L'APPLICATION DES AUTRES DISPOSITIONS : UN BILAN PLUS NUANCÉ

RENFORCER LA MOBILISATION DES ADMINISTRATIONS ET ASSURER L'INFORMATION DU PARLEMENT

Les autres dispositions de la loi du 4 août 1994 ne bénéficient pas, comme celles de l'article 2 relative à la publicité et à l'information du consommateur, de modalités spécifiques de contrôle spécialement confiées à certains corps de fonctionnaires dans l'exercice de leurs missions.

La constatation des infractions à ces dispositions relève de la compétence des officiers et agents de police judiciaire , dans les conditions de droit commun définies par le code de procédure pénale. Compte tenu de la variété des champs d'intervention de ces fonctionnaires, on peut imaginer que le strict respect des prescriptions de la « loi Toubon » n'est très vraisemblablement pas leur première priorité, et qu'ils ne prennent que peu d'initiatives en ce domaine.

Les associations agréées de défense de la langue française qui en application de l'article 19 de la loi du 4 août 1994 ont reçu compétence pour exercer les droits reconnus à la partie civile pour un certain nombre d'infractions à la législation linguistique, jouent en ce domaine un rôle stimulant tout à fait positif. Votre commission vous propose d'étendre ce dispositif aux associations de défense des intérêts des consommateurs normalement déclarées et agréées visées à l'article L. 421-1 du code de la consommation.

Le respect des dispositions de la « loi Toubon » incombe également à différentes administrations, chacune dans leur champ de compétence, mais le degré de mobilisation de ces dernières dans la défense de l'emploi du français paraît inégale. Il est significatif, en outre, que les actions que conduisent -peut-être- ces différents ministères ne font l'objet d'aucune présentation et d'aucune évaluation.

Votre commission déplore vivement que le rapport annuel que le Gouvernement est tenu, aux termes de l'article 22, de présenter sur l'application de la loi sur l'emploi de la langue française, ne comporte, à de rares exceptions, aucun compte rendu de la façon dont les différents ministères concernés et notamment celui de l'emploi, de la cohésion sociale, et du logement, celui de la justice, ou celui de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ou encore celui des transports s'acquittent de leur mission de veille dans les secteurs de leur compétence .

Votre commission regrette de ne pas disposer de comptes rendus synthétiques des services du ministère du travail sur l'application des dispositions relatives à l'emploi de la langue française dans l'entreprise, les procès-verbaux de l'inspection du travail auxquelles les infractions à ces dispositions donnent lieu, les suites contentieuses éventuelles et d'une façon générale, la perception qu'ils en retirent quant à l'évolution des pratiques linguistiques dans le monde professionnel.

Elle apprécierait en outre d'être informée par les services du ministère de la justice sur les poursuites civiles et pénales auxquelles donnent lieu les infractions aux dispositions de la loi, ainsi que sur la suite qui leur est réservée. Les indications figurant dans le rapport 2005 fournissent certes une première indication quant aux poursuites engagées sur le fondement de l'article 2 de la loi, mais ces informations gagneraient à être généralisées.

Elle souhaiterait savoir de quelles informations dispose le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'application des dispositions relatives aux colloques et publications ainsi que sur les traductions concrètes données au principe du français langue de l'enseignement et aux exceptions qui lui sont apportées.

Elle souhaiterait, en outre, être tenue au courant du bilan que le ministère des transports tire de l'application de la loi dans les transports et en particulier dans les transports internationaux, et de la suite qui est réservée à ses interventions auprès des transporteurs.

Pour ces raisons, elle vous proposera, à titre incitatif de compléter l'article 22 de la loi de 1994 relatif au rapport annuel au Parlement par une phase invitant les différentes administrations concernées par les dispositions de la loi à y apporter leur contribution.

LES ENJEUX SECTORIELS

Les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur lui ont permis de compenser partiellement l'absence de suivi administratif systématique de l'application de la loi. Les éléments qu'il a pu réunir donnent une impression générale des forces et des faiblesses de la position de notre langue dans les différents domaines, et des enjeux qui sont sous-jacents.

Ces analyses l'amènent à recommander certains aménagements ponctuels au dispositif législatif, tout en insistant d'une façon générale sur la nécessité de mieux veiller au respect effectif des dispositions en vigueur.

