d'initiative dont dispose chaque Etat membre en vertu des traités antérieurs l'initiative conjointe d'un quart des Etats membres en vue de présenter un projet d'acte européen dans des matières relevant de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, comme celles mentionnées à l'article III-273 concernant Eurojust, et aux articles III-275 à III-277 relatifs à la coopération policière ;

. En ce qui concerne le passage à la majorité qualifiée en vertu d'une décision européenne ultérieure :

33. Considérant qu'appelle une révision de la Constitution toute disposition du traité, dénommée « clause passerelle » par ses négociateurs, qui, dans une matière inhérente à l'exercice de la souveraineté nationale, permet, même en subordonnant un tel changement à une décision unanime du Conseil européen ou du Conseil des ministres, de substituer un mode de décision majoritaire à la règle de l'unanimité au sein du Conseil des ministres ; qu'en effet, de telles modifications ne nécessiteront, le moment venu, aucun acte de ratification ou d'approbation nationale de nature à permettre un contrôle de constitutionnalité sur le fondement de l'article 54 ou de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution ;

34. Considérant que tel est le cas en particulier des mesures relatives au droit de la famille ayant une incidence transfrontière prévues par le paragraphe 3 de l'article III-269, des règles minimales relatives à la procédure pénale prévues par le d) du paragraphe 2 de l'article III-270, ainsi que des règles minimales relatives à la définition et à la répression des infractions dans des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière prévues par le troisième alinéa du premier paragraphe de l'article III-271 ; qu'il en va de même du paragraphe 7 de l'article I-40 et du paragraphe 3 de l'article III-300, qui permettent que des décisions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, dont la portée n'est pas limitée par le traité, soient désormais prises par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, s'il en est décidé ainsi par le Conseil européen se prononçant à l'unanimité, mais sans ratification nationale ;

. En ce qui concerne les procédures de révision simplifiée prévues par les articles IV-444 et IV-445 du traité :

35. Considérant, d'une part, que, pour les raisons exposées ci-dessus, doit être également examinée la « clause passerelle » générale figurant à l'article IV-444, qui institue une procédure de « révision simplifiée » du traité ; que cet article permet au Conseil européen, par son premier paragraphe, d'autoriser le Conseil, sauf en matière de défense, à se prononcer à la majorité qualifiée dans un domaine ou dans un cas pour lesquels le traité requiert l'unanimité et, par son deuxième paragraphe, d'autoriser l'adoption de lois ou lois-cadres conformément à la procédure législative ordinaire chaque fois que la partie III prévoit une procédure législative spéciale ; qu'en l'absence de procédure nationale de ratification de nature à permettre un contrôle de constitutionnalité, ces dispositions appellent une révision de la Constitution nonobstant la faculté donnée à tout parlement national de s'opposer à leur mise en oeuvre ;

36. Considérant, d'autre part, que l'article IV-445 institue une procédure de révision simplifiée concernant les politiques et actions internes de l'Union ; qu'il prévoit que, sur proposition d'un Etat membre, du Parlement européen ou de la Commission, le Conseil européen, statuant à l'unanimité, « peut adopter une décision européenne modifiant tout ou partie des dispositions de la partie III, titre III » relatives aux politiques et actions internes de l'Union ; qu'aux termes du second alinéa de son deuxième paragraphe, cette décision européenne n'entre en vigueur qu'après son approbation par les Etats membres « conformément à leurs règles constitutionnelles respectives » ; que cette référence aux règles constitutionnelles des Etats membres renvoie, dans le cas de la France, à l'autorisation législative prévue par l'article 53 de la Constitution ;

- SUR LES NOUVELLES PRÉROGATIVES RECONNUES AUX PARLEMENTS NATIONAUX DANS LE CADRE DE L'UNION :

37. Considérant que le traité soumis au Conseil constitutionnel accroît la participation des parlements nationaux aux activités de l'Union européenne ; qu'il leur reconnaît, à cet effet, de nouvelles prérogatives ; qu'il y a lieu d'apprécier si ces prérogatives peuvent être exercées dans le cadre des dispositions actuelles de la Constitution ;

38. Considérant, en premier lieu, que l'article IV-444 instaure, comme il a été dit, une procédure de révision simplifiée du traité ; qu'il prévoit la transmission aux parlements nationaux de toute initiative prise en ce sens et ajoute que : « En cas d'opposition d'un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision européenne... n'est pas adoptée » ;

39. Considérant, en deuxième lieu, que le second alinéa du paragraphe 3 de l'article I-11 prévoit que les parlements nationaux veillent au respect du principe de subsidiarité par les institutions de l'Union conformément au protocole n° 2 ; qu'il résulte des articles 6 et 7 de celui-ci, combinés avec l'article 3 du protocole n° 1, qu'un parlement national ou, le cas échéant, chacune de ses chambres, pourra désormais, dans un délai de six semaines à compter de la date à laquelle lui est transmis un projet d'acte législatif européen, adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime que le projet n'est pas conforme au principe de subsidiarité ; que le projet devra être réexaminé lorsque ces avis rassembleront un tiers des voix des parlements nationaux, ou un quart de ces voix dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale ou dans celui de la coopération policière ; qu'à cet effet, tout parlement national dispose de deux voix, chacune des chambres d'un parlement bicaméral disposant d'une voix ; qu'à l'issue de ce réexamen, l'organe dont le projet émane pourra décider de le maintenir, de le modifier ou de le retirer ;

40. Considérant, en troisième lieu, que l'article 8 du protocole n° 2 prévoit que la Cour de justice, compétente pour se prononcer sur les requêtes formées pour violation du principe de subsidiarité, pourra également examiner un recours transmis par un Etat membre « conformément à son ordre juridique au nom de son parlement national ou d'une chambre de celui-ci » ;

41. Considérant que le droit reconnu au Parlement français de s'opposer à une modification du traité selon le mode simplifié prévu par l'article IV-444 rend nécessaire une révision de la Constitution afin de permettre l'exercice de cette prérogative ; qu'il en va de même de la faculté qui lui est conférée, le cas échéant selon des procédures propres à chacune de ses deux chambres, d'émettre un avis motivé ou de former un recours devant la Cour de justice dans le cadre du contrôle du respect du principe de subsidiarité ;

- SUR LES AUTRES DISPOSITIONS DU TRAITÉ :

42. Considérant qu'aucune des autres dispositions du traité soumis au Conseil constitutionnel au titre de l'article 54 de la Constitution n'implique de révision de celle-ci ;

- SUR L'ENSEMBLE DU TRAITÉ :

43. Considérant que, pour les motifs ci-dessus énoncés, l'autorisation de ratifier le traité établissant une Constitution pour l'Europe exige une révision de la Constitution,

D É C I D E :

Article premier .- L'autorisation de ratifier le traité établissant une Constitution pour l'Europe ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution.

Article 2 .- La présente décision sera notifiée au Président de la République et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 novembre 2004, où siégeaient : M. Pierre Mazeaud, Président, MM. Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, MM. Pierre Joxe et Jean-Louis Pezant, Mme Dominique Schnapper, M. Pierre Steinmetz et Mme Simone Veil.

ANNEXE 3
-
COMPTE RENDU DES AUDITIONS
DE LA COMMISSION DES LOIS

Mercredi 26 janvier 2005

La commission a procédé à des auditions sur le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution.

Elle a tout d'abord entendu M. Bertrand Mathieu, professeur de droit public à l'Université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne .

M. Bertrand Mathieu a rappelé que le Conseil constitutionnel avait considéré, le 19 novembre 2004, que la ratification du traité établissant une Constitution de l'Europe nécessitait une révision préalable de la Constitution.

