b) Titre II - Opérations d'initié

Les dispositions de ce titre, essentielles pour les opérateurs sur les marchés, définissent la notion d'information privilégiée et précisent les obligations d'abstention des détenteurs de telles informations.

(1) La définition circonstanciée et précise de l'information privilégiée

La définition de l'information privilégiée posée par l'article 621-1 est exactement celle que prévoient le point 1 de l'article premier de la directive-cadre du 28 janvier 2003 et les points 1 et 2 de l'article premier de la directive d'application 2003/124/CE du 22 décembre 2003. Ces deux derniers points apportent des précisions sur le caractère précis de l'information privilégiée et sur la notion d'influence sensible qu'elle est susceptible d'exercer sur les cours des instruments financiers :

« Une information est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés.

« Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement » .

Cette notion d'« influence sensible », importée de la législation communautaire, a suscité certains questionnements au sein de la doctrine 27 ( * ) , dans la mesure où le règlement 90-08 de la COB, désormais caduc, définissait comme privilégiée une information « qui, si elle était rendue publique, pourrait avoir une incidence sur le cours de la valeur ». L' « influence sensible » contribuerait dès lors, selon certains auteurs, à élargir le champ du manquement d'initié, introduirait une incertitude juridique sur la qualification de l'information privilégiée, potentiellement source de contentieux, et manifesterait de surcroît la variété des traductions auxquelles les directives communautaires sont susceptibles de donner lieu 28 ( * ) .

L'interprétation donnée par l'article 621-1 du règlement général de l'AMF paraît toutefois de nature à lever certains doutes , l'information privilégiée y étant assimilée aux éléments déterminants qui fondent la décision d'un investisseur. On peut, en outre, considérer que la notion d' « influence sensible » est en réalité plus restreinte et précise que celle d' « incidence », dont la traduction en termes de variation effective des cours paraît plus difficile à cerner.

L'article 621-2 adapte cette définition de l'information privilégiée pour les instruments dérivés sur produits de base . La définition posée par le point 1 de l'article premier de la directive-cadre du 28 janvier 2003 est complétée par deux conditions alternatives : les utilisateurs des marchés concernés devraient s'attendre à recevoir une telle information conformément aux pratiques de marché admises, lorsque cette information « est périodiquement mise à la disposition de leurs utilisateurs ou est rendue publique en application de la loi, des règlements ou des règles de marché, de contrats ou d'usages propres au marché du produit de base sous-jacent ou au marché d'instruments dérivés sur produits de base concernés ».

L'article 621-3 explicite enfin la notion d'information privilégiée pour les personnes chargées de l'exécution d'ordres portant sur des instruments financiers, et reprend à ce titre la rédaction prévue par le point 1 de l'article premier de la directive-cadre du 28 janvier 2003 pour ces opérateurs.

(2) Les obligations d'abstention

Le délit d'initié réside non dans la détention par une personne d'une information privilégiée, mais dans son utilisation. Cette détention implique donc diverses obligations d'abstention , conformes aux articles 2 et 3 de la directive-cadre précitée.

L'article 622-1 prévoit que toute personne « doit s'abstenir d'utiliser l'information privilégiée qu'elle détient en acquérant ou en cédant, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés ». Cette abstention d'intervention sur les marchés s'accompagne d'une abstention de communication ou de recommandation à des tiers . La personne détentrice doit ainsi s'abstenir de :

« 1° Communiquer cette information à une autre personne en dehors du cadre normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle lui a été communiquée ;

« 2° Recommander à une autre personne d'acquérir ou de céder, ou de faire acquérir ou céder par une autre personne, sur la base d'une information privilégiée, les instruments financiers auxquels se rapportent cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés ».

Conformément au point 3 de l'article 2 de la directive-cadre précitée, ces obligations ne s'appliquent toutefois pas aux opérations effectuées pour assurer l'exécution d'une obligation contractuelle , dès lors que celle-ci a été conclue avant que la personne concernée soit détentrice de l'information privilégiée.

L'article 622-2 précise que ces obligations d'abstention s'appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de :

« 1° Sa qualité de membre des organes d'administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l'émetteur ;

« 2° Sa participation dans le capital de l'émetteur ;

« 3° Son accès à l'information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions, ainsi que de sa participation à la préparation et à l'exécution d'une opération financière ;

« 4° Ses activités susceptibles d'être qualifiées de crimes ou de délits ».

S'il s'agit d'une personne morale, les obligations d'abstention s'appliquent aux personnes physiques qui participent à la décision de procéder à l'opération pour son compte. Les obligations d'abstention s'appliquent également, ce qui semble pour le moins logique, à toute autre personne détenant une information privilégiée et qui « sait ou aurait dû savoir » qu'il s'agit d'une telle information.

* 27 Cf. en particulier « Le manquement d'initié redéfini par l'AMF », M. Arthur Dethomas in Les Echos du 14 mars 2005.

* 28 En effet si la traduction française du point 1 de l'article premier de la directive-cadre du 28 janvier 2005 se réfère à la notion d' « influence sensible », la version anglaise mentionne le terme « significant », dont l'équivalent français serait « significative », tandis que le terme « erheblich », soit l'équivalent de « substantielle », figure dans la traduction allemande.

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