Le monde des entreprises et du travail

On assiste aujourd'hui à une prise de conscience progressive de l'enjeu essentiel que représentent les entreprises dans la préservation de l'influence du français dans le monde. C'est en effet très largement à travers elles que se joue l'avenir des langues dans la sphère économique et financière. C'est leur comportement qui fera pencher le monde des affaires vers le monolinguisme ou le multilinguisme.

Cette prise de conscience, dont on peut regretter le caractère un peu trop tardif, a suscité la réalisation d'un certain nombre d'études partielles mais cependant éclairantes 8 ( * ) .

Le ministre de la culture a en outre confié à Mme Catherine Tasca la mission d'élaborer un rapport sur les pratiques linguistiques des entreprises, publié en juillet 2003.

Votre rapporteur a également tenu, dans le cadre de ses travaux, à rencontrer M. Steve Gentili, président du Forum francophone des affaires qui lui a présenté les conclusions d'une enquête consacrée aux « Politiques et pratiques linguistiques des entreprises à vocation internationale ».

Un certain nombre de constats ressortent de ces différentes analyses :

? Les pratiques linguistiques des entreprises relèvent rarement de politiques explicites

Comme le souligne l'étude du CREDOC 9 ( * ) , le choix d'une politique linguistique n'alimente généralement pas des débats soutenus dans l'entreprise, et « à quelques exceptions près, on ne peut parler de politique linguistique . C'est le pragmatisme qui règne en maître et le positionnement par rapport à la langue française ne suscite aucun état d'âme ».

Ce pragmatisme revendiqué, et l'absence de politique formelle qui en est le corollaire, sont un facteur de pénétration de l'anglais, particulièrement dès lors que les entreprises ont une activité internationale significative.

Tout en estimant que le français restait très largement la langue de travail et des relations professionnelles dans les entreprises françaises, M. Steve Gentili a cependant reconnu que la langue anglaise prenait une importance croissante, dès lors que ces entreprises dépassaient le cadre national pour assurer le développement de leur activité. L'anglais tendait alors à devenir la langue de la communication internationale, « une langue véhiculaire dont l'usage s'impose de soi-même, sans qu'il soit besoin d'édicter une règle ou une norme ».

? Les facteurs de la pénétration de l'anglais

Outre l'ouverture à l'international des activités, Mme Catherine Tasca attribuait un rôle déterminant à trois facteurs particuliers :

- la structure du capital , les fusions et acquisitions constituant un stimulant au passage à l'anglais ;

- le poids du système financier , au sein duquel les acteurs anglo-saxons ont acquis une position dominante, et tendent à imposer leur langue et bien souvent leurs normes, y compris leurs modèles juridiques ;

- les nouvelles technologies de l'information qui contribuent à la globalisation et à une certaine uniformisation des échanges et des envois de documents.

? Les conséquences de l'anglicisation des échanges

L'extension du recours à la langue anglaise dans le monde de l'entreprise entraîne des conséquences pour la langue française, pour les entreprises, et pour les salariés.

Le recours systématique à l'anglais dans les réunions rassemblant des collaborateurs de diverses origines accrédite progressivement l'idée que la langue française ne peut plus tenir son rôle de langue de communication internationale. A cette perte de statut risquent de s'ajouter rapidement des pertes de domaines, certains étant déjà tentés de considérer que dans des secteurs, comme par exemple celui de la finance, le français ne serait plus apte à exprimer toutes les notions, et à répondre aux besoins du monde économique et des milieux d'affaires.

Le recours à l'anglais est souvent présenté par les entreprises, comme répondant à une exigence d'efficacité et d'adaptation à l'internationalisation de leur activité, notamment dans la perspective d'une gestion mondiale des effectifs facilitant et privilégiant la mobilité internationale et le renouvellement.

Mais ces arguments qui ont leur pertinence, particulièrement dans de grands groupes globalisés, ne passent-ils pas sous silence des coûts économiques, humains et sociaux qui ne sont cependant pas à négliger ?

Coûts économiques pour l'entreprise : est-on sûr que des dirigeants ou des cadres francophones n'aborderont pas en situation d'infériorité une négociation en anglais, face à des partenaires dont c'est la langue nationale ? La multiplication des offres d'emploi exigeant l'anglais comme langue maternelle, en soi inquiétante, n'est-elle pas d'ailleurs le signe que tous les locuteurs ne sont pas égaux au sein de la « langue globale » ?