Evoquant la forme du projet de loi constitutionnelle, il a constaté que ce texte comportait, dans ses articles premier et 2, des dispositions immédiatement applicables, dans son article 4, des dispositions immédiatement applicables, à effet différé et non inscrites dans la Constitution et, dans son article 3, des dispositions à effet différé et conditionné à l'entrée en vigueur du traité.

Il a indiqué que la méthode consistant à faire dépendre d'un événement factuel le remplacement de dispositions constitutionnelles par d'autres était inhabituelle, mais ne soulevait pas de difficulté.

En revanche, il a estimé qu'en faisant dépendre de dispositions ne figurant pas dans le texte même de la Constitution, sans que cette dernière y fasse même référence, les conditions d'application de la règle selon laquelle les projets de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion à l'Union européenne doivent être soumis à référendum, l'article 4 du projet de loi constitutionnelle était facteur d'insécurité juridique.

Evoquant le contenu du projet de loi constitutionnelle, M. Bertrand Mathieu a indiqué que le texte proposé pour l'article 88-1 de la Constitution ne se contentait pas de poser le principe de la participation de la France à l'Union européenne, mais déterminait également les modalités de cette participation en renvoyant à celles prévues dans le traité signé le 29 octobre 2004.

Il a estimé que cette rédaction ambiguë était susceptible de conduire le Conseil constitutionnel à reconnaître une valeur constitutionnelle au traité lui-même et exigerait probablement de réviser la Constitution française à chaque modification de ce texte. Aussi la séparation explicite entre les dispositions prévoyant le principe de l'adhésion de la France à l'Union européenne et celles déterminant les modalités contingentes de cette adhésion, actuellement opérée par la Constitution, lui a-t-elle semblé plus satisfaisante.

M. Bertrand Mathieu a estimé qu'aucune des dispositions actuelles de l'article 88-2 de la Constitution n'était désormais nécessaire. Rappelant que le juge constitutionnel avait refusé, le 10 juin et les 1er et 29 juillet 2004, de se prononcer sur la constitutionnalité de lois se bornant à tirer les conséquences nécessaires d'une directive communautaire, en l'absence de disposition expresse et spécifique de la Constitution contraire, il a indiqué qu'il était inutile de prévoir dans la Constitution que la loi fixe les règles relatives à la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne.

Il a estimé que l'extension éventuelle du champ des textes devant être obligatoirement soumis aux assemblées, en application de l'article 88-4 de la Constitution, ne pouvait être envisagée que pour les projets d'actes législatifs européens. Il s'est également interrogé sur la nécessité de modifier l'article 34 de la Constitution, afin d'harmoniser les domaines de la loi nationale et de la loi européenne.

Il a estimé, dans la mesure où la modification des règles d'adoption des actes de l'Union européenne selon la procédure de révision simplifiée prévue par le traité pouvait induire une révision implicite de la Constitution, qu'il était justifié, comme le prévoyait le texte proposé par l'article 3 du projet de loi constitutionnelle pour l'article 88-6 dans la Constitution, d'exiger l'adoption en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat d'une motion permettant au Parlement de s'opposer à une telle modification, par analogie avec la procédure prévue à l'article 89 de la Constitution.

M. Bertrand Mathieu a constaté que le projet de loi constitutionnelle tendait, en insérant un article 88-5 puis, en cas d'entrée en vigueur du traité, un article 88-7 dans la Constitution rendant obligatoire l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne, à instituer une troisième catégorie de référendums nationaux, s'ajoutant à ceux prévus par l'article 11 et par l'article 89. Il a souligné, d'une part, que la rédaction proposée ne prévoyait pas l'organisation d'un débat parlementaire avant le scrutin, d'autre part, que la transformation de l'Union européenne en un Etat fédéral pourrait ne pas être soumise à l'approbation des électeurs français, tandis qu'ils seraient invités à se prononcer sur le moindre élargissement de l'Union.

Il a également exprimé de vives réserves de fond sur les dispositions de l'article 4 du projet de loi constitutionnelle tendant à permettre l'adoption par la voie parlementaire des projets de loi autorisant la ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie.

En réponse à M. Patrice Gélard, rapporteur , M. Bertrand Mathieu a expliqué, en premier lieu, qu'il n'avait pas évoqué les dispositions du texte proposé par l'article 3 du projet de loi constitutionnelle pour insérer un article 88-5 dans la Constitution afin de permettre à chacune des deux assemblées de contrôler le respect du principe de subsidiarité par les institutions de l'Union européenne parce qu'il estimait qu'elles ne soulevaient pas de difficulté. Il a approuvé l'amendement de clarification présenté par la commission des lois de l'Assemblée nationale, estimant qu'il laissait une grande latitude aux règlements des assemblées pour fixer les modalités d'initiative et de discussion des résolutions prévues par cet article.

Il a considéré, en second lieu, que l'amendement adopté par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, à l'initiative de MM. Roland Blum, Edouard Balladur et Hervé de Charrette, tendant à modifier le texte proposé par le projet de loi constitutionnelle pour l'article 88-4 de la Constitution afin de permettre aux présidents des deux assemblées, à ceux de leurs commissions permanentes, à soixante députés ou à soixante sénateurs d'obtenir la soumission au Parlement de tout document européen, risquait de bouleverser l'équilibre des institutions établi par la Constitution de 1958 en remettant en cause les prérogatives du Président de la République.

Il a observé que l'article 88-4 régissait les relations entre le Parlement et le Gouvernement français, tandis que l'article 88-5 concernait les relations entre la France et l'Union européenne.

Toutefois, la distinction entre les projets ou propositions d'acte des institutions de l'Union européenne relevant du domaine de la loi française, visés à l'article 88-4 de la Constitution et sur lesquels les deux assemblées peuvent voter des résolutions, et les projets d'actes législatifs européens, visés à l'article 88-5 de la Constitution et faisant l'objet d'un contrôle de ces deux assemblées au regard du principe de subsidiarité, lui a semblé peu claire.

Aussi s'est-il déclaré favorable à un amendement au texte proposé pour l'article 88-4 de la Constitution tendant à prévoir la soumission au Parlement non seulement des projets ou propositions d'actes des institutions de l'Union européenne relevant du domaine de la loi française, mais également des projets d'actes législatifs européens, afin qu'elles puissent se prononcer sur leur bien-fondé par des résolutions.

Il a estimé que la distinction des domaines de la loi et du règlement opérée par la Constitution française devait être conservée, en rappelant les réflexions en cours sur un encadrement plus strict du domaine de la loi.

M. Robert Badinter a souhaité connaître les raisons pour lesquelles les deux assemblées devaient être placées sur un pied d'égalité pour l'adoption d'une motion permettant au Parlement de s'opposer à la modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne selon la procédure de révision simplifiée du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Il a jugé inutile de maintenir les dispositions de l'article 88-2 de la Constitution relatives au mandat d'arrêt européen.

M. Bertrand Mathieu a expliqué que la modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne selon la procédure de révision simplifiée du traité établissant une Constitution pour l'Europe, dans la mesure où elle pouvait porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale et donc être contraire à la Constitution, nécessitait de placer l'Assemblée nationale et le Sénat sur un pied d'égalité comme en matière de révision constitutionnelle.

Il a estimé que les dispositions de l'article 88-2 de la Constitution étaient devenues inutiles du fait de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la transposition des directives communautaires, mais que leur maintien était nécessaire si le constituant préférait confirmer l'avis du Conseil d'Etat faisant primer un principe fondamental reconnu par les lois de la République sur la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen.

