B. LES PRINCIPES ET LE COMPROMIS D'UNE DIRECTIVE À GÉOMÉTRIE VARIABLE

La directive repose essentiellement sur les principes de protection accrue des actionnaires minoritaires, de transparence des opérations et du contrôle, de proportionnalité entre la prise de risque et le contrôle exercé après le lancement de l'offre, et de neutralisation de certaines mesures de défense . Certaines importantes dispositions font toutefois l'objet d'une harmonisation « à la carte ». La protection des minoritaires se traduit par l'obligation de déposer une offre publique sur la totalité des titres en cas de dépassement du seuil de contrôle, la notion de « prix équitable » et l'instauration des droits de retrait et de rachat obligatoires. La transparence des opérations repose, quant à elle, sur l'établissement d'un document d'offre, l'information et la consultation des représentants des travailleurs, ou l'information préalable sur certains aspects de la société de nature à entraver la prise de contrôle par un offrant.

L'accord du Conseil et du Parlement européen n'a toutefois pu être obtenu qu'au prix du caractère optionnel et non plus obligatoire de certaines des dispositions les plus importantes de la directive , prévues en ses articles 9 et 11, relatives à l'approbation préalable des mesures de défense par l'assemblée générale et à la neutralisation des restrictions statutaires et conventionnelles au transfert de titres et à l'exercice des droits de vote.

Les dispositions originelles ont fait l'objet de critiques, notamment aux motifs qu'elles faisaient de l'actionnaire, détenteur du « capital supportant le risque ultime » 7 ( * ) , le seul juge du bien-fondé de l'offre et de l'intérêt social , et sacrifiaient la force obligatoire des conventions au profit d'une logique favorable à l'offrant. Certains auteurs 8 ( * ) ont ainsi considéré que, s'il est légitime de neutraliser les restrictions lorsqu'il s'agit de prendre acte d'une « percée » (« breakthrough ») réussie, conformément au principe même de l'offre publique, il l'est moins de contribuer à la réussite de l'offre en neutralisant les entraves dès son annonce.

Ces critiques ont été apaisées par les dispositions de l'article 12 de la directive, qui prévoit un système de double option (cf. infra ) exercée par les Etats et les sociétés (qui peuvent volontairement appliquer les dispositions des articles 9 et 11 de la directive si l'Etat membre de leur siège ne les leur impose pas), assortie d'une clause de réciprocité portant sur l'un et/ou l'autre de ces deux articles. Ces dispositions ont certes permis l'adoption de la directive mais sont susceptibles d' atténuer sa portée réelle et ont pu conduire à s'interroger sur ses inconvénients potentiels :

- l'application dudit article 12 serait susceptible de donner lieu à des situations juridiques complexes , notamment en cas de levée de l'option sur l'un des deux articles (ce qui constitue le choix du gouvernement, cf. infra ) ou d'exercice différencié de la réserve de réciprocité face à des offres concurrentes. Certains observateurs 9 ( * ) ont également considéré que le principe de réciprocité était étranger au droit communautaire des sociétés, voire contraire aux principes communautaires de liberté d'établissement et de libre circulation des capitaux, et pouvait manquer de lisibilité pour les investisseurs comme pour les autorités de marché ;

- à l'inverse de l'objectif visé, la directive pourrait inciter les Etats membres et les entreprises, par « contagion défensive », à choisir le système le plus protecteur, et conduire ainsi à une régression dans les Etats membres qui appliquent aujourd'hui les principes des articles 9 et 11 de la directive ;

- ce système s'inscrirait enfin à contre-courant d'une harmonisation minimale des règles applicables en matière d'offres publiques.

* 7 Cette expression est issue du rapport précité du groupe d'experts présidé par M. Jaap Winter.

* 8 Cf. « L'adoption de la directive européenne relative aux offres publiques d'acquisition » , Marianne Haschke-Dournaux, in Petites Affiches du 26 avril 2004.

* 9 Cf . « OPA : divine surprise ou faux semblant ? » , Mme Joëlle Simon in Revue européenne de droit bancaire et financier, 3 e trimestre 2003.

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