Coûts humains : les cadres qui, même en suivant des formations internes de langues, n'arrivent pas à une parfaite aisance, n'osent généralement pas l'avouer, par peur de voir leur avancement ralenti, et leurs perspectives rétrécies.

Coûts sociaux : le poids accordé à l'anglais dans les procédures de recrutement, puis, dans le déroulement des carrières devient un facteur discriminant. Or, seule l'immersion linguistique permet de parvenir à un véritable bilinguisme et tous les milieux sociaux n'y ont pas nécessairement un égal accès. Le handicap linguistique ne contribuera-t-il à bloquer l'ascenseur social ?

? Les atouts d'une défense de la langue française et du multilinguisme

A l'échelle internationale, le développement du multilinguisme peut constituer une alternative crédible à la généralisation du tout anglais.

Les entreprises sont dans l'ensemble bien conscientes de l'atout que constitue, en particulier dans le cadre d'une relation commerciale, la maîtrise de la langue du client . La connaissance de la langue et de la culture de son partenaire est un levier précieux dans le cadre de la conquête de marchés étrangers.

La défense de l'emploi de notre langue dans les entreprises françaises peut en outre s'appuyer sur un certain nombre de leviers positifs :

- la conviction des dirigeants qui peut jouer un rôle déterminant, et qui est encore très présente particulièrement dans certaines entreprises liées ou anciennement liées au secteur public ;

- les pratiques linguistiques dans les instances dirigeantes ; au terme de son enquête, Mme Catherine Tasca note que les conseils d'administration et les comités centraux sont encore des instances bien préservées de la pénétration de l'anglais ;

- la mobilisation des syndicats et des organismes représentatifs des salariés, particulièrement sur les questions de sécurité et sur le bon fonctionnement des instances représentatives du personnel où ils veillent au maintien du français, comme le relève encore Mme Catherine Tasca.

Une récente affaire, jugée le 11 janvier 2005 par le tribunal de grande instance de Versailles, en fournit une illustration significative. La filiale française d'un important groupe international, spécialisée dans la production et la maintenance de matériel médical de haute technicité, distribuait à ses techniciens des documents techniques destinés à les guider dans leurs interventions. Ces documents étaient rédigés exclusivement en anglais, alors qu'ils contenaient des informations dont la bonne compréhension était indispensable à la sécurité de leur destinataire.

Les instances représentatives du personnel de la société les ont attaqués sur le fondement de l'article L. 122-39-1 du code du travail, issu de l'article 9 de la « loi Toubon », qui impose une rédaction en français de « tout document comportant des obligations pour le salarié ou dont des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail » .

Le tribunal a fait droit à cette requête et condamné, sous astreinte, la société à se mettre en conformité avec ces dispositions.

? Les propositions législatives de votre commission

Convaincue de la pertinence de cette mesure dont l'exemple précédent montre pleinement l'utilité, votre commission vous proposera de lui apporter une retouche ponctuelle .

Dans sa rédaction actuelle, la loi prévoit deux exceptions à l'obligation d'une rédaction en français de ces documents : l'une pour les documents destinés à des étrangers, et l'autre pour les documents reçus de l'étranger.

Cette seconde disposition paraît aujourd'hui trop large au regard des objectifs poursuivis par la loi. Qu'ils proviennent ou non de l'étranger, des documents rédigés en langue étrangère sont également susceptibles de constituer une source d'incompréhension ou de gêne pour des salariés français. Or, la mondialisation et la multiplication des groupes de dimension internationale d'une part, et le développement des technologies de l'information et notamment de l'Internet, de l'autre, contribuent à une augmentation sensible du volume et de la fréquence des documents reçus de l'étranger.

Ces considérations conduisent votre commission à recommander une nouvelle rédaction de cette exception, ne dispensant de l'obligation de recourir au français que les documents reçus de l'étranger et destinés à des salariés dont l'emploi nécessite une parfaite connaissance de la langue concernée.

En outre, pour garantir la bonne information des salariés, elle vous proposera de compléter le code du travail pour rendre obligatoire l'emploi du français dans la rédaction de l'ordre du jour et des procès-verbaux des comités d'entreprise, des comités d'établissement et des comités de groupe .

Votre commission souhaite inciter les pouvoirs publics et les entreprises à une meilleure prise de conscience des enjeux que représente l'emploi de la langue française.