M. Patrice Gélard, rapporteur , a estimé que ces dispositions devaient être maintenues, par précaution, en raison de l'ambiguïté des décisions du Conseil constitutionnel.

M. Bertrand Mathieu a précisé que, selon le Conseil constitutionnel, seules, les dispositions expresses et spécifiques de la Constitution française, et non les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, étaient opposables à la transposition d'une directive communautaire. Aussi a-t-il jugé inutile le maintien des dispositions de l'article 88-2 de la Constitution.

En réponse à M. Richard Yung , M. Bertrand Mathieu a indiqué qu'il lui semblait préférable de faire figurer les dispositions de l'article 4 du projet de loi constitutionnelle dans le texte même de la Constitution, par exemple en rétablissant le titre XVII de cette dernière relatif aux dispositions transitoires.

M. Patrice Gélard, rapporteur , a indiqué qu'il existait, à l'étranger, des exemples de normes constitutionnelles ne figurant pas dans le texte même de la Constitution.

M. Robert Badinter a souligné que l'adoption de telles dispositions serait inédite en droit français.

Il a déploré l'absence de débat parlementaire préalable à un référendum sur l'adhésion d'un nouvel Etat à l'Union européenne.

M. Bertrand Mathieu a indiqué que, par analogie avec la procédure prévue à l'article 11 de la Constitution, il serait logique de prévoir un débat parlementaire préalable à l'organisation d'un tel scrutin.

Répondant à M. Pierre-Yves Collombat , M. Bertrand Mathieu a estimé que le Président de la République aurait compétence liée pour organiser le référendum.

M. Robert Badinter a souligné que les dispositions proposées auraient pour conséquence d'exclure le Parlement de la négociation, de la signature et de la ratification d'un traité d'élargissement.

M. Hugues Portelli a rappelé que la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République avait prévu l'organisation d'un débat parlementaire avant toute consultation des électeurs d'une collectivité territoriale située outre-mer décidée par le Président de la République sur proposition du Gouvernement sur une question relative au régime législatif, à l'organisation ou aux compétences de cette collectivité. Aussi lui a-t-il semblé possible de prévoir un débat parlementaire avant tout référendum sur l'adhésion d'un nouvel Etat à l'Union européenne.

M. Patrice Gélard, rapporteur , a souligné que le traité établissant une Constitution pour l'Europe et la révision constitutionnelle étendaient les prérogatives du Parlement en matière européenne.

Il a considéré qu'il serait possible d'organiser un débat devant les assemblées, préalablement à l'organisation d'un référendum sur un traité d'élargissement de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution.

M. Robert Badinter a estimé que ni la rédaction actuelle de l'article 88-4, ni celle prévue par le projet de loi constitutionnelle ne le permettaient.

M. Pierre Fauchon a observé que tel serait le cas si l'amendement présenté par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale était adopté.

M. Henri de Richemont a souhaité connaître les raisons justifiant l'absence de débat parlementaire avant l'organisation d'un référendum sur un traité d'élargissement.

M. Bertrand Mathieu a expliqué qu'un tel débat ne pourrait être organisé dans la mesure où il n'était pas prévu dans le texte proposé par le projet de loi constitutionnelle, alors qu'il l'était par l'article 11 de la Constitution.

M. Hugues Portelli a rappelé que le texte proposé par le projet de loi constitutionnelle pour l'article 88-1 de la Constitution prévoyait une participation de la France à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité du 29 octobre 2004. Il a relevé qu'une telle mention interdisait la transformation de l'Union européenne en un Etat fédéral sans révision de la Constitution.

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Dominique Rousseau, professeur de droit public à l'Université de Montpellier .

M. Dominique Rousseau a tout d'abord rappelé que, par des décisions rendues le 2 septembre 1992 sur le traité de Maastricht et le 26 mars 2003 sur la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, le Conseil constitutionnel avait affirmé le pouvoir souverain du constituant et s'était déclaré incompétent pour statuer sur une révision constitutionnelle. Il a observé qu'à la différence du législateur, soumis au respect des principes constitutionnels, le constituant disposait d'une liberté absolue, ce qui limitait fortement l'expertise du constitutionnaliste en matière de révision constitutionnelle.

Evoquant ensuite les obstacles à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe relevés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004, il a relevé :

- en premier lieu, que plusieurs clauses du traité étaient susceptibles de porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, soit en transférant des compétences nouvelles à l'Union européenne dans des matières régaliennes, soit en modifiant les mécanismes de décision européens, par exemple pour prévoir l'adoption d'un acte par le Conseil des ministres à la majorité qualifiée, et non plus à l'unanimité ;

- en second lieu, que les prérogatives nouvelles reconnues aux parlements nationaux pour veiller au respect du principe de subsidiarité et s'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée du traité devaient, pour pouvoir être mises en oeuvre par les assemblées françaises, être prévues par la Constitution.

Toutefois, d'autres clauses du traité que celles relevées par le Conseil constitutionnel lui ont semblé contraires à la Constitution.

Il a cité, en premier lieu, la primauté du droit de l'Union européenne sur le droit interne des Etats membres affirmée par l'article I-6 du traité établissant une Constitution pour l'Europe, rappelant que la Cour de justice des Communautés européennes considérait qu'un Etat membre ne pouvait se prévaloir de son droit interne, même constitutionnel, pour faire obstacle à la mise en oeuvre du droit communautaire. Il en a conclu qu'à chaque fois qu'une loi transposant un acte européen serait jugée contraire à la Constitution, cette dernière devrait être révisée sous peine d'une condamnation de la France par la Cour de justice dans le cadre d'un recours en manquement.

Il a relevé, en second lieu, qu'environ 15 % des droits reconnus par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne figuraient pas dans le bloc de constitutionnalité français, citant en exemple le droit des enfants à exprimer librement leur opinion et l'exigence d'un haut niveau de protection des consommateurs. Il a expliqué que le Parlement devrait donc, dans les matières relevant des compétences de l'Union européenne, légiférer dans le respect de principes inconnus du droit interne, en rappelant que la Cour de justice des Communautés européennes avait une conception extensive des matières relevant du droit communautaire.

S'appuyant sur la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 19 novembre 2004, M. Patrice Gélard, rapporteur , a estimé que la lecture combinée de l'article I-6 et des autres stipulations du traité établissant une Constitution pour l'Europe, en particulier de ses articles I-1 et I-5, témoignait non seulement de l'absence de caractère fédéral de l'Union européenne, mais également de la volonté de respecter l'identité nationale des Etats membres « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles. » Il a formé le voeu que la Cour de justice prenne en compte cette évolution dans sa jurisprudence.

M. Dominique Rousseau s'est déclaré réservé sur la pertinence de cette analyse du Conseil constitutionnel, faisant valoir que celui-ci avait retenu une interprétation très volontariste de l'article I-5 du traité. Il a estimé que ce dernier avait une portée plus modeste : consacrer l'existence des constitutions nationales et encadrer l'activité normative des institutions de l'Union européenne.

M. Patrice Gélard, rapporteur , a néanmoins considéré que la décision du Conseil constitutionnel s'inscrivait dans le contexte d'un renforcement, par le traité, des droits des Etats membres, dont la Cour de justice ne pourrait faire abstraction.

M. Dominique Rousseau a considéré que le projet de loi constitutionnelle permettait de lever les obstacles à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe relevés par le Conseil constitutionnel.

Il a jugé de bonne méthode constitutionnelle de prévoir une révision en deux temps, d'abord pour autoriser la ratification du traité, ensuite pour tirer les conséquences de son entrée en vigueur.