- En premier lieu, elle souhaite inciter les services du ministère de l'emploi à assurer un contrôle plus systématique des dispositions de la « loi Toubon » relatives au monde du travail, même si le sentiment prévaut actuellement que les prescriptions relatives au règlement intérieur, aux conventions et accords du collectif de travail sont bien respectées. Votre rapporteur n'est pas sûr que le même optimisme soit de rigueur en matière de rédaction des offres d'emploi, ou des documents adressés aux salariés et notamment des logiciels.

- Votre commission vous proposera, en outre, de compléter le code du travail par un nouvel article L. 432-3-3 destiné à ériger les pratiques linguistiques des entreprises en élément du dialogue social à travers la présentation, devant le comité d'entreprise, d'un rapport sur l'emploi de la langue française .

La présentation de ce rapport ne serait obligatoire que dans les entreprises de plus de 500 salariés. Elle serait facultative dans les autres.

Le monde de l'enseignement et de la recherche

Malgré l'importance que revêtent pour l'avenir de notre langue le secteur de la recherche et de l'enseignement, le rapport sur l'application de la loi de 1994 ne comporte que peu d'éléments susceptibles de montrer dans quelle mesure ses prescriptions linguistiques relatives à ces domaines sont effectivement appliquées, et quels obstacles rencontre leur mise en oeuvre.

? Les tentations de l'enseignement supérieur

Alors que l'article 11 de la loi du 4 août 1994 dispose que le français doit être « la langue de l'enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d'enseignement » , l'administration de l'éducation nationale et plus particulièrement celle de l'enseignement supérieur paraît de plus en plus tentée de s'affranchir de certaines des obligations qui en résultent.

Une volonté d'internationalisation est fréquemment évoquée pour justifier ces décisions. Certains établissements, et en particulier des grandes écoles, voient dans le passage à l'anglais un moyen d'affirmer le caractère international de leur enseignement, notamment dans les disciplines financières et commerciales, avec l'ambition de prendre pour modèle les « masters of business and administrations » des universités américaines.

Ces pratiques souvent présentées comme répondant à la demande de la clientèle étudiante ou professionnelle, sont censées renforcer l'attrait des filières françaises aux yeux d'étudiants étrangers non nécessairement francophones. A l'heure de l'entrée en vigueur du système LMD, l'organisation en France d'enseignements en anglais est présentée par certains comme le seul espoir pour nos établissements et nos universités de reprendre pied dans le marché européen et mondial, et de ne pas se priver d'étudiants étrangers de qualité.

Ces arguments ne font-ils cependant pas bon marché de l'attrait que peut précisément représenter, auprès d'étudiants étrangers francophones, un enseignement supérieur dispensé en français ? Est-on bien sûr que c'est en s'alignant sur l'utilisation de l'anglais, et sur les modèles américains, que nos écoles affronteront dans les meilleures conditions la concurrence qui oppose les établissements d'enseignement supérieur à l'échelle mondiale ? Ces pratiques, si elles se généralisaient, ne contribueraient-elles pas à discréditer en amont les efforts que nous réalisons pour maintenir un important réseau d'enseignement français à l'étranger ? N'apporteraient-elles la preuve que nous ne croyons plus nous-même que notre langue est un vecteur pertinent pour accéder à l'enseignement supérieur ?

Ces dérives ne sont au demeurant pas l'apanage des grandes écoles de commerce, et le ministère lui-même semble parfois y prêter la main, dans le domaine universitaire.

Votre rapporteur a déjà évoqué plus haut l'arrêté du 18 janvier 1994 relatif aux procédures de co-tutelle de thèse avec une université étrangère. Conformément à l'esprit et à la lettre de la « loi Toubon », celui-ci prévoit qu'une thèse préparée en co-tutelle doit être rédigée dans l'une des langues nationales des deux pays concernés, et complétée par un résumé dans l'autre langue. Or, un récent arrêté du 6 janvier 2005 10 ( * ) abandonne ce principe garant du multilinguisme et dispose que « la langue dans laquelle est rédigée la thèse est définie par une convention conclue entre les établissements contractants » ouvrant ainsi la voie, outre aux deux langues du pays concernés, à une troisième langue dont on imagine bien qu'il ne s'agira pas du latin.

Votre rapporteur souhaite que le ministère s'explique sur cette initiative et rapporte un texte qui lui semble contraire à la « loi Toubon » et à l'action que conduit le Gouvernement en faveur du multilinguisme et de la diversité culturelle.

? Le monde de la recherche : un monde perdu ?

A entendre certains scientifiques, le rôle du français dans le développement des sciences se réduirait à la portion congrue.

Dans les échanges entre les chercheurs , l'anglais se serait désormais imposé, dans bien des disciplines, comme la langue exclusive. Ce statut résulterait à la fois du poids des grandes revues scientifiques anglo-saxonnes qui pèsent d'un poids décisif dans la notoriété d'un chercheur et de ses découvertes, ainsi que des colloques où l'anglais s'impose comme langue de référence.

Cet état de fait confirme la nécessité stratégique d'assurer la traduction des colloques organisés en France, et votre commission souhaiterait avoir davantage d'informations sur les actions conduites en ce domaine par le ministère délégué à la recherche et à l'enseignement supérieur.

Dans l'enseignement supérieur et la formation , les menaces sont d'un autre ordre, de nature plus économique, en quelque sorte. Il est souvent moins coûteux pour un éditeur français de traduire un ouvrage anglo-saxon, dont le coût de réalisation aura déjà été amorti par un large lectorat, que de produire un ouvrage français original. Cette pratique, si elle se généralisait, compromettrait à la fois la recherche et l'édition scientifique françaises.

Dans le domaine de la vulgarisation scientifique , en revanche, les revues françaises peuvent continuer de compter sur un lectorat assidu. La difficulté en ce domaine est de pourvoir suffisamment rapidement le lexique français des termes nouveaux dont il a besoin.

Le domaine de l'audiovisuel et du cinéma

? Un rappel opportun du Conseil supérieur de l'audiovisuel

De par l'effet d'entraînement que leur confère leur large diffusion, les médias et en particulier les grandes chaînes de télévision nationales possèdent une forte influence sur l'évolution des pratiques linguistiques des Français, et en particulier des plus jeunes.

Ils constituent en outre, aux yeux de l'étranger, une sorte de vitrine des usages en cours et des expressions en vogue.

Ainsi votre commission est-elle attentive au rôle que ceux-ci peuvent jouer dans la défense de la langue française. Pleinement respectueuse de la liberté d'expression qui doit permettre à chacun de choisir librement les mots qui lui paraissent les plus propres à exprimer sa pensée, elle invite cependant, de façon pressante, le personnel des services de radio et de télévision intervenant à l'antenne à préférer aux termes étrangers leurs équivalents français consacrés par l'usage, et à s'attacher à un usage correct de la langue.

Elle approuve pleinement les termes de la recommandation émise en ce sens par le Conseil supérieur de l'audiovisuel le 18 janvier 2005 .

Le Conseil, qui est investi par l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, de la mission de veiller « à la défense et à l'illustration de la langue et de la culture française » rappelle que l'article 20-1 de la loi précitée (introduit par l'article 12 de la « loi Toubon ») impose l'emploi du français dans l'ensemble des émissions et des messages publicitaires des organismes et services de radiodiffusion sonore ou télévisuelle à l'exception des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles en version originale.

L'emploi du français étant obligatoire mais non exclusif, le conseil précise les conditions que doivent respecter la présentation respective d'un texte en langue étrangère et de sa traduction en français.

La mise au point à laquelle il se livre sur le problème des titres d'émission a retenu toute l'attention de votre commission.

Il rappelle que les marques de fabrique, de commerce ou de service ne sont pas soumises aux dispositions de la loi de 1994, et que ces dispositions s'appliquent notamment aux titres d'émissions qui ont fait l'objet d'un dépôt à titre de marque. Il souligne en revanche très opportunément que l'article 14 de ladite loi interdit aux personnes publiques et aux personnes privées chargées d'une mission de service public d'employer des marques constituées d'un terme étranger, dès lors qu'il existe un terme équivalent en français. Il en déduit très justement que les sociétés publiques de radio et de télévision ne peuvent attribuer à leurs émissions un titre constitué de termes étrangers . Il demande également aux éditeurs de services de télévision et de radios privés de s'efforcer d'utiliser le français dans le titre de leurs émissions, ou, à défaut, de fournir au moins une traduction verbale ou visuelle du titre en vue d'une bonne compréhension par le public.