Il a souligné que la nouvelle rédaction de l'article 88-1 de la Constitution, dans ses deux versions antérieure et postérieure à l'entrée en vigueur du traité, appelait peu de commentaires dans la mesure où elle introduisait une clause générale couvrant l'ensemble des clauses de ce texte.

Il a considéré que les pouvoirs reconnus aux assemblées françaises pour veiller au respect du principe de subsidiarité par le nouvel article 88-5 ne soulevaient pas de difficulté. Il a précisé qu'il reviendrait au Sénat et à l'Assemblée nationale d'en tirer les conséquences dans leurs règlements respectifs et de prévoir les modalités d'adoption des résolutions prévues par la Constitution.

Il a estimé que le nouvel article 88-6 de la Constitution permettant au Parlement de s'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée du traité établissant une Constitution pour l'Europe n'appelait pas non plus d'observation. Il a relevé que l'exigence de l'adoption en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat était le décalque logique de la procédure prévue par l'article 89 de la Constitution française pour les révisions constitutionnelles.

M. Dominique Rousseau a indiqué que deux types de dispositions du projet de loi constitutionnelle étaient sans lien avec la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Il a déclaré que le choix de rendre obligatoire l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne constituait une décision d'opportunité, à laquelle il ne souscrivait pas, mais qui relevait du pouvoir souverain du constituant.

Il a expliqué qu'en faisant référence aux projets ou propositions d'actes des institutions de l'Union européenne « relevant du domaine de la loi », et non plus « de nature législative », le texte proposé par l'article 3 du projet de loi pour l'article 88-4 de la Constitution avait pour objet de permettre au Conseil d'Etat de se référer à l'article 34 de la Constitution lors de la sélection des textes devant être soumis aux assemblées afin qu'elles puissent voter des résolutions.

M. Dominique Rousseau a signalé que la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale avait, à l'initiative de MM. Roland Blum, Edouard Balladur et Hervé de Charrette, adopté un amendement tendant à compléter la nouvelle rédaction de l'article 88-4 de la Constitution, afin de permettre aux présidents des deux assemblées, aux présidents de leurs commissions permanentes, à soixante députés ou à soixante sénateurs d'obtenir la soumission au Parlement de tout projet ou proposition d'acte ne comportant pas de dispositions relevant du domaine de la loi et de tout document émanant d'une institution européenne.

Convenant que les griefs adressés à cette proposition de porter atteinte à la séparation de domaines de la loi et du règlement et à l'équilibre des institutions n'étaient peut-être pas infondés, il a une nouvelle fois rappelé que le constituant était souverain et a jugé que cette initiative s'inscrivait pleinement dans l'esprit du traité établissant une Constitution pour l'Europe tendant à associer davantage les parlements nationaux au processus normatif européen.

M. Robert Badinter a souligné qu'en ne prévoyant pas l'organisation d'un débat parlementaire préalable à un référendum sur la ratification d'un traité d'élargissement, le texte proposé par le projet de loi constitutionnelle pour l'article 88-5 puis, en cas d'entrée en vigueur du traité, l'article 88-7 de la Constitution ne semblait pas suivre cette philosophie.

M. Dominique Rousseau a estimé qu'il eût été effectivement envisageable de prévoir un tel débat.

En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président , qui l'interrogeait sur l'amendement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale tendant à donner le dernier mot à l'Assemblée nationale, en cas de désaccord entre cette dernière et le Sénat, pour l'adoption d'une motion permettant au Parlement de s'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée du traité établissant une Constitution pour l'Europe, M. Dominique Rousseau a estimé que le Parlement serait en l'espèce conduit à agir en qualité de constituant, ce qui impliquait de placer l'Assemblée nationale et le Sénat sur un pied d'égalité.

M. Robert Badinter a rappelé qu'en ce domaine, le constituant disposait d'une liberté absolue.

M. Jean-Jacques Hyest, président , a mis en avant que l'amendement proposé heurtait l'esprit de la Constitution.

M. Patrice Gélard, rapporteur , a estimé qu'il serait possible d'organiser un débat devant les assemblées, préalablement à l'organisation d'un référendum sur un traité d'élargissement de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution.

M. Dominique Rousseau a estimé que tel ne pourrait être le cas si l'amendement présenté par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale n'était pas adopté.

Interrogé par M. Patrice Gélard, rapporteur , sur l'absence d'insertion dans le texte même de la Constitution des dispositions de l'article 4 du projet de loi constitutionnelle, M. Dominique Rousseau a estimé que le pouvoir constituant disposait d'un pouvoir d'appréciation absolu.

M. Robert Badinter a rappelé les circonstances dans lesquelles le Conseil constitutionnel avait rendu sa décision en 1992. Il a expliqué que ce dernier s'était interdit de statuer sur la loi constitutionnelle, afin de donner un coup d'arrêt à la théorie de la supra-constitutionnalité en vogue à l'époque. Il a estimé en revanche qu'il serait impossible, pour le constituant, de remettre en cause la forme républicaine du gouvernement.

M. Dominique Rousseau a rappelé que, dans sa décision du 26 mars 2003, le Conseil constitutionnel s'était déclaré incompétent pour statuer sur une loi constitutionnelle.

M. Robert Badinter a estimé que la question n'en demeurait pas moins ouverte.

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Paul Cassia, professeur de droit public et communautaire à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines .

M. Paul Cassia a indiqué que sa mise à disposition auprès du Conseil d'Etat lui avait permis, d'une part, de participer à la détermination des projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative et devant, à ce titre, être soumis aux assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution, d'autre part, d'assister à l'examen de l'avant-projet de loi constitutionnelle.

Il a déploré que les dispositions de l'article 4 du projet de loi constitutionnelle ne soient pas insérées dans le texte même de la loi fondamentale, alors qu'il eût été possible de rétablir le titre XVII de cette dernière, relatif aux dispositions transitoires, et de les y faire figurer. Il a jugé qu'il s'agissait là d'un précédent fâcheux portant atteinte au caractère unitaire de la Constitution.

Il a estimé que le texte proposé par l'article premier du projet de loi constitutionnelle pour compléter l'article 88-1 de la Constitution ne soulevait pas de difficulté, des clauses potestatives, tendant à autoriser la ratification d'un traité sans y procéder, ayant déjà été prévues par les lois constitutionnelles relatives à la Cour pénale internationale et au traité d'Amsterdam.

Le recours à une clause générale autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe lui a semblé inévitable, le Conseil constitutionnel n'ayant pas dressé de liste exhaustive des stipulations du traité appelant une révision de la Constitution.

Sans contester l'opportunité de prévoir un référendum sur l'adhésion de nouveaux Etats à l'Union européenne, M. Paul Cassia a formulé quelques critiques à l'encontre des modalités retenues.

Il a estimé qu'en exonérant de cette obligation les adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004, l'article 4 du projet de loi constitutionnelle se référait à une procédure de fait non prévue par l'article 49 du traité sur l'Union européenne et montrait trop clairement qu'il avait pour objet essentiel l'organisation d'un référendum sur l'élargissement de l'Union européenne à la Turquie.

Il a également déploré le moment choisi pour la consultation du peuple français, après plutôt qu'avant l'ouverture de négociations, estimant qu'elle interviendrait trop tard.

Enfin, il a estimé, d'une part, que le Président de la République n'aurait pas compétence liée pour organiser un tel scrutin, d'autre part, qu'en faisant référence au traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne, le projet de loi constitutionnelle ne rendait pas obligatoire l'organisation d'un référendum sur un traité prévoyant l'adhésion de plusieurs Etats. Observant que, sauf pour la Grèce, les précédents traités d'adhésion avaient toujours concerné plusieurs Etats, il a indiqué que, dans l'hypothèse vraisemblable de la signature, en 2014, d'un traité prévoyant l'adhésion de la Turquie et de l'Ukraine, les électeurs français ne pourraient se prononcer en faveur de l'adhésion d'un Etat et contre celle de l'autre.