? Qu'est-ce qu'un film français ?

La sortie en France du film de Jean-Pierre Jeunet « Un long dimanche de fiançailles » et la question de son éligibilité au compte de soutien ont alimenté un débat passionné sur les critères qui font qu'un film peut être considéré comme français.

Certes, ce film dont l'action se déroulait en France autour de la guerre de 1914/1918, avait été tourné en version originale française, avec des acteurs français, mais comme la société 2003 Production qui l'avait produit était contrôlée par un groupe non européen, le bénéfice du compte de soutien réservé aux oeuvres européennes lui avait cependant été refusé.

Sans entrer en détail dans le fonctionnement du compte de soutien, et des financements encadrés de la production cinématographique, votre rapporteur se contentera de rappeler que leur soutien financier est réservé aux oeuvres qui ont reçu l'agrément du Centre national de la cinématographie (CNC). Cet agrément est délivré par le directeur du Centre, après l'avis d'une commission composée notamment de représentants des organisations professionnelles, sur la base de deux séries de critères.

La première série tient aux caractéristiques de l'oeuvre . Le choix de la langue de tournage représente 20 points sur un total de 100, à égalité avec la nationalité des artistes-interprètes et le choix des lieux de tournage et de post-production.

La seconde série de critères est liée aux entreprises de production . Elle prend en compte le siège de la société, la nationalité de ses dirigeants, et pose pour troisième condition l'absence de contrôle par une société étrangère non européenne.

Votre rapporteur se souvient certes du propos d'André Malraux qui concluait une longue analyse consacrée au septième art par les mots « et puis, le cinéma est aussi une industrie ».

Sans méconnaître le sens économique de notre production cinématographique, il souhaite que les critères proprement culturels ne pèsent pas d'un moindre poids que les critères liés au capital dans l'attribution des aides du CNC.

Il ne lui paraîtrait pas choquant , à titre personnel, qu'une « oeuvre d'expression française » pour reprendre une notion familière aux quotas de diffusion télévisée, réalisée par un producteur non européen, puisse bénéficier à un titre ou à un autre d'un soutien financier du CNC.

A l'heure où l'adoption par l'UNESCO de la charte sur la diversité culturelle à la quasi-totalité des Etats représentés, vient de montrer le pouvoir mobilisateur de cette notion à l'échelle mondiale, la France, qui en a assuré la promotion aux côtés de ses amis canadiens, apporterait ainsi le témoignage de l'esprit d'ouverture qui guide sa démarche.

Les transports internationaux

L'article 3 de la loi du 4 août 1994 impose l'usage du français dans les inscriptions ou annonces destinées à l'information du public lorsqu'elles sont apposées ou faites dans un moyen de transport en commun.

Certes, la circulaire du 28 septembre 1999, cosignée par le ministre chargé des transports et par le ministre chargé de la culture, précise que cette obligation s'applique sur le territoire français aux transporteurs publics ou privés, qu'ils accomplissent leur activité dans le domaine de transports nationaux ou internationaux.

Les services de l'aviation civile estiment que les compagnies françaises respectent bien cette obligation pour les annonces effectuées à bord des aéronefs qu'elles exploitent sous leur propre code d'identification, et que les manquements constatés constituent des cas isolés, et conduisent à des rappels à l'ordre systématique .

Ils conviennent cependant qu'il n'en va pas de même pour certaines compagnies étrangères qui recourent souvent uniquement à la langue anglaise dans des vols au départ ou à destination du territoire national.

Ils estiment que les interventions qu'ils sont amenés à réaliser à ce titre sont cependant peu nombreuses.

Votre rapporteur est loin de partager cet optimisme et vous proposera donc de réaffirmer explicitement et solennellement dans la loi que l'emploi du français s'impose également dans les transports internationaux en provenance ou à destination du territoire national.

* 8 - « Les pratiques linguistiques dans les entreprises à vocation internationale. Esquisse de typographie ». CREDOC. Octobre 2002.

« Les pratiques linguistiques dans les entreprises françaises travaillant à l'international ». Observatoire de la formation, de l'emploi et des métiers. Juin 2003

- « Les pratiques linguistiques dans les PME travaillant à l'international ». Ubifrance. Mars 2004.

* 9 Rapport cité p.10.

* 10 JO n° 10 du 13 janvier 2005 - p. 533.

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