Après avoir observé que le texte proposé par l'article 3 du projet de loi constitutionnelle pour l'article 88-1 de la Constitution ne consacrait qu'un transfert limité de souveraineté à l'Union européenne, M. Paul Cassia s'est interrogé sur les conséquences d'éventuelles divergences entre la décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2004, d'une part, et les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de justice de l'Union européenne, d'autre part, en cas d'évolution de la position de la Cour de Strasbourg sur le principe de laïcité ou de réaffirmation par la Cour de Luxembourg de la primauté absolue du droit de l'Union européenne sur le droit interne, même constitutionnel, des Etats membres.

M. Paul Cassia a jugé inutile le maintien des dispositions de l'article 88-2 de la Constitution prévoyant que la loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne.

Il a expliqué, en premier lieu, qu'en prévoyant la participation de la France à l'Union européenne dans les conditions fixées par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004, le texte proposé par l'article 3 du projet de loi constitutionnelle pour l'article 88-1 de la Constitution donnait une base juridique suffisante pour la mise en oeuvre des règles relatives au mandat d'arrêt européen.

Il a observé, en second lieu, que le Conseil constitutionnel ne jugeait opposables à la transposition d'une directive communautaire que les dispositions expresses et spécifiques de la Constitution française et non, comme l'avait fait le Conseil d'Etat, seul consulté en 2002 pour le mandat européen, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

En conséquence, il a estimé que le maintien des dispositions de l'article 88-2 de la Constitution relatives au mandat d'arrêt européen pourrait être interprété comme la réfutation, par le Constituant, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

M. Paul Cassia a par ailleurs souligné la faiblesse et la dangerosité des prérogatives reconnues aux parlements nationaux.

Il a tout d'abord mis en exergue les limites temporelles et matérielles du contrôle du respect du principe de subsidiarité susceptible d'être exercé par les deux assemblées.

Il a ainsi expliqué que l'avis motivé par lequel toute chambre d'un parlement national peut adresser aux institutions de l'Union européenne un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles elle estime qu'un projet d'acte législatif européen ne respecte pas le principe de subsidiarité devait être formulé dans un délai de six semaines à compter de la transmission de ce texte, ne pouvait concerner que les domaines de compétences partagées entre l'Union et les Etats membres, ne devait pas porter sur le bien-fondé du texte ou le respect du principe de proportionnalité, enfin ne serait pas susceptible d'amendements.

Il a observé que la possibilité offerte à chacune des deux chambres de saisir la Cour de justice d'un recours pour violation du principe de subsidiarité était enserrée, elle aussi, dans un délai de deux mois et que les rares décisions rendues en la matière par la Cour montraient qu'elle n'exerçait qu'un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation des institutions de l'Union européenne.

Il a exprimé la crainte de conflits entre les deux assemblées, citant en exemple les résolutions divergentes adoptées sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au permis de conduire.

M. Paul Cassia a ensuite observé que le pouvoir reconnu aux parlements nationaux de s'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée du traité établissant une Constitution pour l'Europe n'était qu'un pouvoir d'empêchement, et non de proposition.

Enfin, il a évoqué un risque d'engorgement du Parlement avec la transmission directe d'un grand nombre de documents par les institutions de l'Union européenne.

En conclusion, M. Paul Cassia s'est demandé s'il n'était pas nécessaire d'améliorer la transposition des actes de l'Union européenne, d'instaurer un contrôle de constitutionnalité du droit communautaire et de renforcer les délégations parlementaires pour l'Union européenne.

M. Jean-Jacques Hyest, président , a indiqué que la plupart des dispositions du projet de loi constitutionnelle découlait directement de la nécessité de permettre la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Il a estimé que la construction européenne ne devait pas conduire à une remise en cause de l'équilibre des institutions de la Ve République.

M. Patrice Gélard, rapporteur , a admis que certains Etats membres, comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, assuraient une meilleure place à leur Parlement dans la construction européenne. Néanmoins, il a estimé qu'il n'était possible, à l'occasion de cette révision constitutionnelle, ni de revoir l'ensemble des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, ni de régler définitivement la question de la spécificité du droit de l'Union européenne.

S'agissant de l'exclusion des dispositions de l'article 4 du projet de loi constitutionnelle du texte même de la Constitution, il a rappelé l'illustre précédent de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

M. Jean-Jacques Hyest, président , a ajouté que les critiques formulées à l'encontre de cet article incitaient précisément à ne pas faire figurer ses dispositions dans le texte même de la Constitution.

Rappelant que la négociation, la signature et la ratification des traités constituaient des prérogatives du Président de la République, il a estimé en outre qu'un référendum sur l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne ne pouvait être organisé tant que cet Etat ne remplissait pas les conditions requises pour cette adhésion, donc au moment de l'ouverture des négociations.

Enfin, il a indiqué que l'insertion de dispositions prévoyant l'organisation d'un référendum sur les futurs élargissements de l'Union européenne, si elle n'était pas nécessaire pour permettre la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, était destinée à dissocier cette question de celle de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

M. Nicolas Alfonsi a, pour sa part, déploré la piètre qualité de la rédaction de l'article 4 du projet de loi constitutionnelle.

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Dominique Chagnollaud, directeur du Centre d'études politiques et constitutionnelles à l'Université de Paris-II-Panthéon-Assas .

M. Dominique Chagnollaud , directeur du Centre d'études politiques et constitutionnelles à l'Université de Paris-II-Panthéon-Assas, a souligné que, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le principe de primauté de la Constitution et du droit des institutions de l'Union européenne sur le droit des Etats membres, posé par l'article I-6 du traité établissant une Constitution pour l'Europe, restait inopposable, dans l'ordre juridique interne, aux dispositions expresses de la Constitution française.

Il a ainsi rappelé que le Conseil, dans des décisions rendues le 10 juin et les 1 er et 29 juillet 2004, avait jugé opposables à la transposition d'une directive communautaire les dispositions expresses et spécifiques de la Constitution française avant de considérer, dans sa décision du 19 novembre 2004, que l'article I-6 du traité établissant une Constitution pour l'Europe n'était pas contraire à la Constitution, dans la mesure où il devait être lu au regard de l'ensemble des stipulations du traité, en particulier de son article I-5, aux termes duquel l'Union respecte l'identité nationale des Etats membres « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles ».

M. Dominique Chagnollaud a approuvé les dispositions proposées par le projet de loi constitutionnelle pour l'article 88-6 de la Constitution tendant à prévoir le vote en termes identiques, par l'Assemblée nationale et le Sénat, d'une motion permettant au Parlement de s'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Il a jugé que les deux assemblées devaient être placées sur un pied d'égalité, comme pour les révisions de la Constitution française, dans la mesure où la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée pourrait conduire, en modifiant les règles de vote, à une mise en cause des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

M. Dominique Chagnollaud s'est déclaré favorable à l'amendement adopté par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, à l'initiative de MM. Roland Blum, Edouard Balladur et Hervé de Charrette, tendant à renforcer le contrôle du Parlement français en matière européenne, jugeant peu pertinents les arguments invoqués à son encontre.

Il a observé que la frontière entre les domaines de la loi et du règlement, établie par les articles 34 et 37 de la Constitution, était à la fois floue et perméable, le Conseil constitutionnel ayant admis jusqu'à présent les immixtions du législateur dans le domaine réglementaire.

Il a jugé choquant qu'il appartienne au Conseil d'Etat plutôt qu'au Conseil constitutionnel de déterminer les projets ou propositions d'actes communautaires relevant du domaine de la loi et devant, à ce titre, être soumis au Parlement en application de l'article 88-4 de la Constitution afin qu'il puisse, le cas échéant, voter des résolutions.

Il a estimé que la possibilité d'obtenir la soumission au Parlement des autres projets ou propositions d'actes, ainsi que de tout autre document émanant d'une institution de l'Union européenne, offerte par l'amendement de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale aux présidents des deux assemblées, aux présidents de chacune de leurs commissions permanentes, à soixante députés ou à soixante sénateurs, demeurerait d'un usage exceptionnel et ne conduirait nullement à une remise en cause des prérogatives du Président de la République dans le domaine des relations internationales ou de la marge de manoeuvre des représentants de la France dans les négociations européennes.

Il a jugé imprudent de laisser la Constitution inchangée et de s'en remettre à la pratique pour renforcer le contrôle du Parlement en matière européenne, au regard du rôle encore insuffisant, à ses yeux, des délégations parlementaires pour l'Union européenne.

Enfin, il a rappelé, d'une part, que les résolutions adoptées par chacune des deux assemblées sur les projets, propositions ou documents des institutions de l'Union européenne, dépourvues de portée normative, relevaient de la fonction de contrôle du Parlement et non de son rôle de législateur, d'autre part, que le Gouvernement conservait une large maîtrise de l'ordre du jour des assemblées.

M. Dominique Chagnollaud s'est en revanche déclaré défavorable à la création d'une septième commission permanente, chargée de la législation européenne.

M. Jean-Jacques Hyest, président , a observé que l'amendement adopté par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et les dispositions du projet de loi constitutionnelle rendant obligatoire l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne étaient motivés par la même question, celle de l'élargissement éventuel de l'Union à la Turquie.

M. Dominique Chagnollaud a souscrit à l'obligation d'organiser un référendum sur de tels traités. Il a en revanche exprimé des réserves sur les dispositions de l'article 4 du projet de loi, qui dispenseraient de cette obligation les traités d'adhésion de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie à l'Union européenne et ne figureraient pas dans le texte même de la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, président , a estimé que, compte tenu de leur contenu et de leur rédaction, mieux valait effectivement ne pas faire figurer ces dispositions dans la Constitution.

M. Patrice Gélard, rapporteur , a observé que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne figurait pas non plus dans le texte même de la Constitution.

Il a indiqué que l'amendement adopté par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, tout comme les dispositions du projet de loi constitutionnelle rendant obligatoire l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne, allaient au-delà des modifications constitutionnelles strictement nécessaires pour permettre la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Il a estimé que la construction européenne ne pouvait être appréhendée selon les règles habituelles du droit international public et nécessitait une réflexion d'ensemble sur les dispositions de la Constitution relatives aux relations entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Aussi s'est-il opposé à des modifications ponctuelles aux effets incertains.

M. Dominique Chagnollaud a indiqué que le constituant n'était pas tenu de se limiter aux seules modifications permettant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, soulignant au contraire que les rares occasions de réviser la loi fondamentale française devaient être saisies.

M. Pierre Fauchon a rappelé que, bien souvent, par le passé, le Parlement avait complété les projets de loi constitutionnelle qui lui avaient été soumis en y insérant des dispositions nouvelles.

M. Dominique Chagnollaud a ajouté que l'occasion offerte par l'examen du projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution devait être saisie pour renforcer le rôle du Parlement dans la construction européenne.

M. Patrice Gélard, rapporteur , a souligné que les Etats membres de l'Union européenne dans lesquels le Parlement jouait dans la construction européenne un rôle plus actif que le Parlement français, qu'il s'agisse du Royaume-Uni, du Danemark ou des Pays-Bas, avaient une approche différente des relations entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif d'une part, entre le droit international et le droit interne d'autre part.

M. Dominique Chagnollaud a regretté que des réformes importantes soient souvent différées.

M. Jean-Jacques Hyest, président , a souhaité savoir s'il était encore utile de prévoir, à l'article 88-2 de la Constitution, que « la loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne ».

M. Dominique Chagnollaud a estimé que cette disposition avait été inutilement insérée dans la Constitution en 2003, mais devait être conservée, compte tenu des incertitudes que susciterait sa suppression.

M. Patrice Gélard, rapporteur , a souligné que le manque de clarté des décisions du Conseil constitutionnel jugeant opposables à la transposition d'une directive communautaire les dispositions expresses de la Constitution française incitait à la prudence et au maintien de cette disposition.

En réponse à Mme Alima Boumediene-Thiery , M. Dominique Chagnollaud a précisé qu'il n'était pas certain que le Conseil constitutionnel aurait considéré, comme l'avait fait le Conseil d'Etat dans un avis du 26 septembre 2002, que la transposition de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen nécessitait au préalable une révision constitutionnelle.

Il a également relevé que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat se livraient à une sorte de concurrence dans l'affirmation de la suprématie de la Constitution dans l'ordre juridique interne, le Conseil d'Etat ayant ainsi jugé, dans un arrêt du 3 décembre 2001, « Syndicat national de l'industrie pharmaceutique », que l'on ne pouvait se prévaloir d'une incompatibilité de la loi avec des principes généraux de l'ordre juridique communautaire et que le principe de primauté ne saurait au demeurant conduire, dans l'ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la Constitution.

Mardi 1 er février 2005

La commission a procédé à l'audition de M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice , sur le projet de loi constitutionnelle n° 167 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le titre XV de la Constitution.

M. Dominique Perben , garde des sceaux , ministre de la justice , a indiqué que le projet de loi constitutionnelle comportait trois volets, le premier tendant à permettre l'organisation du référendum annoncé par le Président de la République sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, le deuxième concrétisant l'engagement du Président de la République de soumettre au référendum tout traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de nouveaux Etats et le troisième, appelé à entrer en vigueur après la ratification par l'ensemble des Etats membres du traité établissant une Constitution pour l'Europe, visant à réécrire intégralement le titre XV de la Constitution pour tirer les conséquences de cette ratification.

Après avoir indiqué que le premier volet du projet de loi constitutionnelle était exclusivement constitué de son article premier, il a observé que la rédaction très générale retenue permettait de lever tous les obstacles à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe relevés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004.

Il a indiqué que les articles 2 et 4 du projet de loi constitutionnelle, formant son deuxième volet, tendaient respectivement à rendre obligatoire l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne et à définir les conditions d'entrée en vigueur de ce nouveau dispositif. Il a précisé que cette procédure obligatoire s'appliquerait à la Turquie, mais pas aux projets de loi autorisant la ratification des futurs traités d'adhésion de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie.

Le troisième volet du projet de loi constitutionnelle, composé de son article 3 comprenant lui-même sept articles numérotés de 88-1 à 88-7, lui a semblé le plus substantiel.

Evoquant les profonds remaniements apportés aux articles 88-1 et 88-2 de la Constitution, il a indiqué que le texte proposé pour l'article 88-1, dont l'objet était de proclamer la participation de la République française à la construction européenne, aurait désormais pour effet d'assurer la constitutionnalité de tous les transferts de compétences prévus par le traité établissant une Constitution pour l'Europe, ce qui rendait nécessaire, par coordination, d'abroger les deux premiers alinéas de l'actuel article 88-2. Il a en revanche souligné la nécessité de maintenir l'actuel alinéa de l'article 88-2 relatif au mandat d'arrêt européen en faisant valoir que son abrogation risquerait de rendre contraires à la Constitution les actes passés et futurs pris par les institutions européennes pour mettre en oeuvre cet instrument de la coopération judiciaire en matière pénale.

Il a noté que les articles 88-3 et 88-4 faisaient l'objet de modifications mineures tendant respectivement à actualiser et améliorer les modalités de vote des ressortissants des Etats membres de l'Union européenne aux élections municipales et à clarifier la portée de l'obligation imposée au Gouvernement de soumettre au Parlement les projets ou propositions d'actes de l'Union européenne comportant des dispositions « de nature législative » en faisant désormais référence aux actes relevant du « domaine de la loi ». Il a ajouté qu'aucune stipulation du traité n'impliquait d'étendre le champ d'application de l'article 88-4 qui permet aux assemblées de voter des résolutions sur ces projets ou propositions d'actes ainsi que sur les autres documents que le Gouvernement décide de leur soumettre.

Il a précisé que l'Assemblée nationale avait adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement étendant aux projets d'actes législatifs européens la liste des textes obligatoirement soumis au Parlement en application de l'article 88-4, ce qui permettait de mettre en cohérence ce dispositif avec celui de l'article 88-5.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que le Gouvernement s'était engagé à modifier ou à remplacer la circulaire du 13 décembre 1999 relative à l'application de l'article 88-4, afin de poser le principe de la soumission au Parlement de l'ensemble des documents européens, les refus de soumission devant constituer désormais l'exception.

Il a mentionné les nouveaux articles 88-5 et 88-6 destinés à inscrire dans la Constitution les nouvelles prérogatives reconnues aux Parlements nationaux par le traité établissant une Constitution pour l'Europe : le contrôle du respect du principe de subsidiarité par l'adoption d'avis motivés ou par la saisine de la cour de justice de l'Union européenne, d'une part, l'exercice d'un droit d'opposition à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée du traité établissant une Constitution pour l'Europe par l'adoption en termes identiques d'une motion, d'autre part.

Enfin, il a précisé que l'article 88-7 se bornait à reprendre l'article 2 du projet de loi constitutionnelle, qui pose le principe de la soumission au référendum de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion à l'Union européenne.

M. Patrice Gélard , rapporteur , a estimé que le projet de loi constitutionnelle permettait de lever l'ensemble des obstacles constitutionnels à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Il a observé que les dispositions prévoyant l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne avaient quant à elles pour objet de mettre en oeuvre un engagement pris par le Président de la République.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a souhaité connaître les raisons pour lesquelles le projet de loi constitutionnelle ne prévoyait pas, à la différence des articles 11 et 72-4 de la Constitution, un débat parlementaire préalable à l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne.

Il s'est demandé s'il ne convenait pas de prévoir dans la Constitution les modalités du retrait éventuel de la France de l'Union européenne, autorisé par l'article I-60 du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Il s'est enquis du contenu de la circulaire en préparation sur l'application de l'article 88-4 de la Constitution.

Enfin, il a souhaité savoir si les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne pourraient participer aux référendums sur l'adhésion de nouveaux Etats.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice , a répondu par la négative à cette dernière question.

Il a justifié l'absence de dispositions prévoyant un débat parlementaire préalable à l'organisation d'un référendum sur un projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un nouvel Etat à l'Union européenne en faisant valoir, d'une part, que le Président de la République n'aurait pas la possibilité de renoncer à organiser le scrutin et de faire adopter le projet de loi par le Parlement, contrairement à la procédure prévue par l'article 11 de la Constitution, d'autre part, que le débat prévu à l'article 11 et à l'article 72-4 de la loi fondamentale constituait le corollaire du pouvoir reconnu au Gouvernement de demander la consultation des électeurs.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé qu'un éventuel retrait de la France de l'Union européenne nécessiterait une révision constitutionnelle.

Il a réaffirmé que la nouvelle circulaire d'application de l'article 88-4 de la Constitution ferait de la soumission au Parlement de l'ensemble des documents européens la règle de conduite du Gouvernement, les refus de soumission devant constituer désormais l'exception. Il a ajouté que les deux assemblées n'avaient actuellement la possibilité d'adopter des résolutions que sur le cinquième environ des quelque 1.500 documents élaborés chaque année par l'Union européenne.

M. Pierre Fauchon a rappelé l'absence de valeur normative des circulaires. Il a jugé singulier que le projet de loi constitutionnelle prévoie de rendre obligatoire l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un nouvel Etat à l'Union européenne et de dispenser de cette obligation les adhésions de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie. Il a souhaité connaître les raisons justifiant cette différence de traitement.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice , a confirmé que le recours à une nouvelle circulaire sur l'application de l'article 88-4 de la Constitution correspondait à la volonté du Gouvernement de prendre un engagement politique, et non juridique.

Il a indiqué que les négociations avec la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie préalables à leur adhésion à l'Union européenne étaient déjà très avancées au moment de l'annonce par le Président de la République de son souhait de rendre systématique l'organisation d'un référendum sur les prochains élargissements de l'Union, ajoutant qu'il n'avait en conséquence pas paru souhaitable de modifier au dernier instant les règles applicables à ces adhésions.

M. Pierre Fauchon ayant souligné le caractère extraordinaire de l'obligation d'organiser un référendum, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice , a souligné qu'il s'agissait de garantir le respect dans la durée de l'engagement pris par le Président de la République.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a estimé que l'élaboration d'une nouvelle circulaire ne constituait pas la réponse idoine à la demande des parlementaires de pouvoir se prononcer sur n'importe quel texte européen en adoptant une résolution sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution.

Elle a souligné le caractère byzantin des explications fournies par le ministre pour justifier l'obligation d'organiser un référendum sur les prochains élargissements et les dérogations qui lui étaient apportées pour trois Etats.

Elle a dénoncé l'incohérence consistant à rendre obligatoire l'organisation d'un référendum sur l'adhésion d'un Etat de 800.000 habitants à l'Union européenne, mais à permettre le retrait de la France de l'Union, fût-ce au terme d'une révision constitutionnelle, sans avoir recueilli le consentement des électeurs.

Enfin, elle a déploré que l'usage très limité des possibilités de référendum prévues par les articles 11 et 89 de la Constitution n'ait pas permis aux Français de se prononcer sur des sujets d'importance.

M. Jean-Pierre Sueur a mis en exergue le risque d'une faible participation des électeurs à un référendum portant sur l'adhésion d'un petit Etat à l'Union européenne et a exprimé la crainte qu'un tel résultat ne discrédite cette procédure.

M. Bernard Frimat s'est demandé s'il ne convenait pas de subordonner la validité des résultats d'un tel scrutin à un seuil minimal de participation, sur le modèle des dispositions régissant les référendums décisionnels locaux.

Rappelant que la France avait déjà donné son accord à l'adhésion de la Norvège à l'Union européenne à deux reprises, dont une fois par référendum, il s'est interrogé sur la nécessité de solliciter une nouvelle fois les électeurs dans ce cas.

M. Hugues Portelli a déclaré que le projet de loi constitutionnelle permettait de lever l'ensemble des obstacles à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe relevés par le Conseil constitutionnel.

Rappelant l'analyse de M. Dominique Rousseau, professeur de droit public à l'Université de Montpellier, lors de son audition devant la commission des lois le mercredi 26 janvier 2005, il a estimé que le Conseil constitutionnel avait fait une lecture erronée du principe de primauté du droit de l'Union sur le droit interne des Etats membres posé par le traité.

Il a souligné que la Cour de justice de l'Union européenne maintiendrait sans doute sa jurisprudence selon laquelle un Etat ne peut se prévaloir de son droit interne, même constitutionnel, pour faire obstacle à la mise en oeuvre du droit de l'Union et a exprimé la crainte que la France ne s'expose à des condamnations pour manquement.

M. Patrice Gélard, rapporteur , a estimé au contraire que la Cour de justice devrait, à compter de l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe, revoir sa jurisprudence pour prendre en compte les stipulations de son article I-5 invitant l'Union au respect de l'identité nationale des Etats membres, « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles ».

M. Hugues Portelli a souhaité connaître les règles régissant le retrait d'un Etat de l'Union européenne.

Enfin, il a souligné que le débat parlementaire préalable prévu par l'article 11 et par l'article 72-4 de la Constitution n'avait pas pour objet d'inviter le Président de la République à reconsidérer sa décision d'organiser un référendum, mais d'éclairer le choix des électeurs.

M. Pierre-Yves Collombat a souhaité connaître la portée des résolutions adoptées par chacune des deux assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution.

M. Richard Yung a souhaité savoir si le Président de la République aurait la faculté de refuser de soumettre au référendum un projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice , a confirmé que l'adhésion de la Norvège à l'Union européenne devrait être autorisée par référendum.

Il a souligné que le Président de la République ne serait pas tenu de soumettre au référendum un projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne, observant toutefois que le traité ne pourrait être ratifié dans cette hypothèse.

Enfin, il a estimé que le choix des électeurs serait plus éclairé par la campagne référendaire que par un débat dans chaque assemblée, ajoutant que les parlementaires seraient bien évidemment appelés à participer à cette campagne.

En réponse à M. Hugues Portelli, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposaient aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles en application de l'article 62 de la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest , président , a observé que cette règle ne s'appliquait pas au Constituant et a rappelé que certaines révisions constitutionnelles avaient eu précisément pour objet de dépasser une décision du Conseil constitutionnel.

M. Hugues Portelli a souscrit à ces propos, avant de déplorer qu'une clause générale autorisant par avance tous les transferts de souveraineté impliqués par la construction européenne n'ait pas été insérée dans la Constitution.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice , a rappelé l'absence de portée contraignante des résolutions votées par les assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution, tout en indiquant que le Gouvernement en tenait le plus grand compte et s'en prévalait souvent dans les négociations européennes.

M. Jean-Jacques Hyest, président , a souhaité savoir si, dans l'hypothèse d'un traité prévoyant l'adhésion de plusieurs Etats à l'Union européenne, les électeurs auraient la possibilité de se prononcer séparément sur l'adhésion de chaque Etat.

M. Robert Badinter a indiqué qu'il ne lui semblait pas possible de poser plusieurs questions aux électeurs dès lors qu'il n'y aurait qu'un seul traité.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice , a confirmé que, dans cette hypothèse, les électeurs seraient invités à se prononcer sur le traité dans son ensemble et non sur l'adhésion de tel ou tel Etat.

M. Robert Badinter et M. Patrice Gélard, rapporteur , ont observé que le refus de l'adhésion d'un seul Etat par les électeurs les obligerait à refuser celle des autres.

* 1 Conseil d'Etat, 18 décembre 1998, Blotzheim.

* 2 Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 sur le traité portant statut de la Cour pénale internationale.

* 3 Décision n° 92-308 du 9 avril 1992 sur le traité de Maastricht.

* 4 Décision n° 85-140 L du 24 juillet 1985.

* 5 Cour de cassation, 24 mai 1975, société des Cafés Jacques Vabre. Conseil d'Etat : 20 octobre 1989, Nicolo - 24 septembre 1990, Boisdet - 28 février 1992, Sa Rothmans International France.

* 6 Conseil d'Etat, 30 octobre 1998, Sarran et Levacher. Le 11 janvier 2005, dans un arrêt Py c/ France, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé que ce gel n'était pas contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

* 7 Conseil d'Etat, 3 décembre 2001, Syndicat national de l'industrie pharmaceutique et autres.

* 8 Décisions n°s 2004-496 DC du 10 juin 2004, 2004-497 DC du 1 er juillet 2004 et 2004-498 DC du 29 juillet 2004.

* 9 Cour de justice des Communautés européennes, 11 avril 1978 Commission c/ Italie et 11 janvier 2000, Kreil.

* 10 Arrêt n° 4774/98 de la Cour européenne des droits de l'homme du 29 juin 2004, affaire Leyla Sahin c. Turquie,

* 11 Décisions n° 59-2 DC des 17, 18 et 24 juin 1959 et n° 59-3 DC du 25 juin 1959.

* 12 Décisions du Conseil constitutionnel sur des requêtes présentées contre des actes préparatoires au référendum du 24 septembre 2000 sur le projet de loi constitutionnelle relatif au quinquennat (« Hauchemaille », 25 juillet, 23 août et 6 septembre 2000, « Larrouturou », 23 août 2000, « Pasqua », 6 septembre 2000 et « Meyet », 11 septembre 2000) et arrêt Mégret, Meyet et autres, du Conseil d'État du 1 er septembre 2000.

* 13 Rapport n° 2033 (Assemblée nationale, XII e législature), page 8.

* 14 Article IV-447 du traité.

* 15 Rapport n° 2033 (Assemblée nationale, XIIe législature), page 8.

* 16 Avis rendu le 26 septembre 2002 sur saisine du Premier ministre en application de l'article 23 de l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945.

* 17 Avis n° 357-344, du 9 novembre 1995 et arrêt du 3 juillet 1996, Moussa Koné.

* 18 Rapport n° 2033 (Assemblée nationale, XII e législature), page 57.

* 19 Ibid, page 58.

* 20 Rapport n° 375 (Sénat, 1991-1992), page 58.

* 21 Rapport n° 36 (Sénat, 2004-2005), page 7.

* 22 La rédaction retenue en 1992 permettait de voter des résolutions sur les « propositions d'actes communautaires » comportant des dispositions de nature législative. Le Gouvernement ayant par la suite excipé de l'inscription dans la Constitution du mot « communautaire » pour s'opposer à l'examen de résolutions portant sur des propositions d'actes relevant des deuxième et troisième « piliers » de l'Union et estimé que seuls les textes constituant véritablement des « propositions » devaient être soumis aux assemblées, la loi constitutionnelle du 25 janvier 1999 a précisé la rédaction de l'article 88-4, qui vise désormais « les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative », ce qui couvre désormais sans ambiguïté les trois « piliers » de l'Union et l'ensemble des textes en préparation.

* 23 Rapport n° 176 (Sénat, 2004-2005), pages 15 à 17.

* 24 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du jeudi 27 janvier 2005.

* 25 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale -

* 26 Décision n° 59-2 DC des 17, 18 et 24 juin 1959, n° 59-3 DC du 25 juin 1959.

* 27 Rapport de synthèse relatif à la session plénière - Bruxelles, 3 et 4 octobre 2002.

* 28 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du mardi 25 janvier 2005, page 304.

* 29 Rapport n° 176 (Sénat, 2004-2005), pages 11 et 12.

* 30 Article 73 bis du Règlement du Sénat.

* 31 Motions référendaires, motions adoptées à l'issue d'un débat sur une déclaration de politique générale dont le Gouvernement demande l'approbation au Sénat, motions de censure adoptées par l'Assemblée nationale, motions tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité ou la question préalable à un texte en discussion, motions préjudicielles ou incidentes, motions tendant au renvoi en commission de tout ou partie d'un texte en discussion.

* 32 Article 69 bis du règlement du Sénat.

* 33 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale- deuxième séance du mardi 25 janvier 2005 - page 304.

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